Lyra will 22/08/2005 @ 23:53:17
Moi je m'excuse mais je vais lire demain aussi, parce que ma tête ne supportera pas, et vos textes méritent une tête reposée :0)
Je suis tout juste bonne à badiner, et encore, pour dire des c... bêtises :0)

Tistou 22/08/2005 @ 23:53:41
Ah oui, donc j'ai ajouté une contrainte supplémentaire à mon texte à vous de la (ou les ) trouver. -))

Hum hum, et où est le jardin public ?
Et il y'a bien tous les mots ?
;0)

Autrement Nothingman, j'aime beaucoup ton texte,
Contrainte de mettre les mots de la chansons de mots bleus ? enfin quelques mots ?
Ça se lit tout seul, c'est trés sympa ! bien écrit.
Juste la phrase, elle commençais à l'aimer, m'a semblé un brin rapide ;0))

Non Lyra pas les paroles de la chanson, mais tu brûles -)

Tu as mis Christophe, le chanteur des Mots Bleus !

Bluewitch
avatar 22/08/2005 @ 23:55:48
Alors là Blue, ça kiffe grave !
Je ne sais pas si ça kiffe romantique, mais grave, ça oui !

Tistou, tu trip et tu kiffes depuis que t'es rentré de vacances, ça t'en fait de l'effet. ;o)

Nothingman

avatar 22/08/2005 @ 23:56:47
Ah oui, donc j'ai ajouté une contrainte supplémentaire à mon texte à vous de la (ou les ) trouver. -))

Hum hum, et où est le jardin public ?
Et il y'a bien tous les mots ?
;0)

Autrement Nothingman, j'aime beaucoup ton texte,
Contrainte de mettre les mots de la chansons de mots bleus ? enfin quelques mots ?
Ça se lit tout seul, c'est trés sympa ! bien écrit.
Juste la phrase, elle commençais à l'aimer, m'a semblé un brin rapide ;0))

Non Lyra pas les paroles de la chanson, mais tu brûles -)

Tu as mis Christophe, le chanteur des Mots Bleus !


Entre autres mais c'est encore plus fou que ça, Tistou!

Lyra will 22/08/2005 @ 23:57:46

Et puis, je préfère ne pas lire vos commentaires ce soir, j'en pleurerais sur l'oreiller. ;o)

Blue, tu me fais rire :0))
Bonne nuit, fais de beaux rêves :0)

Nothingman

avatar 22/08/2005 @ 23:59:12
Je vous lirai aussi demain, la tête reposée... et je rattrapperai également l'exo de la semaine passée!

Tistou 23/08/2005 @ 00:02:23
Bon ben, le dernier ferme la lumière !
A demain. Merci Kill, c'était bien rigolo. L'exo, ton texte, pas trop. Rigolo.

Lyra will 23/08/2005 @ 00:05:18
Bisous à tous et merci Kill t'es un bon MC toi aussi ;0)

Killgrieg 23/08/2005 @ 00:05:31
le café n'y fait rien
je relis tout à l'aube
merci les amis
à demain matin

Fee carabine 23/08/2005 @ 05:23:56
Bon, j'avoue que j'ai un peu débordé du temps imparti (c'est pas facile d'écrire un texte en prose comme ça dans un temps limite!)... Mais j'ai envie de jouer quand même. Alors voilà:



La roseraie

C'était à la fin de l'hiver, par une des ces aubes blêmes qui se distinguent à peine de la nuit noire. Il bruinait. Une petite pluie fine qui vous perçait jusqu'aux os, insinuant sa froideur sournoise jusque dans leur moëlle. Mais pour la première fois depuis Noël, l'arrivée des grands froids et les premières tempêtes de neige, le mercure du thermomètre n'était pas tombé en-dessous de zéro. La neige qui s'était accumulée en congères n'avait pas encore fondu, mais le redoux était bien là, et j'en avais profité pour seller Verseau et aller nous promener dans les allées du jardin public, près de l'université. Verseau était tellement farouche alors - sa jeunesse, son hérédité aussi car sa mère Callisto est réputée pour son tempérament de feu - et la foule qui se pressait dans le parc pendant la journée l'aurait effrayée. Cette heure de tranquillité matinale, ce redoux, c'était une occasion rêvée pour lui permettre de se familiariser avec les lieux.

La première des étranges rencontres qui devaient émailler notre promenade s'est produite lorsque nous approchions le plan d'eau des galères. Oh, bien sûr, ce n'est pas son vrai nom. Seulement un surnom, un vestige de l'époque où les jeunes couples ne disposaient que du subterfuge d'une promenade en barque pour échanger des mots doux en toute tranquillité, sous le regard vigilant de leur chaperon resté sur la berge mais du moins hors de portée de ses oreilles. C'est dire qu'alors il fallait savoir ramer pour pouvoir courtiser une jeune fille... La silhouette se tenait debout à quelques mètres à peine de la rive, à l'endroit où l'allée cavalière rejoint l'allée qui fait le tour du plan d'eau. C’était la personnification même du mystère: une silhouette élancée, entièrement enveloppée dans une cape bleu de nuit dont le capuchon relevé ne laissait apercevoir qu'un menton blafard et des lèvres décolorées. Je ne la quittai des yeux qu'un bref instant, le temps de caresser l'encolure de Verseau et de murmurer quelques mots rassurants à son oreille, mais ce fut suffisant. Lorsque je relevai la tête, la silhouette avait déjà disparu. Sur le moment, je dois dire que je n'y attachai pas beaucoup d'importance. Je dirigeai Verseau vers le chemin qui suit la berge du plan d'eau pour ensuite longer le côté sud de la roseraie et nous poursuivîmes tranquillement notre promenade.

Et c'est alors que j'entendis leurs voix. Celle de la jeune femme tout d'abord, au timbre qui se glaçait et se fêlait tour à tour, trop assourdie pour que je puisse comprendre ce qu'elle disait, jusqu'à cet éclat final: "Mais toi, tu te retranches dans tes rêves... Comme si les rêves pouvaient te tenir chaud l'hiver!" Et l'homme qui lui répondait: "Je te l'ai déjà dit... Je t'appellerai dès mon retour... Mais il faut d'abord que je voie clair en moi..." La voix de l'homme était imprégnée d'une forme d'assurance très particulière. Peut-être que tu comprendras si je te dis que c'était une assurance genre "à la Coué". Cette sorte d'assurance factice, teintée de lassitude et d'aveuglement qui annonce la fuite et qui m'évoque irrésistiblement l'image d'un lapin détalant ventre-à-terre à travers une prairie.

Et tout à coup...

Des yeux fous, rouges comme deux gouttes de sang coagulées. Un pelage immaculé. Il était là, au milieu du chemin, à un mètre des sabots de Verseau. Un lapin nain. Albinos. Littéralement tétanisé par la panique. Et la mystérieuse silhouette, enveloppée dans sa cape bleu de nuit, se tenait perchée juste au-dessus de lui, assise sur une des branches maîtresses de ce vieil orme où mes soeurs et moi, nous aimions grimper lorsque nous étions enfants.

