Les arpenteurs du monde de Daniel Kehlmann

Les arpenteurs du monde de Daniel Kehlmann
( Die Vermessung der Welt)

Catégorie(s) : Littérature => Romans historiques , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sahkti, le 1 février 2007 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 201ème position).
Visites : 5 771  (depuis Novembre 2007)

Des hommes de science

Beaucoup de fantaisie et d'érudition dans ce roman de Daniel Kehlmann qui imagine une improbable confrontation entre Carl Friedrich Gauss et Alexander von Humbolt. Nous sommes en 1828 à Berlin, lors d'un congrès de naturalistes. Kehlmann, à travers cette rencontre, décrit avec moult détails (et beaucoup d'imagination) ces deux savants, leur ambition, leur travail et leurs petites manies. La rencontre sera courte, une simple soirée, c'est dommage mais c'est déjà bien. Daniel Kehlmann privilégie les parcours individuels et aborde séparément la vie des deux scientifiques, tout en les mettant en parallèle, de manière romancée, rappelons-le, ce n'est pas une véritable biographie.
C'est drôle et très intéressant et j'aime la manière avec laquelle l'auteur dépeint ces personnages et les rend si humains. Des êtres étouffés par le travail, un besoin certain de reconnaissance, la soif de découverte et une pression souvent insupportable à l'égard des autres, trop souvent considérés comme responsables de leurs malheurs et autres échecs.
Von Humbolt se dévoue sans compter à ses voyages et ses explorations socio-géographiques, tandis que Gauss cherche et cherche encore de nouvelles réponses à de nouvelles questions mathématiques.
Ce roman représente beaucoup de choses en même temps: il mêle le genre biographique au roman d'aventure, avec des allures encyclopédiques et une réflexion philosophique sur le savoir et le succès. D'autres questions sont également soulevés comme l'évolution de la science et ses liens avec la société, notamment économique. Savoir trop peut-il rendre malheureux? Est-il possible de s'arrêter de penser? Beaucoup d'interrogations dans cet ouvrage que je trouve bien écrit, plein de vie et d'une ironie bienvenue. Une lecture agréable qui permet de contempler l'homme de science sous un jour quelque peu différent, plus proche du commun des mortels.

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Celui du courant et celui de la courbe

8 étoiles

Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 75 ans) - 22 août 2009

Deux personnages étranges qui démontrent en quelque sorte que l’on peut être un grand homme tout en restant petit (et donc amusant). Cette idée – banale – paraît entraîner un vice-versa rassurant. Pourquoi se le refuser ?


On apprend plein de choses sur les connaissances de l’époque (par exemple sur la question des parallèles dont on se demande si elles vont ou non se toucher quelque part, sur la somme des angles d’un triangle qui n’est pas forcément égale à 180°, ou sur le canal naturel de l’Orénoque à l’Amazone…eh non, ce n’est pas impossible) et on s’amusera au passage.


Gauss a horreur des contraintes sociales et fait ce qu’il faut pour s’en extraire lorsqu’il se trouve à une réception officielle : « Gauss calcula rapidement que chez lui il lui faudrait à peu près un an et sept mois pour rencontrer autant de gens. Il voulait rentrer à la maison. La moitié des hommes portaient l’uniforme, un tiers la moustache. Seul un septième des personnes présentes étaient des femmes, seul un quart d’entre elles avaient moins de trente ans, seules deux n’étaient pas laides, et il n’y en avait qu’une seule qu’il aurait volontiers touchée, mais quelques secondes après sa révérence elle avait déjà disparu. »

Le dialogue entre Humboldt et un lama (non, pas l’animal quand même) vaut lui aussi le détour, ou encore son entrevue avec le président des Etats-Unis.


L’humour n’empêche pas la gravité. Gauss se lançant dans les statistiques sur la mortalité : « On croyait toujours (…) être maître de sa destinée. On créait et on découvrait des choses, on achetait des biens, on trouvait des gens qu’on aimait plus que sa propre vie, on engendrait des enfants, peut-être intelligents, peut-être idiots, on voyait mourir la personne qu’on aimait, on devenait vieux et stupide, on tombait malade et on finissait sous terre. On pensait avoir tout décidé soi-même. Seules les mathématiques nous montraient que nous avions toujours suivi le mouvement. »

Ou bien :
« C’était étrange et injuste, dit Gauss, et une illustration parfaite du caractère lamentablement aléatoire de l’existence, que d’être né à une période donnée et d’y être rattaché, qu’on le veuille ou non. Cela donnait à l’homme un avantage incongru sur le passé et faisait de lui la risée de l’avenir. »
Puis, vieillissant : "Vieillir n’avait rien de tragique. C’était ridicule."
Voilà qui rassure...

Mesurer et parcourir

9 étoiles

Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 9 mai 2009

Bon sujet de roman que d’avoir fait se rencontrer deux éminents scientifiques du 19e siècle , qui se ressemblent mais sont bien sûr aussi différents .

Cousins par le moteur de leur vie, leur obsession basée sur les nombres, celle de compter, d’évaluer, un peu misanthropes aussi, mal à l’aise face aux hommages, dans les cérémonies données en leur honneur , ils illustrent à eux deux le double sens du verbe arpenter : mesurer et parcourir

L’auteur donne à chacun un compagnon qu’ils rabrouent et vis-à-vis duquel ils sont un peu méprisants : Emile pour Gauss, Bonpland (qui revendique l’appellation de« collaborateur » et non d’assistant ) pour Humboldt . Par leur caractère ordinaire ou leur médiocrité ils fonctionnent comme des révélateurs de l’intelligence des deux héros .

