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Garance62
avatar 08/10/2009 @ 19:50:51

Comme le dit Pendragon (si j'ai bien compris), il est très intéressant de comprendre par quel mécanisme on est parvenu dans le passé à légitimer des comportements immoraux (racisme, exploitation des indigènes dans les colonies, eugénisme,...), ou bien dans certaines circonstances (la guerre).

Le temps passé me semble malheureusement peu adapté.

Pendragon
avatar 08/10/2009 @ 20:00:31
Même si je suis d'accord avec ce que tu dis... c'est bcp bcp bcp trop simpliste comme explication... c'est pour ça qu'il faut constamment étudier l'histoire pour essayer de se mettre dans la tête de ces gens qui ont commis tant d'atrocités... car, crois-moi, l'homme n'est pas meilleur aujourd'hui, alors pourquoi ce genre de choses n'ont-elles plus lieu ? C'est en ce sens qu'il faut étudier la question.

Quant à ton autre question un peu plus haut, j'y reviens...

P.

Garance62
avatar 08/10/2009 @ 20:03:57
Comme le dit Pendragon (si j'ai bien compris), il est très intéressant de comprendre par quel mécanisme on est parvenu dans le passé à légitimer des comportements immoraux (racisme, exploitation des indigènes dans les colonies, eugénisme,...), ou bien dans certaines circonstances (la guerre).


Par le fait que l'homme (une proportion non négligeable des humains) est égoïste et malin : il trouve toutes les "bonnes" raisons pour cacher son égoïsme.


Je dois faire partie de la mauvaise proportion : non seulement je suis égoïste mais en plus je l'affiche.

Saule

avatar 08/10/2009 @ 20:11:16
Même si je suis d'accord avec ce que tu dis... c'est bcp bcp bcp trop simpliste comme explication... c'est pour ça qu'il faut constamment étudier l'histoire pour essayer de se mettre dans la tête de ces gens qui ont commis tant d'atrocités... car, crois-moi, l'homme n'est pas meilleur aujourd'hui, alors pourquoi ce genre de choses n'ont-elles plus lieu ? C'est en ce sens qu'il faut étudier la question.

Je suis entièrement d'accord. Pour prendre l'exemple des colonisations en Amérique du Sud, ça n'a pas du tout été facile de légitimer le massacre des populations locales (je crois qu'on en est même arrivé à ce que le papa fasse une bulle pour déclarer que les indigènes n'avaient pas d'âme). Et nos ancêtres à cette époque n'était certainement pas moins bon que nous.

C'est pourquoi il faut essayer de comprendre comment on peut faire assimiler par les gens des comportements amoraux, car si on l'a fait avant c'est clair que ça peut encore arriver maintenant (comme le suggère Garance).

Saint Jean-Baptiste 08/10/2009 @ 22:01:56
Si on supprime toute idée de transcendance il devient impossible d'établir une morale - ou une éthique universelle (une éthique c'est, au fond, une morale collective).
Les Athées, que je respecte éminemment, disent : je n'ai pas besoin d'un Dieu pour faire le bien.
Mais, dans la pratique, il reste à définir "le bien".
Or, sans transcendance, le bien restera toujours relatif ; il dépendra toujours de nos "différentiels."

L'inceste et la pédophilie n'ont pas toujours été des interdits. Le racisme, l'esclavagisme, et même la loi du plus fort non plus.
La fin justifie les moyens, le pas vu pas pris, tout le monde le fait donc c'est permis, on peut se faire justice à soi-même, on peut voler les riches ou l'État, sont des nouvelles "valeurs" qui s'installent dans notre société.
Et je me demande au nom de quoi, aujourd'hui, quelqu'un pourrait s'y opposer.

La grande loi actuelle c'est : ma liberté a pour limite la liberté de l'autre. Mais bien entendu, c'est le plus fort qui fixera les limites…

Sans transcendance, les différentiels seront toujours fixés par le plus fort.

