Angel de Elizabeth Taylor
( Angel)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Tout le contraire d'un ange
Quel dommage, impossible d'avoir la couverture de la nouvelle édition de ce roman (l'affiche du film de François Ozon, sorti le 14 mars 2007).
Capricieuse, lunatique, égocentrique, ingrate, blessante, orgueilleuse, autoritaire, rancunière, méprisante, paranoïaque, aveugle à tout ce qui l’entoure, insensible à la souffrance des autres, à l’exception de celles de son chien et de ses chats, en un mot… odieuse…voilà ce qu’est Angel Deverell, l’héroïne étonnante de ce roman.
Angel (diminutif d’Angelica) a 15 ans au début du roman. Nous sommes en 1900. Son père est décédé, sa mère s’occupe seule de son petit commerce tandis qu’Angel se laisse dorloter ou boude parce qu’elle ne peut pardonner à ses parents leur médiocre extraction.
Sa vie lui semble tellement dépourvue d’intérêt qu’elle s’invente des origines aristocratiques, un manoir familial (qui n’est autre que celui où sa tante est femme de chambre) au risque de s’aliéner toutes ses camarades d’école et les clientes de l’épicerie familiale. Elle fait honte à sa mère et à sa tante, ce dont elle n’a cure.
Renonçant à poursuivre ses études (peu avancées), elle s’enferme dans sa chambre pour écrire les aventures qu’elle aurait souhaité vivre.
Grâce à son opiniâtreté, Angel réussit à se faire publier à Londres sans que l’éditeur –qui trouve que le récit est un peu « too much »- ne change le texte d’un iota. Et c’est ce roman extravagant qui la lance dans le milieu londonien. Dès lors, Angel devient un écrivain à succès, s’éloignant ainsi chaque jour davantage du monde réel. L’argent gagné lui permettra de réaliser ses rêves.
Elle martyrisera tour à tour sa mère, son éditeur, Nora (sa belle-sœur dévouée quasi réduite en esclavage) et tous ses domestiques, bien sûr.
Un seul être comptera pour elle, Esmé, jeune peintre fauché, homme veule et inconsistant qu’elle épousera, entretiendra et chérira au-delà de la mort.
Elizabeth Taylor (1912-1975) réussit magistralement ce portrait de femme à la fois antipathique et parfois touchante, tant elle est dévorée par ses démons. Il y a presque du Brontë dans ce roman, ce qui n’est guère étonnant car l’auteur semble, dans certains de ses romans, très habitée par les célèbres sœurs.
L’auteur fait également une peinture impitoyable de la société anglaise du début du XXème siècle, du fossé qui existe entre les classes laborieuses et l’aristocratie dominante qui possède les terres et vit dans le luxe et l’insouciance. Cela a-t-il vraiment changé ?
Elizabeth Taylor a pris pour modèle une romancière née en 1885 comme son héroïne, une certaine Marie Corelli, auteur de best-sellers dans les années 1920 et au-delà, qui n’est pas, pour ce que j’en sais, passée à la postérité.
Un roman assez noir et cruel qui, lors de sa publication en Grande-Bretagne en 1957, avait été jugé comme l’un des meilleurs de l’après-guerre.
Ce n’est pas le roman de Mrs Taylor que je préfère, sans doute à cause de son côté désespéré.
C’est en tout cas celui qui a séduit le réalisateur français, François Ozon, qui vient de l’adapter au cinéma. Grâce à lui, les éditions Rivages viennent de rééditer ce roman.
Les romans de Mrs Taylor ont presque tous été réédités en Grande-Bretagne en 2006 et il semble que les éditions Rivages se lancent aient décidé d'en faire autant.
A noter : la préface remarquable de Diane de Margerie intitulée « Grandeur et déchéance de la folie égocentrique ».
Quelques extraits sont indispensables pour juger du style de l’auteur, tout en dérision et en ironie mordante.
