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Saule

avatar 10/10/2009 @ 11:53:05
Et donc je voulais dire que le référentiel changeait avec l'âge aussi.. (ce n'était pas clair).

Saint Jean-Baptiste 10/10/2009 @ 16:03:17
Et, comme on le sait, nous sommes des enfants du Judaïsme chrétien. Donc pour nous, exception faite des Athées, il y a, je pense, des référentiels transcendants.

C'est une des questions que pose Camus dans "la Peste" avec Tarrou l'athée dont le dévouement est aussi exemplaire que celui du croyant Dr Rieux.
Je pense, mais ce n'est que mon avis, que Tarrou est beaucoup plus "saint" que Rieux, parce qu'il fait le bien sans l'espoir d'une récompense ou sans la crainte d'une punition.

C'est le nœud du problème : J'admire l'athée sans réserve. Mais c'est plus fort que moi, je ne peux pas le comprendre : s'il est conscient que tout vient du néant et retourne au néant son attitude est incompréhensible. Mais héroïque, certes – dans le vrai sens du héros grec.
Par contre, Camus caricature un peu – et même un peu beaucoup – quand il dit que le croyant attend sa récompense.

Le rat des champs
avatar 10/10/2009 @ 17:37:04
Par contre, Camus caricature un peu – et même un peu beaucoup – quand il dit que le croyant attend sa récompense.

Je n'ai pas dit que Camus avait dit ça, je crois qu'il suggère seulement la question.

Provis

avatar 10/10/2009 @ 19:38:57
Le problème du mot transcendant c'est qu'il semble évoquer une divinité. Et donc on sépare les gens en fonction qu'ils ont cette croyance ou pas. Mais c'est faux.

Je crois que la valeur absolue sur laquelle on choisit de baser sa vie est "transcendante", dans le sens que ç[a dépasse la raison.
C’est faux, Saule ? peut-être..

Tu es dans une position assez inconfortable, parce que d’un côté tu dis que la transcendance dépasse la raison (autrement dit, qu’elle ne relève pas de l’homme, je suppose), et d'un autre côté, tu dis qu’il ne s’agit pas d’une croyance (qu’elle ne relève pas d’une entité qui se situerait au-dessus de l’homme). Dans ces conditions, on se demande bien ce que pourrait être cette transcendance (sinon une figure de rhétorique bien commode..:o)..)

Tu serais venu écouter Jean-Pierre Changeux, le soir où je voulais te payer une bière, tu l'aurais entendu parler de l'"empathie", que le neurologue est capable d'observer dans le cerveau humain.
Jean-Pierre Changeux n'a pas parlé que de la relation entre l'art et le cerveau, mais aussi, de façon plus générale, du cerveau comme siège de l'émotion et en particulier l'émotion associée à la souffrance.
Le neurobiologiste est capable, expérimentalement, de déterminer les zones du cerveau concernées par la perception de la soufrance, et l'expérience montre par ailleurs que lorsque qu'une personne voit une autre personne en état de souffrance, les parties qui deviennent actives dans son cerveau sont les mêmes que celles du cerveau de la personne qui souffre. Autrement dit, les deux personnes souffrent. C'est l'empathie. Rien d'extraordinaire, direz-vous, sauf que, si j'ai bien compris le discours de Changeux, si, dans son cerveau, on "anesthésiait" les neurones concernées par l'empathie, on pourrait voir souffrir son prochain sans aucune émotion : plus d'empathie.

J'ai bien l'impression que toutes les règles morales ou religieuses, ou les "valeurs transcendantes", concernent essentiellement "notre relation à l'autre" (cet autre pouvant être Dieu, pour l'homme religieux) (voir plus haut le post de SJB, "Tu ne tueras point,..."). Il me semble qu'elles sont ainsi de même nature que l'empathie, dont on vient de voir qu'elle est ancrée dans les gènes et dans la culture par le côté épigénétique du cerveau.
Note sur "épigénétique" : le cerveau n'est pas déterminé uniquement par les gènes des parents (génétique), mais aussi par une longue (15 ans) croissance et transformation du cerveau (le cerveau du nouveu-né est beaucoup plus petit que celui de l'adulte, et organisé différemment), transformation fortement influencée par le milieu dans lequel vit l'enfant.

