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Forums  :  Vos écrits  :  Anna des neiges

Rudolfo 10/05/2005 @ 22:52:58
Livide, le regard en reflet dans le miroir d'argent, elle avait horriblement peur.
Il était à peine 20 heures. Anna venait juste de finir son dîner. Repas frugal, minceur oblige.
Cette blanche image au dos du tain l'effrayait. Sa peau rêche et défraichie n'en finissait pas de se froisser depuis bientôt six mois. Face ténue blême. Joues par trop creuses. De ses lèvres en finesse, le rose, en berne, s'était décati. Le noir de ses yeux hagards enfilait l'allure de deux bouts ronds d'encre de Chine déversés sec sur un fond neige. Un froid austère et lugubre s'y ressentait.
Une odeur étrange lui frôla soudain l'esprit. Mourir! oui... la mort n'exhale-t-elle pas ses funestes haleines avant d'aspirer, sous le brun marteau du silence, ses proies en terre. S'éteindre si jeune comme une bougie à la mèche avariée, elle n'y avait jamais songé... avant. Partir sans avoir eu le temps de dire j'ai osé mais.

Elle... qui rêvait d'aventures Ushuaiennes voyait déjà son corps faire ses valises.
Elle... qui n'eût du gémir que les sures senteurs du rugueux déplaisir.
Elle... qui n'a du lendemain qu'un mépris fort hautain.

Elle se surprit aux premières lueurs de l'aube à se rêver gheisha. Masque d'un matin. Oublier le mystérieux mal qui la fanait. Ce mal qui s'enracinait en son être sans avouer son nom. Elle en était à sa cinquante deuxième consultation, allant de de cabinet en cabinet maudissant, à chaque fois, jusqu'au vortex, jusqu'au bas-ventre les férus disciples d'Hippocrate. Une seule et invariable réponse : " Mademoiselle, il n'y a vraiment pas de quoi vous inquiéter, vous respirez la bonne santé, mais il est vrai que le teint et la peau...". Personne n'a su ou pu diagnostiquer ses tourments.
Elle se sentait, par moments, comme folle et.. hantée, elle s'écriait à voix mi-haute, la rage au coeur :"Et ce teint de plus en plus blanc!!! Cette... peau qui se plisse, c'est quoi!!!". Peut-être n'était-elle qu'une fleur et que, passé ce fameux temps, une fleur ça s'étiole tout simplement. Elle aurait eu des génes de rose ou de jasmin ou de lilas. C'est peut-être ça se disait-elle. Depuis toute petite, elle sentait bon et ses senteurs pénétraient partout où le vent se faufilait. Anna sentait, de tous ses pores, le doux parfum des neiges...même en été.

Yali 10/05/2005 @ 23:04:03
Bordel, ça se trimballe une gueule et des parfums au tempo des mots, à te coller en haut, tout en haut.

Kilis 11/05/2005 @ 00:03:35
Oui, ça bouscule. Dis Rudolfo, tu nous en ressert un bientôt?

Paracelse 11/05/2005 @ 09:14:22
Il y a quelque chose de "transcendantal" dans ton texte, qui me parle beaucoup ! Comme si cette Anna (j'aime bien ce prénom, qui peut se lire dans les deux sens... ;-D), ou plutôt le corps d'Anna (le corps sachant parfois bien mieux que la tête...), avec ce mal qui couve, devait se transformer pour atteindre sa réalité ultime.

L'image de la geisha m'a fait penser à "Dolls", le film de Kitano (désolée si je donne souvent des références cinématographiques... lol...), où on voit défiler plusieurs saisons... et toute la fin du texte, avec ces fleurs de rose et de jasmin, et cette odeur de neige (avec ton texte, je sentais presque toutes ces odeurs !!), me semble très japonisante (le côté esthétique de la mort, la proximité de la nature, le "passage" comme s'il s'agissait d'une fleur qui se fane pour se fondre dans la neige...).

Sinon, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'expressions que je trouve très belles ! "Le noir de ses yeux hagards enfilait l'allure de deux bouts ronds d'encre de Chine déversés sec sur un fond neige", "la mort n'exhale-t-elle pas ses funestes haleines avant d'aspirer, sous le brun marteau du silence, ses proies en terre", "S'éteindre si jeune comme une bougie à la mèche avariée", et surtout : "Partir sans avoir eu le temps de dire j'ai osé mais" alors que "Elle... qui n'a du lendemain qu'un mépris fort hautain". Tout cela évoque très bien "le rythme inférieur dont t'informe la mort", comme disait l'ami Ferré...

En bref, ton texte m'est apparu à moi très juste, très bien écrit, et surtout très poétique comme j'aime ! ;-DDD

Olivier Michael Kim
11/05/2005 @ 09:36:33
Ouais ! J'ai trouvé que c'était un très beau texte ! Un style coulé et doux, très fin.

Merci bien Rudolpho.

Spirit
avatar 11/05/2005 @ 11:23:49
Ton texte est magnifique, il laisse dérriere lui un soupir de nostalgie et de douce tristesse. J'aime beaucoup.

Kicilou 11/05/2005 @ 11:40:42
Très beau texte, extrêmement riche, heurté... C'est à la fois fort et doux... C'est inhabituel mais j'en redemande !
Au fait, bienvenu Rudolfo.