La silhouette étendit un doigt diaphane, intimant au lapin de partir en direction du plan d'eau. Le minuscule animal obéit sans demander son reste et je le perdis très vite de vue dans la blancheur glacée des congères. Et puis, descendant de sa branche comme si elle s'était laissée glisser le long d'un tobogan, la silhouette me fit signe de la suivre vers l'entrée de la roseraie. La jeune femme était là, assise sur le premier banc à gauche du portail, seule et transie sous la bruine qui n'avait pas cessé.

De sa longue main, la silhouette caressa un plant de Lady Hamilton - tu sais, ces magnifiques roses blanches qui sont les préférées de ma soeur, Elizabeth. Et là... Je sais que tu ne me croiras pas. Mais c'est pourtant la vérité. Sous la caresse des longs doigts diaphanes, une rose s'est épanouie. D'un blanc si pur que ses pétales paraissaient translucides, et embaumant d'un parfum d'une telle douceur qu'il faisait surgir le printemps au coeur de la grisaille de cette fin d'hiver.

A nouveau, la silhouette encapuchonnée me fit signe, me montrant la rose, puis la jeune femme, m'encourageant d'un hochement de tête. Je cueillis la rose, je m'approchai de la jeune femme et lui tendis la merveille odorante. Je n'oublierai jamais ses yeux couleur de mer du nord, ni la lumière qui les envahit lorsqu'ils se posèrent sur la rose miraculeuse, puis qu'ils croisèrent mon regard... Cette lumière avait la beauté ténue d'un espoir.

Et voilà, vieux frère, c'est tout. C'est là toute l'explication de mes promenades quotidiennes dans le parc qui t'ont tellement intrigué ces dernières semaines. Maintenant que l'été est revenu et que la roseraie embaume de toute sa floraison, j'espère que la jeune femme aux yeux couleur de mer reviendra s'y promener. Peut-être que je pourrais lui offrir une autre Lady Hamilton... Et peut-être même qu'elle accepterait mon invitation si je lui proposais une promenade en barque. Qui sait?

Fee carabine 23/08/2005 @ 05:26:30
Je n'ai plus le temps de lire vos textes ce soir. Je repasserai les lire plus tard, et en attendant je vous souhaite une bonne journée :-)!

Mentor 23/08/2005 @ 10:04:40
Nothingman: romantique à souhait, surtout avec Les Mots Bleus de Christophe... De là à le traiter d’extra-terrestre! Bon, c’est pour les besoins de la cause, pardonné! En + tous les mots contraintes y sont.
;-)

Tistou: on se débarrasse vite fait des 5 mots, et hop! ça démarre! Des gouttes qui « coalesçaient »?! Vais vérifier... ;-) J’ai bcp aimé comme tu prêtes âme au cheval et comme tu réduis le cavalier à un vulgaire primitif. Original et plaisant Tistou.

Lyra: Délirant et très léger, très sympa. Remake de « La jument verte »?! ;-) Les dialogues sont bons. J’ai adoré « les gouttes s’éclaboussaient bruyamment ». Original aussi, très. Les mots sont très bien placés.

Kilis & Yali:j’ai déjà dit: fort, beau et court. Des mots sont by-passés ainsi que quelques contraintes. Mais vous vous êtes donnés du bon temps et c’est l’essentiel! :-)

Killgrieg: romantique, tristement romantique. Bien raconté. Alors tu as couru après une sorcière? Bleue? Et ta copine, ben rien que de lui dire « Dieu sait que tu n'es pas une Vénus de coquillage », je comprends qu’elle se soit tirée, faut pas te plaindre... :-)) Et j’ai même pas remarqué les mots imposés, bon signe.

Bluewitch: jubilatoire Blue, vraiment très bien écrit dans un style adapté à l’époque où tu situes ta scène délirante. Et un vrai extra-terrestre, drôlement foutu de partout... Un sodomite, des mélanges inattendus et une chute qui ne l’est pas moins. Bravo Blue, tu n’as vraiment pas à regretter tes efforts!!

Fee carabine: Le texte le plus romantique. Un monologue aux mots choisis. Des descriptions fines et élégantes. On sent les parfums du parc. Pas mal du tout.

Merci Kill pour l’initiative et désolé de n’avoir pu participer aux préliminaires...
La prochaine fois? Parce qu’il faudra PLEIN de prochaines fois.

Tistou 23/08/2005 @ 11:02:50
Très beau Fée Carabine. Feérique et romantique. Très joli.

Killgrieg 23/08/2005 @ 11:09:40
Nothingman

L'histoire d'Aline avant les cris sur la plage… mais que vient faite JJG dans cette histoire.
c'est vrai que Christophe ressemble à un extra terrestre
J'ai beaucoup souri julien, mais il va falloir expliquer à tous, maintenant, que tu es un fabuleux chanteur.

Tistou

Conte philo façon XVIII ème s.
J'hésite, qu'est-ce ? une démonstration magistrale sur l'incommunicabilité, ou une réflexion sur la supériorité de l'homme sur l'animal.
J'ai d'habitude un peu de mal avec les animaux qui pensent (sauf chez london et kipling) mais là ça passe vraiment bien, surtout que le thème s'y prêtait.

Lyra

Encore un cheval qui parle extra terrestre et c'est si mignon. Un cheval lunaire avec des pensées lunaires. Tu as su créer une ambiance sympa. Beaucoup d'humour et de bons sentiments. C'est pas tout à fait romantique mais c'est agréable par cette matinée pluvieuse.

Mentor

Tu as une vision plutôt sanglante du romantisme et je pense que mouton et toi pourriez vous aimer d'un amour tranchant.
En te lisant, on se dit qu'il y a de l'avenir pour la viande hallal ; un arrangement entre humains et extra terrestres, moi qui n'aime mes steacks que bleus, je vais être malheureux.

Yakili

J'ai compris, pour les contraintes : les extra terrestres c'est vous et ce texte est écrit en vers sots.
Si je dis : « c'est du yakili », ça va énerver yali :)))
C'est du yakili

Blue

Je suis fort aise d'avoir pu lire ce texte, pourquoi ne l'aurais-tu pas posté ?
Tu as du talent, blue, vraiment… et puis tu me fais rire.
Après E.T, ton extra terrestre est le plus sympa qui m'ait été donné de rencontrer
Murm gallig olsa !

Fée carabine

Féerique ce texte… Le romantique de va bien, mais ça je le savais déjà.
On sent que tu aimes ces atmosphères d'un autre âge, d'un autre monde et tu arrives à nous faire partager ton plaisir

Tistou 23/08/2005 @ 11:16:09
Un condensé pour ne pas avoir à collecter sur toutes les pages :

Le sujet et les contraintes étaient :

Dans un jardin public, au petit matin, sous une pluie fine,verseau le cheval et son cavalier croisent le chemin d'un piéton (en fait un extra terrestre incognito. Plus loin, un couple se dispute…

écrivez un texte ROMANTIQUE avec pour contrainte les mots suivants:
galère
coaguler
mot
hérédité
fous

En 1H30.