Le pur matérialiste (que je ne suis toujours pas) pourra ainsi prétendre que ce que tu appelles "transcendance" pourrait bien n'être qu'une production de ton cerveau. Comme tous les sapiens sapiens sont de la même espèce et ont à peu près le même cerveau, on pourrait bien avoir à peu près tous les mêmes "valeurs transcendentales".
D'autant plus que, comme l'explique Changeux, notre cerveau n'est pas seulement génétique, mais aussi épigénétique. Si le milieu dans lequel se développe l'enfant est par exemple peu "empathique", son cerveau développera peu ses possibilités d'empathie. De même a priori pour les "valeurs transcendentales".
Ce qui pourrait expliquer du même coup que les changements de mentalité des gens (et donc les changements du "référentiel" dont on parlait) ne peut se faire que lentement, générations après générations.

Je te dis tout ça uniquement pour te faire regretter de n'être pas venu boire une bière avec moi.. :o)

Saule

avatar 10/10/2009 @ 20:05:25
Provis, ce que tu racontes est passionnant et je regrette bien de n'avoir pas pu prendre une bière en écoutant avec toi ce Changeux.

Cependant, j'ai la plus grande méfiance pour les neuro-biologistes, qui croient pouvoir ramener tout à la matière. Je sais que les plus optimistes d'entre eux pensent pouvoir un jour comprendre le fonctionnement de la conscience comme un super-logiciel, mais en réalité ils en sont très loin. Ils me font penser à des apprentis-sorcier.

Sinon, pour répondre à ton objection, je pense que l'homme ne se limite pas à sa raison. Il y a ce que Jung appelle le Soi. Pour Jung, notre partie consciente (notre Moi) est un peu comme quelqu'un qui serait au-dessus d'un iceberg, qui ne pourrait que voir et connaitre la plus petite partie de l'ensemble, le reste étant immergé. Le Soi, c'est la partie totale, qui inclut le conscient et l'inconscient, l'iceberg en entier quoi.

Par rapport à la religion, je crois que Jung dit que Jésus est une projection de ce Soi sur un personnage historique. Pour moi c'est l'inverse, le Soi est une manière non-religieuse de parler de Jésus. Mais je crois vraiment que le transcendant est indépendant du fait de croire en une divinité ou pas.

Peut-être qu'un jour, dans très longtemps, les neuro-biologistes parviendront à modéliser cette partie inconsciente de nous-même, et trouver la bonne recette pour la reproduire en laboratoire et faire des expériences. Certains disent que notre conscience, notre capacité à analyser nos actes et juger nos actions (ce foutu sentiment de culpabilité) est une sorte de logiciel qui tourne et qui nous "observe". Mais je n'y crois pas. Et entre-temps leurs discours ne sont pas vraiment utiles, c'est de la spéculation pure. Je veux dire: un neuro-bilogiste ne va jamais pouvoir te dire comment devenir heureux, ou comment donner un sens à ta vie. Maintenant, à quelqu'un de dépressif, on ne peut donner que des médicaments qui en fait ne guérissent pas mais empêchent juste de souffrir.

Bon je reconnais, mes connaissances en neurobiologie sont trop limitées et j'en ai une vision très négative :-). Mais je n'y crois pas plus que je ne crois à la psychanalyse.

Stavroguine 10/10/2009 @ 20:42:20
Quel sens a la vie ? : aucun. Ou du moins, pas plus que celle d'un cheval, d'un insecte ou d'une fleur : naître, vivre, se reproduire, mourir.

Comment pourrions-nous être plus heureux ? : en arrêtant de penser à notre bonheur (ce qui n'arrivera pas à partir du moment où l'on a conscience de soi - heureux soient les simples d'esprit). Tout naît du miroir et de la self-conscience qui nous font nous interroger sans cesse sur ce qu'on pourrait avoir pour nous améliorer, c'est-à-dire, ce qui manque à notre bonheur. Et bien sûr, plus une société est développée et abondante, et plus elle est oisive et a donc le temps de se poser ces questions qu'on élude vite autrement pour trouver de quoi manger. C'est un peu comme un enfant gâté. Finalement, quelque soit la dose de notre bonheur, on sera toujours aussi malheureux, voire même en proportion inverse. C'est pourquoi nous ne sommes finalement pas plus heureux qu'un orphelin ayant perdu toute sa famille dans une guerre, voire même moins. Et nous sommes pourtant plein de bonne foi en pensant que nos problèmes quotidiens ont de l'importance.