Charles 11/05/2005 @ 14:25:08
rien à ajouter ! j'aime également.

Acie 11/05/2005 @ 18:22:10
j'ai d'abord pensé à une anorexique, puis à la dépression vice et mal être qui nait et que nous seuls voyons, mais rien de tout cela n'était, c'était tout de beauté et de tintement
très bien rendu, très belles images, à quand le prochain?

Lyra will 11/05/2005 @ 18:54:21
Un très beau texte !!!!!!
Une plume vraiment bien taillée, les phrases sonnent si bien, les mots choisis sont très beaux.

Des tonnes de belles images aussi, et qui arrivent si naturellement !
Très visuel, j'ai beaucoup aimé !

A quand le prochain ?

Rudolfo 12/05/2005 @ 16:29:12
Merci pour vos commentaires. Je m'en vois ravi.
Une coquille malheureuse : lire geisha au lieu de gheisha.

Paracelse 12/05/2005 @ 16:35:16
Merci pour vos commentaires. Je m'en vois ravi.
Une coquille malheureuse : lire geisha au lieu de gheisha.


Au grand plaisir d'en lire bientôt d'autres de toi !!! ;-DDD

Mentor 12/05/2005 @ 16:41:05
Que de belles phrases dans un texte si court! Vraiment un condensé de qualité, de belles images, de profondes idées. Un petit arrière-goût de Dorian Gray, mais juste une pointe hein! Très beau, très.

Rudolfo 12/05/2005 @ 19:31:26
À ceux qui ne me connaissent pas.
Je suis d'une vulgarité annapurnéenne, mais d'une franchise à toute épreuve.
Je déteste la complaisance et la frime.
Je serai radié, je le sais.

Ludico de passage

Mentor 12/05/2005 @ 19:58:22
À ceux qui ne me connaissent pas.
Je suis d'une vulgarité annapurnéenne, mais d'une franchise à toute épreuve.
Je déteste la complaisance et la frime.
Je serai radié, je le sais.

Ludico de passage
???

Rudolfesse 12/05/2005 @ 21:53:37
À ceux qui ne me connaissent pas.
Je suis d'une vulgarité annapurnéenne, mais d'une franchise à toute épreuve.
Je déteste la complaisance et la frime.
Je serai radié, je le sais.

Ludico de passage

Moi qui te connait, Ludico, je serai toujours avec toi, mon amour, pour leur dire que ta brandade de morue n'a d'égale que ton doigté dans la manipulation des moules, quand nous nous en régalons accompagnes de frites et de ce gouleyant vin de Moselle que te rapporte du Douro, dans des outres de chèvres molles, ta Tata Rodriguez! Qu'ils osent te radier, doux Ludico, et ils touveront à qui parler! Jean-Paul Wojtyla lui-même ébranlera la colonnade du Berlin pour leur en fustiger les fesses, mon Rudolf, mon ami,mon frère!

Je t'aime, Rudolfo, compagnon de galère,
Je t'aimons, Ludico, mon troufion, mon éphèbe,
Oh Oui!
Oh OOOUUUIIIII!!!

Rudolfo 12/05/2005 @ 22:00:13
À ceux qui ne me connaissent pas.
Je suis d'une vulgarité annapurnéenne, mais d'une franchise à toute épreuve.
Je déteste la complaisance et la frime.
Je serai radié, je le sais.

Ludico de passage

Moi qui te connait, Ludico, je serai toujours avec toi, mon amour, pour leur dire que ta brandade de morue n'a d'égale que ton doigté dans la manipulation des moules, quand nous nous en régalons accompagnes de frites et de ce gouleyant vin de Moselle que te rapporte du Douro, dans des outres de chèvres molles, ta Tata Rodriguez! Qu'ils osent te radier, doux Ludico, et ils touveront à qui parler! Jean-Paul Wojtyla lui-même ébranlera la colonnade du Berlin pour leur en fustiger les fesses, mon Rudolf, mon ami,mon frère!

Je t'aime, Rudolfo, compagnon de galère,
Je t'aimons, Ludico, mon troufion, mon éphèbe,
Oh Oui!
Oh OOOUUUIIIII!!!


Enfin! le coeur havre :)))

Mentor 12/05/2005 @ 22:34:09

Moi qui te connait, Ludico,
Une!

Balamento 13/05/2005 @ 01:25:47
Warfff ! Ton passage me réjouis vieille canaille ;-) Et ce qui ne gache rien, je vois que même si tu dis que la prose n'est pas ton truc, ça décoiffe et ça défrise là ! ;-) Le sens poétique, même sans rimer, c'est clair, ça le fait, et pas qu'un peu... ;-) Je ne vais pas en ajouter sur les phrases notées par Paracelse... si ce n'est en disant que ça se passe dès les 5 premières lignes.

Et reste donc un moment avant d'être interdit... ;-) Les bourrasques rafraîchissantes libertaires, libertines, tendres et éruptives, sincères et frauduleusement, scatalogiquement, sexuellement enfantines moi j'adore ça. Et, texte réussi, en prime... Allez, reste donc un moment maudit ludico ! Histoire de poster un ou deux poemes de ton cru jetés aux vents et de rendre fous tes plus vifs détracteurs ;-)

Bocassis 15/05/2005 @ 23:29:55
Un beau texte.
Poétique comme je les aime.
Ce fut un grand plaisir

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