Nos Droits de l'Homme que nous entendons imposer à l'humanité toute entière, sont des différentiels qui nous conviennent. Mais ils ne conviennent pas aux Africains, aux Arabes, aux Asiatiques, aux adeptes de la pensée bouddhique et chinoise.
Mais nous entendons les imposer au monde, parce que – jusqu'à présent – nous sommes les plus forts.

Saint Jean-Baptiste 08/10/2009 @ 22:06:28
Hem ! je m'aperçois que j'ai parlé de "différentiels" au lieu de référentiels…
(il faut m'excuser, c'est un mot que je n'emploie jamais) ;-))

Lecteurs attentifs et clairvoyants, vous aurez corrigé de vous-même…

Saule

avatar 08/10/2009 @ 23:40:01
Je crois que le terme "transcendance" est mal choisi, car tu introduis la notion d'un Dieu qui aurait décidé ce qui était bien et ce qui était mal.

Je crois comme toi qu'il y a une notion de bien qui est "objective", donc pas contestable, ni située dans une époque ou une culture donnée (donc pas liée à un référentiel). Par exemple l'amour, la compassion,.. Ces valeurs sont tellement partagées, et puis c'est tellement évident que c'est le "bien", qu'il n'est même pas nécessaire d'en discuter. Même si en effet on trouvera toujours un exemple d'une tribu reculée qui pratique la cruauté et le sadisme.. mais bon, il n'en reste pas moins que c'est objectivement "bien" d'aimer les autres.

Par contre ce bien n'est pas lié à une croyance à un Dieu. Au contraire, ce sont souvent au nom d'un Dieu que sont commis les pires atrocités. Et ce sont aussi bien des athées que des non-athées qui pratiquent le "bien".

Virgile

avatar 09/10/2009 @ 01:46:51
Garance, moi aussi je fait partie de la mauvaise proprortion des vilains égoïstes ;o)

Je pense qu'on l'est tous un peu et tant que chacun n'a pas son minimum vital ce seront toujours les comportements égoïstes qui primeront.

Au sujet d'une éthique universelle qui ne fait pas intervenir de transcendance je recommande le bouquin "Ethique à l'usage de mon fils" de Savater, en plus c'est amusant à lire. :o)

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/12356

Stavroguine 09/10/2009 @ 02:40:17
Voilà en effet un bien beau fil et tellement de choses y sont dites - et la plupart très intéressantes - qu'il est difficile d'y répondre. Je suis d'accord avec beaucoup de choses mais souvent à quelques nuances près...

Je commence par la fin avec les post de SJB et Saule qui me permettront, si je mène bien ma barque, de remonter aux questions que (se) pose Provis et l'amorce de réponse de Pendragon.

Tout d'abord, en tant qu'athée, je dois reconnaître que je suis finalement assez d'accord avec SJB et sans Dieu (dans un sens très large, mais c'est-à-dire sans source suprême dictant un système de valeurs (un référentiel) quel qu'il soit), il est impossible de définir le Bien de manière absolue et pérenne. C'est ce que dit Dostoïevski quand il affirme que "Si Dieu n'existe pas, tout est permis".
On pourra toujours opposer qu'on peut toujours faire montre d'une grande moralité tout en étant athée, mais cette "morale" au sens étroit du terme, c'est-à-dire la morale prévalante dans nos sociétés occidentales du 21è siècle, est clairement dictée par l'épistémée judéo-chrétien cher à Onfray. Dieu demeure donc finalement l'inspiration principale de l'athée bien sous tout rapport.
L'athéisme véritable passe donc par une remise en cause totale de la notion de Bien qui ne peut plus reposer que sur une éthique personnelle - mais souvent désabusée puisque consciente de sa limite en ce qu'elle est justement personnelle et privée de source et d'autorité supérieure. Personnellement, je ne conçois pas l'athéisme sans cynisme, voire indifférence à toute espèce de morale. Ainsi l'athée n'est pas immoral mais il est presque par définition amoral, d'où la perception pas si erronée que l'athéisme est dangereux pour le lien social à moins de substituer autre chose à Dieu (pour Marx, c'est la collectivité avec une "morale" reposant sur la solidarité et la mise en commun des biens, mais on peut très bien imaginer une "morale scientifique", ou même une "morale nazie" ou de quelque nature que ce soit tant qu'une autorité supérieure et commune à l'ensemble d'un groupe social dicte ladite "morale").

