Nouvelles et contes - Tome 1: 1820-1832 de Honoré de Balzac

Nouvelles et contes - Tome 1: 1820-1832 de Honoré de Balzac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Prince jean, le 3 avril 2006 (PARIS, Inscrit le 10 février 2006, 50 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 183ème position).
Visites : 6 501  (depuis Novembre 2007)

l'indispensable merveille

Sublime initiative de la maison Gallimard que de publier en deux tomes l'intégrale des nouvelles de Balzac, dans la très agréable édition Quarto.


Balzac écrit en 1832 : "Il faut montrer que le conte est la plus haute expression de la littérature". C 'est dire à quel point ses nouvelles ne sont pas des oeuvres de second plan, mais bien de véritables chefs d’œuvre.


Ma préférence (s'il fallait en choisir une .... mission impossible) irait à une très belle nouvelle en trois parties, qui se situe en Bretagne au XVI eme siècle, "L'enfant maudit". C’est l'histoire d'un enfant bâtard qui sera rejeté par son père, riche seigneur, et vivra seul avec la mer. Cet enfant 'minéral' qui n'a de contact qu'avec les éléments permet à Balzac une étude psychologique extrêmement moderne et très sensible. J'aime cette phrase : 'Etienne, qui n'entendait plus rien, s'étant coulé sur le bord de sa grotte comme une jeune couleuvre affamée de soleil, vit ces larmes, reconnut le langage de la douleur; et saisissant la main de son père, il l'embrassa..."


Balzac fait aussi preuve de beaucoup d'humour et de liberté de ton, il n’hésite pas à se moquer de lui-même (à propos des descriptions) :
" Ces descriptions peuvent déplaire à certaines personnes qui veulent à tout prix des événements ; mais quand nous avons fait quelques pas dans la vie, nous connaissons assez la secrète influence exercée par les lieux sur les dispositions de l'âme, pour sympathiser avec des sites."

j'aime les grands traits lyriques (la femme vertueuse) : "cette régularité mesquine, cette pauvreté d'idées,que tout trahit, ne s'exprime que par un seul mot, et ce mot est : bigoterie. Dans ces sinistres et implacables maisons, la bigoterie se peint dans les meubles,dans les gravures, dans les tableaux; le parler y est bigot, le silence, bigot, et les figures, bigotes."



L’intérêt de cette collection, c'est également le travail remarquable accompli par Isabelle Tournier qui dépoussière la classification traditionnelle de Furne. Isabelle Tournier classe les nouvelles chronologiquement et restitue les titres originaux :
"La maison du chat qui pelote" retrouve son titre d'origine "Gloire et Malheur" , de même "Gobsek' redevient "Les dangers de l'inconduite", etc...


A la fin du recueil, outre une très intéressante biographie de Balzac, généreusement illustrée (en noir et blanc) et documentée, on trouve une "histoire des textes".


Il est difficile de faire un choix, parmi les 80 nouvelles de ce premier tome, tant la diversité de situation, l'imagination florissante de Balzac abondent. On ne peut que souhaiter la parution rapide du 2 ème tome

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Les éditions

  • Nouvelles et contes [Texte imprimé] Balzac édition établie, présentée et annotée par Isabelle Tournier
    de Balzac, Honoré de Tournier, Isabelle (Editeur scientifique)
    Gallimard / Quarto (Paris).
    ISBN : 9782070774418 ; 28,40 € ; 24/11/2005 ; 1759 p. ; Broché
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un roman exemplaire : "L'enfant maudit"