Pendragon
avatar 10/10/2009 @ 22:50:01
Provis, Saule, Stavro, et les autres, cela devient de plus en plus passionnant... Provis ta dernière intervention est assez proche de ce que je crois aussi, même si mes connaissances en neurobiologie sont plus proche du zéro que d’autre chose… Mais à ce propos, j’avais lu une étude qui expliquait que 80 % de nos souvenirs étaient faux ! qu’il s’agissait en fait de souvenirs modifiés par notre cerveau pour nous rendre la vie plus facile ! Entendons-nous hein, modifiés ne veut pas dire changés du tout au tout. D’ailleurs, les flics le savent très bien car il parait que les témoins oculaires ne sont jamais pris en compte s’il n’y en a pas au moins trois qui corroborent les faits ! ^^

Souvenir soit heureux, soit malheureux, l’important n’était pas là, mais souvenir modifié pour que nous en profitions pour « évoluer » dans le bon sens, sous-entendu, dans le sens que le cerveau estime juste… mais juste au nom de quoi !?

Saint Jean-Baptiste 11/10/2009 @ 00:54:28
Il est possible que la vie n'ait pas de sens.
Il est possible aussi qu'elle en ait un.
Quand on a bien réfléchi sur ces deux hypothèses on s'aperçoit que vouloir y répondre par la raison ou par la science est de la vaine spéculation.
La raison se heurte à des choses irrationnelles et la science ira certainement très loin, mais n'expliquera jamais, la conscience du bien et du mal, la compassion, le remord, par exemple.

Je crois que c'est pour ça, d'ailleurs, que les matérialistes en arrivent à nier l'existence du bien et du mal. Pour eux, ce serait suggestif, culturel, ou affaire de circuits et de neurone dans le cerveau… Mais je n'ai jamais entendu une explication valable. Surtout chez les neuro-biologistes et les neuropsychiatres.

Mais on peut aussi très bien ne pas se poser la question ; et au fond, on ne s'en portera pas plus mal. Il y a toujours, je crois, une période de la vie ou on a vraiment pas le temps de s'intéresser à tout ça. Et on n'a pas envie de se donner des soucis, quand on en a déjà tellement…
Et c'est peut-être une période plus heureuse qu'on ne l'imagine.
Mais, enfin, à un moment, c'est peut-être mieux aussi d'assumer ce que l'on est.

Débézed

avatar 11/10/2009 @ 01:11:55
Quel sens a la vie ? : aucun. Ou du moins, pas plus que celle d'un cheval, d'un insecte ou d'une fleur : naître, vivre, se reproduire, mourir.

La vie n'a que le sens que tu veux bien lui donner ! C'est une notion très intime !

Garance62
avatar 11/10/2009 @ 08:58:42
Quel sens a la vie ? : aucun. Ou du moins, pas plus que celle d'un cheval, d'un insecte ou d'une fleur : naître, vivre, se reproduire, mourir.

Comment pourrions-nous être plus heureux ? : en arrêtant de penser à notre bonheur (ce qui n'arrivera pas à partir du moment où l'on a conscience de soi - heureux soient les simples d'esprit). Tout naît du miroir et de la self-conscience qui nous font nous interroger sans cesse sur ce qu'on pourrait avoir pour nous améliorer, c'est-à-dire, ce qui manque à notre bonheur. Et bien sûr, plus une société est développée et abondante, et plus elle est oisive et a donc le temps de se poser ces questions qu'on élude vite autrement pour trouver de quoi manger. C'est un peu comme un enfant gâté. Finalement,

quelque soit la dose de notre bonheur,

on sera toujours aussi malheureux, voire même en proportion inverse. C'est pourquoi nous ne sommes finalement pas plus heureux qu'un orphelin ayant perdu toute sa famille dans une guerre, voire même moins. Et nous sommes pourtant plein de bonne foi en pensant que nos problèmes quotidiens ont de l'importance.