Je ne suis donc pas d'accord avec Saule qui dit qu'il existe une notion de Bien objective. Le Bien dépendra de ce que dicte Dieu ou l'autorité qui le remplacera, sans Dieu, donc, tout Bien transcendantal ou objectif est impossible. Tu évoques - avec une certaine naïveté - l'amour et la compassion. C'est très joli, mais ce sont des valeurs éminemment chrétiennes. Comme le note Provis, le précepte "Aimez-vous les uns les autres" prime AUJOURD'HUI sur la loi du Talion. Mais c'est seulement le cas depuis qu'un doux illuminé - fort sympathique au demeurant - et vaguement hippie a modifié les préceptes de son père.
Je parlais ce midi avec un ami de mon amour pour les films japonais de samouraïs et l'évolution des référentiels de la société nippone qu'on perçoit à travers eux. Avant guerre, utilisés à des fins propagandistes, ces films s'appuient sur les valeurs ancestrales et traditionnelles du Japon, celles contenues dans le Bushido : la fidélité au clan, la dévotion au seigneur, l'honneur, le sacrifice... dont la forme ultime mène au hara-kiri et toutes utiles bien entendu pour exacerber le nationalisme et former une armée de kamikazes. On est donc bien loin de l'amour et de la compassion. Et pourtant ces valeurs n'ont pas été inventées par le régime militariste du Japon des années 30, ce sont bel et bien les valeurs les plus importantes du Japon féodal, l'amour et la compassion étant même considérée comme efféminées, voire assez dégradantes. La preuve se trouve aussi dans les films japonais d'après-guerre où les samouraïs ne sont plus des superhéros (le "Dieu" supra-humain) mais des "ronins" - samouraïs sans maître - plongés dans l'errance, le nihilisme, l'absence de repères (notre athée véritable) et qui incarnent donc le mal être d'une société privée de la source traditionnelle de sa morale au lendemain de la guerre, lorsque les Américains tentent d'extraire les préceptes du Bushido de la société japonaise. On voit donc bien que non seulement l'amour et la compassion ne sont ni universelles ni intemporelles, mais aussi qu'une population privée de son Dieu perd sa morale collective, ce qui engendre un profond mal être.
Entre parenthèses, Saule, en admettant même que l'amour et la compassion soient des valeurs communes à toutes les sociétés (on peut après tout les assimiler respectivement à la fidélité et au sacrifice dans la société japonaise féodale), elles restent strictement limitées "aux siens": sa "famille", son "clan", sa "nation", sa "race" : "Tu ne tueras point" (principe tout de même essentiel pour la vie en société) n'a pas empêché les croisades. Ainsi, même en admettant que certaines valeurs se retrouvent dans des variantes différentes dans chaque société, elles n'en seraient pas universelles pour autant dans leur application ; même en admettant que l'amour soit une valeur universelle, la paix universelle n'est donc pas pour demain.

De tout ceci, on peut, pour répondre à Provis, conclure deux choses. La première, c'est que toute appréciation objective des systèmes de morale (c-à-d des référentiels) eux-mêmes est impossible. Soit on est croyant et on l'apprécie donc par rapport à son propre système de morale (personnel ou collectif) celui-ci se retrouvant donc de facto placé au sommet, hors de l'objet d'étude, et les différents systèmes étudiés n'étant classés qu'en fonction de lui, donc subjectivement. Soit on est athée véritable et c'est un non-sens de classer des systèmes de morale quand la morale n'existe pas : ça reviendrait à compter sans chiffres.