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 7 décembre 2013

1591 en Normandie : Jeanne de Saint-Savin, dix-huit ans, mariée au duc d'Hérouville, cinquante ans, va accoucher. Or, sept mois seulement sont passés depuis son mariage. Le duc qui se sait peu aimé de sa femme (à qui il fait très peur, par sa force, sa laideur, sa voix) la soupçonne de l'avoir trompée avant le mariage : elle était en effet amoureuse de son cousin Georges de Chaverny, un huguenot. Elle a dû condescendre à ce mariage arrangé. Elle est malheureuse. L'orgueil de caste de son mari, qui veut un héritier mâle, mais venant de lui, et non pas d'un autre, l'incite à inviter Beauvouloir, un rebouteur (mi-accoucheur, mi-sorcier) pour assassiner l'enfant à la naissance.
Mais l'homme a pitié de Jeanne, et il convainc Hérouville de laisser vivre le bébé : "Épargnez-vous un crime, cet enfant ne vivra pas", assurant ainsi le vœu de Jeanne. Étienne naît donc, mais si chétif et fragile, que la mère ne veut pas s'en séparer et lui donne le sein elle-même. Le père s'étant absenté pour la guerre, Jeanne a quelques mois heureux, elle s'occupe de son petit et le fait vivre. Mais au retour du mari, elle doit accepter que l'enfant maudit soit relégué dans une chaumière de pêcheur voisine du château, le père ne voulant pas le voir. Jeanne, de nouveau enceinte, mène sa grossesse au bout cette fois, mais on lui enlève l'enfant, Maximilien, que le père éduquera à sa façon pour en faire un seigneur violent et sanguinaire. Les années passent : Étienne, élevé par sa mère, devient poète et musicien, il communie avec la nature et le proche océan. Jeanne, dont la santé est précaire, meurt. Étienne est désormais livré à lui-même, n'étant secouru que par Beauvouloir et un vieil écuyer de son père qui l'a pris en pitié.
Quand son frère Maximilien meurt de mort violente, le père prend soudain conscience qu'il a un héritier, ce fils qu'il n'a jamais voulu voir. Il souhaite marier Étienne, mais Beauvouloir assure qu'il faut préparer cette âme pure au mariage, et en l'absence du vieux duc, il lui fait rencontrer sa propre fille, Gabrielle, tout aussi délicate qu'Étienne. Les deux jeunes gens se plaisent dès la première rencontre. Cinq mois enchanteurs passent entre eux. Mais le duc revient, avec cette fois une riche héritière destinée à son fils. Il ose menacer Gabrielle : "Au moment où Étienne vit la large main de son père armée d’un fer et levée sur Gabrielle, il mourut, et Gabrielle tomba morte en voulant le retenir. Le vieillard ferma la porte avec rage, et dit à mademoiselle de Grandlieu : — Je vous épouserai, moi ! — Et vous êtes assez vert-galant pour avoir une belle lignée, dit la comtesse à l’oreille de ce vieillard qui avait servi sous sept rois de France".

Cet extraordinaire roman bref de Balzac, à la fois roman historique, terrifiant (gothique), sentimental, mystique et philosophique, est une succession de scènes magnifiques : l'accouchement de Jeanne d'Hérouville, qui ouvre le récit, est saisissant. Le portrait du père, une sorte de Barbe-bleue, est impressionnant : "S'il avait en exécration les beaux hommes, il n'en détestait pas moins les gens débiles chez lesquels la force de l'intelligence remplaçait la force du corps. Pour lui plaire, il fallait être laid de figure, grand, robuste et ignorant". L'éducation d'Étienne par sa mère, qui veut en faire un prolongement d'elle-même, favorise tout un développement sur l'inconscient, les relations entre le physique et le moral : "Comme tous les hommes de qui l'âme domine le corps, il avait la vue perçante", peut-on lire ou plus loin : "Était-il fatigué ? Sa délicatesse instinctive l'empêchait de se plaindre". Même si Jeanne est vertueuse, elle ne pensait pas moins à son amoureux quand Étienne fut conçu. Et elle finit par le rendre semblable à son "fiancé" disparu, elle en fait un être cultivé, sensible, quasi angélique. Quand il rencontre Gabrielle, être aussi séraphique que lui, Étienne réalise "le délicieux rêve de Platon, il n'y avait qu'un être divinisé". Enfin, la naissance de l'amour, chez les deux jeunes gens, figure parmi les pages les plus intimes que Balzac ait écrites dans ses romans : "ils restaient l'un et l'autre étonnés et silencieux, car l'expression des sentiments est d'autant moins démonstrative qu'ils sont plus profonds". Dans ce magnifique roman d'amour, la pureté s'impose : "Il est dans l’amour un moment où il se suffit à lui-même, où il est heureux d’être. Pendant ce printemps où tout est en bourgeon, l’amant se cache parfois de la femme aimée pour en mieux jouir, pour la mieux voir ; mais Étienne et Gabrielle se plongèrent ensemble dans les délices de cette heure enfantine" [...] "Les caresses vinrent, lentement, une à une, mais chastes comme les jeux si mutins, si gais, si coquets des jeunes animaux qui essaient la vie. Le sentiment qui les portait à transporter leur âme dans un chant passionné les conduisit à l’amour par les mille transformations d’un même bonheur. Leurs joies ne leur causaient ni délire ni insomnies. Ce fut l’enfance du plaisir grandissant sans connaître les belles fleurs rouges qui couronneront sa tige. Ils se livraient l’un à l’autre sans supposer de danger, ils s’abandonnaient dans un mot comme dans un regard, dans un baiser comme dans la longue pression de leurs mains entrelacées".

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