Voulais-tu dire Stavro, notre dose d'aisance matérielle ? :)
Et puis, quand tu parles de "bonne foi" celà me fait sourire..:))

Peux-tu en dire un peu plus sur l'épistémée" dont tu parlais ici :

"la morale prévalante dans nos sociétés occidentales du 21è siècle, est clairement dictée par l'épistémée judéo-chrétien cher à Onfray." ?

Stavroguine 11/10/2009 @ 12:31:59
Non, je ne voulais absolument pas dire notre dose d'aisance matérielle. Le bonheur peut-être matériel, mais aussi bien affectif, professionnel (non pas donc au niveau de la rémunération, mais de l'intérêt), familial, intellectuel... que sais-je, ce qui nous intéressera toujours, ce sera ce qui manque à notre bonheur pour être parfait (et on trouvera toujours quelque chose, tout comme on trouve toujours un "progrès" à faire faire à notre société).

Et l'épistémée, c'est tout simplement cette espèce de vase de principes dans laquelle on grandit et évolue sans nécessairement avoir conscience de sa présence ; c'est un peu l'air moral que l'on respire, toutes les valeurs de notre société qui nous sont si familières qu'elles nous apparaissent universelles et intemporel, cet espèce de background à notre vie.

Garance62
avatar 11/10/2009 @ 14:18:53
Finalement,

quelque soit la dose de notre bonheur,

on sera toujours aussi malheureux, voire même en proportion inverse. C'est pourquoi nous ne sommes finalement pas plus heureux qu'un orphelin ayant perdu toute sa famille dans une guerre, voire même moins.


Voulais-tu dire Stavro, notre dose d'aisance matérielle ? :)

Non, je ne voulais absolument pas dire notre dose d'aisance matérielle. Le bonheur peut-être matériel, mais aussi bien affectif, professionnel (non pas donc au niveau de la rémunération, mais de l'intérêt), familial, intellectuel... que sais-je,

ce qui nous intéressera toujours, ce sera ce qui manque à notre bonheur pour être parfait



Si je définis le bonheur comme un état de bien-être durable, est-il possible d'imaginer que ce manque perpétuel dont tu parles (à quelque niveau que ce soit) puisse être le fondement même du bonheur ?
Si j'intègre dans mon schéma de pensée que cette incomplétude sera toujours réelle, que la complétude n'existe pas et que la quête de l'élément qui me manque à un instant T fait donc partie de ce bonheur, puis-je espérer définir un bonheur non "fini" mais qui en serait justement un ?
Je peux ainsi en toute sérénité souhaiter que la complétude ne sera jamais atteinte, que je ne serai jamais comblée mais que c'est celà même qui fait mon bonheur.
L'angoisse qui naitrait du sentiment d'insatisfaction n'aurait plus lieu d'être. La quête perpétuelle d'un élément quel qu'il soit deviendrait une composante du bonheur et même son moteur.

Saint Jean-Baptiste 11/10/2009 @ 15:45:00
Finalement,

quelque soit la dose de notre bonheur,

on sera toujours aussi malheureux, .





ce qui nous intéressera toujours, ce sera ce qui manque à notre bonheur pour être parfait




Je peux ainsi en toute sérénité souhaiter que la complétude ne sera jamais atteinte, que je ne serai jamais comblée mais que c'est celà même qui fait mon bonheur.
La quête perpétuelle d'un élément quel qu'il soit deviendrait une composante du bonheur et même son moteur.


Je crois que la quête perpétuelle du bonheur n'est pas une bonne philosophie.
C'est mieux de trouver son bonheur et de s'y complaire.
Pour le peu que j'en sache, nos philosophes appellent ça l'hédonisme.
À ma connaissance la meilleure démonstration qui en soit faite est par Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray. – Un superbe livre !
C'est une philosophie qui convient très bien à ceux qui sont jeunes, beaux, riches, d'une intelligence moyenne – c'est largement suffisant, et en pleine santé.
Pour ceux qui sont vieux, laids, pauvres et malade ça fonctionne moins bien…

Mais Stravo va sans doute expliquer tout ça beaucoup mieux… ;-))

Stavroguine 11/10/2009 @ 21:47:27

Si je définis le bonheur comme un état de bien-être durable, est-il possible d'imaginer que ce manque perpétuel dont tu parles (à quelque niveau que ce soit) puisse être le fondement même du bonheur ?


