Timo 18/06/2005 @ 12:53:50
Les critiques mises en ligne à propos d'Orages d'acier mettent cet ouvrage sur le même plan qu'A l'ouest rien de nouveau de Remarque.

Si le "camp" appelle forcément à une mise en parallèle des deux ouvrages, j'ai trouvé pour ma part que Junger s'opposait radicalement à Remarque.

Evidemment, le problème posé par la philosophie et l'engagement politique de Junger est un des débat les plus communs du XXe, tant on peut le taxer tour à tour de (pré)fasciste, d'écologiste (!), de communiste...
"L'enfoncement" de porte ouverte le plus courant pour ses détracteurs consistant à rappeler qu'il a commandé des pelotons d'exécution de partisans ou de déserteurs allemands pendant la 2e guerre mondiale, tandis que ses défenseurs s'empressent de rappeler que ses Journaux Parisiens font état d'un antinazisme indubitable...
(Les plus consensuels rappelant au passage que Junger étant un homme qui a traversé 4 grandes périodes de l'histoire allemande, ses engagements s'en ressentent forcément)

C'est d'ailleurs probablement le propre des personnalités complexes d'être commentées à l'infini pour ce qu'elles ont de dérangeant (Pensons à Malaparte qui est passé par les prisons fascistes et alliées et dont les amitiés mussoliniennes passagères expliquent vraisemblablement qu'il ne soit pas reconnu comme l'un des plus grands romanciers du 20e... Pensons à Borges dont la tolérance pour les dictatures sud-américaines lui a coûté le Nobel, tandis qu'il était humilié en son pays par la dictature péroniste...).

Soit.

Mais si l'on s'en tient toutefois au témoignage sur la Grande Guerre, un témoignage "tout frais", on ne peut qu'être frappé par la différence de ton, d'exaltation, d'éthique, de conclusion entre Junger et Remarque.
A mon sens, et bien que ma connaissance de l'oeuvre de ces deux auteurs soit toute relative, « Orages d'acier » aboutit à "La guerre comme expérience intérieure", tandis qu'A l'ouest rien de nouveau" débouche sur "l'Obélisque noir"': nihilisme radical qui détruit les valeurs anciennes dans un bain de sang pour forger un nouveau monde, contre pacifisme tout aussi radical, écoeuré des horreurs nouvelles en préparation.

D’un côté, une éthique d’officier, de guerrier d’un autre temps : le courage viril, l’exaltation du combat, la puissance vitale qui s’exprime dans la course à travers le no man’s land et qui explose dans le corps à corps. Curieuses lueurs de chevalerie d’ailleurs dans la première guerre de machines…
De l’autre, la camaraderie, les moments paisibles à la roulotte (les passages au « petit coin » en plein air curieusement touchants), les horreurs qui vous rendent fou, les mensonges et la cécité de l’arrière, l’abrutissement des hommes (ah, les joies de l’élevage à la prussienne !), les chevaux qui hurlent dans le lointain.
Les nazis ne s’y tromperont pas, eux qui s’inspireront de Junger dans tout le fatras nauséabond de Rosenberg, Goebbels et compagnie (le « Kämpfer » SS, la « puissance vitale », la mort pour l’idée…) tandis que les ouvrages de Remarque brûleront dans les feux de Nuremberg.

Junger est troublant, délicieusement troublant. J’invite ceux qui ont goûté Orages d’acier à lire « La guerre comme expérience intérieure », on en ressort à la fois exalté et ébranlé comme un adolescent qui découvrirait Cioran. On en ressort aussi curieusement mal à l’aise, comme celui qui se tiendrait à côté d’un homme montrant en riant le chemin des horreurs à venir.

Saint Jean-Baptiste 18/06/2005 @ 21:30:59
Très intéressant Timo. Merci pour ces éclairsissements.
Malaparte était certes une personnalité complexe.
Mais considères-tu qu'il soit normal qu'un écrivain soit jugé en fonction de ses amitiés passagères pour l'un ou l'autre ?

