Page 1 de 1
Ce livre suscite décidément la polémique!
Suite à l'envoi d'un manifeste en 13 langues, un peu partout dans le monde via email le mois dernier, à l'initiative de l'écrivain Stéphane Zagdanski, qui qualifie l'essai d'Emmanuel Faye de "délirant" et souhaite réhabiliter l'oeuvre de Heidegger, de nombreux intellectuels ont signé un texte de soutien d'Emmanuel Faye et de son livre sur Martin Heidegger.
Parmi les signataires, figurent des philosophes comme Jacques Bouveresse, Jacques Brunschwig, Michèle Cohen-Halimi, Pierre Guenancia, Claude Imbert ou Richard Wolin, des historiens comme Pascal Ory, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet ou Paul Veyne, des germanistes et des philologues, comme Jean Bollack, Georges-Arthur Goldschmidt, Jean-Pierre Lefebvre ou Alain Rey ainsi que des personnalités engagées sur la question du nazisme comme Serge Klarsfeld.
Suite à l'envoi d'un manifeste en 13 langues, un peu partout dans le monde via email le mois dernier, à l'initiative de l'écrivain Stéphane Zagdanski, qui qualifie l'essai d'Emmanuel Faye de "délirant" et souhaite réhabiliter l'oeuvre de Heidegger, de nombreux intellectuels ont signé un texte de soutien d'Emmanuel Faye et de son livre sur Martin Heidegger.
Parmi les signataires, figurent des philosophes comme Jacques Bouveresse, Jacques Brunschwig, Michèle Cohen-Halimi, Pierre Guenancia, Claude Imbert ou Richard Wolin, des historiens comme Pascal Ory, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet ou Paul Veyne, des germanistes et des philologues, comme Jean Bollack, Georges-Arthur Goldschmidt, Jean-Pierre Lefebvre ou Alain Rey ainsi que des personnalités engagées sur la question du nazisme comme Serge Klarsfeld.
N'ayant pas lu le bouquin très médiatique de Faye, et n'étant franchement pas familier de l'oeuvre d'Heidegger... je me demande tout à coup ce que diable je fais dans ce forum...
Pourtant pourtant pourtant, le débat continuel sur la possibilité d'apprécier une oeuvre pour des valeurs extrinsèques à cette oeuvre, de même qu'une obsession maladive pour tout ce qui touche à la Shoah me poussent à poster ce message.
Je relis un article de Magris et je tombe sur ceci: "[Heidegger] n'a pas commis de crimes, mais nombre de petites et honteuses infamies envers des maîtres (comme Husserl), des collègues et des étudiants juifs et aussi catholiques. D'autres grands de ce siècle compromis avec le nazisme, comme Céline et Hamsun, ont pris des positions beaucoup plus condamnables -et moins prudentes-, mais ils en ont endossé la responsabilité, alors que Heidegger a voulu se faire passer pour une victime du nazisme, manquant ainsi pitoyablement d'honnêteté et de dignité."
Bien sûr, tu me répondras peut-être que le livre de Faye traque autre choses que ces petites mesquineries du quotidien: les marques concrètes d'idéologie NS dans les séminaires de 33-35.
Certes.
Mais peu importe à vrai dire: Heidegger reste indéfendable, dans sa pathétique dénégation, dans sa misérable tentative de se rapprocher d'une Arendt-Alibi (minable posture du "j'ai aimé une juive, comment pourrais-je être coupable?").
Quand on pense au courage, au calvaire et à la misère d'innombrables intellectuels de l'époque (Victor Klemperer rédigeant son Journal au fond de la Judenhaus, Bruno Schulz abattu comme un chien dans la rue, Paul Celan ruminant ses poèmes en déportation pendant qu'on assassinait ses parents, Tillion rédigeant son Verfügbar aux enfers à Ravensbrück...), quand on constate la lucidité d'autres plus nombreux encore (Jünger, Broch, Roth, Benjamin, Adorno, Kraus...), il est impossible de parler "d'erreur à replacer dans le contexte de l'époque".