Je ne vois pas comment. Ce qui te rend heureux sera ce qui correspond à tes aspirations. Mettons que ton idée du bonheur passe par l'épanouissement amoureux, je ne vois pas comment l'absence de relation pourrait te rendre heureux (ça peut en rendre heureux certains qui auraient un référentiel différent, préféreraient ne pas avoir d'attaches, mais si ton épanouissement personnel passe par une vie de famille, une relation stable, ton échec amoureux ne te rendra pas heureuse). Idem pour la richesse : si le bonheur est pour toi une abondance matérielle, l'endettement ne sera pas le fondement de ton bonheur.
Cependant, tu peux être dans un état de bonheur même si un des critères de ton bonheur manque, tout est encore échelle de valeur. Mettons que tu veuilles être riche et avoir une belle vie de famille. Peut-être que tes enfants et ton conjoint te rendront heureuse bien que tu tires le diable par la queue, mais ce n'est pas le manque perpétuel de cet aspect du bonheur qui te rend heureuse mais plutôt la réussite de l'autre aspect de ton bonheur qui compense avec l'échec du deuxième et le surpasse éventuellement.
Après, bien entendu, le manque de bonheur est un moteur. Mettons que ton insatisfaction matérielle va te pousser à travailler ou à créer ou produire afin d'obtenir l'argent qui manque à ton bonheur. Mais là encore, le manque n'est pas une cause de bonheur, au contraire, c'est une cause de malheur qui va t'inciter à faire évoluer ta situation pour y mettre un terme (tout comme une société va évoluer pour mettre un terme à ce qui ne correspond plus à son système valeur : l'ancien régime en 1789 ; l'Inquisition remplacée par la laïcité ou la laïcité remplacée par l'intégrisme dans les exemples que Pendragon et moi avons utilisés).

Si j'intègre dans mon schéma de pensée que cette incomplétude sera toujours réelle, que la complétude n'existe pas et que la quête de l'élément qui me manque à un instant T fait donc partie de ce bonheur, puis-je espérer définir un bonheur non "fini" mais qui en serait justement un ?


La réponse est la même qu'au-dessus. Ton bonheur "non fini" peut parfaitement prétendre au nom de bonheur et te rendre heureuse mais pas par son aspect non fini. Seulement parce que tu places dans ton idée personnelle du bonheur (dictée en grande partie par le monde dans lequel tu vis) certains éléments au-dessus d'autres et que ces éléments sont satisfaits dans ta situation et te rendent heureuse. Mais la partie 'non finie' (l'argent dans mon exemple ci-dessus) n'en reste pas moins un bémol à ton bonheur, pas une contribution à celui-ci.

Je peux ainsi en toute sérénité souhaiter que la complétude ne sera jamais atteinte, que je ne serai jamais comblée mais que c'est celà même qui fait mon bonheur.


Souhaiter l'incomplétude est inutile : la complétude ne sera jamais atteinte. Il serait dangereux qu'elle le soit. Ce serait, pour reprendre l'expression de Fukoyama, 'la fin de l'Histoire'. Comme Fukoyama a cru avec la chute du bloc soviétique que la démocratie libérale était LA complétude, qu'aucun progrès ne pourrait lui succéder, la complétude de ton bonheur mettrait un terme à ton évolution. Or la fin du progrès (qui semble impossible car, comme démontrée plus haut, le progrès est relatif), ne peut signifier que l'arrivée à l'apogée, qui ne peut être suivie (après une brève stagnation), que d'une longue décrépitude. Mais encore une fois, même s'il n'est pas souhaitable que tu sois comblée, ce n'est pas l'incomplétude qui te rend heureuse. Le bonheur est la fin. L'incomplétude de ce bonheur est tout au plus un moyen, un déclencheur qui te permettrait de viser cette fin.

L'angoisse qui naitrait du sentiment d'insatisfaction n'aurait plus lieu d'être. La quête perpétuelle d'un élément quel qu'il soit deviendrait une composante du bonheur et même son moteur.