Timo 20/06/2005 @ 13:21:51
Bonjour Saint-Jean Baptiste,

Merci pour ton message, j’avais peur que cela n’intéresse personne (les 2 critiques sur Jünger datent de 2001).

Je pense que ta question soulève le vieux problème de l’œuvre vs la vie d’un auteur. Les positions politiques, compromissions, engagements, amitiés, tolérances (…) peuvent-elles rendre irrecevable une œuvre toute entière ? Faut-il faire le tri entre des œuvres de qualité moralement « acceptables » et des œuvres à l’esthétique sûre mais au contenu douteux ? C’est amusant parce que je pense à la critique que tu as postée sur un livre sur la foi et je me demande si, comme pour le credo, notre époque ne fait pas son marché dans les œuvres d’auteurs un peu à la marge ou complètement hors champ ?

Je pense qu’entre Malaparte (j’ai lu et apprécié tes commentaires sur Kaputt. Même si je pense qu’il faut dire qu’il a été à la fois un opposant ET un partisan de la première heure du fascisme, c’est ce qui fait son charme) et Céline (je vois le Voyage figurer dans tes favoris) c’est un sujet assez présent pour toi.

Tu vas peut-être trouver cela caricatural, mais je pense qu’en France le choix est fait pour nous. La question est quasiment complètement évacuée. On ne peut même pas parler de jugement « normal » ou « anormal », mais simplement d’oblitération complète de certains auteurs.

Je ne sais pas comment cela se passait quand tu étais au lycée, ni comment cela se passe aujourd’hui, mais je fais partie d’une génération Lang/Mitterrand dont l’horizon littéraire a été profondément borné : Quand j’étais gamin, étudier l’Affiche Rouge d’Aragon était normal, voire salutaire (ah la posture vaillante de la France résistante !). Par contre, il aurait été impossible de se pencher sur Céline, même sur le Voyage… sans parler de Drieu ou Brasillach… cela aurait entraîné nos âmes enfantines et crédules au bord de dangereuses falaises … A l’époque par contre, aucun prof ne se serait aventuré à suggérer la cécité politique d’Aragon ou le fait qu’il traînait un Jean Wahl dans la boue… Nous faisons partie d’un pays dans lequel il vaudra mieux, encore longtemps, avoir tort avec Sartre.

Tu vas me dire que libre à moi ensuite, d’agrandir mon horizon littéraire : pas si sûr en fait. Je pense avoir été suffisamment marqué, parce que travaillé au corps assez jeune, pour ne jamais m’aventurer trop loin de la balise Lang (j’ai le souvenir comique d’un prof narquois me reprochant ouvertement Giono (!!) et Barjavel, parce que le retour à la terre de l’un et la morale rétrograde et la charge contre le progrès technique de l’autre, sentait un peu le « Blut und Boden » nazi !!!!).

Curieusement, en Allemagne, comme on a pu tâter du rouge et du brun, on n’hésite jamais longtemps à rappeler (fallacieusement !) les compromissions soviétiques d’un Brecht ou d’un Klemperer, presque en contrepoint de l’adhésion NS d’un Heidegger.

Bien sûr, j’imagine que chaque cas est différent : Non Malaparte n’est pas le Céline italien, c’est un homme irréprochable. Pourquoi l’ignore-t-on en France ? Oui, certains écrits de Drieu font froid dans le dos, mais permettent-ils d’enterrer son œuvre ? Oui, Céline a écrit des abominations d’un autre siècle… mais ses « excès » ne font-ils pas un avec sa gouaille, sa verve, son insolence ? Les lirait-on de la même manière si la Shoah n’avait pas brisé le siècle et notre foi dans le « Grand Homme »?