La seconde, aussi pour Provis, à propos de la réflexion selon laquelle l'homme est égoïste, il l'est en effet, mais il n'est pas "malin". Simplement, l'homme agit selon son propre système de valeur (celui de son clan) qu'il place au-dessus des autres (sinon il aurait tort d'y adhérer, c'est donc bien normal). Ainsi, l'homme ne cherche finalement qu'à faire le bien, mais égoïstement, pour les siens. Le mythe du supervilain génie du mal est donc faux : personne, pas même Hitler, ne cherche à faire le Mal. Simplement, chacun agit pour son bien personnel ou collectif. On peut d'ailleurs le voir dans tous les exemples cités par Saule sur ce point : racisme, colonisation, eugénisme, guerre : tout ceci se fait finalement plus POUR SOI que CONTRE L'AUTRE. Dans l'eugénisme, c'est on ne peut plus clair. Dans la guerre, la colonisation, le racisme : on ne cherche pas à réduire l'autre (territorialement ou son influence religieuse, culturelle), mais à s'agrandir soi-même : ainsi en ex-Yougoslavie, l'extermination des Croates et des Bosniaques n'est que la conséquence de la politique de création d'une Grande Serbie, pas un but en tant que tel ; de même, le but de l'esclavage n'est pas d'exploiter le Noir, mais de permettre au Blanc de jouir d'une main d'oeuvre gratuite ; pareil pour le racisme, la misogynie... : on ne considère X comme notre inférieur que pour nous permettre de nous considérer comme son supérieur. En somme, à chaque fois que l'homme fait le mal, il cherche à faire le bien pour le groupe auquel il appartient et selon le système de valeur en vigueur dans ce groupe (qu'il aura peut-être changé mais toujours pour ce qui est dans son esprit le bien de son groupe), et plus ce groupe sera large, plus il donnera l'impression de faire véritablement le Bien (la lutte pour les Droits de l'Homme au mépris de certaines spécificités culturelles) ; à l'inverse, l'homme qui ne cherche que son profit strictement personnel, sera plus facilement regardé comme faisant le mal (le supervilain prêt à tout pour conquérir le monde ; le pédophile qui ne cherche que sa jouissance personnelle en violant un enfant). Non seulement donc, le Bien absolu n'existe pas, mais il va dépendre du système de valeur en vigueur et de la magnitude de ce système.

J'ai peur d'avoir été très confus sur tous ces points mais j'espère que je me serai quand même fait comprendre sans dire trop de bêtises. Si ce n'est pas le cas, mettons ça sur le dos de l'heure tardive.

Micharlemagne

avatar 09/10/2009 @ 05:06:42
Je plusse...

Donatien
avatar 09/10/2009 @ 07:19:25
Darwin et Nietsche doivent se retourner dans leur tombe!

Stavroguine 09/10/2009 @ 09:56:06
Darwin et Nietsche doivent se retourner dans leur tombe!


Tu penses ? Je vois pas bien le rapport avec Darwin, mais si tu parles pour mon intervention, je ne pense pas être si éloigné de Nietzsche quand je dis que le Bien et le Mal n'existent pas et que Dieu est mort, mais qu'il faut le remplacer par autre chose - ce que fait finalement l'ubermensch en substituant de nouvelles valeurs à celles que Dieu imposait jusqu'ici, évitant ainsi le nihilisme (de mon athée véritable) succédant obligatoirement à la mort de Dieu.

Oburoni
avatar 09/10/2009 @ 11:02:11
Darwin et Nietsche doivent se retourner dans leur tombe!


Tu penses ? Je vois pas bien le rapport avec Darwin, mais si tu parles pour mon intervention, je ne pense pas être si éloigné de Nietzsche quand je dis que le Bien et le Mal n'existent pas et que Dieu est mort, mais qu'il faut le remplacer par autre chose - ce que fait finalement l'ubermensch en substituant de nouvelles valeurs à celles que Dieu imposait jusqu'ici, évitant ainsi le nihilisme (de mon athée véritable) succédant obligatoirement à la mort de Dieu.


L'existence de la morale est NATURELLE, le darwinisme l'explique en montrant qu'elle est un pur produit de l'évolution.

Maintenant le fait est que dans les sociétés humaines elle varie, dépendant de notre experience de vie en commun, nos progres en terme de connaissances etc... Le moral "zeitgeist" est en effet, aussi, un phénomene CULTURELLE; ce que la croyance au transcendant a parfois tendance a nier... dangereusement.

