Nothingman

avatar 17/08/2005 @ 22:56:54
Le soleil tapait fort en cette fin d'après-midi sur le petit port de Catane. Sylvio regardait les bateaux disparaître à l'horizon. En fait dans sa tête, ça bouillonnait sec! Aujourd'hui, il l'avait décidé : il se livrerait corps et âmes, il se livrerait corps et armes. Fini d'attendre, les tergiversations. Il lui fallait aujourd'hui dire la vérité, dévoiler l'impossible secret. Déclarer sa flamme à celle qui depuis quelques années hantait ses nuits. Des années passées à se taire, à voiler désespérément le moindre élan, le moindre sentiment. A cacher cet amour contraire à toutes conventions. Le hic, de taille : Sylvio aimait Helena, sa sœur. Difficile évidemment de faire passer pareille histoire dans cette famille sicilienne, profondément catholique, respectable et respectée. Il prenait un risque immense. Il le savait mais à vrai dire, il s'en foutait.
Soudain, Helena apparut sur le petit port. Sylvio lui avait donné rendez-vous. Ils avaient tous les deux pris l'habitude de se parler en contemplant l'horizon ensoleillé.

   - Sylvio, tu as un problème ? Pourquoi m'as-tu fixé ce rendez-vous!
   - Helena, c'est très difficile….Je suppose que tu as remarqué que depuis quelques temps je souffrais énormément?
   - Ben, à vrai dire je voyais que ce n'était pas la grande forme mais dis-moi rien de grave?
   - Non….En fait si c'est grave Helena, je t'aime depuis toujours, il n'y a qu'à toi que je pense et je ne peux pas m'en défaire.
   - Ohhh Sylvio, ce n'est pas possible. Nous sommes frères et sœurs! Te rends-tu compte de ce que tu viens me dire?
   - Crois-moi bien, Helena, j'ai bien mesuré toutes les conséquences…..

***

   - Dis Marcello, tu te fous de moi là! Tu penses vraiment que je vais croire que mon fils, la chair de ma chair aurait embrassé Helena ma fille!!! Je savais que ton humour de marin était connu dans la région mais là tu te surpasses.
   - Mais Sinior Vito, vous croyez franchement que j'aurais pris la peine de venir vous dire pareille chose alors que je connais parfaitement les conséquences qu'un pareil affront pourrait me valoir! Je vous le jure, sur la sainte Madone, je l'ai vu de mes yeux vus. Et je sais que l'Honneur pour vous Sinior Vito est une notion importante.

Le sinior Vito était le patron local de La Camora sicilienne, l'homme le plus respecté de la ville. Cette révélation sabrupte et cruelle lui faisait venir l'écume au lèvres. La colère l'envahissait.

   - Marcello, te rends-tu compte de ce que tu oses avancer?
   - Oui Sinior… Mais c'est la vérité…Sur ma vie….Ils ont même dit qu'ils devaient se revoir ce soir au bar de Christiano.
   - Ce n'est pas possible, mon successeur, me faire-ça à moi, son père! Fils ingrat, Porc-épique… Il n'y a pas trente-six solutions. De cet amour, je serai le censeur… Il me faut réagir, pour l'honneur de la famille. Marcello, pour ta peine, tu vas me rendre un petit service…

***
   - Sylvio, nous sommes fous! Tu veux vraiment que nous quittions la ville… Te rends-tu compte de ce nous allons perdre? Sans compter la peine de notre père…
   - Je pense plutôt à tout ce que nous allons gagner. Ici les gens nous respectaient par la crainte que nous leur inspirions. Non, il faut partir. C'est même un service que nous leur rendons…
   - Oh Sylvio… Je suis folle de te faire confiance et pourtant je te suivrais n'importe où!
   - Allez, nous nous en sortirons! Fais-moi confiance, je t'en prie! Tiens, bois un peu le délicieux Chianti de Christiano….