NOTHINGMAN
Chantons sous la pluie

Il faisait froid dans le petit square de la ville. Un crachin venait de faire son apparition, inondant les rares promeneurs qui avaient osé s'aventurer hors de chez eux. Aline était de ceux-là… Elle n'avait jamais vraiment eu de chance. En amour comme en amitié, ça n'avait jamais été le succès fou. D'apparence chétive, le caractère s'était mis au diapason. Depuis toujours les réflexions fusaient. Une véritable galère! Cela avait débuté à l'école, dans l'enfer des cours de récréation où ses camarades l'appelaient "La petite fille du troisième" parce qu'elle n'osait jamais sortir de son appartement. Certains ont dit que c'était l'hérédité, que sa mère n'avait jamais eu non plus un caractère exubérant.

Mais au bout d'un temps, ses parents, qui en avaient assez de la voir mener cette vie-là, avaient décidé de lui offrir un cheval à son adolescence. Histoire de la faire sortir un peu. En espérant secrètement que ce camarade de fortune coagulerait les blessures intérieures de leur fille. Cela avait plutôt bien marché. Ils étaient devenus très vite inséparables et chevauchaient ensemble dans la campagne environnante. Elle l'avait nommé Verseau, parce qu'elle l'avait reçu comme cadeau d'anniversaire au mois de février.

Toujours est-il qu'il ne faisait pas bon se promener ce matin-là. Mais rien n'y faisait, qu'il neige ou qu'il vente, elle partait avec Verseau, pas très loin, mais à l'aventure quand même, espérant secrètement au hasard d'un sentier, d'un petit village rencontrer ce grand amour qui la fuyait depuis toujours. Elle était fleur bleue, Aline, c'était comme ça.

Elle passait maintenant aux abords du petit théâtre de marionnettes, qui chaque après-midi affichait complet et faisait le bonheur des petits. Elle aperçut soudain un peu plus loin un couple se chamailler. A vrai dire, ça ne volait pas bien haut. Ces deux-là se disaient tout sauf des mots bleus! Un peu menteur, le type rétorquait : "Mais, chérie, j l'ai pas touchée, je te jure". Il faisait peine à voir, ce héros déchiré, tentant vainement de justifier l'injustifiable. Sa compagne n'avait cure de ses jérémiades. Fini la dolce vita entre ces deux-là. Une voie sans issue. Bien que n'étant pas experte dans ce genre de sentiments, elle aimait cependant observer les tourments que provoquaient les sentiments. C'était ces petits luxes. Elle vivait ainsi un peu l'amour par procuration, mais pas devant son poste de télévision comme le chantait l'un de ses chanteurs préférés.

Elle progressait encore, aléatoirement, sous les arbres mouillés de l'allée principale, quand soudain elle rencontra un homme pour le moins spécial. Il chantait sans raison. Il ne revenait pas d'un bar quelconque, n'avait pas l'air ivre. Il chantait, tout simplement! On aurait dit un extraterrestre, sorti de nulle part, d'une planète invisible du commun des mortels. Il était beau, bizarre et semblait sortir de quelque paradis perdu. Elle commençait à l'aimer. Il y avait un parfum d'histoire dans l'air. Chose incroyable, inimaginable pour elle deux heures auparavant, elle voulait l'aborder. Et elle le fit dans la foulée, tout de go pour une fois, ne réfléchissant pas aux conséquences. Comme un interdit qu'elle venait de briser! La peur l'avait quittée. Il s'appelait… Christophe.

Tistou
Verseau.

Verseau en avait ras la selle. Tous les matins son lad indien l’emmenait faire son décrassage. Ce matin … Ben tiens, pareil !
Dans le petit matin glauque, entre les bosquets du jardin public de Mysore, sous une petite pluie fine qui semblait monter du sol sous l’effet de la chaleur- tellement fine qu’elle semblait coaguler dans l’air- Verseau ruminait sa triste condition de cheval de course.
Anan, son lad, n’était certes pas méchant. Pas épais, la moustache tombante et la mine triste, il était doux avec lui. Mais tous les matins ! Avant même que le jour se lève !
Sa robe nerveuse en était parcourue de petits frissons d’indignation. Galère était le mot juste. Sa jument de mère l’avait prévenu, en l’encensant doucement des naseaux, ses yeux pailletés d’or le fixant tendrement : « Tu seras un hom… un cheval de course, mon fils. Et tous les jours, tu devras te lever et prendre de l’exercice avant que le jour se lève. » L’hérédité n’est pas un vain mot. Fou ça !
Il se souvenait. Il l’avait regardé d’un air fier. Quand je serai grand, avait-il pensé …
Il était grand et il en avait marre de se lever si tôt et de parcourir toujours les mêmes allées du même jardin public de Mysore, dans la même semi obscurité, de faire peur régulièrement au même couple d’amoureux, toujours derrière le buisson de jacaranda …
Tiens ils se disputaient ce matin. Ils se disputaient ? A voix chuchotées, comme le font les amoureux. Anan n’avait pas dû entendre lui, mais Verseau, c’était les vibrations qu’il sentait. Et il avait fait, de surprise, un écart nerveux lorsqu’il était passé le long du buisson de jacaranda. Anan avait resserré sa prise de jambes, avait flatté son encolure ... C’est vrai qu’il était sympa quand même Anan.
Verseau souffla doucement des naseaux et secoua vivement la tête. Pour se débarasser des gouttelettes qui coalesçaient en larges gouttes. Ses pattes étaient maintenant plus déliées, muscles et articulations réchauffés.
Les mainates commençaient à lancer leurs cris moqueurs et Verseau percevait une lente mais profonde vibration. Celle de la ville et de ses habitants qui reprennent pied dans la vie, qui se souviennent de leur triste condition de mortels indiens. Comme un bourdonnement sourd et invincible. Cela, Anan ne s’en rendait pas compte. Verseau le sentait bien.
Mais Verseau percevait aussi des ondes différentes. Comme de bonheur, d’une indicible joie.
Quand XXwYYRZ les vit, il se dit qu’il s’était planté de déguisement. Il ressemblait plutôt à la créature qui était juchée sur l’autre mais il voyait bien que c’était avec celle à quatre pattes, celle du dessous, qu’il communiquait. Le langage de la créature était frustre mais il y avait possibilité d’échange.
Quand Anan le vit, il ne comprit pas pourquoi Verseau avait ralenti l’amplitude de ses foulées, relevant la tête, l’obligeant à intervenir des rênes. Un bonhomme insignifiant, planté là sur le bord de la pelouse à les regarder les yeux ronds. Un occidental sûrement, origine peu définie.
Quand Verseau comprit que c’était l’homme devant lui, sur le bord de la pelouse, qui émettait ces ondes incroyablement « heureuses », il voulut aller vers lui. Comme si c’était sa maman. Le même besoin.
Quand Anan sentit l’intention de Verseau, il imposa des rênes et des jambes le long du flanc de Verseau, sa volonté de cavalier. Il sourit à l’homme comme pour s’excuser d’avoir à intervenir.
Quand XXwYYRZ vit, et la mimique de la créature du dessus et la détresse de celle du dessous qui ne pouvait venir à lui, il s’interrogea longuement sur l’analyse préalable qui avait été faite et qui avait conduit à cette erreur de casting. Définitivement. La créature à laquelle il ressemblait n’émettait rien. Seule cette mimique ridicule prouvait que l’être avait une capacité de vie.
Ils étaient passé maintenant. Verseau pensa qu’une fois de plus Anan ne s’était rendu compte de rien. Il baissa tristement la tête et accéléra l’allure, l’écurie n’était plus loin.
Les perruches s’étaient jointes maintenant aux mainates et le niveau sonore avait monté d’un cran. Avec les premiers rayons du soleil qui diffractaient avec les gouttes, la chaleur n’allait pas tarder à se faire oppressante.
Anan était content de rentrer et se dit qu’il lui faudrait signaler la nervosité de Verseau. Il avait dû manger un truc la veille …

