Le Pavillon d'or de Yukio Mishima
( Kinkakuji)
Catégorie(s) : Littérature => Asiatique
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La beauté qui tue
En 1950, un jeune moine bouddhique met le feu au Pavillon d'or, construit en 1398 près de Kyôto.
Durant le procès qui suivra, le criminel évoquera plusieurs motifs pour expliquer son geste : sa lutte avec le Prieur, sa « haine de la beauté » qu’il vivait comme un affront, lui qui était laid physiquement et moralement, sa révolte contre l'endormissement du bouddhisme… Les Japonais reconstruiront ce monument qui avait résisté à toutes les guerres et catastrophes naturelles depuis 550 ans. Voilà donc les faits sur lesquels Mishima développe son roman.
L'histoire débute à Maizuru. Le père de Mizoguchi, qui est bonze du village, voue un culte au Pavillon d’or qu’il transmet à son fils. Avant de mourir, il confie celui-ci au prieur du célèbre temple. Au départ fasciné par la beauté des lieux, Mizoguchi est plutôt heureux de son sort. Pourtant, toute cette beauté commence rapidement à lui peser, pour ne pas dire le hanter. Le Pavillon d'or par antithèse souligne la laideur de son âme et son handicap (il est bègue). Il découvre que dans ce lieu de beauté subsistent le mal, les petites combines, les inimitiés. Il se fera deux amis, l'un qui satisfait ses hautes exigences morales et l’autre qui exacerbe son penchant pour la perversité. Pourtant, ces deux amis finiront par se révéler tout autres, lorsqu’il les connaîtra plus profondément. Bref, ce Mizoguchi semble n’être jamais bien dans sa peau, partagé entre le bien et le mal, entre l’abstraite beauté et la réalité, entre ses désirs de pureté et l’appel de ses sens. Beau cas de psychologie.
Au-delà de l’anecdote, ce qui fait la force de ce roman puissant, c'est le style de Mishima. Les descriptions de la nature sont sensibles aux atmosphères et aux moindres détails. Et les analyses, psychologiques ou esthétiques, jamais banales, nous emmènent dans les moindres replis d'une âme tourmentée.
« Plus de rivalités, de contradictions, de désaccord : la Beauté faisait régner l’harmonie entre les parties différentes - et de quelle façon souveraine! Comme un livre sacré où, avec la dernière minutie, sur le papier bleu foncé, chaque caractère fut calligraphié à l'enduit de poudre d’or, ainsi cela avait été construit avec de la poudre d'or sur le fond de l'immense ténèbre.
Je ne savais toutefois pas encore si la Beauté se confondait avec le Pavillon d'or lui-même, ou si elle était consubstantielle au néant de la nuit qui enveloppait le Pavillon d’or. Peut-être était-elle les deux ensemble. A la fois détail et totalité. Temple d'or et nuit enveloppante. »
Les éditions
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Le Pavillon d'or [Texte imprimé] Yukio Mishima traduit du japonais et préfacé par Marc Mécréant
de Mishima, Yukio Mécréant, Marc (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070366491 ; 8,60 € ; 06/02/1975 ; 375 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (9)
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Peut-être une autre tentative de lecture á l'avenir...
Critique de Jordanévie (, Inscrite le 27 septembre 2022, 49 ans) - 27 avril 2023
J'ai jeté l'éponge car il traînait trop en longueur.
Pourtant adepte du style japonais, je suis un peu désappointée de ne pas avoir su l'apprécier à sa juste valeur.
Je voulais absolument le lire car les critiques ainsi que l'écrivain s'avéraient être des plus intéressants.
Quel dommage que je n'ai pu poursuivre ma lecture...
L'art de l'introspection
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 18 novembre 2013
L'obsession de la Beauté
Critique de Montréalaise (, Inscrite le 7 août 2010, 31 ans) - 28 mai 2012
Mishima excelle dans l'art de creuser profondément dans les sillons de la psychologie de son personnage principal. Son style est très fin, très pointu, ses métaphores sont riches, très poétiques et ses thèmes eux-mêmes sont examinés avec une extrême minutie. Le potentiel du Pavillon d'or est donc immense et mérite à être approfondi avec brio.
Néanmoins, je trouve que Mishima est tellement resté dans la même longueur d'onde durant tout le roman que celui-ci commence à devenir agaçant, au point tel qu'il peut ennuyer quelques lecteurs.
C'est un peu malheureux pour ce si beau patrimoine culturel de l'Humanité qu'est le Pavillon d'or, reconstruit après son incendie tragique et qu'on peut aujourd'hui visiter à Kyoto.
Désolé
Critique de Mastien (, Inscrit le 7 juin 2007, 51 ans) - 15 mars 2008
Je plaide coupable, moi aussi.
Critique de Manu55 (João Pessoa, Inscrit le 21 janvier 2004, 51 ans) - 22 novembre 2004
La folie et l’isolement de Mizoguchi, qui ne font qu’empirer tout au long du récit, sont magnifiquement décrits par Mishima
Au passage, je conseille les films de Ozu, dont une bonne partie se déroulent dans le Japon de l’après-guerre, et donnent une bonne idée de ce qu'était la vie quotidienne à cette époque.
« Je ne me sentais même pas de solidarité avec le néant »
Je plaide coupable...
Critique de Saint-Germain-des-Prés (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans) - 10 avril 2003
Vous avez su trouver les mots pour décrire la poésie qui s’en dégage, évoquer les nombreuses descriptions.
Oserais-je dire que j'ai eu un peu de mal avec ce que je reconnais être néanmoins un grand livre ?…
A quoi cela tient-il ?
Et bien justement, ces descriptions m’ont semblé longuettes et, au lieu de me laisser bercer par leur musique, de m’en imprégner, je me suis sentie agacée.
Aïe, ouille, stop, ne me frappez pas…
Je sais, j'ai honte, mais bon, je ne peux rien y changer.
Par contre, certains passages sont sublimes et l’auteur va loin dans la réflexion philosophique.
Inutile de dire que c'est cet aspect qui m’a plu…
La confrontation bien-mal est abordée intelligemment, loin de tous les poncifs.
Et l’attrait ambigu de la Beauté est rendu avec toutes les nuances nécessaires.
Génial, mais je suis passée à côté.
Et vive critlib !...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 3 avril 2003
Une magnifique découverte
Critique de Féline (Binche, Inscrite le 27 juin 2002, 46 ans) - 28 mars 2003
Et là révélation, j’ai été subjuguée par la beauté de l’écriture et de l'histoire. Les descriptions sont empreintes d’une poésie qui ne peut laisser indifférent. Saule et Vigno en ont magnifiquement parlé. Merci pour cette découverte d’une littérature qui m’était jusque là inconnue.
Pour l'amour de la Beauté
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 22 juin 2001
Fasciné par le pavillon d'or, qui dans son esprit embrasse toute la beauté du monde, un jeune moine est pris d'une envie de destruction qui le conduit à incendier ce trésor architectural. Il dira avoir agi par haine de la beauté.
La relation ambivalente d'amour et de haine qu'éprouve le jeune bonze pour le pavillon est éclairée par une scène extraordinaire; alors qu'un typhon est annoncé qui menace de détruire le pavillon, le jeune moine qui veille sent qu'il ne fait plus qu'un avec le temple mais en même temps, comme écoeuré par l'arrogante beauté, il ne peut s'empêcher d'encourager le vent qui souffle en tempête; "j'essayais d'éperonner le vent, en criant les mots dont on excite un cheval lancé au galop: Plus fort! Plus vite! Allons encore un effort."
A un autre moment, le jeune moine encore vierge se retrouve seul avec une jeune fille. Au moment critique, alors qu'il glisse sa main sous la jupe de la jeune fille, une vision du pavillon d'or dans toute sa beauté lui remplit l'esprit, le coupant du monde extérieur ("Cerné de partout par la Beauté, quel moyen de tendre les bras vers la vie ?"). Il se retrouve humilié avec le mépris qu'éprouve la fille devant sa timidité soudaine ("son mépris me transperça par toute la peau")
La beauté et sa destruction est un des thèmes majeur de Mishima, comme le jeune héros de 'Chevaux échappés' qui se fait seppuku (ce qu'on appelle harakiri en occident) dans un acte de pureté absolue. Mishima lui-même parachèvera son oeuvre par un seppuku spectaculaire, ce suicide rituel constituant en quelque sorte son dernier chef-d'oeuvre.
A coté de l'aspect philosophique et psychologique du Pavillon d'Or, c'est une livre que j'ai adoré pour toute une série de raisons, difficile à expliquer. Pèle-mêle il y a l’atmosphère du livre, les paysages, les personnages (inoubliable Tsurugawa, le compagnon au coeur pur et Kashiwagi le cynique aux pieds bots), et surtout l'écriture et le style de Mishima qui fait surgir les images dans notre esprit. Le pavillon d'or est indéniablement mon livre phare et je suis bien content de le voir (enfin) critiqué sur ce site !
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