« Angel, qui n’avait jamais souffert pour aucun être au monde, ne pouvait guère s’intéresser à la petite Vera de Mme Baker, hospitalisée avec la diphtérie et en danger de mort ; mais en songeant à la femme de son histoire, elle sentait des larmes brûlantes lui monter aux yeux. »
« …tout en lâchant pied devant la vérité, (Angel) se sentait contrainte de réitérer la question encore et encore, comme un enfant qui monte, tremblant de peur, un escalier obscur, et répète « bonsoir, bonsoir », pour conjurer le danger par la parole. »
Très belle traduction de Tina Jolas.
Les éditions
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Angel [Texte imprimé] Elizabeth Taylor préf. de Diane de Margerie trad. de l'anglais par Tina Jolas
de Taylor, Elizabeth Margerie, Diane de (Préfacier) Jolas, Tina (Traducteur)
Payot & Rivages / Rivages poche (Marseille).
ISBN : 9782869304468 ; 2,00 € ; 01/04/1991 ; 365 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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Grandeur et décadence d'une romancière
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 4 juin 2007
Il reste que c’est un excellent roman très divertissant bien que parfois, j’avais l’impression de lire un roman Harlequin tant certains dialogues étaient creux. J’avoue m’être un peu ennuyée mais le plaisir éprouvé compense largement les passages plus faibles et les défauts du livre.
Très british
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 20 avril 2007
Cette histoire ne manque pas de romanesque et se lit avec beaucoup de plaisir, l'auteur décrit très bien et avec humour la société anglaise du début du 20ème. La classe inférieure et la mesquinerie des petites gens à l'affût des ragots, ainsi que l'égoïsme des classes élevées. Un roman sombre et désespéré donc mais qui n'est pas dépourvu d'humour, je pense aux relations entre Angel et sa dame de compagnie et son jardinier par exemple. C'est le deuxième de Elizabeth Taylor que je lis et je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin. A noter aussi l'introduction de Diane de Margerie, la spécialiste de Edith Wharton, mais qui semble moins inspirée par E. Taylor : en tout cas sa préface est très courte et ne contient pas grand chose d'intéressant.
Une vie dans l'illusion
Critique de Malic (, Inscrit le 9 décembre 2005, 83 ans) - 1 avril 2007
Dans « Madame Bovary », Flaubert disait qu’il avait voulu montrer les effets néfastes du romantisme sur une âme vulgaire (ou naïve). Avec « Angel », dont le personnage est une sorte de Bovary "littéraire", Elisabeth Taylor dénonce le repli sur soi, le narcissisme, le refus du réel. Elle le fait sans jamais verser dans la caricature que les excès du personnage auraient pu entraîner. Et si elle se montre très critique envers la littérature d’Angel, en revanche elle ne méprise jamais son héroïne, pour laquelle elle éprouve sans doute, et à sa suite le lecteur, beaucoup de compassion.
Angel est en fin de compte une handicapée du coeur, incapable de donner et de recevoir. Très symbolique à ce titre, la scène où elle offre à un journaliste de passage, des fruits de sa serre, fruits qui se révèlent pourris. Elle ne tolère les autres que dans la mesure où elle peut en faire ses esclaves et ne voit les évènements qui se déroulent autour d’elle qu’à travers le prisme de son égoïsme.
Elisabeth Taylor, romancière subtile et attentive aux êtres autant que femme discrète — elle s’avouait très gênée de son homonymie avec la tapageuse actrice — est tout à l’opposé d’Angel et de sa conception du roman. Pourtant elle se reconnaît sûrement quelque peu en elle en tant que romancière. Avec ses aventures de pacotille écrites dans un style ampoulé, Angel est sans doute un écrivain exécrable mais un écrivain quand même par son besoin d’écrire, sa conviction et sa sincérité car si elle apprend rapidement à tirer profit de ses livres, elle n’en écrit pas moins avant tout pour elle.
Un roman parfois drôle et souvent pathétique, très riche et très romanesque, ce qui n’est pas forcément un pléonasme.
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