L'empire des signes de Roland Barthes
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Littérature => Voyages et aventures
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Un dépaysement culturel et intellectuel.
Détrompez-vous ! Ceci n’est pas un livre d’un intellectuel occidental qui aurait la prétention de comprendre la société ou la culture du Japon. Et ce n’est pas une déclaration d’amour écrite à l’Orient. En réalité, il s’agit plutôt du Japon qui a mis Barthes en situation d’écriture lors de ces quelques voyage au Pays du Soleil levant. Vivre à l’intérieur d’un pays qui nous est complètement inconnu peut provoquer chez voyageur, même le plus téméraire, une délicieuse sensation proche de celle du satori, c’est-à-dire un séisme plus ou moins fort qui fait vaciller la connaissance, le sujet.
Mais pourquoi le Japon ? parce que, aux yeux de Barthes, c’est le pays de l’écriture. C’est l’empire des signes, des signifiants. Après avoir exploré le système de signes chargés de sens, notamment de la France, à travers Mythologies (1957) et le Système de la mode (1967), Roland Barthes offre de somptueuses méditations et observations à partir de différents signes japonais. Ainsi, le lecteur curieux lira sur : la langue japonaise, le plat de repas dépourvu de centre, les baguettes, la peinture haïga, le tempura, le Pachinko, une machine à sous, la sexualité, le centre-ville qui est un centre vide, les rues sans nom, les paquets, le Bunraku, une forme de théâtre avec des poupées de un à deux mètres de hauteur, l’art théâtral, les courbettes de politesse, le haïku, le Zen, le koan, la papeterie, le visage, la paupière et d’autres considérations.
Plein de lucidité, Barthes affirme : Le signe est une fracture qui ne s’ouvre jamais que sur le visage d’un autre signe. Vous lirez donc des réflexions sur le Japon, mais également sur l’Occident comme, par exemple, cette ravissante phrase : Combien je suis quelqu’un, c’est ce que dit l’impolitesse de l’Occidental. Ou celle-ci : Au Japon, la sexualité est dans le sexe, non ailleurs; aux Etats-Unis, c’est le contraire : le sexe est partout, sauf dans la sexualité. La plume subtile de Barthes offre bien d’autres perles à savourer doucement.
Roland Barthes, réputé sémiologue français mort en 1980, séjourna pour la première fois au Japon du 8 au 28 mai 1966 pour y donner une série de conférences. Publié en 1970, L’Empire des signes a été réédité chez du Seuil, collection Points, en septembre 2005. Toujours actuel, ce livre émerveillera le lecteur d’aujourd’hui. Un dépaysement culturel et intellectuel.
Les éditions
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L'empire des signes [Texte imprimé] Roland Barthes
de Barthes, Roland
Seuil / Points. Série Essais
ISBN : 9782020827041 ; 9,23 € ; 09/09/2005 ; 153 p. ; Poche
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Exquis
Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 20 août 2008
Les signes « n’expriment pas, ils font exister ». « On retrouve ici cette exemption du sens que nous pouvons à peine comprendre, puisque, chez nous, attaquer le sens, c’est le cacher ou l’inverser, jamais l’absenter ». « La Forme est Vide, dit – et redit – un mot bouddhiste ».
Lors du salut traditionnel, deux corps s’inclinent très bas l’un devant l’autre, « selon des degrés de profondeur subtilement codés ». Cela peut sembler excessif ; mais la courbette du salut est si ritualisée « qu’elle perd toute servilité ».
Le théâtre de marionnettes Bunraku : « Il est vain de se demander, comme le font certains Européens, si le spectateur peut oublier ou non la présence des manipulateurs. Le Bunraku ne pratique ni l’occultation ni la manifestation emphatique des ses ressorts », ses règles et sa raison d’être sont différentes.
Le paquet est somptueux mais le cadeau à l’intérieur est dérisoire ; le manipulateur de marionnettes ne se cache pas et ne s’expose pas ; le salut traditionnel est très appuyé ; le haïku ne raconte rien. Ne tentez pas de lire tout cela d’après les codes occidentaux. Notre grille habituelle de lecture n’est qu’un système parmi d’autres. Barthes le dit d’une manière sophistiquée et poétique. Ni guide condensé, ni exercice d’admiration, comme l’a dit DomPerro, sur 150 pages une invitation à un voyage imaginaire.
« La langue inconnue, dont je saisis pourtant la respiration, l’aération émotive, en un mot la pure signifiance, forme autour de moi, au fur et à mesure que je me déplace, un léger vertige, m’entraîne dans son vide artificiel, qui ne s’accomplit que pour moi : je vis dans l’interstice, débarrassé de tout sens plein ».
Barthes et le haïku japonais
Critique de MOPP (, Inscrit le 20 mars 2005, 87 ans) - 6 décembre 2007
En d'autres termes, le haïku nous permet d'être futile, bref, et surtout tout à fait ordinaire.
Je traduirais, à ma façon, ce qu'est un haïku :
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Longs couloirs vides.
Rien d'autre.
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Barthes confirme ma position : le haïku est avant tout porteur de silence (le silence étant pour nous signe d'un plein de langage).
Barthes insiste sur le fait que parler d'un haïku ne serait que le répéter, inutilement.
Oui, Barthes développe la suspension de langage, l'exemption du sens. "Le haïku opère du moins en vue d'obtenir un langage plat, que rien n'assied sur des couches superposées de sens".
De la forme brève et vide du haïku.
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Blablablas.
Rien de spécial.
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"Le blanc qui efface en nous le règne des Codes."
"Et si cet état de a-langage est une libération, ..."
Oui, Barthes a bien compris que le haïku est "le vide même d'une note de musique".
Et je lui dis merci pour ce travail remarquable.
M.P.
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