L'Amour en Migration de Ghislaine Nelly Huguette Sathoud

L'Amour en Migration de Ghislaine Nelly Huguette Sathoud

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Africaine

Critiqué par Ghalem, le 31 mars 2008 (Inscrite le 31 mars 2008, 67 ans)
La note : 9 étoiles
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L’amour en migration de Ghislaine Nelly Huguette Sathoud

Un roman qui est un véritable plaidoyer pour l’Afrique et les Africaines.

Autobiographie? Histoire inventée ? Roman ? Récit ? Ce qui importe, c’est qu’il s’agit là d’un récit, raconté à la première personne. Comme on se confie en chuchotant avec parfois des éclats de peine et de colère. Une histoire, l’histoire d’une femme qui évoque aussi les destins des autres femmes dans le décor tumultueux et tourmenté d’un pays d’Afrique.
Un ouvrage écrit en toute liberté, donc difficile à classer, mais qui semble se tenir dans la lignée « d’Une si longue lettre » de la romancière Sénégalaise Mariama Bâ. De plus en plus d’Africains et Africaines se lancent dans la création littéraire, mais lorsque les Africaines parviennent à faire entendre leur voix, elles le font finalement au bout d’innombrables difficultés.
Elles s’entêtent contre les vents mauvais du destin qui leur est contraire. Elles sont courageuses quand tout les menace physiquement et psychologiquement. Elles tentent désespérément d’établir des solidarités pour la sécurité des leurs. Fidèles à la culture communautaire de leur société, avec des libertés limitées, elles établissent des réseaux de solidarité par rapport aux sociétés dont la culture se réfère aux droits des individus avec une liberté plus grande, mais l’isolement en partage…
Et puis quel statut pour ce pays, dans un continent qui est plus connu par ses tragédies que par le génie de ses artistes et l’originalité de sa pensée et ses créations ? L’Afrique de la résilience, celle qui chante et qui danse pour conjurer les difficultés existe-t-elle encore ?
Dans ce récit, la narratrice qui a émigré, non, elle n’a pas quitté volontairement son pays, elle a suivi son mari, se pliant à l’autorité de celui-ci qui s’ajoute à celle de sa famille d’origine. Mais voilà, la société d’accueil n’est pas plus facile pour les femmes. En cas de divorce, l’héroïne se retrouve seule face à la machine juridique et au mari entouré de ses compagnons. Car le sort des femmes immigrantes, si elles n’ont pas la chance d’avoir décroché un travail, c’est l’isolement.
Et puis, comme tous les immigrants qui viennent de sociétés où la communauté est importante où les solidarités peuvent se manifester, la surprise est grande de se retrouver isolée dans la société des libertés individuelles.
Un ouvrage peuplé de ces héroïnes que l’on entend trop peu souvent : les femmes Africaines. Un récit sensible avec des personnages décrits avec justesse et finesse. Ghislaine Sathoud plaide la cause des femmes, toutes les femmes mais encore et surtout les femmes Africaines. Elle dénonce le sort injuste qui leur est fait de même qu’à leurs filles, leurs enfants. C’est le plaidoyer haletant, convaincu, passionné d’une Africaine pour les femmes du pays et du continent, prises comme dans une nasse au sein de ce pays fictif ( ?) dont on sait qu’il est en Afrique.
Voilà un ouvrage qui apporte un éclairage nouveau sur une réalité quotidienne dont les racines nous échappent, bien souvent. Ghislaine Sathoud évoque avec sensibilité la vie des femmes d’un pays et peut-être même du continent qui n’en finit plus de payer un lourd tribut à la rapacité du monde.
Ni victimes passives, ni révoltées désespérées les héroïnes de ce roman semblent marcher pas à pas vers un hypothétique mieux être pour elles, leur famille et leur société. Une lecture dont on sort mieux informés, parfois un peu découragés et plus proches de ces personnes que nos télés journaux du Nord nous présentent de façon si dramatique…Et schématique.
Y a-t-il un avenir pour l’Afrique ? Pour ses femmes ? Quel sort attend le continent-berceau de l’Humanité dans le futur ? L’auteure ouvre une fenêtre du côté de l’espoir en déplorant le fait que les journaux du Nord ne parlent pas des artistes et des créateurs du continent. Ce qui fait penser au slogan des Africains Américains qui durant leur révolte des années soixante avaient inventé le slogan : Art is a tool for social change (L’art est un outil de changement social)