LYRA WILL
Je m’appelle Verseau. Je suis vert (mais beau hein !) et pas très intelligent. C’est pour ça que ma maman m’a abandonné quand j’étais petit, je crois. Et puis aussi, Laurent m’a appelé comme ça parce que j’ai une tache transversale plus foncée. Il est gentil Laurent. Je l’aime. Il m’a adopté peu après que je sois venu au monde. Et il m’a dit qu’on serait toujours là l’un pour l’autre, lui non plus il n’a pas de famille, ils l’ont abandonné parce qu’il est trop intelligent.
Une fois, on a été dans un jardin public. C’est là que j’ai su toute la vérité.
Ce jour-là, Laurent était monté sur mon dos, et on avait décidé de faire une grande balade. Comme j’aime beaucoup les fleurs, surtout les bleues, on avait prévu d’aller au parc. Il faisait froid, il était tôt, il pleuvait un peu, alors j’ai mis mon imperméable jaune, histoire de pas me faire remarquer, parce qu’en vert, je vous dis pas. Et là j’ai eu très peur. Heureusement que Laurent était là. Il y’avait deux fous qui se disputaient. Leurs corps et leurs yeux se lançaient tout plein de je t’aime, mais ils se disaient des mots très méchants.
- J’en peux plus !
- Moi non plus, je me demande ce que je fais avec toi !
- (la dame s’est mise à pleurer après avoir fait des yeux grands comme des sabots)
Eh ben… tu n’as qu’à partir !
Moi je les regardais, enfin discrètement, parce que je suis jamais indiscret, alors je n’ai pas vu l’homme devant, et je l’ai percuté de plein fouet !
- huuuuuuuuuuuuuuu ! j’ai crié. J’ai toujours peur de me blesser, je coagule pas bien, je pourrais perdre du sang et mourir.
Et j’ai vérifié si Laurent était toujours là.
- huuuuuuuuuuuuuuu ! il m’a répondu le passant.
- Vous parlez le huien ?
- Oui, bien sûr ! Chez nous, tout le monde parle le huien.
- Hein ?
- Deux ?
- De quoi ?
- Deux rien.
- Je comprends pas msieur.
- C’est rien mon petit, c’est les blagues de là-haut.
- Là-haut où ?
- Sur la lune.
- Mais y’a personne sur la lune ?
- Pas de ce système solaire bêta !
- Ah
- Et toi que fais-tu là ?
- Je me promène, regarde les fleurs bleues avec Laurent, et i’m singing in the rain.
- Non, je veux dire sur cette planète.
- Ben, c’est ma planète !
- Surement pas !
- Oh que si !
- Oh que non, si je peux te parler c’est que tu es un cheval lunaire. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi tu étais vert ?
- Ma maman aussi était verte, c’est de l’hérédité, ça veut rien dire du tout !
- Parce qu’elle venait de la lune aussi !
- Non, elle a vécu ici, et m’a abandonné, c’est Laurent qui me l’a raconté.
- Il t’a menti. Enfin non, elle t’a peut-être abandonné mais pas sur terre.
- Il me mentirait pas Laurent !
- Tu n’as qu’à le lui demander.
Alors j’ai pris Laurent à part, enfin je lui ai demandé de descendre, et on est allé s’asseoir sur un banc, prés de la fontaine.
- Laurent, je suis vraiment né ici ?
- Pourquoi me demande-tu ça Verseau !
- J’aime bien les fontaines.
- Oui, moi aussi.
Le couple il continuait à crier :
- on aurait jamais du se rencontrer !
- j’ai perdu tant d’années !
- et moi j’ai l’impression de les avoir jetées par les fenêtres!
- C’est toi que j’aurai du jeter par la fenêtre !
Tu parles d’une galère les disputes. Moi je sais pas nager, alors je m’embarque jamais là-dedans.
Avec Laurent on se dispute pas, si je m’énerve tout rouge, je change de sujet et on en reparle après, il est gentil Laurent.
Ils continuaient de crier à côté.
La fontaine continuait à clapoter.
La pluie à faire clic clac dedans.
Je réajustai ma capuche.
- Laurent, dis moi la vérité, on avait dit qu’on se mentirait jamais.
- Très bien. Tu viens de la lune, sur un autre système.
Alors me suis mis à pleurer, pas parce que je venais de la lune, c’est plutôt chouette, mais parce que Laurent il m’avait toujours menti.
Alors il s’est mis à pleurer lui aussi.
- Tu comprends Verseau, j’avais peur que tu retournes là-bas, sans moi, les humains n’ont pas le droit d’y aller, je voulais pas que tu partes, j’aurais pas supporté, je pouvais pas…
- Je ne t’aurais jamais laissé Laurent.
- C’est vrai ?
- Bien sûr.
- Tu ne partiras jamais ?
- Jamais.
- Alors, on est toujours copains ?
- On est toujours copains.
Et la fontaine clic claquait.
Et la pluie jouait dans la marre, les gouttes s’éclaboussaient bruyamment.
Et le couple souriait, l’un dans les bras de l’autre. L’autre au creux de l’un.
Ils se disaient des mots gentils.
Au fond ça change rien que je vienne de la lune, Mon chez moi c’est Laurent.

MENTOR
Ce soir là la pluie fine tombait sans discontinuer et Verseau avait hâte de retrouver son écurie douillette à la paille si odorante. Son cavalier ressentait cette même envie mais restait prudent car les chemins détrempés du grand parc déserté pouvaient provoquer une glissade néfaste. La faible clarté entre chien et loup ne facilitait pas la progression.

- Hihihihihihihihihihmhmhmmmmmm!!!!!!!

Le hennissement puissant de la magnifique monture envahit soudain l’atmosphère et fit écho dans tous les recoins du parc Séhel. La peur avait fait se cabrer la bête dont le maître faillit bien basculer cul par dessus tête. Celui-ci parvint à calmer l’animal qui resta toutefois nerveux. Amaury aperçut alors une ombre sur sa gauche, furtive mais mouvante.

