Les yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey de Marguerite Yourcenar, Matthieu Galey (Autre)

Les yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey de Marguerite Yourcenar, Matthieu Galey (Autre)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Jules, le 26 juin 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 864ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 11 056  (depuis Novembre 2007)

La pensée profonde d'une très grande Dame !

Matthieu Galey se rend sur l’île de Mount Desert, à « Petite Plaisance », la maison où vit Yourcenar, afin d’avoir de longs entretiens avec elle. Il s’agit aussi de réaliser son premier portrait télévisé.
Il aura la chance de discuter des heures avec elle, et nous livre ici probablement un des portraits le plus complet de l’écrivain.
Ils abordent d’abord la jeunesse de l'auteur, le décès de sa mère quand elle était encore toute petite, la décision de son père de ne pas la mettre à l'école et de s'occuper lui-même de son instruction et de son éducation, les nombreux voyages faits avec lui, les femmes qui l’ont entourée. A huit ans, elle lisait « les Oiseaux » d'Aristophane et, à douze ans, elle parlera le grec et le latin.
Yourcenar recevra une certaine éducation religieuse, mais courte. Elle suffira pour lui donner la sensation du « mystère » qui existe derrière les religions. Elle aime le passé dans la mesure où elle estime qu'il est la façon dont les êtres comprennent le présent. Le passé, pour elle, est une des formes de l'amour de la vie.
Yourcenar vivait aux Etats-Unis et nous fait part, ici, des manques qu'elle ressent là-bas, mais aussi de ce qu'elle y a trouvé de bon.
Comment a-t-elle réalisé son œuvre ? Que représentait Hadrien pour elle, ainsi que Zénon ? Quelle est l’influence de son éducation dans ses oeuvres ? Quels sont les écrivains qui l’ont marquée ?
Au fil des pages, Matthieu Galey va de plus en plus loin dans les pensées de Marguerite Yourcenar quant à ses conceptions de la vie, des êtres humains, de l’Histoire, de l'amour, de la sexualité, de l’influence des religions et des philosophies…
Nous découvrirons avec lui la perception du monde par cette grande intellectuelle restée très proche des gens.
Ses entretiens se clôturent sur les « quatre voeux bouddhiques » qui sont une des bases de la vie de Yourcenar, à savoir : éliminer les mauvais penchants, s’adonner à l’étude, tenter de toujours se perfectionner et, enfin, tenter par l'amélioration de soi d'arriver à l'amour des autres.
Dans ce livre nous plongeons dans les pensées profondes et l'âme d'une très grande Dame !…
"Je condamne l'ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu'on la dirait voulue par le système, sinon par le régime."

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La morale aristocratique de Marguerite Yourcenar et ses leurres

6 étoiles

Critique de AmauryWatremez (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans) - 19 novembre 2014

A ce recueil d'entretiens intéressants de par ce qu'ils racontent de la création littéraire, de la littérature et de l'écriture, l'on peut préférer, ce qui est mon cas et de loin, l'interview que Bernard Pivot fit avec l'auteur de « Mémoires d'Hadrien » en 1976. Pivot avait pour lui d'être beaucoup moins révérencieux que Galey, et surtout d'être un bon vivant, voire un bien-vivant, moins intellectualisant et plus proche de la vérité de la pâte humaine dont Yourcenar était constituée. Celle-ci joue de la révérence de son interlocuteur dans ce livre pour édifier une statue d'elle qui lui convienne bien que prétendant ne pas se soucier du tout de ce qu'elle appelle « la gloriole », alors qu'elle est humaine, et recherche elle aussi une reconnaissance du public. Elle aussi écrivait pour être lue...

Finalement, elle reste aussi rusée et madrée que l'était sa grand-mère, qu'elle évoque et moque dans les « Souvenirs Pieux », sachant se servir des faiblesses de ses vis à vis à son avantage. A l'époque, Elle vient de vivre l'agonie de Grace Frick, sa compagne durant presque quarante ans, et va tomber amoureuse de Jerry Wilson, qui sera son « Antinous » ; un Antinous violent qui n'était qu'un genre de gigolo plus sophistiqué cependant que les autres. Yourcenar feint souvent l'humilité et la simplicité mais sa devise était « Je ne vis pas comme ils vivent, je n'aime pas comme ils aiment, je mourrai comme ils meurent », elle eut toute sa vie au cœur une morale véritablement aristocratique héritée de son père Michel qui n'est pas toujours la figure la plus sympathique de ses souvenirs. C'était finalement un viveur égoïste qui trimbala sa fille partout avec lui se donnant bonne conscience en la traitant comme une adulte très tôt, et oubliant de l'éduquer au passage, tout en l'aimant malgré tout.

L'entretien, qui s'est fait sur plusieurs jours à « Petite Plaisance », dans les « monts déserts » du Maine, suit l'ordre chronologique de la construction de l’œuvre, s'attardant plus sur « Mémoires d'Hadrien » ou « L'Oeuvre au Noir » que Yourcenar considère comme ses travaux majeurs, avec « le Labyrinthe du monde » : la trilogie de « Archives du Nord », « Souvenirs Pieux » et « Quoi ? L'éternité ». Sont évoqués aussi avec tendresse, ces sont aussi ses enfants, « Nouvelles Orientales » et « Fleuve profond, sombre rivière », traduction remarquable de « negro spirituals ». Galey l'invite à parler de la part de « je » qu'il y a dans le dernier cycle de souvenirs, ce qu'elle se refuse à faire, il est vrai qu'elle réécrit nombre d'entre eux selon le témoignage de son frère, oblitérant presque complètement au passage sa mère.

Elle n'était pas l'enfant exclusivement studieuse et intellectuellement très éveillée, tellement peu enfantine, qu'elle décrit dans ses livres et dans cet entretien, mais une petite fille qui les jours de pluie au « Mont Noir » pouvait rester le front collé à la vite de la grande fenêtre du salon de sa grand-mère en répétant comme un « mantra », « J'sais pas quoi faire, qu'est-ce que je peux faire ? », jusqu'à ce que quelqu'un, sa gouvernante, sa mère, son père, ou une autre grande personne, s'occupe d'elle. Les petites filles vives et sensibles, aux dons extraordinaires, restent des petites filles aussi, ce qui ne diminue en rien leurs mérites et capacités. Mathieu Galey là encore se laisse prendre à cette belle image, cette gosse de vitrail...

Et elle a pour son père un immense complexe d'Electre étant souvent le fait des personnes ayant les mêmes inclinations sexuelles qu'elle ou plutôt « sensuelles » ainsi qu'elle le corrigerait.

Cela ne diminue pas le moins du monde la force littéraire et stylistique de « Souvenirs pieux » et de « Archives du Nord » qui narrent l'humanité de ces régions d'une manière à la fois extrêmement précise historiquement, sensuelle, humaine, en partant de l'importance de la tourbe, de cette terre riche, de ces cieux flamands bas mais toujours d'une incroyable beauté. Bernard Pivot, en entrant dans sa cuisine, en voyant ses bocaux de fruits et de légumes, comprit tout cela de suite, ce lien de Yourcenar à la terre, à sa terre, son côté « terrien » en définitive. Mathieu Galey ne peut le saisir car il n'est que dans l'adulation et n'a aucune distance critique, aucun recul, sur l’œuvre il est vrai remarquable et passionnante de l'écrivain, créatrice de Zénon et qui a su faire revivre un empereur mort près de deux millénaires auparavant

en poche maintenant

10 étoiles

Critique de Prince jean (PARIS, Inscrit le 10 février 2006, 50 ans) - 28 juillet 2007

bonne nouvelle, ce magnifique livre est publié en 'livre de poche' pour à peine 4 euros !!!
bravo :)


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