Je pense que le problème vient de là justement. En tout cas en France. La figure du « Grand Homme », figée dans l’image d’Epinal d’un Hugo « panthéonisable » et barbu, se doit d’être irréprochable : pas de compromission, pas de petites mesquineries, surtout pas politiquement ignoble ou simplement douteux : ou alors l’esthétique est contaminée, gâtée, à jeter. Je pense à cet éditeur de Cioran gommant servilement certains passages troublants de sa biographie (la « Garde de Fer » ? connais pas…).

Un passage de Kundera me revient en tête. Je ne sais plus dans quel roman il raconte que la police secrète enregistre des intellectuels à leur insu et diffuse des extraits dans lesquels la masse abasourdie et choquée les entends proférer… des grossièretés… Attention, pas des opinions politiques : juste des jurons. Je crois me souvenir que Kundera explique que ces quelques gros mots font plus pour décrédibiliser l’élite intellectuelle tchèque que n’importe quel procès stalinien.

A Prague aussi, visiblement, le Grand Homme doit être immaculé.

Provis

avatar 20/06/2005 @ 13:41:49
C'est un vrai plaisir de te lire, Timo..

Saint Jean-Baptiste 20/06/2005 @ 23:25:18
Oui, je partage l'avis de Provis : un plaisir de te lire. Et ce genre de discussion a bien sa place ici.
Je suis sûr que d'autres viendront s'y mêler, un peu de patience ! :o)
Bien que le sujet, pour le fond n'est pas nouveau sur le site, la question n'est jamais épuisée.
"Avoir tord avec Sartre '" Que c'est bien vrai ! Ca ne date pas de hier et c'est pas prêt de s'arrêter !
Le souvenir de ton prof narquois à propos de Giono et Barjavel m'a bien fait rire mais au fond, faut-il en rire ?
Et le témoignage de Kundera est terrifiant, oui, je trouve ça terrifiant !

A propos de Malaparte, je ne le connais pas tellement ! J'ai seulement lu des éléments d'autobiographie, et j'ai pu constater que la modestie n'était pas prête de l'étouffer, ce qui n'est pas très grave ; mais il se défend contre des accusations qu'il ne site pas explicitement. J'en ai conclu qu'il avait des choses à se reprocher ou sur lesquelles il devait se justifier.
J'ai aussi cru comprendre que ses querelles avec Mussolini avaient été aussi des querelles d'alcôve.. .. La fille de Mussolini, ou la maîtresse de Mussolini, aurait été .. .. ? Mais comme d'autre part, notre homme est un peu vantard, allez savoir !
De toutes façons pour lui, comme pour Céline ou d'autres, ça ne gène en rien son talent ; ça n'a rien à voir avec ses qualités d'écrivain.
Il est fort possible qu'on en parle peu en France tout simplement parce qu'il n'est pas Français.
Il est possible aussi qu'avec son franc-parlé il ait critiqué la presse littéraire ; ce qui condamne toujours, hélas !, un écrivain au non-commentaire et à l'oubli.

Maintenant, nous attendons avec impatience et intérêt ta critique de Kaputt ! :o))

Timo 24/06/2005 @ 15:52:51
Provis, St Jean Baptiste, merci pour vos compliments, ils me font extrêmement plaisir.

Pour ce qui est de la critique de Kaputt, j'ignore si elle fait sens, étant donné que tu en as déjà posté une complète. A la limite, en "critique éclair" (je n'ai pas bien compris le principe des dites critiques éclairs d'ailleurs, mais bon), ou alors plutôt échanger sur le roman, ce qui me ferait vraiment plaisir parce que il y a peu de lecteurs de Malaparte dans mon entourage.

