Humour et gravité chez Levin

Dans la collection "Théâtre choisi" de Hanokh Levin (encore merci aux Editions théâtrales pour tout cela!), voici un recueil reprenant trois comédies crues: "Tout le monde veut vivre" (1981), "Yakich et Poupatchée (1982) et "La putain de l'Ohio (1978).

Dans la première pièce, le comte Pozna apprend qu'il doit mourir tel jour telle heure, sauf si il arrive à trouver quelqu'un qui veut prendre sa place. Sûr de lui et du pouvoir qu'il exerce sur les siens, il ne doute pas un instant que les volontaires seront nombreux. Que nenni! Personne n'accepte de prendre sa place! Farce tragique qui fait rire mais donne également à réfléchir sur le sens de la vie et l'importance qu'on lui accorde. Vaniteux et ridicule dans sa toute-puissance bafouée, Pozna apprend à ses dépens qu'il est souvent trop tard pour revenir en arrière et modifier le cours de son destin. L'Homme est mortel, son combat contre la mort est vain, quoi qu'il fasse. Pozna fait preuve de brutalité et de violence tout au long de sa vie et en particulier à la fin de celle-ci, lorsqu'il sait que l'heure du départ est là, car il a peur et refuse l'inéluctable. Nous sommes tous un peu des Pozna, quelque part, vivant avec la difficulté d'accepter ce que Nurit Yaari, traductrice et spécialiste de l'oeuvre de Levin, nomme notre "propre finitude".

"Yakich et Poupatchée" et "La putain de l'Ohio" tournent autour d'un thème central: l'impuissance masculine. Dans le premier texte, un homme laid forcé à épouser une femme encore plus laide est incapable de l'honorer et d'assurer la descendance. De nombreuses personnes vont s'en mêler mais rien n'y fait ou alors bien pire; la révélation n'apparaîtra qu'à la fin dans la personne même de la jeune épouse.
Dans le second texte, un marchandage est conclu entre une fille de joie et un client, mais les faiblesses de ce dernier empêchent la transaction et donnent lieu à un long échange verbal. On réalise rapidement que l'amour physique est secondaire et que c'est avant tout d'affection dont ont besoin les protagonistes. La galipette non accomplie ressemble à un rêve inaccompli, un voeu non exaucé; un constat d'échec difficile à avaler.

Hanokh Levin allie ici ses talents de dramaturge à ceux d'auteur de comédie, il mêle le tragique au burlesque en évoquant notre statut de mortel à travers des histoires drôles. Une profonde interrogation sur soi et le caractère éphémère de nos vies, qui passe avec plus de pertinence par ce biais de la comédie crue que par celui d'un exposé philosophique qui n'atteindrait peut-être pas son but.
Levin élabore des scènes réalistes, avec des personnages humains et un contexte spatio-temporel identifiable. Puis tout se brouille, les limites éclatent, l'exagération prend place pour permettre à la teneur du propos d'être mise en valeur au milieu de tout ce brouhaha, parce que dans ces éléments du quotidien, dans ce questionnement sur l'après, nous nous retrouvons tous d'une manière ou d'une autre et c'est qui offre une si grande proximité entre le lecteur/spectateur et l'auteur.
Un Levin drôle et caustique, toujours aussi humain et attachant.

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  Théâtre choisi [Texte imprimé] Hanokh Levin traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz et Jacqueline Carnaud textes d'accompagnement de Nurit Yaari

  de Levin, Hanoch Yaari, Nurit (Préfacier) Sendrowicz, Laurence (Traducteur) Carnaud, Jacqueline (Traducteur)
  Éd. Théâtrales
  ISBN : 9782842602642 ; 18,00 € ; 20/03/2008 ; 188 p. ; Broché

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