Ils ont vécu leur enfance au sein d’une famille d’origine sociale bien différente et représentent chacun un type de savant : Gauss : « Prince des Mathématiciens » , le Mozart des sciences pour sa précocité, est l’exemple de l’intellectuel savant dans sa tour d’ivoire , alors que Humbolt « l'homme qui sait tout » sorte de professeur Tournesol, figure l’homme de terrain qui n’a de cesse de parcourir le monde pour le mesurer .

A la fois ouvrage de vulgarisation et d’aventures , le roman met en scène les rapports de l’homme de science et du pouvoir dans la période qui suit le siècle des Lumières et traduit les modes de pensée qui s’affrontent . Humboldt représente le rationalisme dont l’objet est la connaissance du monde extérieur et le lama rencontré en Chine, la pensée métaphorique , dont l’objet est la connaissance du monde intérieur .

Un sujet, à priori ardu, pointu, mais qui donne lieu à un récit allègre, non dénué d’humour, dont le style (bravo au traducteur) rappelle celui de Voltaire dans ses Contes Philosophiques .

Sciences sans conscience...

7 étoiles

Critique de Monito (, Inscrit le 22 juin 2004, 51 ans) - 31 mars 2009

Parcours initiatique à deux voix, deux voies du Baron Humboldt et du Mathématicien Gauss, deux chemins parallèles qui finalement se croisent, deux vies tellement différentes, faites d’aventures, de voyages pour l’un et d’isolement et d’hermétisme voire d’ « ermétisme » pour l’autre, consacrées toutes deux au savoir, à la science, à la découverte, ce roman se lit comme un roman d’aventures. Des galeries de personnages un peu à part du monde et dont l’originalité qualifie peut-être le caractère scientifique qui m’est tellement étranger.

Un bon moment de littérature d’évasion.

avec tant d'étoiles lumineuses, pourquoi le ciel est aussi sombre ?

6 étoiles

Critique de Bertrand-môgendre (ici et là, Inscrit le 9 mars 2006, 68 ans) - 29 mars 2008

Écriture claire, assaisonnée de dialogues brefs fondus dans le courant limpide de ce récit bien documenté.
Kehlmann distille son sens de la formule au gré des anecdotes quelque peu ironiques. Il raconte l'histoire d'hommes particulièrement originaux pour susciter l'intérêt du lecteur ouvert aux extravagances.

« Dès lors que l'on a peur d'une chose, il est judicieux de la mesurer ». Voilà posé le thème du roman, car « la crainte devant l'inconnu limite notre courage ou le transcende ».
Le sujet principal demande à l'auteur, une recherche conséquente abordant des sujets pointus comme les mathématiques, l'astronomie, l'histoire, la géographie. Il s'est plongé dans les archives volumineuses, diverses et multiples.
Tout l'art du chercheur est de synthétiser ses trouvailles au point de ne pas laisser paraître son travail de fond, et surtout de les mixer à la sauce pédagogue pour séduire son lectorat.

Défaut de jeunesse ? Manquement à l'humilité des âmes simples, Kehlmann commence son livre en étalant outrageusement sa culture par l'entremise de multiples références ennuyeuses à souhait. (J’ai bien précisé : dans le premier chapitre)
L'apprentissage des hommes passe par l'effacement de soi-même, se rendant ainsi, disponible, à l'écoute des autres. Le nombre de livres cité est relativement important.
Son écriture ressemble à une nécessité de joncher le récit, à intervalles réguliers, de références livresques. Je ne vais pas ici vous affliger l'énumération. Ou alors, c'est une manière sournoise (genre clin d'oeil) d'arpenter son écriture.

Dès lors que Kehlmann nous entraine dans son aventure, libéré de toute contrainte, il exulte.
Agréable à suivre, le récit est source de découvertes.

Que faut-il entendre par la réflexion de Humbold page 219 qui critique ouvertement les artistes ? :
« ...des romans qui se perdaient en fabulations mensongères parce que leur auteur associait les idées saugrenues aux noms des personnages historiques... » propos renforcé par l'acquiescement de son interlocuteur « Répugnant dit Gauss ! ».
Kehlmann serait-il assez subtil, pour réaliser sa propre auto-critique ? Je le pense. Ce qui conforte mon impression d'avoir lu le roman d'un grand écrivain.

Un joli mot pour finir : « quelques encouragements aident plus que tous les reproches du monde. Il ne faut pas trop être sévère parfois ».

Décidément le réalisme de Kehlmann me plait.

Le prince des mathématiques

7 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 23 novembre 2007

C'est le prince des mathématiques, le célèbre Gauss et sa courbe en cloche, qui est le héros de ce roman. Avec un autre scientifique célèbre (même si je ne le connaissais pas), le baron on Humbolt, qui est un naturaliste génial, un scientifique éclectique et haut en couleur. L'auteur raconte en alternance les aventures de l'un et l'autre, avec pas mal d'humour. C'est surtout les voyages improbables de l'aventurier von Humbolt qui m'ont amusés, par contre je ne suis pas vraiment entré dans la vie de Gauss, personnage plutôt rébarbatif, tout aussi névrosé que son collègue mais moins humoristique.

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