Et non : la mort de Dieu ne mene PAS au nihilisme tout simplement parce que partout ou il y a une societe il y a une forme plus ou moins latente de conscience collective. Pas besoin de Dieu pour cela, Dieu serait plutot une pietre incarnation ce cette conscience collective.

Pendragon
avatar 09/10/2009 @ 11:15:57
Stavroguine a parfaitement complété les diverses pensées ici échangées, il parle d’or cet homme-là ! Déjà, qu’il a bon goût en matière de film ! ^^

Pour ajouter encore une petite réflexion, je me souviens de la polémique qui a eu lieu au sujet des Droits de l’homme en Chine, l’année dernière, lors des Jeux Olympiques. A un moment donné, au cours de toutes ces discussions, j’ai entendu un journaliste, ou sociologue, ou historien (je ne me souviens plus) évoquer l’idée suivante : de quel droit imposons-nous nos propres Droits de l’Homme à l’entièreté du monde !? Et lui de revenir sur l’historique de ces Droits (que je ne vais pas faire ici) mais qui en gros, et même en détails, exprime une idée très claire : ces droits ont été conçus en Europe, par des européens, à une époque bien précise, pour des raisons bien précises, en des circonstances et suivant un schéma qui était inéluctable de logique « conséquencielle » (je ne pense pas que ce mot existe, mais je veux dire que si vous placez toute une série d’événements concomitants, il y a une logique presque unique qui en découle et qui conduit à une seule conséquence, effet unique de causes multiples, bref). Alors que, et tout est là, alors que, en Chine, ayant une Histoire fondamentalement différente de la nôtre, ils ne pouvaient en aucune manière arriver aux mêmes conclusions et donc au même texte. Il continuait sa démonstration et gardait, entre autre, un fil rouge important : nous, WASP, blancs, européens, judéo-chrétiens, etc (mettez le qualificatif que vous voulez) avons une pensée foncièrement individualiste, l’individu prime sur chaque chose alors que les chinois (entre autres) ont une pensée qui est collective, la collectivité, le groupe prime sur l’individu. Ceci expliquant notamment pourquoi la peine de mort est acceptée en Chine : on ne supprime pas un individu, on protège la collectivité des nuisances d’un élément perturbateur qui n’a pas de valeur intrinsèque en tant qu’individu, puisque l’individu n’a pas de valeur sans appartenance à un groupe ! C’est fondamental comme réflexion ! Sans cette remise en référence propre, on ne pourra jamais comprendre les chinois (ou autres). Et c’est aussi cela qui rejoint la pensée nietzschéenne au-delà du Bien et du Mal, nous ne sommes pas à même de juger en restant dans notre référentiel – de la même façon qu’eux ne peuvent pas nous juger – et si l’on s’élève pour embrasser les deux référentiels, on ne peut plus déterminer ce qui est Bien et ce qui est Mal.

La religion ou l’athéisme ne peuvent rien apporter de plus à ce genre de réflexion, comme l’a dit Stavro, dans sa superbe évocation du Japon féodal, les valeurs inhérentes à la religion ne sont pas universelles, elles sont, comme tout le reste, le produit d’une histoire et d’une ligne « conséquentielle » qui ne se retrouvent pas partout sur la terre, la religion est tout ce que vous voulez sauf universelle ! Entre le paganisme indien, l’animisme africain ou le Temps du Rêve aborigène, je vous défie d’y trouver des « valeurs universelles humaines » exprimant un Bien et un Mal unique. Et je ne vous parle même pas de l’interprétation, malheureusement souvent libre, que chacun a de sa propre religion !

Et donc, pour répondre à la question de Provis sur l’amélioration des référentiels au cours du temps, j’aurais tendance à répondre que oui, chaque référentiel, dans sa propre référence, comprenez, dans son propre champs d’action, s’améliore avec le temps : l’Europe ne connaîtra plus d’Inquisition Espagnole, par contre, les Arabes sont, pour le moment, en plein dedans (je ne sais pas comment vous appelez cela, mais personnellement, je trouve qu’Inquisition convient bien) et donc, à terme, mais à très long terme, chaque référentiel s’étant amélioré, nous aurons de plus en plus de « progrès » DIFFERENTS sur l’ensemble de la Terre… mais je ne crois pas que ces progrès différents se rejoindront un jour pour former un référentiel unique qui convienne à tous…

À suivre…

P.

