La touche étoile de Benoîte Groult
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Quand on s’éloigne d’une côte en bateau
« Les vieux n’ont pas seulement soixante-dix ans, ils ont encore leurs dix ans et aussi leurs vingt ans et puis trente et puis cinquante et en prime les quatre-vingt piges qu’ils voient déjà poindre. »
Les vieux cumulent en eux tous les âges de la vie. Benoîte Groult le montre en étant à la fois une vieille dame et sa fille, mais toujours une féministe…assez amère sur l’état actuel de la question. Et je partage cette amertume. Elle dénonce les stéréotypes toujours vivaces et à l’œuvre dès le plus jeune âge. Au passage, elle fait un sort aux dieux, louant ceux de l’Olympe (…), « joyeux coquins, jouisseurs et amoureux de la Création sous toutes ses formes ; ou bien les divinités païennes. Les autres, les monothéistes, fieffés machos égocentriques et despotiques, n’ont jamais rien compris au bonheur ». Elle fustige la mode revenue des talons aiguille dont le but est clair : « interdire aux filles le bonheur de courir, l’intégrité de leur corps, la liberté en un mot ».
Et elle nous transporte d’une époque à l’autre, explorant au passage le bouillonnement des années post-soixante-huitardes qui brandissaient la liberté sexuelle dans les couples : « Nous prétendons mépriser la jalousie qui en secret nous ronge les sangs ; nous souffrons en somme comme au temps de Racine, tout en professant les théories de Sartre et de Beauvoir ». Pas faux bien sûr, mais, et là c’est moi qui l’ajoute, au moins ne trompions nous jamais le conjoint : il était le premier informé, parfois même avant le tiers qui allait « bénéficier de nos faveurs ».
C’est surtout peut-être un livre qui nous parle de la vieillesse, des difficultés dans les vieux couples et de leurs « lassitudes devenues insolubles dans la tendresse », du fait que « A partir d’un certain âge, on ne tombe pas malade tout seul, dans un couple ». Et elle le fait avec humour. C’est à la fois déchirant et drôle. Sans doute même déchirant parce que drôle.
C’est un roman aussi, un excellent roman, avec des personnages qui vibrent en équilibre sur la vie. Mais l’argumentation est toujours là. Le plaidoyer toujours véhément. Contre la société anti-vieux, anti-femmes, anti-liberté. Elle nous parle tellement bien de nous-mêmes finalement, de nos craintes cachées mais communes, de nos amours imparfaites et complexes, de nos grandeurs et de nos lâchetés. Et aussi de l’horreur absolue des désamours de vieux…qui sont forcément sans appel.
La rage anti-connerie aboutit à des pages très drôles dénonçant la bêtise d’une certaine modernité. L’épisode de l’achat d’une nouvelle plaque de cuisson « à induction » est un délice. La vieille dame s’irrite parce qu’on lui a vendu un objet qui l’oblige à changer non seulement ses habitudes mais sa batterie de casseroles, et elle s’écrie, rageuse, que pour elle l’induction c’est le contraire de la déduction : « Pour moi, votre induction, c’est de la merde. Vous voyez, voilà un bel exemple : je généralise à partir d’un seul cas ! C’est ça, l’induction. »
Un très beau livre. Et je ne vous ai rien dit de la fin. On a rarement fait un fin qui en soit autant une.
Emouvant, c’est tout.
Un livre qui vous change un peu plus que les autres livres.
Mais sans doute l’apprécie-t-on encore mieux quand on traîne déjà quelques années derrière soi, parce que :
« Quand on s’éloigne d’une côte en bateau, on la découvre soudain différemment. Les criques, les caps, les plages forment peu à peu un ensemble qui n’est pas la somme de ses composantes.
L’âge aussi est une manière de s’éloigner : on commence à percevoir sa vie comme un tout, qui n’est pas forcément la juxtaposition des événements qui l’ont constitué. Chacun a retenti sur le suivant et le suivant l’a modifié en retour, si bien qu’on ne distingue plus hier ou demain, le commencement ou la fin de sa jeunesse, mais un tableau global d’où commence à se dégager une sorte de signification. »
Benoîte Groult, c’est une sacrée grande dame et elle nous a fait un sacré bon livre.
Les éditions
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La touche étoile [Texte imprimé], roman Benoîte Groult
de Groult, Benoîte
B. Grasset
ISBN : 9782246670315 ; 19,90 € ; 30/03/2006 ; 283 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (8)
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Savoir vieillir
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 17 septembre 2017
Triste, si triste !
Critique de Aria (Paris, Inscrite le 20 juin 2005, - ans) - 2 septembre 2009
Sur moi, ce livre a eu un effet très éprouvant : j'ai eu l'impression de prendre 20 ans de plus. Ca m'a déprimée au plus haut point.