- Du calme Verseau, ce n’est rien, ne t’inquiète pas, fit-il en lui flattant l’encolure.

Le quadrupède frémissait toujours, autant du froid humide que de sa frayeur inattendue.
Ils n’eurent pas l’occasion de bouger davantage car la forme s’avançait vers eux avec détermination.

Amaury distingua mal un regard brillant sous un capuchon sombre. Il voulut adresser la parole à l’homme lorsqu’une sorte de déflagration silencieuse produisit un éclair rouge qui enveloppa l’homme et le cheval dans une spirale d’étincelles vermillon. Amaury ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit tandis que Verseau avait les quatre sabots rivés au sol et ne renâclait déjà plus.

A quelques mètres de là, derrière un bosquet, protégés de la pluie par d’épaisses frondaisons, un couple avait interrompu sa dispute en entendant le cheval. L’homme et la femme s’étaient postés de manière à observer et ce qu’ils distinguèrent alors les paralysa d’effroi. Le personnage mystérieux avait entrepris – du moins la lumière d’un lointain réverbère pouvait-elle le laisser croire – de sectionner l’artère jugulaire du pur-sang qui n’avait plus aucune réaction.
Ses efforts semblèrent suivis d’effets car un geyser noirâtre gicla à l’horizontale que la créature s’empressa de capter pour s’en délecter avec une vive satisfaction apparente…
Le cavalier était comme endormi assis, sa main droite tenant bien inutilement les sangles de cuir.

La nuit noyait maintenant la scène d’un flou effrayant mais des sons d’éclaboussures innommables parvenaient aux oreilles des observateurs involontaires.
Ils se regardèrent, abasourdis et terrifiés et se jetèrent en silence dans les bras l’un de l’autre, persuadés que leur dernière heure était arrivée.
Leur dispute était bien loin !
Leur seul souhait à cet instant était de ne pas se faire repérer par le monstre fou et sanguinaire pour subir à leur tour le supplice auquel ils assistaient impuissants.

Combien de temps dura la scène ? Nul ne pourra jamais en témoigner. A l’évidence le vampire n’avait pas l’intention de laisser coaguler le précieux liquide de vie car il n’interrompait sa libation que pour de courtes pauses respiratoires bruyantes.

Lorsqu’il sembla avoir épuisé les ressources sanguines de Verseau, il fit mine de vouloir désarçonner Amaury toujours inanimé. Son geste fut interrompu par une lumière aveuglante venue du ciel d’orage.

L’homme et la femme, occupés à rattraper les années perdues en se prodiguant force baisers passionnés, levèrent les yeux et distinguèrent nettement une sorte d’aéronef totalement silencieux semblant planer au-dessus du cheval et de son cavalier pétrifiés.

Le monstre repu parut faire des signes à l’engin volant qui s’approcha au plus près, sans se poser.

Une ouverture ronde apparut sous la base de l’appareil tandis que la créature avide de sang se tournait soudain vers eux !

Ils n’eurent pas le loisir de réagir eux non plus : un tourbillon de feu les entoura de multiples anneaux rougeâtres et ils furent propulsés sans bruit vers le groupe immobile.

La seule phrase que parvint à prononcer l’homme avant que l’engin extra-terrestre n’embarqua automatiquement la totalité des acteurs du drame, fut :

- Quelle galère, mais quelle galère !

Ce furent les derniers mots du couple d’amants dont l’avenir était tracé par la mission extra-terrestre.
Car il avait été décidé d’établir une hérédité terrestre stable sur leur planète en vue d’études poussées sur les possibilités d’implantation définitive sur la Terre, ce paradis aux ressources sanguines pratiquement infinies…


Kilis & Yali

— Tu sais quoi mon gars… Tu me plais vraiment toi !
— Pareil !
— Non mais, j’veux dire… vraiment vraiment !
— Pareil !

Depuis un moment déjà ces deux-là se parlaient sous une pluie fine et sur un banc perdu dans les jardins du Luxembourg.

— C’est galère !
— Quoi donc ?!
— L’amour… c’est galère.
— Ouais, mais c’est pas que beau !

Un banc, perdu et branlant dans les jardins du Luxembourg.

— Dis, on coagule tous les deux ?
— Volontiers mais… il pleut
— Alors, chez moi ?!
— C’est loin ?
— A deux pas d’ici.

Il pleut sur les jardins du Luxembourg et toujours il pleut sur les jardins du Luxembourg

— C’est fou !
— Quoi donc ?
— L’amour… c’est fou !!!

KILLGRIEG
L'année dernière, j'avais passé la nuit à supporter tous ces mecs à hurler dans mes oreilles. Ces grotesques pantins, grimés, forts de la couche de peinture qui couvrait leurs visages.
Cette année, j'ai décidé de foutre la trouille à tous ceux qui s'approcheraient de moi. Un an dans la rue, ça donne de l'entraînement. Un an dans la rue et on comprend mieux la notion de peur, on apprend à la lire dans les yeux des passants. Peur qu'on leur tape une pièce, peur qu'on leur tape une clope, peur de la crasse, des maladies, de l'indigence. Une bonne école, la rue, avec des bancs et un tableau noir, si noir.

C'est le lendemain d'halloween. Je suis déguisé en Extra terrestre incognito, type « l'invasion des profanateurs de sépulture » mais en plus crade. J'ai passé la nuit à gueuler, la bouche grande ouverte comme Donald Sutherland dans le film. Ce sont tous cassés les morveux. J'ai passé une bonne nuit. J'ai même couru après un Dracula, un Frankenstein, une sorcière et son mari déguisé en balai. Freddy kruger m'a cavalé après, à son tour. Il m'a rattrapé aussi et, sans un mot, m'a giflé avec son gant aux lames de plastique, il accompagnait Barbarella, il a sûrement voulu lui montrer qu'il était un homme, un vrai. Les gens sont fous. Pas de gros bobo, mais j'ai l'impression d'avoir une croûte de sang coagulé qui me bouche l'oreille droite.

Il fait froid ce matin, la pluie me tient éveillé, elle tape sur mon carton à travers les branchages de l'arbre qui me protège. Je tiens à rester éveillé pour les apercevoir passer. J'espère que le froid et la pluie ne les arrêteront pas. J'ai besoin de les voir, comme chaque matin. Je guette, à l'horizon, le tout début du chemin. Je sais qu'ils vont apparaître. J'en ai besoin. Si je suis dans la galère, je garde espoir. Elle va passer, fière, sur Verseau, son pur sang à l'hérédité glorieuse, fils de champions, certifié non bâtard. Elle va passer et je serai là, comme toujours. Un peu plus loin, un couple qui semble ivre se dispute. La fille semble être vraiment en colère, déchaînée.
Fais gaffe mec, fais pas comme moi.
Je devrais aller le voir, le conseiller, lui raconter mon histoire. Ils sont encore déguisés. Sortie de boîte. Faîtes pas comme nous. Rentrez chez vous, tranquillement.