Helena trempa ses lèvres et but quelques gorgées du nectar local. Elle regarda amoureusement Sylvio. Maintenant, elle en était sûre, elle allait le suivre dans cette folie…
Sylvio, quant à lui, protégerait Helena de tous les pièges qu'ils pourraient rencontrer. Il respirait cette confiance dans les yeux de sa sœur.
Mais progressivement, la flamme qui les animait, semblait s'éteindre. Helena avait soudain du mal à respirer. Elle étouffait à petit feu, avant de s'écrouler dans un bruit sourd sur le sol. Aussitôt Sylvio s'approcha de sa soeur afin de lui porter secours. Mais il était trop tard! Helena venait de rejoindre cet horizon qu'il avaient l'habitude de scruter ensemble, là sur le vieux port…

Killgrieg 17/08/2005 @ 22:59:56
Elle est là, à nous épier, cette garce. Je l'avais aperçue sur la plage déjà, coincée entre deux rochers. Je la sens derrière nous qui nous observe.

Ma sœur et moi remontons le sentier qui conduit au village, elle traîne les pieds et s'accroche à mon bras. Je sens ses ongles. Ses yeux se perdent vers les toits de Santa pietro, une vue de dessin d'enfant, avec des maisons blanches aux fenêtres-yeux et des cheminées comme des pistons de saxophone. Plus nous approchons, plus les ongles de Lola pénètrent dans mes chairs. L'appréhension ou le remord, la honte peut-être, la peur sûrement. Ce baiser échangé fut le plus délicieux, mon cœur prétexte la pente raide du chemin pour battre encore la chamade.

Les yeux de la garce, derrière, brûlent mon dos plus que les derniers rayons du soleil mais moins que la passion qui m'anime, moins que la haine que j'éprouve pour cette belle-mère à peine pubère que mon père nous a ramené d'un voyage en Grèce.
Deux ans déjà. La garce tient. La garce s'ennuie, mais elle tient le coup.

On aperçoit le bar, déjà. En terrasse, quatre vieux jouent aux cartes en sirotant leur chianti. Lola se détache de moi. Je regarde son visage, elle rougit. Une colère sourde me serre la poitrine. Je hais ce monde étriqué. Je hais la garce, je hais mon père. Un flot d'images violentes submerge mes pensées. Je vois la garce attachée, nue, mon père étendu près d'elle, dans une flaque de sang. J'imagine les tortures, je me vois les infliger. Un pieu. Que j'enfonce en elle et son visage qui se tord… Un pieu avec mille échardes qui déchirent ses chairs… Une boule hérissée de pointes acérées… Un porc-épic effrayé… Un rat dans le ventre qui lui bouffe les entrailles.

Je souris. Mon imagination n'est pas stable. Rien n'est stable en moi. J'ai l'esprit aussi capricieux que la terre de Sicile qui m'a vue naître. Les vieux nous regardent, amusés. Ils marmonnent. Toujours à comploter, à juger, censeurs dévergondés. Peut-être savent-ils. Peut-être ont-ils deviné. Non, ils sont trop stupides, assez vicieux, mais trop stupides.

L'autre a dû faire le tour du village, je suis persuadé qu'elle court, comme une chienne, pour arriver à la maison avant nous. Je suis certain qu'elle va tout lui raconter. Qu'elle va lui dire ce qu'elle a vu. Plus par méchanceté que pour la morale. Par ennui, par dépit. Elle va lui glisser cinq mots cruels à l'oreille. « ton fils baise ta fille ». Elle va attendre la réaction.

Nous entrons dans la maison. Rien. Comme d'habitude. Tout est sombre et il fait frais. Lola part dans sa chambre. Je passe dans la cuisine. Prends une bière dans le frigidaire. Pas trace de la garce. Nous l'aurons devancé. Je vais aller voir père.

La porte de sa chambre est fermée. Je m'approche. J'entends sa respiration difficile. J'hésite un peu, entre. Je le vois dans son lit. Le drap blanc, les tuyaux lui donnent l'allure d'une méduse. Six mois qu'il est couché immobile. Six mois qu'il me fusille du regard chaque fois que je passe près de lui. Le chien est solide. J'aurais préféré qu'il meure simplement quand je l'ai poussé du haut de la falaise. Il a failli d'ailleurs, pas passé loin. Quatre mois de coma, six d'hôpital. J'attendais avec angoisse son réveil. Le médecin m'avait dit qu'il ne pourrait plus jamais bouger un doigt s'il survivait. Que les dégâts occasionnés par la chute étaient tels qu'il ne pourrait plus jamais parler ni communiquer d'aucune façon. Un légume. J'avais peur quand même.

