Mao II de Don DeLillo
(Mao II)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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la théorie de la disparition
Brita photographie les écrivains. Dans son oeuvre encyclopédique, elle croise Bill, écrivain mythique vivant dans un endroit reculé du monde, secret. Son éloignement a engendré les pires rumeurs, dont celles de sa mort. Il vit, entouré de son secrétaire particulier, Scott, et de Karen, ex-adepte de la secte Moon.
Et l'arrivée de Brita provoquera un désordre fatal dans l'équilibre précaire des trois réfractaires au monde, au point d'obliger chacun à s'interroger sur qui il est vraiment.
On a toujours l'impression que les personnages de Don Delillo sont des coquilles vides qui sont ballottées au gré d'une vérité qu'ils ne connaissent pas, qu'il s'agit d'individualités qui n'ont pu se développer conformément au monde dans lequel elles vivent. Ils errent dans un monde en reproduisant les gestes qu'il est bon de faire selon ce que montre la télévision, mais c'est le vide intersidéral de leur vie qui donne le vertige, vertige dont ils sont les premiers êtres à souffrir. Don Delillo, c'est le Nouveau Roman appliqué à l'ère post-industrielle, voire à l'ère postmoderne.
Et puis il y a la menace. Les personnages de Don Delillo sont de frêles esquifs navigant sur des mers où ils n'ont aucun contrôle et menaçant à chaque instant de se retourner. Ce sont des êtres menacés par leurs démons intérieurs, menacés par le flot humain incontrôlable, menacés par un terrorisme diffus ou par les assassinats aveugles.
De tout cela, il y a dans "Mao II". Les flots humains, les sectes, les images de massacres à la télévision. Il y a les individus dont la volonté se fond dans celle de la masse. Il y a les bombes, il y a les éloignements pour disparaître et les séquestrations pour mourir. Globalement, on pourrait résumer "Mao II" en disant qu'il s'attache à décrire la perte d'identité. Des écrivains, de leurs lecteurs, des guides spirituels couchés sur le papier (le titre "Mao II" n'est-il pas dérivé d'un coloriage d'Andy Warhol effectué sur le visage photographié de Mao Zedong) et même des terroristes qui suivent aveuglément leur maître dans des villes en ruine. Mais il n'y a pas la tension qui maintient habituellement l'intérêt du lecteur, qui le pousse à lire jusqu'à la fin pour connaître le destin implacable qui s'abattra sur ces êtres à peine existants. Et c'est bien dommage...
Les éditions
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Mao II [Texte imprimé], roman Don DeLillo trad. de l'américain par Marianne Véron
de DeLillo, Don Véron, Marianne (Traducteur)
Actes Sud / Babel (Arles).
ISBN : 9782742735402 ; 7,70 € ; 01/11/2001 ; 277 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (3)
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Devoted to Don DeLillo
Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans) - 23 novembre 2011
C'est tellement agréable la foule, plus besoin de réfléchir, de penser par soi-même, de s'angoisser, d'être humain. Mao, autre fou sanguinaire, est vidé de l'histoire elle-même sur des oeuvres "pop" montrant leur ignorance du monde autour, des autres.
Il n'y a plus d'individus, seulement des petites cellules indépendantes qui ne se frottent pas aux autres.
Ce roman n'a pas besoin, comme les livres de Brett Easton Ellis, de verser dans le sanguinolent ou le violent. Le malaise naît devant la représentation exact de ce qui nous meut en ce moment : c'est-à-dire rien.
Le néant n'est comblé que par le goût de la réussite, de la compétition, rien de bien différent des gorilles qui désignent leur chef par la taille du sexe, ou les chimpanzés, par la couleur du derrière. C'est l'époque où les gens qui savent encore réfléchir s'isolent en attendant des jours meilleurs, comme Montaigne, devant l'ignorance générale, l'inertie des masses.