Moi, j'ai déconné. A plein tube. Toute ma vie j'ai déconné, mais ce jour là, il y a un an, un peu plus, j'ai vraiment déconné. On était comme eux, comme ce couple, au même endroit, ici.
Isabelle était malheureuse, depuis pas mal de temps, mais moi, je fermais les yeux, j'attendais.
Elle avait commencé à me parler, je l'avais à peine écoutée.

Ce matin là, nous marchions dans le parc, Verseau était restée à l'écurie. Je n'avais pas aimé le ton qu'elle avait pris. Pas aimé du tout. Elle me parlait de notre vie, de quotidien, de choses que nous pourrions faire, de choses que je pourrais faire surtout. Elle me parlait de moi comme si je ne me connaissais pas. Elle m'agaçait. Quand elle a commencé à évoquer mon petit bide et mes poils de nez, j'ai voulu faire mon malin. J'ai commencé à parler fort, de façon théâtrale. Je me souviens de tous les mots. Je lui ai dit :
« tu sais, moi aussi je regarde les pubs de douche à la télé, moi aussi, je les trouve drôlement girondes les filles qui se passent du savon sur le ventre sous une pluie d'été… Mais j'me dis pas : - et moi, j'ai quoi à la maison ! Non, jamais j'me suis dit ça, jamais. Et dieu sait que tu n'es pas une vénus de coquillage. Mais voilà ! je t'aime. Et je trouve dégueulasse qu'elles se lavent avec du savon dans la nature. Tu vois si tout le monde venait à foutre du savon, à la moindre averse, dans tous les coins de paradis ? » Elle me regardait avec mépris. Je savais ce qu'elle allait dire. « T'es jamais sérieux, jamais ».
Mais j'ignorais qu'elle allait conclure par « je te quitte. Je pars. Je ne veux plus te voir. Plus jamais. Je ne t'aime plus. Tu me dégoûtes ». J'ignorais ça. Et je n'ai pas tout de suite compris. Je l'ai laissée se lever du banc, s'éloigner sur le chemin, je l'ai rattrapée, je l'ai suppliée, lui ai promis des choses que je n'aurai pas pu tenir, plus encore, plus encore, plus. Elle ne s'est pas arrêtée pour me prendre dans ces bras. J'ai compris à ce moment là qu'il faudrait plus, beaucoup plus. Une preuve. J'ai pas réfléchi ; j'ai crié.
J'ai crié :
« Je t'attendrai »

… Et j'ai attendu, j'attends, j'attendrai. Je l'aime.
Je traîne dans ce parc depuis plus d'un an. Et chaque matin, je la regarde passer sur Verseau. Chaque matin, elle passe du trot au galop devant moi.
Mais j'attends, j'attendrai, je l'aime… Elle comprendra un jour.

BLUEWITCH
Deux jours que le Vicomte d’Arguillières chevauchait vers le Sud. Deux jours, deux nuits et là, au petit matin, il quittait l’auberge « la Galère » pour entrer dans Marseille. Sa mission était simple, prendre la place de son frère lors du duel qui devait l’opposer au Marquis de la Tour Canet. Parc Saint-Joseph, à l’aube.
La pluie tombait en fines gouttelettes lui détrempant le visage, plombant son expression déjà lourde de soucis. Il n’avait aucun témoin, son frère était cloué au lit, phtisique et confus. Sa moustache lui picotait la lèvre et son chapeau de feutre serait bientôt complètement imbibé.
Seul son cheval, Verseau, semblait supporter le rideau dru d’humidité.
« Sans témoin, mon compte est réglé ! Je suis complètement fou d’avoir pris la place d’Hugo.»
Question d’hérédité peut-être, Hugo était fortement versé pour les joies honteuses de la fornication entre éléments du même sexe. Leur père ne valait guère mieux, mais au moins avait-il été capable de se reproduire !
Hugo n’était parvenu qu’à s’attirer les foudres d’un marquis peu enclin à reconnaître ses propres penchants.
Et dire que lui, Nicolas d’Arguillières, avait en son foyer la plus douce des créatures à qui il ne rêvait que de chuchoter mil doux mots à l’oreille ! Un remord cruel lui prit le cœur au dépourvu : il revit la peau de lait d’Athénaïs, son sourire, sentit ses cuisses chaudes et douces, son parfum de rose. Plus jamais peut-être leurs cœurs ne battraient à l’unisson !
Une larme vint se loger parmi les gouttes accrochées à ses joues, mais il releva fièrement la tête, juste à temps pour sentir Verseau glisser dans une flaque et tomber à la renverse. Nicolas s’étala de tout son long dans la boue. Lorsqu’il regarda autour de lui, dans l’espoir qu’aucun regard ne vînt entacher son honneur, il fut terrifié en apercevant une étrange créature, un mendiant, un va-nu-pieds sans doute, s’approcher de lui. Il était vêtu d’un ensemble indéfinissables de loques, toiles et autres cotons.
L’homme lui tendit une main étrangement longue et dépourvue des quatrième et cinquième doigts, dont il hésita d’abord à se saisir. Mais il se trouvait dans une fâcheuse posture et dut bien vite faire taire ses hésitations !
« Merci mon brave ! Quelle chance de vous avoir céans ! Mon étalon semble avoir moins souffert que moi de cette mésaventure… »
Le bonhomme grommela et Nicolas arqua le sourcil. Un valet, sans doute, parti en messager pour son maître. De bien basse extraction à en juger par son accoutrement !
« Dites, vous qui semblez me vouloir du bien, auriez-vous l’obligeance de me rendre un petit service ? Il en va de ma vie, de mon honneur et de mon salut !»
L’homme, qui, remarqua Nicolas, avait les yeux un peu rouges (sans doute avait-il abusé du vin de pays), ne sembla pas faire montre d’un quelconque intérêt pour la chose et reprit sa route en lui tournant le dos.
« Sachez, s’exclama le Vicomte, que ce service rendu résonnerait en monnaie dans votre escarcelle, il vous suffit d’apposer une croix sur un papier faisant état de mes actes ! »
Le valet sembla tout à coup intéressé, comme s’il avait vu sur le visage du Vicomte un élément inattendu. Décidément, ce bougre avait bien mauvaise mine, pensa Nicolas. Etait-il borgne ou affublé d’un troisième œil ? Etrange, peut-être n’était-ce pas un valet, après tout, mais plutôt une curiosité du village voisin. Un difforme.
Le personnage s’empara d’une mèche de ses cheveux et tira dessus d’un coup sec.
« Diable ! mais qu’est-ce ! Que ne vous occis-je pour un tel manque de respect ! Pour qui vous prenez-vous, mécréant ?! »
Nicolas brandit son épée vers le malotru, mais se souvînt bien vite que l’heure de son duel approchait. Il n’était pas homme à se présenter indignement en retard.
« La chance vous sourit, mon brave ! Si ma vie ne tenait point à quelques minutes, je vous transpercerais de ma lame et vous laisserais coaguler dans ce fossé ! En contrepartie, vous serez mon témoin, de gré ou de force !»
Et Nicolas se saisit du bras de l’homme qui lui sembla bien mou. Sans doute ne risquait-il pas grand-chose avec ce misérable.
« Murm gallig olsa ! »
Diantre ! Un étranger, mais c’était évident ! Les us et coutumes devaient avoir une autre tournure que chez eux. Peu importait si au moins l’homme pouvait rester sous son œil jusqu’à ce qu’il ait réglé son compte au Marquis.
Le parc n’était qu’à quelques enjambées de là où il avait fait sa chute. Verseau se laissait guider par la bride, tandis qu’il maintenant l’homme à son autre côté. Ce dernier avait une drôle de démarche et peinait à suivre. Vraiment, Nicolas commençait presqu’à en avoir pitié…
Ils franchirent les grilles du parc Saint-Joseph, trempés comme un lac.
Vide. Pas de Marquis.
Le cœur battant, Nicolas attendit un signe, une présence soudaine. Rien.
Les minutes s’écoulèrent, longues, tandis que l’étranger sautillait et mangeait quelques feuilles d’arbres. Le Vicomte se dit qu’un tel témoin, au fond, ne lui servirait à rien. Il avait bien besoin d’une saignée, ses humeurs devaient être visqueuses…
La pluie s’était arrêtée lorsque des cris, des gémissements, des éclats de voix retentirent. Son compagnon semblait avoir trouvé quelque chose dans un buisson. Etait-ce un piège, une embuscade ???
Il s’approcha, bien déterminé à éventrer tout homme plongé dans une conspiration visant à entacher sa famille. Car l’affront de l’absence du Marquis à ce duel devait raison avoir, quelque chose se tramait !
Il fit le tour du buisson, doucement et aperçut…
« Athénaïs ! mon am… »
Athénaïs, oui, dans les bras du Marquis de la Tour Canet !
« Vous, ma chère, vous vous compromettez avec ce sodomite ! Vous me trahissez, doublement ! Oh, mon cœur, pourquoi n’as-tu cessé de battre ?! »
Nicolas tituba, fit quelques pas en arrière et percuta son mécréant de témoin, qui avait perdu toute retenue devant la nudité d’Athénaïs et dévoilait une partie peu ragoûtante de son anatomie. Dieu, quelle drôle de forme ! songea Nicolas.
« Mon âme est brisée, mon corps n’est plus que vent ! Maintenant, je meurs ! »
Et il s’enfonça profondément son épée dans l’abdomen.
L’étranger, lui, se désintéressa des deux lurons épineux peu vertueux, et, repoussant légèrement de son pied avant gauche la tête du Vicomte d’Arguillières, quitta la scène, suivi de près par Verseau qui s’exclama : « Murm gallig olsa ! ».