Mais, tant pis, j'assumais mon geste. Il n'aurait jamais dû abandonner ma mère comme il l'a fait . pas ici, pas dans notre village. Il savait qu 'elle ne s'en relèverait jamais. Il savait qu'il allait la tuer. Elle ne s'en est jamais relevée. Deux boîtes de pilules. Une bouteille de whisky. Pas de mot. Juste un cri, quand je l'ai découvert au matin ; le mien.

J'approche de son lit, la chambre sans la haine. Je me penche à son oreille :
« Papa ? papa, je dois te dire un truc… Voilà, ce soir, après manger, je vais baiser ta fille. »
Je me relève, souris à la vue de l'écume qui se glisse entre ses lèvres.
« Et, tu sais quoi, papa ? J'vais pas lui faire trop mal… Et tu sais pourquoi ? Hein ? Non, tu sais pas !.. Parce qu'il faut que je garde des forces pour, après, comme chaque soir depuis des mois, aller baiser ta garce de femme. »
Que les Erinyes fassent leur travail.

Kilis 17/08/2005 @ 23:00:31
Très beau texte Blue, émouvant et très bien balancé sur le plan du rythme. Vraiment bien.

Olivier Michael Kim
17/08/2005 @ 23:01:29
            Un demi contrat


   Je devais rencontrer un Italien, au large de la Méditerranée, à six heures ce matin. Temps pourri aujourd’hui, des vagues avec des creux plus profonds que la marmite de Mama. Me faire lever si tôt, par ce froid matin d’hiver, fallait être bien siphonné du caisson. Enfin, je n’avais pas le choix... Le cureton me tuerait si je n’y allais pas.
   Des missions de merde, j’en avais effectué, mais là je crois que ça dépassait tout ! Je m’y étais préparé, bien, comme d’habitude. Le flingue, je l’avais astiqué la veille. Sur la table de la cuisine, il m’attendait avec un verre de chianti. Je pris le verre, je le levai à hauteur de mes yeux. Tourné vers le crucifix accroché au mur, je fis mon signe de croix. «Que Dieu me pardonne », dis-je en avalant mon verre.
   Je devais le faire, il en allait du respect de la religion. Je rangeai mon calibre dans mon holster, j’enfilai mon blouson.
   Alors je sortis de ma cahute, une piaule en pierre comme partout dans ma Sicile natale. Je n’eus pas à refermer la porte. Un blizzard de l’enfer soufflait sur ma colline, il l’avait fait pour moi. La main de Dieu certainement…Je crus entendre sa voix dans le sifflement du vent.
   Je descendis vers le rivage en prenant un chemin escarpé. Il avait plu la veille, les pierres étaient glissantes et je faillis me gaufrer à maintes reprises. Près d’un ponton, le padre m’attendait. D’un signe de la main, il me demanda d’ouvrir mon blouson. Il s’empara de mon arme. Les paumes ouvertes vers le ciel, il la présenta au Tout Puissant. Alors il se mit à chanter un cantique.
   Le cœur serré, j’écoutais ses mots qui sonnaient le glas. Il me rendit mon flingue et me dit : « Ne tremble pas, ta mission est noble. Pars le cœur serein. » Il en avait de bonnes, le padre ! Comment partir relax ?
   J’arpentai alors le ponton jusqu’à mon rafiot, un bimoteur de cent chevaux. Avec cette bête, la mer, même déchaînée, ne faisait pas frémir. Je larguai les amarres. Je partis en mer.
   J’avais eu raison de ne pas grailler. La Méditerranée ne faisait pas de cadeau, l’écume flanquait violemment ma coque, le tangage me faisait perdre l’équilibre. Fallait-il vraiment choisir ce jour-ci, avec cette météo exécrable ? Mon cureton superstitieux avait regardé les astres ou je ne savais quoi. Toujours était-il que ce moment lui avait été révélé. Foutaises.
   Après trente minutes, je vis l’objectif. Un yacht avait mouillé l’ancre, au large, loin de tout. Ouais, ce Rital avait choisi la bonne planque. Mais c’était sans compter mes informateurs : les oreilles, les langues, tout s’achetait, il fallait juste mettre le prix.