Heidegger est simplement coupable d'ignominie (il n'y a pas d'autre mot quand ont fait sienne l'idée d'anéantissement NS). Mille fois plus qu'un Céline qui d'une part ne nie pas, d'autre part paie le prix fort et surtout ne cherche pas à construire un système de pensée, mais crée une oeuvre littéraire.
Le romancier (surtout quand il a le goût de la provocation d'un Céline) reste pardonnable, ses prétentions sont, somme toute, esthétiques.
Le bon notable NS en costume tyrolien qui se veut "berger de l'Etre" ne l'est pas.
Pourtant pourtant pourtant, le débat continuel sur la possibilité d'apprécier une oeuvre pour des valeurs extrinsèques à cette oeuvre, de même qu'une obsession maladive pour tout ce qui touche à la Shoah me poussent à poster ce message.
Je relis un article de Magris et je tombe sur ceci: "[Heidegger] n'a pas commis de crimes, mais nombre de petites et honteuses infamies envers des maîtres (comme Husserl), des collègues et des étudiants juifs et aussi catholiques. D'autres grands de ce siècle compromis avec le nazisme, comme Céline et Hamsun, ont pris des positions beaucoup plus condamnables -et moins prudentes-, mais ils en ont endossé la responsabilité, alors que Heidegger a voulu se faire passer pour une victime du nazisme, manquant ainsi pitoyablement d'honnêteté et de dignité."
Bien sûr, tu me répondras peut-être que le livre de Faye traque autre choses que ces petites mesquineries du quotidien: les marques concrètes d'idéologie NS dans les séminaires de 33-35.
Certes.
Mais peu importe à vrai dire: Heidegger reste indéfendable, dans sa pathétique dénégation, dans sa misérable tentative de se rapprocher d'une Arendt-Alibi (minable posture du "j'ai aimé une juive, comment pourrais-je être coupable?").
Quand on pense au courage, au calvaire et à la misère d'innombrables intellectuels de l'époque (Victor Klemperer rédigeant son Journal au fond de la Judenhaus, Bruno Schulz abattu comme un chien dans la rue, Paul Celan ruminant ses poèmes en déportation pendant qu'on assassinait ses parents, Tillion rédigeant son Verfügbar aux enfers à Ravensbrück...), quand on constate la lucidité d'autres plus nombreux encore (Jünger, Broch, Roth, Benjamin, Adorno, Kraus...), il est impossible de parler "d'erreur à replacer dans le contexte de l'époque".
Heidegger est simplement coupable d'ignominie (il n'y a pas d'autre mot quand ont fait sienne l'idée d'anéantissement NS). Mille fois plus qu'un Céline qui d'une part ne nie pas, d'autre part paie le prix fort et surtout ne cherche pas à construire un système de pensée, mais crée une oeuvre littéraire.
Le romancier (surtout quand il a le goût de la provocation d'un Céline) reste pardonnable, ses prétentions sont, somme toute, esthétiques.
Le bon notable NS en costume tyrolien qui se veut "berger de l'Etre" ne l'est pas.
La question du "nazisme" de Heidegger permet à tous, même à ceux qui n'en ont pas lu une ligne (de leur propre aveu) de donner un avis aussi péremptoire que définitif.
Il est toujours profondément irritant de voir des "spécialistes" ou prétendus tels s'emparer d'une question et interdire à quiconque autre d'en juger... Il ne s'agit cependant pas de cela ici, mais de rétablir quelques vérités, comme in dit.
D'une part, l'argument selon lequel Heidegger ne peut pas être antisémite, parce qu'il a été l'amant de Arendt est effectivement dérisoire. Qu'on me cite cependant UN SEUL texte où Heidegger aurait osé l'employer (bonne chance). Pour juger du "racisme" de Heidegger, mieux vaut donc lire les textes, plutôt que de colporter des rumeurs infondées. Si vous lisez les cours de la période 1934 -45, vous y trouverez des attaques très violentes contre le racisme, le biologisme, le nationalisme de type ethnique, la métaphysique des valeurs et de la volonté de puissance qui forment pour Heidegger le fond de la modernité, et dont le nazisme est le cataclysmique achèvement. Faye fait semblant de ne pas comprendre... Libre à qui veut de ne pas l'imiter.