Je ne sais pas pour toi, mais de mon côté il y a 4 "scènes" que je rumine souvent (comme les meilleurs moments d’un bon film), ou que j'utilise dans ma vaine entreprise d'évangélisation malapartienne :

- Scène 1 : Le dîner au Wavel.
Malaparte est invité à la table de Hans Frank, nouveau gouverneur général de Pologne, avec tout le gratin nazi à la tête de la Pologne occupée. Hans Frank, ennemi déclaré d’Himmler, se fait plaisir en invitant cet écrivain insolent, fasciste de la première heure, mais condamné à 5 ans de déportation par Mussolini et surveillé par la Gestapo.
Malaparte est assis à la table du diable, en face de "l'homme de Himmler", toujours à deux doigts d'aller trop loin dans la provocation et se rappelant avant le point de rupture le conseil d'un ami : "dis leur que tu te croirais à la table d'un prince de la Renaissance"
Et puis vient la grotesque, comique, puis effrayante situation créée par le « Hitler : une femme » que l’on reproche à Malaparte (sur le ton qu’on utiliserait pour gronder un enfant)... situation qui dérape complètement quand il enchaîne devant son auditoire brun et noir sur un « Hitler est la mère du peuple allemand ». Curieuse sensation de connivence entre Malaparte et son lecteur.
Sa présentation d'Hans Frank est symptomatique de sa vision des allemands : à la fois peuple de haute culture (Frank est un pianiste de talent) et peuple de monstres (le dîner se termine par une "sortie" au ghetto, Frank tire sur des enfants en riant). Tous les allemands qu'il rencontre font d’ailleurs la synthèse entre la brute absurde et l'homme cultivé (de mémoire, l'officier du début du roman cite Hölderlin ou Schiller avant de lui montrer comment on utilise les russes comme poteaux indicateurs).
D’une certaine manière s’exprime vraisemblablement ici une double intuition de Malaparte : l’invraisemblable parenté du romantisme allemand et du nazisme d’une part, et, d’autre part, le fait que la pire barbarie ne pouvait naître qu’au cœur de la plus haute civilisation (puissant démenti aux Lumières au passage). J’avoue que je ne peux m’empêcher de penser immédiatement au chêne de Goethe pieusement préservé par les SS en plein cœur de Buchenwald.

- Scène 2 : Les chevaux pris dans la glace.
Stupéfiant passage complètement halluciné que ces chevaux russes pris dans un lac gelé tout l’hiver. Rappel lointain de la scène des chevaux d’A l’ouest rien de nouveau… mais cette fois des chevaux figés et silencieux : l’horreur de cette guerre-ci pétrifie, alors que la précédente faisait encore hurler de terreur la nature toute entière. Elément le plus pathétique du bestiaire que constituent les chapitres de Kaputt. Curieux épisode prémonitoire annonçant cette armée allemande toute aussi figée, silencieuse face aux lignes russes, l’été suivant.

- Scène 3 : le Général et le Saumon. On dirait un titre d’Eco.
L’ennui absolu de cette armée du nord pendant l’été (42 ? 41 ?). Soldats-zombis qui errent dans la forêt. Qui se suicident parfois et qu’on pense pendre ensuite pour désertion.
Je me souviens de Steiner citant Gauthier : « Plutôt la barbarie que l’ennui ». Et elle est bien là cette barbarie, cette monstruosité bien ordonnée, systématique et précise… jusque dans la lutte à mort entre le général et le roi des saumons : un seul saumon (le roi) reste dans la rivière au bord de laquelle est stationnée une division allemande. Un général veut absolument le pêcher, mais le saumon est coriace. On fait venir un officier expert de la pêche à la truite pour servir de conseiller technique au général : oui mais, la truite se pêche-t-elle de la même manière que le saumon ?
Chute malapartienne obligée après une lutte qui dure des heures d’un bout à l’autre d’une canne à pêche… l’ordonnance qui s’avance, dégaine son mauser... Grotesque et terrifiant, invraisemblable, drôle, atroce et l’effet d’une chape de plomb qui vous tombe sur la poitrine : du concentré de Malaparte. L’effet malapartien par excellence : complètement déstabilisant, on ne sait pas si on doit rire aux éclats ou perdre toute foi en l’Humanité dans la seconde.