   Alors je coupai le moteur, me laissant dériver silencieusement. Le yacht avait l’air déjà mort, pas un bruit, pas une lumière. Lentement, doucement, j’abordai le bateau de l’Italien. Je fixai une amarre et montai à l’échelle.
   Le pont était désert. La demi-lune éclairait faiblement mes pas. Je trouvai alors la porte menant aux cabines. Je pris une grande respiration pour atténuer les battements de mon cœur qui défonçaient ma poitrine. Avec une main tremblante, je tournai la poignée…
   J’entrai alors dans le salon. Au fond, la cuisine et une porte, celle de la cabine. L’Italien était là, tout proche, à sept mètres.
   A pas feutrés, je marchai vers mon contrat, me tenant aux parois pour ne pas être déséquilibré par le roulis.
   Je sortis mon flingue du holster. Je tirai sur la culasse pour charger une balle. J’étais prêt.
   Alors d’un coup de pied, je défonçai la porte. La gâche explosa, les gonds se brisèrent sous la violence du choc.
   Sous mes yeux, il était là ce fumier de Rital, coiffé comme un porc-épic. Dans son grand de lit de pacha, il était allongé et nu. Dans ses bras, il tenait une femme, sa sœur.
   Au bruit de mon vacarme, les amoureux tirèrent un drap pour cacher leur incestueuse nudité.
   Je m’attendais à des cris, des pleurs ou des hurlements. D’habitude, mes contrats exprimaient leur peur de la mort par des supplications. Pas eux. Mon numéro d’intimidation les avait pétrifiés. Ils restèrent prostrés, lovés l’un contre l’autre. C’était comme s’ils s’attendaient au châtiment, comme si l’inévitable arrivait.
   Je devais exécuter mon rôle de censeur, rayer à tout jamais cet amour contre la nature, contre l’autorité divine. Je tendis alors le bras, pointai le canon vers l’homme. L’angoisse de la mort se lut dans son visage. Il avait une expression que je connaissais bien : sa tête se remplissait de souvenirs en pagaille, sa vie défilait sous ses yeux.
   Dans ma grande bonté, je lui laissais ce privilège. Puis, j’écrasai la pulpe de mon doigt sur la détente, lentement. Je sentis la pression du ressort, le chien se relevait. Alors je continuai la pression, lentement, toujours.
   Alors vint le coup, foudroyant. L’éclair jaillit du canon, la douille sauta du flingue. La balle vint se figer dans son cœur, là où il avait pêché. Une mare de sang éclaboussa les draps de satin.
   Mon contrat était terminé. Je rangeai alors mon calibre encore fumant.
   La femme hurla alors. Elle supplia. Mais elle supplia qu’on la tue. Elle me dit que la vie sans son frère n’avait pas de sens.
   Non, je la laissai. Mon contrat était pour un seul homme, pas pour elle. Le padre me l’avait dit : « Laisse la pécheresse vivre, qu’elle souffre. Ce sera sa punition ».
   Je fis comme conclu. Je la laissai éprouver la tristesse, la douleur.
   Je m’en retournai alors à mon embarcation. Le travail était fini : j’avais brisé un cœur en ôtant la vie, j’avais brisé l’autre en laissant la vie.
   Je sautai dans mon bateau et mis le moteur. Foutu métier, mais c’était le mien. Le soleil se leva au-dessus des collines de Sicile. Une dernière fois, je regardai derrière moi. Un rayon de soleil éclaira le yacht. Je vis la femme traîner le corps sur le pont. Elle sauta à l’eau avec son frère, noyant son chagrin dans la mort.

Killgrieg 17/08/2005 @ 23:03:19
c'est épuisant, crevant, je suis vidé

et j'ai mis "la chambre sans la haine" plutôt que "sent la haine"

Krystelle 17/08/2005 @ 23:04:22
Pablo se languissait, comme à son habitude, sur une chaise longue au bord de la piscine de l’immense propriété familiale. Sirotant un cocktail à la fraise, il observait un porc-épic qui traversait nonchalamment la terrasse lorsque la cloche sonna. Trois coups ; cela signifiait que Padré exigeait la présence imminente de ces deux fils et de son gendre, Carlo.

Péniblement, Pablo se leva, enfila sa chemise et rejoignit toute la familia dans le grand salon. Padré était là, au milieu de la pièce, les mains dans le dos. Du haut de ses 204 centimètres, Padré imposait le respect et personne dans tout Siracuse n’osait soutenir son regard. Propriétaire de plusieurs centaines d’hectares de vigne, celui que tout le monde nommait « Padré » était respecté non pas tant pour sa réussite qu’en raison de la crainte qu’il inspirait.

- Pablo, enlève ces lunettes de soleil et tiens toi donc un peu comme un homme !
Pablo chercha dans les yeux Vitorio puis dans celui de Carlo un peu de soutien. Mais ni son frère, ni le mari de sa sœur ne lui offrirent un regard. Il ota donc ses lunette Gucci.

- Les affaires vont mal, poursuivit Padré. Les gens jasent ici et au moindre faux pas, on ne me fera pas de cadeau. Vitorio, il faut que tu aides ton incapable de frère dans les négociations. Vous partirez demain pour le Chianti, compris ?

- Oui Padré

- et toi Carlo, occupe toi donc un peu plus de ma fille : Elvia m’a l’air triste ces jours-ci. Si tu n’es pas capable de la rendre heureuse, nous ne pourrons pas de garder parmi nous, tu comprends n’est-ce pas ?

- Oui Padré
D’un simple signe de la main, Padré congédia tout le monde.

L’horizon commençait à rougir sur l’Océan. Pablo regarda sa montre : c’était l’heure de retrouver Elvia… Assise sur le rocher, elle l’attendait. Il était encore loin derrière elle mais elle sentait déjà sa présence. Chaque fois, c’était le même cérémonial, elle fermait les yeux, attendait qu’il pose son doigt sur sa lèvre inférieur puis les rouvrait. Pablo prenait alors sa main, la posait sur son cœur, embrassait ses cheveux et s’essayait à ses cotés. Ils pouvaient rester des heures l’un à coté de l’autre puis l’un dans l’autre. Ils se murmuraient les mots tendres, des mots passionnés, des mots insensés.
Pablo et Elvia sont nés un dimanche du mois de mai, en 1980, à quelques minutes d’intervalles. Leur mère mourut en leur donnant le jour et tout le monde sentit alors qu’un mauvais présage pèserait sur la destinée des jumeaux.

Depuis leur plus jeune âge, Pablo et Elvia sont unis par un lien intense que Padré a tenté de rompre par tous les moyens. Après avoir envoyé Elvia faire ses études à Athènes, il la maria avec Carlo, le fils d’un richissime négociant. Mais Elvia et Pablo ne cessèrent jamais de s’aimer. Pendant tout le temps de leur séparation, ils déjouaient les pièges de leur censeur de père et s’écrivaient des lettres enflammées ; Au retour d’Elvia, leur amour devint charnel … Pablo et sa sœur retrouvaient toute la tendresse que leur enfance ne leur avait pas offerte dans les bras l’un de l’autre. Chaque soir ou presque, ils se donnaient rendez-vous au bord de l’océan, sur le rocher, à quelques kilomètres de la propriétés familiales. Elvia adorait cet endroit et pouvaient passer des heures à observer l’écume des vagues se briser sur les récifs.

– Elvia, lui dit-il, il faut que je parte demain pour le Chianti avec Vitorio.

– Quand reviendras-tu ?

– Je ne sais pas mon Ange bleu, probablement dans trois ou quatre jours
« Mon ange bleu », c’est comme ça qu’il l’appelait depuis toujours, peut-être en raison de la couleur azur de son regard.

- Ce sera long. Embrasse moi encore jusqu’à en perdre le souffle…
Pablo n’en eu pas le temps. Carlo, avait surgit de nulle part et, furieux, l’avait saisit par les aisselles. Il le fit voler sur plusieurs mètres.

- Traitre… ! C’était donc toi ! des mois durant je me suis demandé comment gagner non pas son amour, car je savais que jamais elle n’aurait pu me le donner, mais son respect. Jamais je n’ai pu lire de l’estime dans son regard.
Sa voix tremblait et la colère faisait rougir ses yeux.