Quant aux rapports avec Husserl, ils étaient très tendus bien avant 1933 — en grande partie parce que les étudiants quittaient massivement les cours de Husserl pour suivre ceux de Heidegger. Les relations sont vite devenues empoisonnées... Il est délicat cependant d'accuser Heidegger de bassesse envers Husserl: l'a-t-il fait renvoyer de l'Université ? Non, au contraire, il a écrit pour qu'on le maintienne en poste. A-t-il dénié sa dette à son égard? Il l'a toujours reconnue et affirmée comme telle, même au coeur de la période nazie (cf. la fameuse p. 38 de Sein und Zeit).
La probité philologique la plus minimale devrait ainsi nous interdire de coloporter des ragots aussi nuls qu'inconsistants.
Il est toujours profondément irritant de voir des "spécialistes" ou prétendus tels s'emparer d'une question et interdire à quiconque autre d'en juger... Il ne s'agit cependant pas de cela ici, mais de rétablir quelques vérités, comme in dit.
D'une part, l'argument selon lequel Heidegger ne peut pas être antisémite, parce qu'il a été l'amant de Arendt est effectivement dérisoire. Qu'on me cite cependant UN SEUL texte où Heidegger aurait osé l'employer (bonne chance). Pour juger du "racisme" de Heidegger, mieux vaut donc lire les textes, plutôt que de colporter des rumeurs infondées. Si vous lisez les cours de la période 1934 -45, vous y trouverez des attaques très violentes contre le racisme, le biologisme, le nationalisme de type ethnique, la métaphysique des valeurs et de la volonté de puissance qui forment pour Heidegger le fond de la modernité, et dont le nazisme est le cataclysmique achèvement. Faye fait semblant de ne pas comprendre... Libre à qui veut de ne pas l'imiter.
Quant aux rapports avec Husserl, ils étaient très tendus bien avant 1933 — en grande partie parce que les étudiants quittaient massivement les cours de Husserl pour suivre ceux de Heidegger. Les relations sont vite devenues empoisonnées... Il est délicat cependant d'accuser Heidegger de bassesse envers Husserl: l'a-t-il fait renvoyer de l'Université ? Non, au contraire, il a écrit pour qu'on le maintienne en poste. A-t-il dénié sa dette à son égard? Il l'a toujours reconnue et affirmée comme telle, même au coeur de la période nazie (cf. la fameuse p. 38 de Sein und Zeit).
La probité philologique la plus minimale devrait ainsi nous interdire de coloporter des ragots aussi nuls qu'inconsistants.
Merci Pierre pour ces éclaircissements bien utiles!
Les "éclaircissements" de Pierre sont passionnants sur le blog d'Assouline.
Ici, je les trouve d'une agressivité assez déconcertante.
Je me console en retournant lire un Pierre moins vindicatif sur la république des livres.
Ici, je les trouve d'une agressivité assez déconcertante.
Je me console en retournant lire un Pierre moins vindicatif sur la république des livres.
Bonjour à tous,
Je me permets de répondre au dernier message de Timo, quoiqu'avec beaucoup de retard, qu'il m'en excuse. Que mon message précédent ait été par lui jugé vindicatif, j'en suis désolé. Mais que voulez-vous : prêter des propos indéfendables à un auteur, pour dire ensuite que ces propos étant indéfendables, cet auteur est une fripouille, voilà un procédé qui personnellement m'agace un peu. J'ai donc parlé de ragots; je relis mon message, et je maintiens ce terme.
Pierre Teitgen
Je me permets de répondre au dernier message de Timo, quoiqu'avec beaucoup de retard, qu'il m'en excuse. Que mon message précédent ait été par lui jugé vindicatif, j'en suis désolé. Mais que voulez-vous : prêter des propos indéfendables à un auteur, pour dire ensuite que ces propos étant indéfendables, cet auteur est une fripouille, voilà un procédé qui personnellement m'agace un peu. J'ai donc parlé de ragots; je relis mon message, et je maintiens ce terme.
Pierre Teitgen
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre