Varennes : La mort de la royauté, 21 juin 1791 de Mona Ozouf

Varennes : La mort de la royauté, 21 juin 1791 de Mona Ozouf

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Jlc, le 8 janvier 2006 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 8 étoiles
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Monsieur et Madame Durand partent en voyage

Mona Ozouf ne raconte pas seulement la journée du 21 juin 1791 et l’escapade arrêtée à Varennes, elle décrit surtout ce moment de vérité, ce tremblement historique qu’est la mort d’une royauté huit fois centenaire.
Livre d’histoire bien sûr, mais plus encore réflexion d’une historienne sur les évènements, les hommes qui les provoquent ou les subissent, les destins qui se font ou se délitent.

Par une nuit d’été, Louis XVI, roi aimable, indécis et tolérant cède à son entourage, notamment à sa femme Marie-Antoinette. Avec sa famille, sous le nom d’emprunt de Durand, il quitte Paris où il se sent prisonnier pour gagner les marches de l’Est afin d’essayer de reconquérir son pays et son peuple.
En fait jamais expédition ne fut aussi mal préparée. Il est vrai que le respect de l’étiquette et la logique de l’ancien régime l’avaient emporté sur l’efficacité dans le choix des hommes chargés de la mener à bien.
Le roi est reconnu, « empêché à Varennes de continuer sa route », conduit chez Monsieur Sauce, procureur de la commune et épicier. Et au lieu d’avoir l’intelligence de la situation et le courage qu’elle exige, Louis XVI interroge le bonhomme sur le commerce des chandelles !!

Le retour est empreint de déférence ici, de méfiance là, de franche hostilité ailleurs, montrant ainsi la diversité des opinions dans le pays. Mais l’accueil des Parisiens est un impressionnant silence et Michelet parlera d’ »excommunication du silence ».
Cependant la place du roi est telle dans les esprits que la nation est en quelque sorte orpheline. On ne sait comment qualifier cet épisode : fuite ? départ ? On se réfugie un temps derrière » la trouvaille de l’enlèvement ».

Débute alors le débat sur l’inviolabilité du roi et sa place dans la constitution en cours de rédaction. Barnave, qui a été dépêché par l’Assemblée auprès du roi et qui nouera ensuite une relation privilégiée avec Marie-Antoinette, prononce un superbe discours sur l’inviolabilité du roi où il déclare que la nation française « sait bien mieux aimer qu’elle ne sait haïr ». ( J’espère que c’est toujours vrai.)
Mais ce sera une victoire de courte durée et si le mot République fait encore peur, si l’idée en est encore prématurée, le discrédit qui frappe le roi, particulièrement dans l’opinion, la duplicité de la reine, l’atermoiement des puissances étrangères et la bêtise des émigrés vont conduire à l’évidence que si le roi ne peut se passer de la constitution, la constitution pourra se passer du roi.

Mona Ozouf, avec une connaissance parfaite de l’époque, une bibliographie impressionnante et ce style limpide des grands universitaires, décrit comment on passe d’une nation, orpheline d’un roi en fuite, à une nation « régicide ». Car Varennes, loin d’arrêter la Révolution, va la relancer. L’auteur montre combien cette journée est une suite d’occasions manquées. En peignant des portraits équilibrés, elle constate l’aveuglement des uns, raconte la trahison des autres, révèle les duplicités, éclaire l’écart entre le dit et le fait.

Cette « incompréhensible odyssée », sans boussole ni repère, est en fait « une berline pour l’échafaud ». Ce n’est pas seulement le rôle de louis XVI qui est en jeu mais toute la consubstantialité de la royauté qui s’effondre dans ce minable voyage avorté. Oui, vraiment la monarchie est morte à Varennes.

La fuite sera une constante chez les Bourbons et les Orléans qui suivront avec la piteuse retraite de Louis XVIII devant Napoléon, le médiocre départ de Charles X ou la disparition de Louis Philippe du paysage français. Mais le lien entre le roi et le peuple avait été coupé bien avant, à Varennes une nuit de juin.

Comme l’a écrit Stefan Zweig : « A partir de l’instant où le roi de France endosse la livrée d’un domestique pour fuir, il ne peut plus être maître de sa destinée. »

Un très bon livre, captivant, très bien écrit, très instructif, dont l’érudition est telle qu ‘elle demande une attention soutenue. Mais cela en vaut la peine.

Enfin, c’est simplement mon avis.

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Les éditions

  • Varennes [Texte imprimé], la mort de la royauté Mona Ozouf
    de Ozouf, Mona
    Gallimard / Les Journées qui ont fait la France
    ISBN : 9782070771691 ; 26,50 € ; 13/10/2005 ; 433 p. ; Broché
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