- Scène 4 : Le consul italien et les morts.
Dans une ville de Roumanie, trois italiens (un consul, un jeune fasciste, Malaparte) tentent de s’opposer à un pogrom en aidant les juifs à se réfugier dans le consulat italien. Scène mémorable au cours de laquelle le consul (ah ces italiens !) fait barrage en menaçant des soldats roumains qui veulent pénétrer dans l’enceinte du consulat de la « terrible colère de Mussolini »…
Le lendemain, les 3 italiens partent à la recherche d’un fourgon de juifs raflés… finissent par le retrouver au bout de quelques jours, sur une voie de garage, en plein soleil. Le consul (ce consul, comme je l’ai admiré !) exige qu’on ouvre la porte du fourgon. La porte s’ouvre… les morts par asphyxie tombent par dizaine en cascade sur lui, s’engage alors une véritable lutte entre ces morts et le consul qui se débat (mais où est-on : Buzzati ? Calvino ? Ionesco ?) dans une scène d’une telle horreur… qu’il faut rire pour ne pas sombrer. Et puis, le consul se relève, très digne, visage impassible et dit : « Voyez s’il n’y en a pas un de vivant… on m’a mordu ».

Voilà, c’est mon argumentaire de vente habituel quand je fais de la promo Malaparte. Pour être honnête, ça ne marche pas très bien ;-). Parle moi des scènes qui t’on marqué !

Pour « prolonger » Kaputt, je ne peux que recommander fortement La Peau (sur les ravages de l’occupation… alliée à Naples : il en fallait du culot !) et pour découvrir une nouvelle facette de Malaparte, rien de tel que Sodome et Gomorrhe, recueil de nouvelles dont la principale évoque les tribulations touristiques en Palestine d’un Malaparte accompagné de Voltaire (excusez du peu !) et d’anges servant dans la police anglaise (c’est qu’on a rogné leurs ailes).

Pour la « modestie » de Malaparte que tu évoques, je me contenterai de citer un ami à moi, musicien de son état, qui disait fréquemment (en s’incluant dans le lot) : « Le génie n’a pas besoin d’être modeste ».
De fait, je pense que lorsqu’on s’est engagé dans un bataillon de volontaires à 16 ans dès 1914, pour finir 4 ans plus tard bardé de médailles et capitaine d’une section de lances-flamme, quand on assez de cran pour écrire en pleine Italie fasciste tout le bien qu’on pense du bonhomme Lénine et traiter Hitler de « femme », quand on peut se permettre d’écrire en pleine guerre « Le soleil est aveugle »… sans ciller… non, définitivement, on n’a pas besoin d’être modeste.

Saint Jean-Baptiste 29/06/2005 @ 00:00:42
Timo, je te réponds très tardivement, mais j'espérais que les gros bras du site interviendraient dans la discussion. Ils sont sans doute en vacances. C'est dommage parce qu'il y a des profs de français et des amateurs très spécialisés un peu dans tous les domaines.
Moi en fait, je ne suis pas un spécialiste de Malaparte.
Les scènes que tu cites sont parmi les plus frappantes : je me souviens que ce livre avait la cote dans les années 50, un peu comme le Code da Vinci aujourd'hui. Et Malaparte était un personnage énigmatique dont on savait peu de chose mais dont on parlait beaucoup.
Tu devrais faire une critique-éclair : tu dis ton avis, tu développes un point particulier qui t'a frappé, ou tu parles un peu de l'auteur, tu dis ce que tu ressens.. ..
Les critiques encouragent la lecture et provoquent d'autres critiques et aussi de suite ; c'est l'intérêt du site, et sa raison d'être d'ailleurs, de faire connaître des livres et de provoquer des discussions.

Saint Jean-Baptiste 29/06/2005 @ 00:06:50
Timo je viens de m'apercevoir qu'il n'y a pas de critique sur La Peau.
Alors, c'est le moment : tu fais la critique et je ferai la critique éclair.

Timo 29/06/2005 @ 18:44:58
Bonne idée! Je vais tenter le coup alors.