FEE CARABINE
La roseraie

C'était à la fin de l'hiver, par une des ces aubes blêmes qui se distinguent à peine de la nuit noire. Il bruinait. Une petite pluie fine qui vous perçait jusqu'aux os, insinuant sa froideur sournoise jusque dans leur moëlle. Mais pour la première fois depuis Noël, l'arrivée des grands froids et les premières tempêtes de neige, le mercure du thermomètre n'était pas tombé en-dessous de zéro. La neige qui s'était accumulée en congères n'avait pas encore fondu, mais le redoux était bien là, et j'en avais profité pour seller Verseau et aller nous promener dans les allées du jardin public, près de l'université. Verseau était tellement farouche alors - sa jeunesse, son hérédité aussi car sa mère Callisto est réputée pour son tempérament de feu - et la foule qui se pressait dans le parc pendant la journée l'aurait effrayée. Cette heure de tranquillité matinale, ce redoux, c'était une occasion rêvée pour lui permettre de se familiariser avec les lieux.

La première des étranges rencontres qui devaient émailler notre promenade s'est produite lorsque nous approchions le plan d'eau des galères. Oh, bien sûr, ce n'est pas son vrai nom. Seulement un surnom, un vestige de l'époque où les jeunes couples ne disposaient que du subterfuge d'une promenade en barque pour échanger des mots doux en toute tranquillité, sous le regard vigilant de leur chaperon resté sur la berge mais du moins hors de portée de ses oreilles. C'est dire qu'alors il fallait savoir ramer pour pouvoir courtiser une jeune fille... La silhouette se tenait debout à quelques mètres à peine de la rive, à l'endroit où l'allée cavalière rejoint l'allée qui fait le tour du plan d'eau. C’était la personnification même du mystère: une silhouette élancée, entièrement enveloppée dans une cape bleu de nuit dont le capuchon relevé ne laissait apercevoir qu'un menton blafard et des lèvres décolorées. Je ne la quittai des yeux qu'un bref instant, le temps de caresser l'encolure de Verseau et de murmurer quelques mots rassurants à son oreille, mais ce fut suffisant. Lorsque je relevai la tête, la silhouette avait déjà disparu. Sur le moment, je dois dire que je n'y attachai pas beaucoup d'importance. Je dirigeai Verseau vers le chemin qui suit la berge du plan d'eau pour ensuite longer le côté sud de la roseraie et nous poursuivîmes tranquillement notre promenade.

Et c'est alors que j'entendis leurs voix. Celle de la jeune femme tout d'abord, au timbre qui se glaçait et se fêlait tour à tour, trop assourdie pour que je puisse comprendre ce qu'elle disait, jusqu'à cet éclat final: "Mais toi, tu te retranches dans tes rêves... Comme si les rêves pouvaient te tenir chaud l'hiver!" Et l'homme qui lui répondait: "Je te l'ai déjà dit... Je t'appellerai dès mon retour... Mais il faut d'abord que je voie clair en moi..." La voix de l'homme était imprégnée d'une forme d'assurance très particulière. Peut-être que tu comprendras si je te dis que c'était une assurance genre "à la Coué". Cette sorte d'assurance factice, teintée de lassitude et d'aveuglement qui annonce la fuite et qui m'évoque irrésistiblement l'image d'un lapin détalant ventre-à-terre à travers une prairie.

Et tout à coup...

Des yeux fous, rouges comme deux gouttes de sang coagulées. Un pelage immaculé. Il était là, au milieu du chemin, à un mètre des sabots de Verseau. Un lapin nain. Albinos. Littéralement tétanisé par la panique. Et la mystérieuse silhouette, enveloppée dans sa cape bleu de nuit, se tenait perchée juste au-dessus de lui, assise sur une des branches maîtresses de ce vieil orme où mes soeurs et moi, nous aimions grimper lorsque nous étions enfants.

La silhouette étendit un doigt diaphane, intimant au lapin de partir en direction du plan d'eau. Le minuscule animal obéit sans demander son reste et je le perdis très vite de vue dans la blancheur glacée des congères. Et puis, descendant de sa branche comme si elle s'était laissée glisser le long d'un tobogan, la silhouette me fit signe de la suivre vers l'entrée de la roseraie. La jeune femme était là, assise sur le premier banc à gauche du portail, seule et transie sous la bruine qui n'avait pas cessé.