DeLillo, un allumeur de mèches
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 7 avril 2011
Ca donne un résultat curieux. Moderne et innovant quand ça marche. Suant quand on n’accroche pas. Coup de bol, dans « Mao II » j’ai accroché. J’ai souvenir de « Joueurs », et de « Body art », … plus délicat !
« Mao II » est très éclectique. Il serait vain d’essayer d’en tracer la trame. Ou sinon grossièrement. Comme de dire qu’il est question d’un écrivain américain parvenu à un état de notoriété qui confine au mythe, principalement parce qu’il n’a produit que deux romans et qu’il se cache de l’humanité depuis des années (à quoi ça tient le mythe !). Bill, qu’il s’appelle le romancier en question. Il vit cloîtré donc, uniquement assisté de Scott et Karen. Qui ont chacun une histoire compliquée. Et puis vient Brita, une artiste photographe qui s’est mis en tête de ne plus photographier que des écrivains. Qui contre toute attente parvient jusqu’à Bill et sera du même coup le détonateur de la fin de la vie de reclus de Bill.
Mais rajoutez à tout ceci des échappées, comme des contre-plongées, dans un hallucinant mariage de masse au sein de la secte Moon - qui concerne Karen, des scènes de transe en Iran à l’issue de la mort de l’Imam Khomeiny, des scènes de folie lors du drame du Heysel et des passages désincarnés sur la situation d’otage dans le Beyrouth en guerre.
C’est qu’il ne rechigne pas à l’actualité l’ami DeLillo. Il l’utilise, la manipule, la presse comme un citron. Mais comme à distance, sans vraiment se situer, se positionner.
C’est réellement particulier un bouquin de Don DeLillo. L’aimer n’est pas forcément chose acquise !
L'avenir appartient aux foules
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 13 septembre 2006
Ensuite le livre parle d'un écrivain reclus, Bill, auteur de deux livres qui ont atteint un statut quasi mythique, en partie grâce au fait que leur auteur vive caché ce qui alimente les rumeurs les plus folles. Delillo nous parle aussi d'un groupuscule terroriste obscur qui a pris en otage un autre écrivain. Dans une société dominée par l'image l'auteur démontre que les écrivains ont perdu leur pouvoir et que leur rôle a été repris par les terroristes qui seul sont encore capables d'attirer l'attention des foules, par des actes de plus en plus violents. Le livre parle aussi de la perte d'identité comme le dit B1p, c'est il me semble un thème récurrent chez Delillo. La plupart de ses personnages semblent embarqués dans une quête perdue d'avance, ce sont des gens qui ont perdu le contrôle de leur vie. Ainsi la jeune Karen qui dans quelques scènes saisissantes va rendre visite aux clochards qui peuplent un parc de New-York, leur apportant des consignes de bouteilles et leur parlant de l'avènement prochain du sauveur. L'écrivain Bill, lui, sort de sa vie d'ermite pour s'embarquer dans une quête un peu surréaliste qui le mène dans un Liban déchiré et devenu le royaume des terroristes et des fanatiques en tout genre.
Mao II est un livre étonnant et il faut bien le dire difficile à lire tellement Delillo a la fâcheuse tendance de larguer son lecteur à un moment du récit. Avec lui on n'a pas droit à un récit linéaire, et même si le lecteur se rend bien compte que le récit prend une signification allégorique ce n'est pas toujours facile de comprendre l'allégorie. Enfin pour moi en tout cas. Mais ça n'empêche pas ses livres d'avoir un impact réel sur le lecteur. Et puis ses livres nous surprennent et mettent notre intelligence au défi, c'est une sensation agréable. On peut dire que ces livres font partie des lectures qui nous changent ainsi que le regard qu'on porte sur la société. En outre même si la lecture est exigeante cela ne veut absolument pas dire qu'on s'ennuie, au contraire, car le lecteur qui aime être surpris sera comblé et personnellement je lui trouve un humour absolument unique, sans compter un style très particulier mais qui fait de Delillo (quoique pas toujours) de loin mon écrivain préféré.
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Mao II et delillo | 6 | Saule | 8 septembre 2006 @ 22:59 |