Il est vrai qu’au Nord, on semble ne connaître de l’Afrique que les guerres et la misère. Pourtant…
Pourtant que seraient les œuvres de Picasso sans ces sculptures rapportées par des marins du « Continent noir » ? Picasso n’est jamais allé en Afrique, mais l’art africain transparaît dans une centaine de ses créations.
Certaines études directement inspirées de sculptures du Mali, du Congo ou de l’Angola, témoignent de cette influence, de la rupture avec l’académisme européen. Les sculptures africaines sont magiques, révèlent les profondeurs de l’inconscient et celles de la spiritualité. Elles peuvent faire réfléchir ou faire peur... « On ne dessine pas ce que l’on voit mais l’idée de ce que l’on voit ». C’est de ce « choc » d’une conception différente de l’art que naîtra une vision nouvelle, un art moderne. Ce sera aussi le début de la récupération d’objets d’usage courant inspirée de ce que les gens du Nord appellent « L’art nègre ». Cette récupération ou recyclage si à la mode aujourd’hui, au point que ce soit l’apanage des intellectuels et des milieux avant-gardistes. Mais les artistes africains demeurent inconnus… Leurs œuvres ne sont pas toujours signées. Le meilleur exemple est ce phénoménal succès de la chanson « Le lion est mort ce soir » qui a rapporté des fortunes à l’industrie du disque et pas un sou à son véritable créateur : un vacher zoulou nommé Salomon Linda. A
Les exemples pourraient se multiplier à l’infini de la musique au jazz à l’impression de tissus, la sculpture, tout est original, différent, inspirant. Mais cette fenêtre qui permettrait aux Africains et surtout aux femmes Africaines de profiter enfin des richesses, si elle existe, tarde à s’ouvrir. En général, c’est grâce à la littérature que nous avons enfin accès à cette façon crue, robuste, forte de décrire les événements de la vie et peut-être de dire davantage l’idée de ce que l’on décrit.
Depuis « Pleure ô pays bien-aimé » du Sud-africain Alan Paton à « une si longue lettre » de Mariama Bâ que de chemin parcouru ! Des films et des prix prestigieux comme le Noma à Mariama Bâ pourraient faire avancer la reconnaissance du talent Africain et l’enrichissement mutuel des gens du Nord et ceux du Sud.
Mais la vie des Africains et des Africaines est-elle plus facile ? C’est principalement là-dessus que porte la réflexion de Ghislaine Sathoud, elle a déjà publié un essai aux éditions L’harmattan : Les femmes d’Afrique centrale au Québec, dans la collection études africaines
Ghislaine Sathoud, reste préoccupée par le sort des femmes qui vont volontairement ou non, vers l’émigration. Voici, entre autres, ce que dit la narratrice dans son roman : « Je parle essentiellement des femmes comme moi qui viennent d’ailleurs. Pour éviter l’étiquette de femmes assimilées, nous subissons parfois des torts qui n’existent même plus dans nos pays d’origine. Les choses avancent et ce n’est plus comme lors de notre départ… » Ailleurs, la narratrice ne fait l’économie ni des paradoxes, ni des contradictions, mais peut-être est-ce là le tribu « à payer » pour dire une réalité avec toutes ses complexités et ses ambiguïtés. Il n’est jusqu’au personnage de la tante que décrit la narratrice dont le destin n’est pas sans rappeler la géniale auteure d’ « Une si longue lettre » , Mariama Bâ, mère de plusieurs enfants, décédée prématurément, avant la parution de son dernier ouvrage.
Avec son talent de nouvelliste, Ghislaine Sathoud qui sait en quelques traits de plume esquisser une atmosphère un caractère de personnages se lance ici dans le roman, mais ce n’est pas sa première expérience dans ce genre, puisqu’elle a déjà publié : « Hymne à la tolérance », un roman qui parle d’une jeune étudiante venue rejoindre en Occident sa cousine, mais qui ne pouvait pas étudier parce que sa cousine voulait plutôt qu’elle s’occupe des tâches ménagères. Finalement elle se bat et réussi à sortir de cette situation. Le récit à la première personne, permettra-t-il au lecteur de se frayer son chemin entre le réel et l’imaginaire ? Aux personnages de sortir de leur cadre formel pour toucher leur public ? Pour le savoir, il faut lire…

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