- Et toi, son frère, tu la prends comme j’ai toujours rêvé de la posséder. Quelle ignominie, quel acte infâme !!!

Pablo ne chercha pas à se justifier. Au fond de lui il savait que cela arriverait. Padré, Vittorio et Carlo le haïssaient depuis toujours parce qu’il n’était pas comme eux, parce qu’il pouvait aimer, aimer à en mourir. Il savait qu’un jour ou l’autre, l’un d’eux finirait par le tuer. N’était-ce pas écrit dans son destin depuis le jour de sa naissance ?

- Tue moi si tu en as le courage, moi je n’aurai pas celui de vivre sans mon Ange bleu.

Carlo pris un énorme galet dans sa main et frappa plusieurs fois avec toute la haine qu’il avait en lui . Une fois Pablo à terre, il saisit Elvia par le bras pour la ramener à la propriété mais elle trouva la force de se dégager. Elle le fixa un instant. Son regard aurait pu dire la haine mais il exprima bien pire, le vide. Elle sauta du rocher et fut emportée par les flots.

Krystelle 17/08/2005 @ 23:05:58
Je vous lirai de chez moi (car je n'y suis pas) pour ceux qui ont déjà posté et demain pour les autres... désolée je dois filer!

Mentor 17/08/2005 @ 23:06:40
Palerme, fin juillet 99. Une chaleur à faire fondre la cloche du cimetière des Capucins.

Ephéméride et Scapulaire ne cessent leurs incessants jeux amoureux que pour boire de petites rasades de chianti frais.
La petite chambre de leur hôtel donne sur la montagne qui domine la ville. Un air tiède fait voleter les rideaux de tulle et pénètre dans la pièce par intermittence.
Peu de mots échangés, beaucoup de caresses partagées. Ces deux là s’aiment d’amour tendre, c’est évident.

Une pause permet à Ephéméride d’observer son amant avec un peu de recul et ce qu’elle lit sur son visage l’inquiète aussitôt :

- Qu’as-tu Scap ? Je te sens préoccupé.

- Ma douce Ephy, ma sœur, je n’ai rien, seulement tu sais notre situation. Père ne voudra jamais admettre une quelconque hyménée entre nous. Je le sais trop censeur pour envisager une union contre nature !

- On s’en tape frérot ! Viens là que je m’occupe de toi !

- Ephéméride ! Ton langage avant-gardiste te dessert. Tiens, reprends un peu de chantilly. Je ne plaisante pas. Tu connais père. Il a dû nous faire suivre et nous sommes peut-être à cet instant l’objet d’une surveillance aussi discrète qu’efficace. Notre mentor est à sa solde, tu le sais bien.

- Ca, pour le savoir ! Quel sale con çui-là ! Nous lâche pas d’une semelle, pas une seconde ! Te l’emplâtrerais moi ce porc-épic, ce soudard inculte !

A ces mots un formidable craquement fait s’ouvrir la porte de la chambre qui se fracasse contre le mur, laissant apparaître un gaillard de 2 mètres de haut sur 1 mètre de large, l’écume aux lèvres, en sueur, son unique œil exorbité, une dague à la main.

- Jeunes freluquets ! hurle le mentor (car c’est bien lui) d’une voix de stentor. Je vous y prends ! La main dans le sac ! Enfin… la main au panier ! Endossez vos vêtements prestement, je vous emmène céans à votre père qui saura bien prononcer la sentence que votre conduite incestueuse mérite ! Suivez-moi sans résistance !

Scapulaire et Ephéméride, penauds et nus comme des lombrics, se précipitent fébrilement sur quelques effets, s’en vêtissent à la hâte puis se dirigent vers le couloir sous l’œil courroucé du factotum inébranlable.

A l’instant où le coupable amant passe devant le géant, il lui décoche - avec toute la force dont la honte et l’humiliation l’ont gonflé – un horion magistral en un endroit de l’anatomie que nous ne préciserons pas plus avant.
Plié en deux par une douleur aussi violente qu’inhabituelle, le cyclope en lâche son arme effilée qui change aussitôt de main. Scapulaire lui tranche la gorge sans hésiter, ce qui produit un gargouillis infâme accompagné d’un geyser vermillon qui teinte aussitôt les murs et le plafond d’une myriade de gouttelettes du plus bel effet.

