Jules
01/01/2004 @ 14:46:05
Je viens seulement de prendre connaissance aujourd'hui de la critique éclair faite par Vigno sur "Le Voyage"

Malgré les difficultés qu'il a pu rencontrer, je vois, avec plaisir, qu'il donne toujours cinq étoiles à cette oeuvre magistrale. Mais je peux parfaitement comprendre son opinion quand au côté désespéré de ce livre, le fait qu'il soit très critique envers la grandeur de l'espèce humaine, ainsi que pour la beauté de nos environnements.

Un livre terriblement triste ? Oui, et la toute première édition de ce livre en collection Poche avait au dos de couverture la citation suivante "Le cri de désespoir le plus déchirant jamais poussé par l'humanité" et la couverture montrait un homme en guenilles avançant dans le nuit totale les bras tendus devant lui vers ce qui semblait le vide. Voilà, je crois que c'est une très belle illustration de ce que pense Vigno.

Oui, les hommes y sont dépeints comme des êtres peu intéressants et les villes laides et sinistres.
Mais que dire de "L'assommoir" et de "Germinal" ? Y avait-il moyen d'écrire autre chose sur le sujet ?... Bien souvent les oeuvres tristes sont aussi les plus puissantes. A croire que c'est dans la rage que l'homme se surpasse et que le bonheur se tait pour mieux profiter du temps qui passe.

Comment écrire "gai" quand on se retrouve mêlé à l'une des plus importantes et horrible boucherie de l'Histoire ? Que dire du New York pour les pauvres, puis du Detroit des ouvriers de la nuit ou du petit matin, chez Ford ou ailleurs ? Que dire aussi des tristes banlieues parisiennes où la population crevait la misère et n'avait pas l'ombre d'un sous pour aller voir le médecin ? Le monde était-il gai ? Oui, pour un très petits nombres de personnes, comme dans le monde de Proust. Mais les autres ?... Louis-Ferdinand ne jouait pas au tennis ou ne faisait pas de la byciclette en 1900 ! Difficile dans son passage Choiseul !

Et puis, les "petits" ne se sont-ils pas toujours viscéralement méfiés des "grands" qui vivent sur leurs misères ? Même parfois à tort, pour certains seulement ?

Le fond du problème me semble résider dans un certain conditionnement social qu'il est difficile de nier. Celui qui était né dans un milieu pauvre était, bien souvent, condamné à y croupir, car des barrières étaient érigées pour que les choses restent comme cela. Cela a évolué, mais pas suffisamment encore.

Que pouvait espérer Louis-Ferdinand ? Devenir médecin très tard et s'ouvrir un cabinet dans le XVIieme ? Je l' y voyais mal !... Aussi n'a-t-il jamais été que le médecin des pauvres à Meudon ou ailleurs. Et que décrire alors ?...

N'oublions pas non plus qu'il y a chez lui, dans ses pires cris de rage, un fond d'amour pour cette humanité qu'il moleste. Mais que n'a-t-il pas vu, que n'a-t-il pas vécu ! Et a-t-il tort dans ce qu'il voit et dans ce qu'il écrit ?

Un coup de courage ? Alors il faudrait lire "Mort à crédit", découvrir ce qu'était son père, sa mère et les conditions de vie de son enfance. Cela ne porte pas à écrire "Le grand Meaulnes" ou "Le bal du comte d'Orgel" !... C'est pourtant dans ce livre là que Louis-Ferdinand nous fait le plus rire avec ses propres difficultés.

Quant au reste de son oeuvre, grandiose aussi, elle ne fera que porter le poids des conséquences de son énorme erreur d'avoir écrit "Bagatelle pour un massacre" et autres livres du style. Un père profondément antisémites en est responsable en bonne partie. Encore un conditionnement dans une France qui sortait à peine ( et encore, en est-elle vraiment jamais sortie ?) des déchirements de l'affaire Dreyfus.

Voilà ce à quoi j'ai pensé en lisant la critique, pertinante et nuancée, de Vigno. Mais je peux aussi être complètement à côté de la plaque et un avis de ceux qui ont lu ce livre serait intéressant.

Elahub 04/01/2004 @ 22:03:53
Un coup de courage ? Alors il faudrait lire "Mort à crédit", découvrir ce qu'était son père, sa mère et les conditions de vie de son enfance. Cela ne porte pas à écrire "Le grand Meaulnes" ou "Le bal du comte d'Orgel" !... C'est pourtant dans ce livre là que Louis-Ferdinand nous fait le plus rire avec ses propres difficultés.


bonsoir

J'avais l'intention de lire un autre livre de Céline un jour - il ne sera pas très facile d'en trouver ici alors j'aimerais savoir à l'avance lequel "mérite" être lu le plus.
Mon ami, qui m'avait recommandé "Le voyage .." m'a dit que ce voyage là était le meilleur livre de Céline.
Qui peut me donner un conseil?

merci

Daniela

Jules
05/01/2004 @ 09:06:15
Pour Daniela

C'est "Mort à crédit" qu'il convient de lire, à mon avis, après "Le Voyage".

Impossible de connaître Louis-Ferdinand sans prendre contact avec ses points d'exclamations et ses trois points de supsensions et c'est dans ce livre qu'il commence à les utiliser.

Ce livre a, en plus, l'avantage de beaucoup faire rire, ce qui est bien moins le cas pour les autres, même si la façon de raconter les choses qu'à Louis-Ferdinand porte quand même à sourire de faits qui sont tristes.

Par la suite, si l'on veut mieux comprendre le pourquoi de son style d'écriture, il y a le petit livre qui s'intitule "Les entretiens avec le professeur Y" et encore "Le style, pas les idées"

Il est plus que possible qu'il ne sera pas facile de trouver ces livres en Allemagne. Je conseillerais donc de les acheter par internet via le site amazon.com qui est directement accessible par critiqueslibres.com

Au cas où Amazon ne les aurait pas, utiliser chapitre.com

Je crois que j'ai attaché une biographie succinte de Céline à ma critique de "Mort à crédit"

Connaître la vie de Céline est très utile pour comprendre son oeuvre puisque c'est toujours d'elle qu'il s'inspire.

A ta disposition et amitiés

Jules


bonsoir

J'avais l'intention de lire un autre livre de Céline un jour - il ne sera pas très facile d'en trouver ici alors j'aimerais savoir à l'avance lequel "mérite" être lu le plus.
Mon ami, qui m'avait recommandé "Le voyage .." m'a dit que ce voyage là était le meilleur livre de Céline.
Qui peut me donner un conseil?

merci

Daniela

Ocenebres 12/04/2004 @ 10:22:15
A lire sur le "Voyage" et "Mort à Crédit" les deux excellents livres de Henri Godard "Henri Godard commente Mort à crédit de L-F Céline" (FolioThèque n°50) et "Henri Godard commente Voyage au bout de la nuit de L-F Céline" (FolioThèque n°2). Et, à saluer, chapeau bas, l'immense travail de Monsieur Marc Laudelout, éditeur depuis plus de 20 ans du Bulletin Célinien qui, ce qui ne gâche rien, est belge. Le site Céline : http://www.lfceline.fr.st/ . Le Bulltin Célinien : Le Bulletin Célinien
BP 70
B 1000 Bruxelles 22
Belgique

Ocenebres 13/04/2004 @ 08:24:48
Bonjour Jules,
Je vais dans le même sens que toi à la lecture du "Voyage" mais, en ce qui concerne Céline, quand tu écris "gai", ne pourrait-on le prendre au sens nietzschéen du terme? De même que pour le "côté désespéré du livre", je substituerai le mot "désespéré" par tragique" qui me semble plus approprié.
Bien à toi.

Alcofribas nasier 13/04/2004 @ 18:07:53
Pour ma part, le Voyage de Céline m'a laissé pantois et plein d'admiration pour un auteur qui ne peut laisser indifférent : on l'aime ou on le déteste. Je suis des premiers.

Je dois dire que j'ai beaucoup de mal à imaginer les têtes des critiques bien pensant qui au début des années 30 ont lu ce roman qui me semble être le plus important du XXème siècle!

J'ai lu plusieurs oeuvres de Céline et je prépare en ce moment une critique de Nord.

Existe-il une biographie sérieuse de lui?

Cordialement,

Sébastien

Ocenebres 13/04/2004 @ 19:14:39
Pour ma part, le Voyage de Céline m'a laissé pantois et plein d'admiration pour un auteur qui ne peut laisser indifférent : on l'aime ou on le déteste. Je suis des premiers.

Je dois dire que j'ai beaucoup de mal à imaginer les têtes des critiques bien pensant qui au début des années 30 ont lu ce roman qui me semble être le plus important du XXème siècle!

J'ai lu plusieurs oeuvres de Céline et je prépare en ce moment une critique de Nord.

Existe-il une biographie sérieuse de lui?

Cordialement,

Sébastien


Salut,
Personnellement, comme biographie :
Céline-1894-1932 Tome 1 Le temps des espérances-François Gibault-Mercure de France, Céline-1932-1944 Tome 2 Délires et persécutions-François Gibault-Mercure de France, Céline-1944-1961 Tome 3 Cavalier de l'Apocalyspe-François Gibault-Mercure de France (4ème plat de la jacquette du tome 3 : Avocat à la cour d'appel de Paris, François Gibault est le conseil de Lucette Destouches et l'éditeur de Rigodon. Ce tome 3 de la biographie de Céline a été couronné par l'Académie française en 1982). Je ne veux pas dire par là que je cautionne l'Académie française, avec tout mon respect!
En espérant être utile.
Ocenebres

Alcofribas nasier 13/04/2004 @ 19:31:22
Merci.

Mazette, une biographie de Céline en 4 volumes! Je n'en demandais pas tant! Mais encore merci.

Au fait, Lucette Destouches est-elle toujours en vie?

Sébastien

Ocenebres 14/04/2004 @ 08:21:34
Merci.

Mazette, une biographie de Céline en 4 volumes! Je n'en demandais pas tant! Mais encore merci.

Au fait, Lucette Destouches est-elle toujours en vie?

Sébastien


Salut,
Mais de rien. Attention la bio est en 3 volumes et non 4. Pour Céline et Lucette, tout se mérite et en cherchant un peu, tu trouveras ton bonheur là : http://www.lfceline.fr.st/ et Jules a pondu une critique ici, sur ce site à propos de "Céline secret" ouvrage auquel elle a participé. Jules a essaimé d'autres petites choses bonnes à découvirir, je pense : c'est par-là...
Peut-être que Céline n'aimerait pas ce qu'on fait lui qui disait : "Parler de sa postérité, c'est faire un discours aux asticots"? Mais quand on aime...

Jules
14/04/2004 @ 10:28:09
D'accord pour " Penser à sa postérité, c'est parler aux asticots" mais c'est une phrase du "Voyage" et au moment où les morts s'accumulaient autour de lui. Elle doit donc être prise dans ce contexte particulier. Maintenant, Céline aurait-il apprécier tout ce battage autour de son nom qui est fait aujourd'hui ? Je pencherais plutôt pour le oui, dans la mesure où c'est son oeuvre qui est appréciée à sa juste mesure. Et Dieu sait qu'il a trimé pour réaliser cette oeuvre ! Donner ce rythme à ses phrases et la vie à la langue parlée comme il l'a fait, à l'émotion, ont demandé un travail gigantesque que peu soupçonnent. Cela paraît simple, c'est pourquoi il a été souvent imité, mais avec beaucoup moins de bonheur.

Ocenebres 14/04/2004 @ 13:31:42
Juste, Jules, on ne peut plus juste !

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