De plus, quand on a connu la Benoîte Groult d' il y a 20 ans, ses romans frais et gais, comment apprécier ce "jus" de chaussette.
Je n'ai rien compris, qui était qui, qui avait un amant en Irlande ??? Benoîte, je suppose.
C'est triste, car on dirait qu'il n'y a plus personne pour dire à Benoîte : écris pour toi, mais ne t'escrime pas à vouloir publier. Allez Benoîte, tu peux encore faire plein de choses, va en Irlande, balade-toi ! Mais n'inflige à personne ce type de récit déchirant : on ne peut être et avoir été !
Presto l'euthanasie légale
Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans) - 31 août 2009
J’ai bien aimé le passage sur la relation mère/fille « le petit refuge où nous venions hors saison respirer l’iode et l’odeur du goémon.». Aussi des liens entre sœurs « ces fous rires contractés dans l’enfance. Il suffisait de se regarder pour repartir de plus belle ». Il faut avoir eu une bonne maman et bénéficier de frères et sœurs pour se remémorer ces bons moments. Et que dire des mentions de tout ce qu’elle a trop aimé « Xavier, Marion et Maurice. Trop aimé également le jardinage et pêcher à pied ou en bateau, avec Marion à l’île verte ». Alice a vécu une vie intéressante et mouvementée, sans oublier les 30 ans de lettres d’amour de Brian. Celui-ci entreposait toutes ses lettres chez son ami pour ne pas qu’elles tombent entre les mains de sa femme et de son fils. Alice se sentant incapable de les brûler, comme si sa culpabilité d’une liaison illicite lui paraissait « un encombrant cadavre ». Elle jeta les lettres dans cet océan Atlantique qui les avait tant séparés et si bien réunis.
Grâce à la lutte féministe qu’elle a menée, nous pouvons maintenant utiliser des noms de métiers, de grades et de fonctions au féminin. Merci, Madame Groult, pour cette lutte et cet excellent récit incluant l’humour tendre et drôle, qui m’incite à accepter les inconvénients de la vieillesse. Un prochain livre est peut-être en route, avec Belzébuth? Bien appréciée, cette nouvelle technologie.
Benoîte Groult et ses idées testamentaires
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 19 novembre 2007
Chapeau à cette octogénaire de nous claquer à la figure ce livre à la langue toujours verte et aux réflexions revanchardes contre le monde actuel. La touche étoile a obtenu le Prix DS magazine.
Benoîte Groult soliloque avec la Moïra, ce mot grec qui signifie « destin », que chacun suit sans pouvoir interférer. Elle dépeint la difficulté de vieillir, l’inanité de vouloir lutter contre le défi du temps, des années qui passent. Mais il y a tout le bonheur qu’elle a construit avant et qu’elle se plaît à évoquer.
Au-delà des problèmes sentimentaux qu’elle traite avec beaucoup de tact, elle nous présente le monde d’aujourd’hui avec ses innovations technologiques qui, pourtant, n’aident aucunement les personnes plus âgées. Et là, elle se lâche avec beaucoup d’humour. Plus aigrie toutefois lorsqu’elle fait allusion à son métier de journaliste et sa perte progressive de notoriété au fil du temps.
Hélas, cette défenderesse de la cause féminine inspire plus de pitié que d’admiration. Son amertume ne transpire que trop souvent et ne passionne vraiment pas le lecteur. En 68, elle devait convaincre, aujourd’hui elle n’est plus dans le coup !
Tantôt des dialogues incisifs, tantôt une réflexion philosophique sur notre destinée, tantôt des descriptions de Bretagne et d’Irlande, de la mer qui fait rêver… Benoîte Groult reste un grand écrivain.
Délit de vieillesse
Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 11 septembre 2007
L'auteur aborde des thèmes sensibles qui empêchent trop souvent les esprits de tutoyer les étoiles lointaines. Un très beau récit sur les combats menés au quotidien par des êtres soumis à la rigueur du temps qui passe et aux facéties du destin qui désire que s'accomplisse, parfois en vain, la promesse d'une vie meilleur.
«Vieillir est un délit...»
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 14 avril 2007
Benoîte Groulx, Simonne Weill, Françoise Giroud, Marie Cardinal..., voilà bien de grandes Françaises qui ont profondément marqué ma génération.
Qu'il est bon de ré-entendre cette voix féministe au discours tonitruant alors que le dit discours n'est plus que murmuré...
Benoîte Groult, merci de ce délicieux cadeau inattendu...
Lucide et décapant
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 24 novembre 2006
Un livre merveilleux et drôle
Critique de Mim (Onex Genève, Inscrite le 30 septembre 2006, 55 ans) - 20 novembre 2006
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