Sans abandonner l’épée, le garçon saisit la main de sa belle (sœur) et l’entraîne dans le couloir, entamant une course effrénée vers l’escalier de secours.

Par bonheur la porte de sécurité n’est pas verrouillée, et les deux amants débouchent à l’air libre, badigeonnés de sang, habillés de quelques tissus furtifs qui ne cachent pas grand chose de leurs jeunes anatomies et l’air hagard, ce que la situation impose, nous sommes d’accord.

A l’instant où ils prennent pied sur la terrasse de l’hôtel, un tonnerre d’applaudissements se déclenche en même temps qu’une immense ovation monte de la foule qu’ils découvrent en face d’eux. Essoufflés mais visiblement ravis de leur performance, les deux acteurs font face aux spectateurs et s’inclinent à plusieurs reprises pour remercier leur public, fidèle à la pièce qu’ils jouent maintenant depuis bientôt six mois…

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Me suis gourré pour le postage.... Mes excuses! J'ai encore voulu jouer la vedette!!!
:-(

Sahkti
avatar 17/08/2005 @ 23:10:44
suis désolée, voilà que je rentre, je vous lirai plus tard à mon aise

Kilis 17/08/2005 @ 23:11:05
Très... chaud, Giny. Normal, en Sicile...
J'ai trouvé ton texte pas mal quoi qu'un peu trop descriptif. Et, l'emploi des temps n'est pas très au point. Mais bel effort!

Totolehero 17/08/2005 @ 23:11:23
La veille nous avions bu du chianti jusque très tard dans la nuit. La bouteille avait roulé dans l’écume. C’était peut-être nos dernières vacances ensemble. La nuit avait était belle, trés belle. Nous avions compter les étoiles un moment. L’instant d’après nous dormions. C’était peut être nos dernières vacances et nous faisions comme ci cela ne comptait pas. Laurent m’a réveillé en bougeant contre moi. J’ai senti le sable froid. Il se blottissait et j’étais blottie contre lui. Il fallait rentrer, nous aurions eu l’air malin à avoir pris froid. Je l’embrassais sur les lèvres, il sursauta, me prit la main.

- Viens.

Au matin, lorsque Stamos fit irruption dans l’encadrement de la porte, j’eu un instant d’absence. Redressée, assise sur le lit, un mot me venait à la bouche, un seul : « voilà ». Je savais que ce garçon n’était pas animé de mauvaises intentions, mais voilà, il était là. A fuir les censeurs de toutes espèces, à me cacher sans cesse, à ne savoir quoi faire parfois, ni comment me défaire, comment protéger ce que j’avais de plus cher, « voilà ». Ce garçon que j’avais embrassé une fois, le laissant comme moi un peu hagard, était là, debout. Laurent était allongé sur le matelas, toujours endormi, le visage calme, souriant dans le sommeil, tourné vers moi. C’aurait pu être une tragédie et pourtant je me pris à sourire, le regard sur le bleu de la mer cadrée de voilages blancs.

Il prononça un mot.

- Viens.

Mais je ne pouvais pas venir. J’étais comme figée, terrifiée, somnolente, le cœur battant je ne sais quelle chamade. Sa voix était douce, assurée, amoureuse. Je ne pouvais me lever ni prononcer un mot.

Stamos avait fait connaissance avec mon frère au Christos, la boite où nous atterrissions parfois aux confins de la nuit, au hasard des pas nous ramenant de la plage. Ce soir là nous avions beaucoup fumé. Laurent avait pris des acides que Stamos lui avait proposé. Je dansais enivrée de « Strange Days ». Ce garçon semblait ne rien craindre, n’avoir peur de rien. Il était bien bâti, musclé, bronzé, d’une allure saine comme l’aurait pu être un charpentier. Nous faisons presque gringalets à côté de lui. Il était du coin, nous étions en vacances. Nos dernières sans doute. De fous-rire en fous-rire, ce soir là, alors que mon frère et Staros se perdaient en délires quant à la vie des porc-épic en amazonie profonde, je m’affalais prêt d’eux. Plus tard, à l'entrée de la boite de nuit, alors que Laurent n’en finissait plus de sortir des toilettes Staros me prit la main. L’air était chaud. Il me chuchota un mot à l’oreille. Je riais. Il m’embrassa, je ne le repoussais pas, lui souriait à nouveau. Mon frère nous rejoignit.