C'est antinomique ! Si l'insatisfaction de ton bonheur ne te dérange plus, pourquoi partirais-tu en quête pour l'accroître ? Si l'incomplétude ne te dérange pas, c'est que tu t'es résignée à jouir de ton bonheur sous sa forme actuel, peu importe qu'il soit incomplet et là aussi, c'est quelque part la fin de l'histoire. Ce qui n'est pas inacceptable, mais ce qui fait que tu n'as plus de moteur pour partir dans cette quête perpétuelle du bonheur devenue inutile au tien.

Saule

avatar 11/10/2009 @ 22:03:33
Pour caricaturer: est-ce que les oies qu'on gavent sont heureuses?

On ne peut pas parler du bonheur comme quelque chose de mesurable, qu'on peut acquérir selon sa volonté. En fait personne n'est capable de définir le bonheur, et bien sur il est toujours relatif. Et il pour ainsi toujours passager.

Des théologiens disent que le fait d'être heureux ou pas n'est pas lié au bonheur. Le bonheur est passager, être heureux est un état plus permanent, qui demande un long cheminement et qui s'enracine dans la souffrance notamment, puisque nos finitudes d'êtres humains impliquent qu'on n'échappent jamais à la souffrance. Dans ce sens je suis d'accord avec Garance, c'est notre sentiment d'incomplétude qui fait de nous des hommes. Le moment ou on met le doigt sur nos finitudes, est souvent douloureux, mais c'est en des moment comme ça qu'on se sent vivant.

Il y a un autre théologien qui dit que le bonheur s'est de désoccuper de soi-même, pour penser aux autres ou à Dieu. Je comprends l'idée.

Stavroguine 11/10/2009 @ 22:18:57
Pour caricaturer: est-ce que les oies qu'on gavent sont heureuses?

On ne peut pas parler du bonheur comme quelque chose de mesurable, qu'on peut acquérir selon sa volonté. En fait personne n'est capable de définir le bonheur, et bien sur il est toujours relatif. Et il pour ainsi toujours passager.

Des théologiens disent que le fait d'être heureux ou pas n'est pas lié au bonheur. Le bonheur est passager, être heureux est un état plus permanent, qui demande un long cheminement et qui s'enracine dans la souffrance notamment, puisque nos finitudes d'êtres humains impliquent qu'on n'échappent jamais à la souffrance. Dans ce sens je suis d'accord avec Garance, c'est notre sentiment d'incomplétude qui fait de nous des hommes. Le moment ou on met le doigt sur nos finitudes, est souvent douloureux, mais c'est en des moment comme ça qu'on se sent vivant.

Il y a un autre théologien qui dit que le bonheur s'est de désoccuper de soi-même, pour penser aux autres ou à Dieu. Je comprends l'idée.


Pour la dernière phrase, c'est un peu ce que je disais quand j'affirmais que la cause du malheur est la conscience de soi. Maintenant, je laisserais en ce qui me concerne Dieu et les autres en-dehors de ça.

Pour le gros paragraphe du milieu, oui, le sentiment d'incomplétude nous fait homme d'une certaine manière : c'est encore ce que je dis en disant que la complétude est la fin de l'Histoire. Par contre, si j'ai bien compris, Garance disait que l'incomplétude faisait partie du bonheur, ce qui n'est pas la même chose, et ce avec quoi je ne suis pas d'accord.

Enfin pour les oies, n'ayant pas de conscience d'elles-mêmes, elles ne se posent pas la question (ce qui ne les empêche certainement pas de souffrir physiquement de leur gavage mais sans se demander si ça les rend heureuse ou non). Et ce n'est en rien comparable : l'oie ne demande pas à être gavée, la personne pour qui l'argent est la source du bonheur, demande à s'enrichir. Si à un moment donné, il est trop "gavé", c'est simplement parce que ça ne correspondrait plus à son idée du bonheur. Mais tant qu'il se considérerait plus heureux avec plus d'argent (et on est encore une fois en plein relatif : je ne dis pas "avec X euros, on est heureux", mais pour certaines personnes, le bonheur correspond au moins en partie à l'accumulation de certains biens matériels), l'augmentation de son capital contribuerait à son bonheur.