Micharlemagne

avatar 09/10/2009 @ 11:53:42
Entièrement d'accord avec l'analyse rapportée par P. à propos de la Chine.

Stavroguine 09/10/2009 @ 12:08:52

Et donc, pour répondre à la question de Provis sur l’amélioration des référentiels au cours du temps, j’aurais tendance à répondre que oui, chaque référentiel, dans sa propre référence, comprenez, dans son propre champs d’action, s’améliore avec le temps : l’Europe ne connaîtra plus d’Inquisition Espagnole, par contre, les Arabes sont, pour le moment, en plein dedans (je ne sais pas comment vous appelez cela, mais personnellement, je trouve qu’Inquisition convient bien) et donc, à terme, mais à très long terme, chaque référentiel s’étant amélioré, nous aurons de plus en plus de « progrès » DIFFERENTS sur l’ensemble de la Terre… mais je ne crois pas que ces progrès différents se rejoindront un jour pour former un référentiel unique qui convienne à tous…

À suivre…

P.


Tout en sachant, bien sûr, que le Progrès - tout comme le Bien et le Mal - n'existe pas en tant que tel, mais seulement dans la façon dont il est perçu. Ainsi, toute évolution quel que soit le sens dans lequel elle se fait, et sauf traumatisme extérieur (guerre, destruction des ressources naturelles) est un progrès aux yeux de la population qui la vit puisqu'elle résulte, comme l'a démontré Pendragon, d'une chaîne conséquencielle (le mot est juste à défaut d'exister) d'événements. On en revient finalement à l'idée que j'exprimais que le Bien - et le Progrès - dépendra in fine du système de valeur auquel se sera rattaché une majorité de la population à un moment donné, à son référentiel. Ainsi, pour reprendre l'exemple de l'Inquisition, nos sociétés ayant jugé l'intégrisme religieux mauvais, nous considérons comme un progrès notre société largement laïque. Mais mettons que dans le monde musulman, l'intégrisme finisse par l'emporter en ralliant à sa cause une vaste majorité, les Musulmans de demain ne manqueront pas de considérer le monde dans lequel ils vivront comme un progrès par rapport au monde décadent d'aujourd'hui où les femmes sortaient sans voile et où les hommes buvaient en grignotant du saucisson (je stéréotypise intentionnellement) - tout comme l'Eglise inquisitrice fut en son temps considérée comme un progrès par rapport aux moeurs de la Rome décadente et des invasions barbares qui suivirent la chute de l'empire.

Pour Oburoni, l'idée d'une morale "naturelle" est finalement très proche de l'idée de Dieu. Il ne faut pas oublier deux choses : un, Darwin était profondément religieux et a été très perturbé par ses propres découvertes, rien d'étonnant donc à ce qu'il cherche des prises auxquelles se rattraper suite à celles-ci ; deux, les courants dits "naturalistes", notamment en droit où ils s'opposent au positivisme, et dont découle par exemple l'affirmation des droits de l'Homme, découlent directement des écrits des premiers théologiens du droit chrétiens, avec notamment Saint Thomas d'Acquin.
Ta "conscience collective" est finalement la même chose que ce que les croyants appellent "Dieu", les naturalistes "nature" etc... J'ai bien dit dans mon intervention que j'entendais Dieu dans un sens très large. Le "Dieu" auquel je me réfère par commodité est donc Dieu au sens religieux ou tout ce qui le remplacerait : übermensch, communisme, scientisme, nazisme, naturalisme, humanisme... n'importe quelle source dans laquelle l'homme puisse puiser un système de valeur et vivre en accord avec lui. Si ce "Dieu" large meurt, ou si rien ne remplace le Dieu religieux à sa mort, il ne reste que le nihilisme, l'absence de système de valeur et de morale - et je le dis encore une fois en tant qu'athée, ce n'est donc pas une critique de l'athéisme de dire que sa forme absolue ne peut mener qu'au nihilisme. En somme, Dieu n'existe pas, mais un Dieu est nécessaire.

Saint Jean-Baptiste 09/10/2009 @ 12:29:20
Le post de Stravo m'a prodigieusement intéressé. J'ai toujours eu beaucoup de considération pour le véritable Athéisme. C'est un phénomène rarissime dans l'Histoire de l'humanité et je pense que ça demande beaucoup de lucidité et même de courage.
Je trouve très intéressant cette tentation, évoquée par Sravo, de substituer autre chose à Dieu : une morale sociale ou scientifique, ou nazie : en fait : «une cause».
Les adeptes des nouvelles causes actuelles, le nationalisme ou l'écologie par exemple, ne se rendent pas compte qu'ils sont les adeptes de nouvelles religions.
C'est très intéressant à observer.

Ce que Stravo dit de la tradition ancestrale japonaise, le Bushido est aussi passionnant. Il a été évoqué, assez brièvement, dans la série Apocalypse.
Et les conséquences pour une société privée de sa morale au lendemain de la guerre ; c'est encore un des phénomènes les plus intéressants de l'Histoire du monde : il a fallu deux bombes atomiques et Mac Arthur pour y arriver (mais ça c'était une parenthèse ; surtout, ne dévions pas du fil).

Oburoni
avatar 09/10/2009 @ 13:37:35
Le post de Stravo m'a prodigieusement intéressé. J'ai toujours eu beaucoup de considération pour le véritable Athéisme. C'est un phénomène rarissime dans l'Histoire de l'humanité et je pense que ça demande beaucoup de lucidité et même de courage.
Je trouve très intéressant cette tentation, évoquée par Sravo, de substituer autre chose à Dieu : une morale sociale ou scientifique, ou nazie : en fait : «une cause».
Les adeptes des nouvelles causes actuelles, le nationalisme ou l'écologie par exemple, ne se rendent pas compte qu'ils sont les adeptes de nouvelles religions.
C'est très intéressant à observer.



Sauf que la coyance en Dieu génere toujours "une cause"... Ce n'est pas le transcendant en tant que tel qui faconne notre moral, mais l'idée que les hommes s 'en font.

Ensuite on ne peut pas qualifier l'écologie ou le nationalisme de "religion", puisque la religion a pour fondement la foi au surnaturel; ce qui n'est pas le cas d'idéologies politique... avec les conséquences que cela impliquent meme en terme de morale.

A moins de réduire "religion" a son sens le plus strict : "religere", ce qui unit ( des individus entre eux, jetant a la poubelle le lien avec un Dieu surnaturel ) ? Mais dans ce cas pourquoi parler de "Dieu" et "religion" ? "Conscience collective" et "religiosité" me paraissent plus clairs, direct et moins porté a engendrer des confusions... Comme quoi le vocabulaire et l'idée que chacun s'en fait dans des forums !

Provis

avatar 09/10/2009 @ 14:00:16
Après avoir tourné un peu autour du pot, je livre mon sentiment personnel profond : je pense que le référentiel a progressé en qualité au cours des deux ou trois mille ans écoulés.

Je ne dis pas que le progrès est irréversible, et qu'on ne peut pas un jour retourner à la barbarie(c'est par exemple ce qui est arrivé temporairement au cours du siècle dernier avec la Seconde Guerre Mondiale). Je dis seulement que le progrès existe, et tu sembles d'accord, Pendragon, puisque tu demandes comment il peut se faire que ce genre de choses (les atrocités d'antan), n'ont plus lieu.