- Viens

Stamos répéta, comme s’il avait voulu que je comprenne. Mais je ne pouvais rien faire. « voilà », j’étais cette fille qui dormait nue nuit après nuit avec son frère. J’étais celle-là qui ne savait comment faire pour paraître. Celle qui avait embrassé un garçon un soir d’été et qui n’aurait pas dû. Tout s’effondrait autour de moi. J’avais envie de pleurer. Qui sait ce que Staros allait pouvoir raconter de nous avoir vu ainsi Laurent et moi au matin enlacés. J’avais envie de mordre, de crier, de me jeter contre ce foutu beau garçon grec qui se tenait là sans bouger, sans sourciller du regard, ses yeux plantés dans les miens. Je n’avais pas de temps, pas assez de temps. Toute décision était mauvaise. « voilà ». Je ne pouvais que poursuivre, gagner du temps en fuyant, en éloignant celui qui me menaçait de son regard pourtant si doux.

Je me suis penchée sur le visage de Laurent. J’ai embrassé son front dans ce qu’il y avait de plus infinie tendresse entre nous. Sans le réveiller, un baiser chaste d’enfant. C’était nos dernières vacances. Je me suis levée, drapée un instant des draps blancs et ai fait un signe d’accord à Staros. Il s’est retourné, sortant m’attendre à l’extérieur. Jean enfilé, j’ai pensé très fort à la bouche de laurent. Dehors un trait de vent passait dans un figuier. Staros me prit la main. Mes lèvres respiraient le souffle de Laurent endormi. Je riais.

Giny 17/08/2005 @ 23:12:51
Blue: ai vraiment beaucoup aimé, très beau, très bien écrit, envoûtant
Kill: très fort, poignant, mené d'une main de maître, noir et violent comme je les aime.
Les autres, je vous relis et je poste mon avis

Killgrieg 17/08/2005 @ 23:13:31
poétique en diable blue,
j'ai vogué avec tes mots

Mentor 17/08/2005 @ 23:15:06
Je vous lirai demain matin, navré, je sens que cette fois je ne tiendrai pas longtemps sans devenir grossier. Bonne soirée à toutes-tous.
;-)

Giny 17/08/2005 @ 23:15:38
Totolehero, j'aime beaucoup, très bien écrit, fluide, beau, tu décris très bien la souffrance, c'est très visuel

Giny 17/08/2005 @ 23:16:50
Je vous lirai demain matin, navré, je sens que cette fois je ne tiendrai pas longtemps sans devenir grossier. Bonne soirée à toutes-tous.
;-)


Qu'est-ce qu'il t'arrive?

Nothingman

avatar 17/08/2005 @ 23:18:00
Un vilain mouton vient encore de faire des siennes!

Sahkti
avatar 17/08/2005 @ 23:19:02
c'est parce que j'arrive Mentor??

Killgrieg 17/08/2005 @ 23:20:56
waaaooohhh giny
c'est l'horreur totale... ya des mineurs mince

bien joué, texte rudement mené
peut-être un côté un peu trop explicatif des deux parties centrales, mais le reste roule

si t'écris de telles horreur à seize ans, que vas tu écrire quand tu seras un vieil homme aigris comme moi?

Bluewitch
avatar 17/08/2005 @ 23:21:34
GINY: un joli texte, un peu carré dans la description mais on sent que tu y as mis des choses qui te touchent. Un peu l'impression d'y trouver quelques clichés mais, au fond, ton texte a du charme! Torride, quand même, Zinette! ;o))

KILIS: Ca a la chaleur des légendes romanesques sans pour autant avoir leur sensiblerie. J'aime, parce qu'au départ, on ne sait pas trop où cette ballade va nous mener... On imagine des fausses pistes.

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