Tiens au passage, c'est amusant comme on a basculé de Jünger à Malaparte.

Provis

avatar 29/06/2005 @ 19:08:28
Timo, j'ai souvent entendu parler de Malaparte (il n'y a qu'un écrivain qui s'appelle Malaparte ?), mais je n'ai jamais rien lu de lui .. Quel livre tu conseillerais ? Un ou deux ..
C'est sûr, avec une critique sur CL, ce serait encore mieux, mais on ne peut pas être trop exigeant !! :o)

Timo 29/06/2005 @ 22:50:17
Enhaurme honneur que de recommander un livre de Malaparte à quelqu'un!

Bon :
- Deux romans : Kaputt et La Peau.
- Un essai politique (provocation hallucinante) : Technique du coup d'Etat.
- Des recueils de nouvelles : Sang, Sodome et Gomorrhe.
- un ouvrage polémique à mi chemin entre le roman et la chronique du journaliste : Le soleil est aveugle...
et d'autres merveilles encore que je n'ai pas encore lu pour me garder un peu de mystère.

Si tous ces ouvrages révèlent Malaparte (immodestie, goût de la provocation, goût du risque, insolence... en même temps qu'une infinie pitié pour les plus faibles, les persécutés, en même temps qu'une terrible mélancolie, une espèce d'intense fatigue qui a dû naître en lui quelque part dans les tranchées de la Somme), commencer définitivement par Kaputt : un chef d'oeuvre absolu.
Malaparte est partout sur le front de l'Est : dans les plaines d'Ukraine avec les divisions blindées allemandes qui foncent sur Kiev, dans les forêts finlandaises au milieu des soldats qui se suicident par ennui, dans les kolkhozes où l'on fusille les paysans alphabétisés, avec le gratin diplomatique à Helsinki ou Stockholm... au chevet d'un élan blessé, dans le ghetto de Varsovie, à la table du Général Gouverneur de Pologne dans les salons du Wavel, dans un sauna avec Goebbels, dans le bureau d'Anton Pavlic se demandant ce qu'il y a dans le seau sur la table, avec les Hohenzollern leur racontant les pires horreurs sur le ton du conte pour enfants, au siège de Leningrad avec Da Foxa, ministre franquiste horrifié à l'idée que l'on se batte et meurt un dimanche...

Ca n'est ni un livre sur la guerre, ni une simple chronique, sorte de version compilée des articles qu'il envoyait en Italie: C'est un roman (il en a la magie, l'inventivité, la bienfaisante distanciation) et c'est un témoignage sur ces hommes que Malaparte voit presque avec l'oeil de l'entomologiste : mi fasciné, mi horrifié.

Volà, j'espère t'avoir donné envie, c'est un des géants du siècle, on ne lui rend pas assez hommage.

Provis

avatar 02/07/2005 @ 18:05:05
Merci Timo et SJB..
J’achète Kaputt et Technique du coup d’état, que je lirai pendant les vacances !

SJB, après coup je me suis dit (quelle idée géniale ! .. :o(.. ) que peut-être je trouverais des critiques de Malaparte sur CL. Eh oui ! Pas beaucoup, mais une belle de "Kapput" par SJB ! .. :o)

Radetsky 19/11/2011 @ 11:43:46
On a parlé plus haut de "faiblesses passagères" à propos de Jünger : c'est la tactique qu'ont adoptée après la guerre tous les intellectuels allemands qui s'étaient fourvoyés en un bel élan dans les tombereaux d'infâmie du nazisme (Heidegger, Carl Schmitt, etc). La tactique a servi aussi à notre serpillère nationale, L.F. Céline.
On recommence à voir, sinon à entendre, les bottes viriles et germaniques qui furent un temps les tuniques de Nessus des "esthètes"... Et elles brillent, elles brillent ! Ecoutons-les lécher le cuir suave de la honte, ces édito-critico-valets de toujours....
http://blog.agone.org/post/2011/…

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