Même si je suis d'accord avec ce que tu dis... c'est bcp bcp bcp trop simpliste comme explication... c'est pour ça qu'il faut constamment étudier l'histoire pour essayer de se mettre dans la tête de ces gens qui ont commis tant d'atrocités... car, crois-moi, l'homme n'est pas meilleur aujourd'hui, alors pourquoi ce genre de choses n'ont-elles plus lieu ? C'est en ce sens qu'il faut étudier la question.
Depuis toujours, dans toutes les sociétés, il y a eu les dominants et les dominés, dont les intérêts souvent divergent. A mon avis, c’est dans cette réalité sociale que se trouve la réponse à ta question, sachant que les dominants ne veulent pas admettre leur égoïsme (le tyran ne veut pas qu’on l’appelle tyran, il veut passer pour le bienfaiteur du peuple).
Mon explication est certainement très schématique, mais elle n’en est pas fausse pour autant : d’une part la classe dirigeante et dominante (ou le tyran en place) subit la pression de la classe inférieure (pression par exemple pour plus d’égalité, une plus équitable répartition des richesses, …), et d’autre part, pour éviter la révolution qui nuirait à ses intérêts, cette classe dominante (ou le tyran) cherche systématiquement à montrer à la classe inférieure que tout est géré au mieux dans l’intérêt commun.
Dans ces conditions, la classe dominante a beaucoup de mal à freiner le progrès (suppression de l’esclavagisme, l’égalité des droits,…), parce qu’elle-même, pour des raisons politiques, ne peut pas s’y opposer ouvertement.
Et on peut être prêt à faire des lois contraignantes quand on sait qu’elles s’appliqueront d’abord aux faibles (de toute façon, la loi, c’est d’abord pour les autres, rarement pour soi.. :o)..)

J’ai pris un exemple liée au fonctionnement de la société, mais on pourrait sans doute en trouver dans d’autres domaines, les mœurs par exemple (le pédophile par exemple, quand il veut bien admettre sa pédophilie, trouve milles raisons pour l’excuser ; néanmoins on a fait un progrès puisque la pédophilie de nos jours n’est plus acceptée, alors qu’elle l’était chez les Grecs).

(maintenant je vais lire ce qui s'est écrit depuis hier..)

Pendragon
avatar 09/10/2009 @ 14:19:31
Tout en sachant, bien sûr, que le Progrès - tout comme le Bien et le Mal - n'existe pas en tant que tel, mais seulement dans la façon dont il est perçu. Ainsi, toute évolution quel que soit le sens dans lequel elle se fait, et sauf traumatisme extérieur (guerre, destruction des ressources naturelles) est un progrès aux yeux de la population qui la vit puisqu'elle résulte, comme l'a démontré Pendragon, d'une chaîne conséquencielle (le mot est juste à défaut d'exister) d'événements. On en revient finalement à l'idée que j'exprimais que le Bien - et le Progrès - dépendra in fine du système de valeur auquel se sera rattaché une majorité de la population à un moment donné, à son référentiel. Ainsi, pour reprendre l'exemple de l'Inquisition, nos sociétés ayant jugé l'intégrisme religieux mauvais, nous considérons comme un progrès notre société largement laïque. Mais mettons que dans le monde musulman, l'intégrisme finisse par l'emporter en ralliant à sa cause une vaste majorité, les Musulmans de demain ne manqueront pas de considérer le monde dans lequel ils vivront comme un progrès par rapport au monde décadent d'aujourd'hui où les femmes sortaient sans voile et où les hommes buvaient en grignotant du saucisson (je stéréotypise intentionnellement) - tout comme l'Eglise inquisitrice fut en son temps considérée comme un progrès par rapport aux moeurs de la Rome décadente et des invasions barbares qui suivirent la chute de l'empire.


C'est exactement ça ! Raison pour laquelle un "référentiel global ou universel" n'existera jamais (ou à tout le moins, a peu de chance d'exister) car je crains qu'il ne persiste toujours de grandes divergences entre deux référenciels. Le risque inhérent et subséquent immédiat étant bien sur que le référenciel "le plus fort" bouffe le plus faible... que reste-t-il du référentiel indien ou aborigène ?

Bref, sachant que le plus fort va bouffer le plus faible et sachant que chaque référentiel, pour ceux qui s'y trouvent, "progresse" ... soyons heureux d'être là où nous sommes... :-(((((

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