Photographe (Le), tome 1 de Didier Lefèvre (Scénario), Emmanuel Guibert (Dessin), Frédéric Lemercier (Autre)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers

Critiqué par Shelton, le 23 février 2006 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 842ème position).
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Une mission pas comme les autres...

Pourquoi vous parler, aujourd’hui, de cet album paru il y a déjà quelques années ? Pour satisfaire un éditeur ? Pour renvoyer l’ascenseur à un auteur ? Non, vous êtes bien loin de la réalité…
C’était à Angoulême, il y a quelques semaines… Il neigeait ferme, ça tenait bien et j’avais une quarantaine de minutes à attendre avant mon rendez-vous suivant. Durant ce festival, j’ai réalisé une trentaine d’interviews et j’avais quelques blancs dans mon timing… Dans ces cas, je m’arrête et je bois un café… Mais j’avais aussi entendu qu’il y avait une exposition au temple protestant sur Le photographe, une série dont j’avais beaucoup aimé le premier volume à sa sortie en librairie… Alors, avec mon épouse, nous nous décidons à affronter l’extérieur et sa neige gorgée d’eau et de froid, et nous voilà en train de visiter cette exposition…
Dans cette petite anecdote, nous ne retiendrons qu’un élément capital : un temple protestant a ouvert son lieu de culte à une exposition de bande dessinée alors que l’histoire n’a rien à voir une quelconque entreprise de prosélytisme… Il faut dire que la bande dessinée est en train de prendre toutes les places libres à Angoulême et que les religieux, souvent avec beaucoup de profondeur, reconnaissent que la bédé aborde des thèmes qui leurs sont chers. C’est ainsi que Tibet et l’amitié sont entrés dans la cathédrale et que Le photographe s’est installé au temple…
Le photographe est une série en trois volumes qui va raconter une mission de Didier Lefèvre, photographe, en Afghanistan avec Médecins sans frontières. Il aurait pu en faire un livre de récits de voyage ! Mais c’est fait aux éditions Ouest-France… Pourquoi de la bande dessinée alors que c’est un photographe et qu’une photo est toujours plus belle qu’un dessin ! Cette remarque n’engage que celui qui l’a prononce, mais, dans cette série, il s’agit d’un mélange harmonieux entre dessins de bande dessinée et photographies… Donc tout était réuni pour surprendre le lecteur… Pour une fois l’aventure ne serait pas de la fiction mais bien un récit réel, sorti du vécu… De l’humain avant tout pour une grande aventure comme il n’en existe pas beaucoup en bandes dessinées…
Le premier album va nous permettre de nous familiariser avec les personnages principaux de cette histoire. Nous allons accompagner Didier Lefèvre dans ses préparatifs et son voyage de l’Europe vers l’Afghanistan. La première grosse étape est le Pakistan. Il va lui falloir s’adapter à une multitude de petits détails : la langue, les coutumes, l’alimentation, la religion… On va même lui redonner un nom, plus conforme à la région : Ahmadjan.
L’équipe de cette mission est constituée d’hommes et aussi de femmes, ce qui n’est pas sans causer des difficultés parfois dans un pays où les femmes ne sont pas tout à fait les égales des hommes… Mais très rapidement, on comprend bien que le photographe aimera saisir des instants de ce décalage de société : Juliette, chef de mission, en fera les frais car on la voit très souvent en train de coiffer sa longue chevelure blonde, car tous les matins, elle doit la ranger, la cacher… et les photos sont nombreuses sur ce thème…
Mais la deuxième partie de ce premier volume du photographe nous permet d’arriver en Afghanistan. Le voyage se fait, pour une grande partie, à pied et de façon discrète… Dans ces années d’occupation soviétique et de guerre, le passage en Afghanistan ne pouvait pas se faire par les moyens de transport en commun… Il fallait user ses chaussures, jusqu’à les découdre… Pauvre photographe !
La qualité du récit est étonnante, on se croirait en train de lire du Ella Maillart ! Si ! Le fait d’avoir un mélange entre bédé et reportage photographique ne nuit pas au texte, bien au contraire, texte qui est abondant, riche, précis et très humain…
Didier Lefèvre a réalisé cet ouvrage avec une aide professionnelle en bédé indiscutable. L’histoire vécue par Didier Lefèvre a été réécrite et scénarisée par Emmanuel Guibert qui l’a, ensuite, dessinée. Frédéric Lemercier l’a mise en page, insérant au milieu des dessins un grand nombre de photos de Didier, puis l’a mise en couleurs… Le bilan est tout simplement remarquable, à lire toute affaire cessante…
Ce n’est pas un simple récit de voyage, une publicité pour Médecins sans frontières, une présentation de l’Afghanistan sous l’occupation soviétique, une défense de l’aide humanitaire, une aventure humaine, une grande bédé… Non, en fait c’est tout cela dans un seul et même objet, une des plus grandes réussites de la bande dessinée de ces dernières années…
Mais je reviendrai vous parler du second volume, celui plus particulièrement consacré à la mission en Afghanistan, puis du troisième, celui qui nous montre comment Didier Lefèvre est revenu d’Afghanistan…
Mais l’exposition du temple d’Angoulême retraçait l’ensemble de cette mission, une tranche de vie qui transformera durablement Didier Lefèvre… comme elle ne vous laissera pas indifférents, c’est une certitude !
Ce livre devrait être dans toutes les bibliothèques familiales, dans tous les centres de documentation de lycées et collèges… Incontournable !

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Carnets de voyage

9 étoiles

Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 4 novembre 2008

Voici donc Le photographe, le récit autobiographique de Didier Lefèvre, photo-reporter, qui accompagne une mission de MSF en Afghanistan.
Une BD qui partage plusieurs points communs avec Maus ou Le Piège dont on vient de parler récemment :
- toutes les trois racontent des histoires vraies, en prise directe sur la guerre ou les événements historiques (le nazisme pour Maus, le franquisme pour Le Piège et l'Afghanistan sous l'occupation russe pour Le photographe)
- toutes les trois présentent des idées graphiques originales (le noir et blanc sous deux formes très différentes pour Maus et Le Piège, et bien sûr la photo pour Le Photographe).
Ce Photographe offre donc un mélange très heureux de dessins (d'Emmanuel Guibert, on dirait parfois du Tintin) et des photos de Didier Lefèvre : une planche ici.
En 1986, peu de temps avant que les Russes abandonnent le terrain et bien avant que les talibans reprennent le contrôle du pays, Didier Lefèvre accompagne une mission de MSF qui part du Pakistan pour monter des hôpitaux de fortune dans les montagnes afghanes. Accompagnés de moudjahidines, ils rejoignent des vallées proches du Panjshir, tenues par les partisans du commandant Massoud. Ce contexte politique est à peine effleuré dans la BD : Didier Lefèvre raconte d'abord son voyage.
Son voyage aux côtés de l'équipe de MSF, avec un recul propre à tous les photographes : il raconte, les faits, les images, les photos, les dessins, sans donner de leçon. Il ne joue pas au héros (en clair, le petit parisien va en baver dans ces montagnes) et laisse tout juste transparaitre son admiration pour le boulot des toubibs de MSF.
Du coup, on se passionne rapidement pour cette aventure. Le premier tome raconte le départ depuis Peshavar et le voyage dans les montagnes, avec le franchissement de plusieurs cols à 5000 mètres. Le second volume décrit le séjour dans le village de montagne et la mise en place de l'hôpital de fortune. Jusqu'au retour raconté dans le dernier tome.
C'est passionnant, facile et agréable à lire et on y apprend beaucoup de choses : sur les afghans bien sûr mais aussi sur le travail humanitaire.

[...] - L'ennemi c'est l'hélicoptère.
Les avions sont redoutables mais ils passent et, le temps qu'ils reviennent, tu peux éventuellement te cacher.
Alors que l'hélicoptère, il survole, il s'arrête, il reste en vol stationnaire, il te cherche, il te traque, c'est horrible.
Si tu es dans un endroit où il est difficile de se cacher, tu te jettes sous ton patou. Le patou c'est la couverture des afghans.
- Oui je sais, j'en ai une, marron.
- Couleur de la terre.
Tu ne bouges plus et surtout, tu fais en sorte que rien ne dépasse.
Tu serres les poings avec le pouce à l'intérieur, comme ça. Tu sais pourquoi ?
- Non.
- Parce que l'hélicoptère repère tout ce qui brille. Même un ongle.

La guerre et les russes seront à peine évoqués dans ce voyage : un hélicoptère parfois au loin, quelques boums boums de temps à autre. Par contre, de nombreux blessés affluent à l'hôpital pour bénéficier des soins des toubibs de MSF.
Un récit de voyage intelligent.

Pour les amateurs de reportages photos

10 étoiles

Critique de Houdinskaia (Paris, Inscrit le 30 mars 2005, 43 ans) - 19 mars 2006

Au milieu des illustrations, les photos sont saisissantes, les regards profonds, les paysages tour à tour magnifiques ou désolés... C'est l'histoire d'une équipe de médecins en mission pour MSF, racontée par le reporter photographe qui les accompagne.
On se retrouve plongé dans un univers qui reste abstrait pour la plupart d'entre nous, celui de médecins qui font le choix de partir soigner les autres, en pleine guerre entre Soviétiques et Moudjahidin.
Les trois volumes racontent cette mission de 1986. Dans le premier, l'équipe se prépare au départ et doit traverser une partie du territoire pakistanais. Le second volume se déroule en Afghanistan. Personnellement c'est mon préféré, parce que je garde en mémoire le regard perçant d'un combattant aux yeux verts. Le troisième relate les nombreuses péripéties de notre reporter sur le chemin du retour à travers le Pakistan.
Lisez les trois; vous ne serez pas déçus...

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