Crash! de J. G. Ballard
(Crash)
Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique , Littérature => Anglophone

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intrusions mécaniques
En 1973 naît un petit gars qui se fera plus tard connaître sur les forums sous le pseudonyme un peu con de B(elgium)1P(oint). Pendant qu'il piaille dans son berceau et qu'un couple bien sous tous rapports s'affaire amoureusement autour de lui, il ne se doute pas que des écrivains existent et que certains d'entre eux balancent à ce moment des brûlots propres à faire vaciller l'Occident bien pensant sur ses gonds.
On pourrait dire que "Crash!" est un vulgaire roman pornographique avec un étalage de vagins, de verges et de rectums comme on n'arrive même pas à en montrer tard le soir sur les chaînes cryptées. Mais "Crash!" est bien sûr bien plus que ça. "Crash!" est le roman d'un mariage morbide : celui de l'Homme et de la technologie.
Dans "Crash!", les corps lancés sur les bretelles d'autoroute entrent en collision dans leur habitacle de métal chrômé. Dans "Crash!", c'est l'éloge de la mutilation, des corps empalés sur les colonnes de direction, des visages constellés d'éclats de verre et de têtes qui éclatent au contact des pare-brises. Car Ballard veut y réinventer la sexualité pour la mettre en concordance avec la nouvelle ère des bretelles d'autoroute, des zones périphériques et des supermarchés ouverts toute la nuit.
James Ballard et sa femme Catherine constellent leur vie sexuelle d'aventures extra-conjugales et de récits de leurs fantasmes. C'est ce qui leur permet d'atteindre encore furtivement l'orgasme.
Mais lorsque James a son accident de voiture, une brèche s'ouvre dans leur vie qui leur permet de repousser le champ de leurs possibles. Coïts dans les laveries automatiques, difficile géométrie des pénétrations sur les banquettes arrières des voitures filant à toute vitesse sur les autoroutes. Par la brèche ouverte entre surtout "Vaughan" dans leur vie, avec son obsession des corps suppliciés, couturés, ligaturés et des extensions possibles ouvertes à la sexualité des corps, avec fluides corporels s'écoulant d'organes génitaux meurtris pour s'introduire dans les nouveaux orifices pratiqués par les blocs moteur et la technologie moderne dans les corps.
"Crash!", c'est ça : la tentative de mariage du fantasme sexuel et de la difformité générée par la technologie humaine, c'est la célébration de la déchéance des corps sur lesquels s'écoulent les fluides mécaniques ou génitaux dans un même fantasme de mort. Et du plaisir qu'il y a à en retirer.
Inutile de dire que "Crash!" reste dérangeant.
je me rappelle vaguement un critique de cinéma qui s'était étonné, à l'époque, que Cronenberg se soit attaqué à l'adaptation d'un roman aussi daté.
Depuis 1973, l'automobile avait depuis longtemps été dépassée par l'électronique comme nec plus ultra du développement technologique. Le fantasme lié à la modernité devait depuis longtemps avoir abandonné la voiture.
C'est peut-être vrai, mais force est de constater qu'on s'en tape totalement. "Crash!" reste d'une force et, oserait-on dire, d'une actualité qui semble éternellement indissociable du monde moderne. "Crash!" pourrait avoir été écrit hier soir et conserver le même impact sur le lecteur. Seuls, peut-être, les objets de fantasme de destruction devraient être revus : remplaçons mentalement "Elisabeth Taylor" par "Julia Roberts" ou "Catherine Zeta-Jones" et "Crash!" pourra être aisément relu.
"Vaughan est mort hier dans son dernier accident. Le temps que dura notre amitié, il avait répété sa mort en de multiples collisions, mais celle-là fut la seule vraie. Lancée vers la limousine de l'actrice, sa voiture a franchi le garde-corps du toboggan de l'aéroport de Londres et plongé à travers le toit d'un car rempli de voyageurs. Les corps broyés en grappes des touristes, comme une hémorragie du soleil, étaient toujours plaqués sur les siège de vinyle lorsque je me suis frayé un chemin parmi les techniciens de la police, une heure plus tard. Cramponnée au bras de son chauffeur, l'actrice Elisabeth Taylor, avec qui Vaughan avait rêvé depuis tant de mois de mourir, se tenait à l'écart sous les feux de l'ambulance. Quand je me suis penché au dessus de Vaughan, elle a porté une main à sa gorge.
Voyait-elle, dans la position du corps, la formule de mort que Vaughan avait conçue pour elle ?"
Les éditions
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Crash ! [Texte imprimé], roman J. G. Ballard trad. de l'anglais par Robert Louit
de Ballard, J. G. Louit, Robert (Traducteur)
Denoël / Et d'ailleurs
ISBN : 9782207255988 ; 19,56 € ; 13/01/2005 ; 259 p. ; Broché -
Crash ! [Texte imprimé] J. G. Ballard traduit de l'anglais par Robert Louit préface de l'auteur
de Ballard, J. G. Louit, Robert (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070345175 ; 9,20 € ; 16/05/2007 ; 345 p. ; Broché
Les livres liés
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Ballard et la nouvelle chair

Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 54 ans) - 11 novembre 2011
Pour Ballard, les machines ont enlevé aux hommes la quasi-totalité de leur côté charnel. Mais cette chair fait froid dans le dos car les êtres humains semblent avoir perdu toute capacité et tout espoir de ressentir, les sentiments deviennent l'ultime transgression mais la modernité, les machines et la surabondance des non-lieux pervertissent tout.
"Peut-être la prochaine fois" comme dit le Ballard, du livre, à Catherine, sa femme. Cronenberg l'a adapté car cela rejoint tout à fait ses préoccupations comme celles de Kubrick en particulier dans son dernier film (dont le thème est moins mineur qu'il n'y paraît). Ce livre est d'une étonnante acuité car il dit l'essentiel sur nous, sur ce que nous sommes devenus, sur ce que nous pourrions être. Ce livre choque, le froid aussi brûle les doigts.
Supersonique

Critique de Antihuman (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 40 ans) - 11 octobre 2011
Ainsi Ballard nous occupe l'esprit avec force intelligence et artifices divers, avec ce roman présentant des personnes issues en général du milieu de la publicité, de l'Art et de la politique, tous collectionneurs de bolides divers aux sièges en cuir, ou même de véhicules standard, sous l'influence d'une sorte de gourou ex-cascadeur nommé Vaughan - présentateur d'un très ambigu show TV - puis les incorporant de manière presque anodine, inoffensive dans la trame de l'intrigue prédominante.
Décalé, bizarre, plus psychédélique et quoiqu'il en soit plus dangereux que son adaptation filmique par Cronenberg; Crash ! est manifestement une histoire de fous à l'idéal tordu et obsédés par la tôle, les pneus, le métal, la pollution, la fumée, le goudron, l'architecture moderne des autoroutes, ainsi qu'ayant selon toute vraisemblance la tragédie humaine pour but. Mais sont-ils absolument les seuls ?
Space

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 41 ans) - 5 juillet 2010
L'auto-mort.

Critique de Hexagone (, Inscrit le 22 juillet 2006, 52 ans) - 21 mars 2009
Un climat oppressant gaine le livre, on se sent incarcéré dans un amas de lignes fulgurantes, troublantes. Un climat de folie règne et rien ne vient embellir la situation. Il n'est question que de routes, de voitures, d'aéroport et de sexualité. Roman fétichiste également, masochiste, technosexuel. Un livre troublant qui n'est pas le plus aisé pour aborder Ballard. J'ai du mal à résumer mes impressions. Sans doute la marque d'un grand livre. On ne sait par ou attaquer, quoi développer, on en retire un sentiment très étrange de mal être qui laisse entr'apercevoir une folie que nous croisons peut être tous les jours. Un gros morceau de littérature.
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