De sa longue main, la silhouette caressa un plant de Lady Hamilton - tu sais, ces magnifiques roses blanches qui sont les préférées de ma soeur, Elizabeth. Et là... Je sais que tu ne me croiras pas. Mais c'est pourtant la vérité. Sous la caresse des longs doigts diaphanes, une rose s'est épanouie. D'un blanc si pur que ses pétales paraissaient translucides, et embaumant d'un parfum d'une telle douceur qu'il faisait surgir le printemps au coeur de la grisaille de cette fin d'hiver.

A nouveau, la silhouette encapuchonnée me fit signe, me montrant la rose, puis la jeune femme, m'encourageant d'un hochement de tête. Je cueillis la rose, je m'approchai de la jeune femme et lui tendis la merveille odorante. Je n'oublierai jamais ses yeux couleur de mer du nord, ni la lumière qui les envahit lorsqu'ils se posèrent sur la rose miraculeuse, puis qu'ils croisèrent mon regard... Cette lumière avait la beauté ténue d'un espoir.

Et voilà, vieux frère, c'est tout. C'est là toute l'explication de mes promenades quotidiennes dans le parc qui t'ont tellement intrigué ces dernières semaines. Maintenant que l'été est revenu et que la roseraie embaume de toute sa floraison, j'espère que la jeune femme aux yeux couleur de mer reviendra s'y promener. Peut-être que je pourrais lui offrir une autre Lady Hamilton... Et peut-être même qu'elle accepterait mon invitation si je lui proposais une promenade en barque. Qui sait?

Sibylline 23/08/2005 @ 12:08:13
Mais ça s'est fini à pas d'heure, votre truc! Je suis trop vieille pour ce genre de choses, d'autant que j'ai abordé la reprise avec une ferme résolution: en semaine fermer l'ordi à 22 h. parce que sinon, je m'épuise. J'étais arrivée aux vacances quasi liquide.
Ce qui n'empêche pas que je vais essayer de vous lire tous ce soir.

Sahkti
avatar 23/08/2005 @ 12:40:31
j'ai encore loupé l'exo du siècle! Je m'en vais vous lire et dire un petit mot gentil :)

FéeClo
avatar 23/08/2005 @ 12:42:11
Voilà j'avais envie... avec une contrainte de temps en plus. J'avoue que j'ai un tas d'autres choses à faire... Mais bon, me suis amusée et ça m'a donné des idées à travailler le jour où j'aurai le temps (bientôt)

Chaque matin, j’ai droit à une promenade dans le parc. Nous n’avons pas de jardin à la maison. Maman dit que j’ai besoin de voir de la verdure, de marcher dans l’herbe et d’écouter les oiseaux chanter. Alors elle m’emmène au parc. Depuis que j’ai soufflé deux bougies, nous y allons avec Verseau. Verseau, je l’ai reçu en cadeau de mon parrain. Il m’a dit que je pouvais l’appeler verseau comme mon signe astrologique. Je trouvais que « signastrologique » c’était trop long, alors j’ai choisit « verseau ». Verseau, c’est un cheval en plastique monté sur quatre roulettes. Maman peut le pousser d’une main tout en tenant papa de l’autre. Il parait que c’est moins galère que la grosse poussette rouge. Enfin c’est papa qui dit ça.
Arrivés au parc, mes parents s’assoient sur un banc. Chaque matin sur le même banc. Je l’appelle le banc des amoureux. Quand je m’éloigne un peu, ils s’embrassent sur la bouche, mes parents. Et je sais que c’est un signe pour montrer qu’ils sont amoureux.
Hier matin, nous faisions notre promenade habituelle, avec l’arrêt rituel sur le banc. Ils étaient encore plus amoureux que d’habitude, mes parents. Alors ils ne l’ont pas vu. Je n’ai pas bougé pour ne pas le réveiller. Il dormait sous le banc, le banc des amoureux. Il était bleu avec une grosse tache rouge sur le ventre, comme du sang coagulé. Oui, ça ressemblait à ce que j’avais sur le genou le jour où je suis tombé dans l’escalier. Maman m’avait prévenu de ne pas descendre tout seul, mais j’avais envie d’essayer. J’ai eu très mal, et surtout très peur. Maman m’a dit : « ce n’est rien, juste un peu de sang coagulé ». Je n’ai pas trouvé ça très rassurant, j’aurais préféré qu’elle me fasse un baiser magique. Donc, le petit bonhomme sous le banc il avait la même chose sur le ventre. J’avais envie de dire à papa et maman qu’il y avait quelqu’un sous leur banc, mais je sais qu’ils ne l’auraient pas cru. J’ai découvert qu’ils ne voient pas les mêmes choses que moi le jour où je leur ai expliqué que les Oui-oui de mon papier peint me parlent pendant la nuit. Maman a rit et papa a dit : « Il est un peu fou, notre fils ». Je ne sais pas très bien ce que veut dire ce mot, mais j’aime bien quand papa dit que je suis un petit fou. Il le dit souvent. Je l’entendais déjà dire ça quand j’étais encore dans le ventre de maman. Même qu’elle lui a répondu une fois : « c’est peut-être une question d’hérédité ». Mais je ne suis pas sûre d’avoir tout compris. Et voilà je me perds à nouveau dans des explications et j’oublie de vous parler du bonhomme sous le banc. Il dormait donc. Et je n’ai pas osé le réveiller. Et je n’ai rien dit à mes parents. Et je ne l’ai pas vu ce matin. Peut-être que j’ai rêvé…

Tistou 23/08/2005 @ 13:59:36
Personne ne l'avait fait le Verseau en jouet, FéeClo, si. On reste un peu sur sa faim, comme s'il en manquait un bout. Et les amoureux, ils se disputent peut être ? Et la pluie fine ? D'où qu'elle est la pluie fine ?
Allez, c'est pour t'embêter FéeClo. Courageuse de faire ça après coup.
Bon, à part qu'on reste sur sa faim, il y a de bonnes trouvailles.

FéeClo
avatar 23/08/2005 @ 14:12:41
Personne ne l'avait fait le Verseau en jouet, FéeClo, si. On reste un peu sur sa faim, comme s'il en manquait un bout. Et les amoureux, ils se disputent peut être ? Et la pluie fine ? D'où qu'elle est la pluie fine ?
Allez, c'est pour t'embêter FéeClo. Courageuse de faire ça après coup.
Bon, à part qu'on reste sur sa faim, il y a de bonnes trouvailles.

Zut j'avais oublié qu'ils devaient se disputer. J'avais pas envie qu'ils se disputent ;o)
La pluie.. oh un détail que je pourrais ajouter en précisant qu'il a enfilé son ciré jaune.
on reste sur sa faim... oui je sais.. J'ai pas eu le temps de terminer;. d'ailleurs je m'encours

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