Une histoire birmane de George Orwell
( Burmese days)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone , Littérature => Romans historiques
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L'analyse de Patryck Froissart
Titre : Une histoire birmane
Auteur : George Orwell
Titre original : Burmese Days
Traduit de l’anglais par Claude Noël
Editions Ivréa – Paris, 1984
Collection 10/18 – Domaine étranger
ISBN : 2264030364
357 pages
George Orwell a publié ce roman en 1934 sous son vrai nom, Eric Blair.
L’auteur s’inspire de sa propre expérience d’officier anglais en Birmanie de 1922 à 1927.
Le personnage principal, Flory, est le seul « blanc » qui soit quelque peu sympathique dans cette chronique coloniale des Indes britanniques, en dépit, ou à cause de ses hésitations, de sa lâcheté, de sa veulerie, de sa propension à agir en fonction des convenances hypocrites et à rentrer dans les rangs de sa communauté, ce qui le conduit à se comporter en contradiction avec sa propre vision de la justice, et l’amène au mépris de soi.
Flory, dont le célibat est mal vu, vit juste à la marge de cette société coloniale de Kyautkada, dont il hait les petitesses, et le racisme exacerbé, et la suffisance, et les peurs, mais il ne se résout pas à rompre avec elle, et il fréquente, à contre cœur mais avec assiduité, le cercle, le Club, où se réunissent chaque soir les colons aigris par leur exil volontaire, et où on lui reproche férocement d’avoir pour ami un médecin indigène et pour compagne une jeune birmane.
Flory tombe amoureux d’une pimbêche anglaise, Elizabeth, orpheline sans le sou, qui débarque brusquement à Kyautkada chez sa tante, et que la communauté veut marier au plus tôt. Mais, maladroit, aveugle, prenant Elizabeth pour une jeune fille instruite prête à partager ses opinions non conventionnelles, Flory est peu à peu repoussé par la nouvelle venue, qui adopte sans réserve l’idéologie de la communauté blanche, et s’amourache d’un officier de la police coloniale, qui l’engrosse et disparaît sans un adieu.
L’histoire d’amour, classique, se déroule dans une atmosphère lourde de haines, de jalousies, de cruautés, de sadisme des blancs à l’encontre des autochtones, de révolte et de volonté de vengeance de la part de ces derniers, mais aussi, pour certains d’entre eux, de manigances pour se faire accepter comme pairs, en obtenant par exemple le droit de devenir membres du Club, ce lieu central du roman qui cristallise toutes les envies des uns et les privilèges des autres.
Le ton est juste. Rien ne semble exagéré. Nous ne sommes certainement pas dans la caricature. George Orwell dépeint ce temps, ce lieu, ces hommes et ces femmes tels qu’ils ont été, n’en déplaise à ceux qui voudraient nous faire croire aux bienfaits de la colonisation…
Patryck Froissart, Boucan Canot, le 20 octobre 2007
Les éditions
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Une histoire birmane [Texte imprimé] par George Orwell trad. de l'anglais par Claude Noël
de Orwell, George Noël, Claude (Autre)
10-18 / 10-18
ISBN : 9782264030368 ; 60,99 € ; 23/10/2001 ; 357 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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Les petites mains de l'empire britannique
Critique de CC.RIDER (, Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans) - 15 juillet 2023
« Une histoire birmane » est un roman classique et bien écrit dans le style riche et descriptif du début de l’autre siècle. Il mêle agréablement les observations politiques et sociales sur la réalité quotidienne de la colonisation à l’anglaise (on sent d’ailleurs que beaucoup de détails et de situations ont été croquées sur le vif, Orwell ayant été lui-même plusieurs années fonctionnaire territorial dans ces contrées lointaines), mais aussi les intrigues amoureuses plus ou moins ratées, la solitude de cette poignée de Britanniques, leurs attentes, leurs déceptions et jusqu’aux petitesses de leurs vies finalement pas si heureuses que cela. Orwell ne tombe pas dans le piège du manichéisme éculé. Pas de méchants colons d’un côté et de gentils colonisés de l’autre, mais des êtres de chair et de sang avec des bons et des nettement moins bons de chaque côté de la barricade. Et même de vraies crapules qui jettent de l’huile sur le feu et jouent les pompiers pyromanes ! On ne la fait pas à ce fin observateur qu’était Orwell. Ouvrage à conseiller ne serait-ce que pour découvrir ce qu’était vraiment la colonisation entre les deux guerres mondiales, ses véritables grandeurs et servitudes mais aussi ses lâchetés et ses mesquineries, sans parler du racisme des uns et des autres.
Premier pas d'Eric Blair vers George Orwell
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 14 juillet 2023
Que du beau monde!
Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 3 décembre 2013
La première édition de Burmese Days , traduite sous le titre La tragédie Birmane , avait été publiée en France en 1946.
C'est une histoire tragique qui se déroule dans une petite ville du nord de la Birmanie. Quelques individus y tournent en rond , les réunissent l'ennui , l'alcool, et le dégoût de la race inférieure indigène.
Le personnage central, Fleury, est sans doute le seul que je sauverais de ce gâchis. Ce n'est pas un mauvais bougre, mais il a une très mauvaise image de lui, et est, forcément, très soucieux du regard posé sur lui. Il aime la Birmanie, il a des amis indiens, mais les soutenir publiquement est au dessus de ses forces.