Saule

avatar 11/10/2009 @ 23:11:15
Je suis en partie d'accord avec toi, je dois dire aussi que mon avis sur le bonheur est fortement dépendant de ma dernière expérience (je suis un peu inconstant, mais ça fait partie du charme de la vie :-))

Par rapport au dernier paragraphe, des études ont démontrées que passé un certain seuil de richesse (en gros ce qu'il faut vivre décemment en étant à l'abri du besoin), avoir plus de biens matériel ne rend pas plus heureux. Ça me semble évident.

Dans notre société de consommation, les gens sont incités à accumuler de l'argent et à toujours consommer plus, et ainsi à se lancer dans une vaine poursuite, puisque notre "incomplétude" est inhérente à notre condition humaine et est impossible à comblée: au lieu d'une saine acceptation, on est incité à une course sans fin qui nous rend égoïste et nous laisse toujours insatisfait (plus on a plus on veut), et qui ne comblera jamais notre Désir (un objet vide qui est impossible à remplir). Sur ce sujet, cft le livre de Christian Arnsperger (cité par ailleurs), qui critique le capitalisme de manière existentialiste

Saint Jean-Baptiste 11/10/2009 @ 23:56:05
Moi je n'ai jamais compris cette idée qu'on doit "faire son bonheur" dans la vie. Comme si le but dans la vie était de "faire son bonheur".
Il y a quelques années les Américains vendaient des recettes de bonheur : "comment être heureux dans la vie". "Comment avoir beaucoup d'amis". "Comment vivre heureux quand on n'est pas riche"…
Il me semble qu'on pourra dire : la journée a été bonne, pas trop d'emm…
Ou : le mois a été bon, pourvu que ça dure…
Ou : on a passé une bonne année, etc…
Mais il n'arrive jamais qu'on dise : ça y est, je suis dans le bonheur !

Du reste je ne comprends pas non plus les parents qui disent : je veux faire le bonheur de mes enfants ! Ce n'est pas ça qu'on leur demande, ce n'est pas ça l'éducation !

Ce qui me fait hurler ce sont ces politiciens qui disent – quand on leur demande leur programme : moi, je veux faire le bonheur de tout le monde !
J'ai envie de leur dire – et du reste je l'ai dit un jour à une chef de parti :
« Ne vous mêlez surtout pas de mon bonheur ! Je n'en sors déjà pas très bien tout seul. Quand ça va vraiment très mal, je vais trouver mon grand frère ou ma grande sœur, et alors, ça va encore plus mal... Alors, vous, Madame, s'il vous plait, ne vous mêlez surtout pas de ça ! »

Débézed

avatar 12/10/2009 @ 00:46:47
Le bonheur encore un truc très personnel, chacun recherche ce qu'il veut dans la vie tant qu'il ne contrevient aux lois en vigueur et qu'il fout la paix aux autres !

Virgile

avatar 12/10/2009 @ 15:03:41
Saule si tu n'as pas lu Ethique à l'usage de mon fils je te le conseille parce que justement dans ce bouquin Savater trouve une morale qui ne fait pas référence à un dieu quelconque et qui se tiens de manière très logique et naturelle.

En très fortement résumé il dit que tout le monde cherche à être heureux et démontre que pour l'être la meilleure façon d'y parvenir c'est de faire le "bien".

A part ça je rejoins l'avis d'Oburoni dans ses deux interventions.

Et je pense qu'on finira par arriver à un seul gros référentiel qui se sera imposé ou aura bouffé les autres à long terme. Je pense que la mondialisation est inévitable.


C'est très mignon tout ça mais ça repose sur un sophisme : le Bien, ce serait donc ce que l'homme sait qui est bien, parce que c'est bien (et même meilleur pour lui). Ca nous avance vraiment ?


