Heureux le voyageur de Derek Walcott
( The fortunate traveller)
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Anglophone
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DEREK WALCOTT NOUVEAU CLASSIQUE?
Pratiquement inconnu en Europe avant que l'Académie Suédoise lui attribue le Prix Nobel de Littérature en 1992, Derek WALCOTT (né en 1930) est pourtant une des plus grandes grandes voix de l’Amérique Centrale.
Malheureusement, seuls quelques recueils de Derek WALCOTT ont été traduits et publiés en français : «Le royaume du fruit-étoile» (déjà critiqué par ailleurs sur CL) et celui-ci «Heureux le voyageur» sont les plus connus. Dommage car il s’agit là d’un poète de première importance, avec son lyrisme puissant, véritable «voix» des Antilles, du créole, de Sainte-Lucie son île natale.
On retrouve ici son désir de décrire le monde, le ton est dubitatif, ironique, c’est une réflexion sur la condition du poète dans le monde et sur celle du monde dans la poésie. Il oppose ici une vision, «sa» vision de l’opposition entre le Nord et le Sud. Pour lui un homme du «Sud», le «Nord» (l’Europe, les Etats-Unis d’Amérique) malgré certaines séductions, signifie trop souvent exil, solitude, divorce, mort…
Enfin ? avant de laisser parler le poète, je tiens, encore une fois, à rendre hommage à Claire MALROUX (poète elle-même sous le pseudonyme de Clara Sara ROUX) pour son excellente traduction de l’Anglais de la poésie de Derek WALCOTT.
Extrait du poème «Grèce» :
… Je m’approchai du bord pour jouir de la vue,
Savourant cette vacuité d’air et de mer,
le vent emplissant ma bouche disait le même mot
pour «vent», mais ici il rendait un son différent,
déchirant la mer comme papier, arrachant
mer, vent et mot de leur racine corrompue ;
ma mémoire chevauchait ses rafales.
Le corps que j’avais abandonné à mes pieds
n’était pas un corps en vérité mais un grand livre,
ses pages voletant comme chitons sur une frise,
jusqu’à ce que le vent pénètre sa reliure…
Derek WALCOTT nouveau classique ? Peut-être n’a-t-il eu que le «tort» de sortir le poème de son «ghetto» et de sa «honte» d’être poème…
Les éditions
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Heureux le voyageur [Texte imprimé] Derek Walcott trad. de l'anglais par Claire Malroux
de Walcott, Derek Malroux, Claire (Traducteur)
Circé
ISBN : 9782908024531 ; 16,77 € ; 19/05/1998 ; 168 p. ; Broché
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« Maître, chaque idée se méfie aujourd’hui »
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 2 octobre 2010
Derek Walcott, Prix Nobel de littérature, né à Sainte Lucie, petite île des Caraïbes, raconte l’exil, le voyage forcé, la fuite à laquelle il faut bien se résoudre.
« ….
bidonville ; arrogance, censure et corruption
font paraître l’exil un parti plus heureux que la patrie. »
Et, l’exilé pourra découvrir l’Amérique du Nord au Sud et du Sud au Nord, voyager vers la vieille Europe où de sombres fantômes errent encore, ceux de la pire horreur de l’histoire et ceux qui ont violé la terre des ancêtres. Et, il faudra bien revenir vers ces îles exubérantes dont les desperados, dictateurs en paillettes mais tellement réels et si cruels et les poètes, messies de la paix et au moins témoins des débordements, ont peuplé les toiles hollywoodiennes.
Ainsi, le poète chante les pays qu’il visite, ne s’éloignant jamais de l’élément liquide qui fut son berceau, mettant des mots où les autres mettent des images et dressant une galerie de portraits où l’on croise aussi bien Seferis que James Coburn, Borges que Jean Rhys sa voisine des Caraïbes.
Mais le poète a une mission, il doit dénoncer et Walcott dénonce :
« Maître, chaque idée se méfie aujourd’hui
de son ombre. Un vieil ami chuchote chez lui
comme si elle pouvait le jeter en prison ;
les marchés n’acclament plus, selon leur habitude,
nos milices bottées, camouflées, qui en trombe
passaient sur des camions, les grenades sapotes
poussant à leur ceinture ; des idées en arme
divisent les îles ; sur les places obscures
les poèmes se rassemblent en conspirateurs. »
C’est un poète engagé qui lutte pour la liberté, la démocratie, la justice, les droits de l’homme, toutes valeurs qui n’étaient encore bien souvent que des mots dans ce semis d’îles quand il a écrit ses vers encore blessé par le racisme qu’il a dû supporter.
« Les doigts de la caissière évitent encore ma main
comme si elle allait roussir la sienne – eh oui, je suis un singe,
l’un de cette tribu de délirants ou mélancoliques primates
qui ont forgé votre musique depuis plus de lunes
que dans le tiroir de la caisse toutes les pièces d’argent. »
Malgré, cette blessure, un peu d’aigreur et une certaine forme de découragement, le poète espère avoir lutté, surtout pour la cause des miséreux, de plus en plus nombreux, qui meurent de faim, et témoigné mais, humblement, il demande le pardon pour ce qu’il n’aurait pas fait
« Puisse la dernière lueur du ciel avoir pitié de nous
pour le tenace mensonge si flagrant que nous n’avons pas dénoncé. »
« … Je suis las des mots,
et la littérature et un vieux divan bourré de puces,
las de la culture dont on bourre les peaux de l’empailleur. »
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