Mais il ne faut pas croire que ce soit plus sain de l'autre côté où la corruption règne.
C'est un livre tout à fait autobiographique. Né au Bengale, Eric Blair est rentré à l'âge d'1 an en Angleterre. Son père est employé des services de lutte contre l'opium; la famille de sa mère fait du commerce en Birmanie.
Et à 19 ans, il s'engage dans la police impériale indienne... Il sera policier en Birmanie pendant ces 5 ans, et c'est bien là, en Birmanie, que sa lucidité devant les injustices en a fait l'écrivain qu'il est devenu.
C'est un livre que j'ai mis longtemps à lire, non pas parce qu'il est difficile, pas du tout, bien au contraire, les descriptions si justes de cette bêtise humaine n'ont pas pris une ride, et pourraient être transposées à notre époque dans n'importe quel petit cercle fermé. Rien n'a beaucoup changé, hélas.
Mais parce que baigner dans cet univers est assez pesant ( se rajoute le poids de la nature, la jungle, très étouffante..) que le pauvre Fleury me faisait pitié, et que je craignais la fin. Je l'ai fini, pas de surprise...
Très bon et réaliste document, beau et triste roman.
Un extrait:
" Ah, docteur, soupira Fleury, étendu sur sa chaise longue, quelle joie de me retrouver ici après ce fichu Club! Quand je viens vous voir, j'ai le sentiment d'être un pasteur non conformiste en goguette qui ramène une putain de la ville. C'est si bon de se sentir en vacances, loin de ces gens là- il pointa un talon en direction du Club- de mes bien-aimés collègues bâtisseurs d'Empire.
Le prestige britannique , le fardeau de l'homme blanc, le pukka sahib sans peur et sans reproche et tout le bazar! Ca soulage, une petite parenthèse comme ça.
- Allons, allons, cher ami, voyons, je vous en prie!Ce n'est pas bien! Il ne faut pas dire des choses pareilles de ces honorables gentlemen anglais.
- On voit bien docteur, que vous n'avez pas à supporter les propos de ces honorables gentlemen. Moi, je les ai supportés jusqu'à la limite de ma patience: Ellis et ses "sales nègres", Westfield et ses plaisanteries, Macgregor et ses citations latines éculées et ses " veuillez donner quinze coups de fouet au porteur"......
... - Ecoutez, monsieur Flory, vraiment, il ne faut pas parler comme cela! Pourquoi dites-vous toujours du mal des pukkha sahibs, comme vous les appelez? Ils sont le sel de la terre. N'oubliez pas les grandes choses qu'ils ont réalisées , n'oubliez pas les grands administrateurs qui ont fait de l'Inde britannique ce qu'elle est..... Voyez la noblesse de sentiments des gentlemen anglais! Leur admirable loyauté les uns envers les autres! Même ceux d'entre eux dont le comportement n'est pas des plus louables- car certains Anglais sont effectivement arrogants, je vous l'accorde- ont les grandes, les solides qualités qui nous manquent, à nous autres Orientaux. Sous leur écorce rugueuse, ils ont des coeurs en or.
- Disons de plaqué or. Il y a entre les Anglais installés dans ce pays une sorte de camaraderie complètement bidon. C'est pour nous une tradition que de nous saouler la gueule de conserve , d'échanger des invitations à dîner et de faire semblant d'être amis, alors que nous nous haïssons cordialement. Nous appelons ça nous serrer les coudes. Il y a là une nécessité politique. C'est la boisson, bien sûr, qui fait tourner la machine; sans elle , nous deviendrions tous fous furieux et nous nous mettrions à nous entretuer au bout d'une semaine. Tenez, docteur, voilà un beau sujet pour un de vos essayistes distingués: De la boisson en tant que ciment de l'Empire!
Le docteur secoua la tête.
" Je ne sais vraiment pas, monsieur Flory, ce qui vous rend cynique à ce point. C'est horriblement gênant. Un gentleman anglais si doué, si comme il faut, tenant des propos séditieux dignes du Patriote birman!
- Séditieux? dit Flory. Je ne suis pas séditieux le moins du monde. Je ne veux absolument pas que les Birmans nous éjectent de ce pays. Le ciel nous en préserve! Si je suis ici, c'est pour faire de l'argent, comme tout le monde. Je suis contre ce vieux canular de fardeau de l'homme blanc, voilà tout. Je refuse de poser au pukka sahib. C'est assommant. Ces pauvres connards du Club eux- mêmes pourraient se révéler un peu plus vivables si, tous autant que nous sommes, nous ne vivions pas dans un perpétuel mensonge.
- Quel mensonge, cher ami?
- Mais, voyons, celui qui consiste à prétendre que nous sommes ici pour le plus grand bien de nos pauvres frères de couleur, alors que nous sommes ici pour les dépouiller, un point c'est tout. Je suppose que ce mensonge est on ne peut plus naturel. Mais il nous corrompt de diverses manières que nous n'imaginons même pas. Nous avons constamment le sentiment d'être des spoliateurs, des menteurs; ce qui nous rend coupables et nous amène à nous justifier sans trêve ni répit. C'est là le fondement d'une bonne partie de notre conduite infecte à l'égard des indigènes. Nous pourrions être à peu près supportables, pour peu que nous voulions bien admettre que nous sommes des voleurs et que nous continuions à voler sans complexes...
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