Non, Stavro, ça reposerait sur un sophisme selon la définition du bien, mot que j'ai mis entre guillemets parce qu'il n'avait pas justement vraiment la définition que tu en donnes. Comme je l'écrivais ma phrase était un hyper résumé du bouquin de Savater et je comprends que tu le prennes pour un sophisme sans avoir lu tout le développement. Je te conseille donc de lire ce bouquin avant de t'enfoncer dans des jugements à priori et après on pourra en parler si tu veux. ;o)


Imaginons-nous dans le paysage blanc d'un désert de glace. L'image est belle et pour le moins abstraite (surtout en ces temps de fonte de glace). Mettons maintenant que nous ne soyons que tous les deux dans ce désert de glace. Moi, frigorifié dans un simple t-shirt ; toi, confortablement emmitouflé dans une épaisse doudoune. Autour, nul refuge, nul animal à qui je pourrais "emprunter" la fourrure. Et couper ta veste en deux ne résulterait qu'à nous faire mourir de froid tous les deux.
Il est évident que le meilleur pour moi, dont les extrémité bleuissent déjà, serait de te dépouiller de ta doudoune - ma conscience me travaillera peut-être, mais si je reste comme je suis, dans cinq minutes, je n'en aurai plus. Le meilleur pour moi est donc de t'abandonner à une mort certaine pour m'emparer de ton manteau. Est-ce ta conception du Bien ?
Imaginons, à l'inverse, que tu sois un homme Bien, un homme animé par ces valeurs du Bien intemporel et absolu que sont l'amour et la compassion, un Saint Martin. Sans nul doute, l'amour et la compassion pour ton prochain t'inciteraient à me donner de toi-même ta doudoune. Cependant, la mort n'en serait pas moins certaine pour toi, resté en t-shirt sur cette banquise. Ainsi, faire le Bien n'aura pas été le meilleur pour toi.
CQFD : Dire "faire le bien, c'est faire ce qu'il y a de meilleur pour soi" est fallacieux et dépourvu de sens. A moins de rejeter tout système de morale, de ne reconnaître aucune autorité supérieure à soi-même et d'être donc nihiliste.
... A moins bien sûr que ton amour et ta compassion ne t'ouvrent la porte du Royaume des Cieux ce que tu penses être le meilleur pour toi.
CQFD : l'amour et la compassion ne sont pas des valeurs universelles, mais des valeurs chrétiennes dictée par l'autorité supérieure d'un Dieu auquel tu crois ou, à tout le moins, dont les préceptes ont modelé le monde dans lequel tu vis.


Ton exemple m'a bien fait marrer je dois dire! ^^

Dans celui-ci, ce qui ferait agir l'homme en t-shirt ce n'est pas l'idée qu'il a du bien mais l'instinct de survie. Dans ces cas là on revient aux instincts naturels, l'homme à beau avoir une conscience elle n'est pas utilisée en situations extrêmes et donc à la loi du plus fort s'applique alors (et là je doute que le frigorifié déjà engourdi par le froid soit plus fort que l'homme bien emmitouflé ;op).

Et puis qui sait, l'homme en doudone connait sans doute bien mieux le milieu glacé qui l'entoure que l'homme en t-shirt, il pourrait donc éventuellement construire très rapidement un igloo dans la neige afin qu'ils survivent tous les deux le temps qu'un ours ou un phoque passe dans les parages afin de lui piquer sa fourrure (si il n'y a vraiment aucun animal et aucune possibilité d'abri alors même un manteau ne les sauvera pas d'une mort rapide). La coopération est dans l'intérêt des deux types il me semble. On s'en sort mieux à deux en milieu hostile que tout seul non?

Pour ce qui est de tes deux CQFD (qui arrivent après une démonstration simpliste et sophistique ;op) ils tombent un peu à plat en ce qui me concerne.

L'amour et la compassion ne sont pas des valeurs universelles simplement parce que ce ne sont pas des valeurs. Ce sont des sentiments. On les éprouve ou on ne les éprouve pas.

Et "faire le bien" ne se limite pas à décider à court terme mais aussi à plus long terme. Dans ton exemple tout es biaisé par le fait que cette situation est hors du temps ou se passe dans un temps très court, une situation de base très inégalitaire dont on ne sait rien de ce qui l'a provoquée et aucun futur pour les deux protagonistes quoi qu'il arrive.

En étant en dehors de tout sentimentalisme, "faire le bien" est le comportement qui offre le plus de chances de vivre dans les conditions les plus confortables. C'est une question de logique et de statistiques, pas de morale quelconque. C'est là que peut se nicher l'universalité de la chose sans besoin de transcendance. Statistiquement parlant un groupe de gens soudés qui s'entraident est plus fort que des individus qui ne pensent qu'a eux. Et un groupe ne peut être soudé que si chacun respecte les autres. CQFD ;o)

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