Shelton
avatar 05/07/2024 @ 09:23:04
L’été c’est fait pour lire et à défaut de nous aider à prévoir le futur cela peut nous aider à comprendre le présent et à mesurer les qualités de certains acteurs passés ou présents de la politique française… A force d’entendre – même quand on est dur d’oreilles comme moi on ne peut pas échapper à certaines paroles – tout et son contraire depuis le 9 juin, date de la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, j’ai voulu retourner en « voyage » au moment de la fin de « règne » de Charles de Gaulle… Pour cela, j’ai choisi « Histoire de la République Gaullienne » de Pierre Viansson-Ponté.

J’avoue que dans ma famille de Gaulle n’était pas tant apprécié que cela mais le personnage ne manquait pas d’une certaine grandeur. Quand la France bascule dans Mai 68, crise qu’il n’a pas vue venir et qu’il ne comprend absolument pas, il donne le sentiment d’être dépassé, bousculé, désespéré. Il lui faudra plusieurs jours pour se reprendre (dont son départ en Allemagne). Il hésite encore entre accepter certaines demandes des manifestants, organiser un referendum ou dissoudre l’Assemblée nationale comme le demande Georges Pompidou. Ce sera la dissolution puis une nouvelle majorité (la plus grosse majorité de notre vie républicaine !), un nouveau premier ministre, un répit aussi pour le président…

Un an plus tard, ce sera le fameux référendum sur la régionalisation (en fait, pour ou contre de Gaulle !). Le Grand Charles se bat jusqu’à la fin pour obtenir le « oui » mais il est d’une grande lucidité avec ses proches : « Nous sommes battus, cessez de me raconter des histoires et de vous en raconter à vous-mêmes. »

Remarquez qu’aujourd’hui – je ne parle pas des discours politiques dans les meetings et à la télévision – un grand nombre d’acteurs politiques se « racontent des histoires » toutes plus fantastiques les unes que les autres… Les journalistes reprennent alors des scenarii étonnants, des plans B, C ou même D… Certains vont même jusqu’à croire que les « consignes de vote » pourraient avoir un impact et une efficacité sur les résultats… Mais, les temps ont changé et l’électeur n’est pas seulement alimenté par la télévision d’Etat et la grande presse nationale. Il y a les réseaux sociaux, les communautés diverses, l’individualisme absolu, l’absence de réflexion à long terme, le sentiment d’angoisse écologique, économique, politique, sociale… et vous pouvez classer le tout dans votre ordre, cela ne change pas beaucoup au résultat final… En 1969, de Gaulle a démissionné et il est définitivement parti… La République a survécu…

Après la relecture de cette somme de Pierre Viansson-Ponté, j’ai envie de vous dire de ne pas avoir peur… Votez en conscience, sans fléchir, la République française en a vu d’autres et elle finira bien par survivre en prenant la bonne direction même si cela prend un peu de temps, exige quelques périodes difficiles, des choix cruciaux à prendre, des actes courageux à vivre… En attendant, n’hésitez pas à lire sans répit et ne croyez surtout pas que tout était si beau et si facile autrefois !

Shelton
avatar 06/07/2024 @ 08:00:49
L’été c’est fait pour lire et, parfois, les évènements me poussent à changer mon plan de lecture, l’agenda de mes chroniques… Ce n’est pas de l’hésitation mais de la réaction à des évènements. Je ne pouvais pas anticiper la dissolution de la chambre, la poussée du Rassemblement National, la constitution expresse du Nouveau Front Populaire, le décès d’Ismail Kadaré… Il me faut donc réagir vite pour m’adapter à ces évènements. Pour les premiers, j’ai déjà proposé (et ce n’est pas terminé !) quelques lectures, pour la disparition de Kadaré ce sera aujourd’hui…

Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, je ne connaissais que très peu Kadaré. En octobre 1990, il obtient l’asile politique en France et c’est probablement entre 1992 et 1996, que je vais avoir l’occasion de le rencontrer quelques fois et de l’interviewer trois fois si je me souviens bien. Cela s’est fait un peu par hasard grâce à son attachée de presse que je connaissais…

Il a donc fallu que je commence par le lire. Je ne vous dis pas que j’ai tout lu (il a beaucoup écrit cet albanais !) mais j’ai tenté de lire plusieurs ouvrages, d’époque différentes pour tenter de percevoir un peu mieux qui il était. J’ai tout de suite été fasciné par son écriture (la traduction de Jusuf Vrioni est excellente !), sa façon de raconter, sa capacité à parler de son pays tout en étant universel… Bref, je pense que nous avons là un grand écrivain. J’ai d’ailleurs toujours espéré qu’il recevrait le Prix Nobel de littérature mais ce ne sera pas le cas… Encore un qui vient sur la liste ouverte par Tolstoï des grands de la littérature qui seront passés à côté du Nobel…

Mais, revenons à Kadaré. Il a vécu longtemps en Albanie, une Albanie où sévissait la dictature d’Enver Hoxha. Kadaré saura écrire des ouvrages qui parleront de la dictature mais sans systématiquement s’attirer les foudres du régime. Un mélange harmonieux d’autocensure et de ruse lui permet de passer à travers les mailles du filet bien que le régime soit très dur ! En 1967, l’Albanie fait sa Révolution culturelle et elle envoie les intellectuels à la campagne, Kadaré vivra ainsi deux ans dans la montagne (en Albanie, il y a surtout de la montagne !). Il n’arrêtera pas d’écrire pour autant…

S’il fallait choisir un ou deux livres de Kadaré pour entrer au contact de son œuvre, je pourrais citer en premier « Le général de l’armée morte » ou « Le pont aux trois arches », deux ouvrages que j’apprécie beaucoup… Mais, je vais vous inviter à découvrir un texte très touchant, « La poupée ». En effet, c’est un texte de 2013, écrit en hommage à sa maman, accessible à tous les lecteurs. C’est à la fois un livre qui parle des traditions albanaises et un ouvrage qui est à portée universelle car très axé sur le moment où une femme quitte sa famille pour intégrer celle de son mari… Le patriarcat n’est pas l’apanage de nos sociétés occidentales…

Voilà, la disparition de Kadaré me touche beaucoup car c’est un homme de lettres que je connaissais, appréciais, lisais et relisais… Et, comme l’été c’est fait pour lire, il me reste ses ouvrages dans ma bibliothèque et c’est déjà beaucoup !

Shelton
avatar 10/07/2024 @ 08:05:53
Oui, je suis un peu en retard... Faute avouée, à moitié pardonnée... Non ?

Shelton
avatar 10/07/2024 @ 08:06:06
L’été c’est fait pour lire et ne croyez pas que j’oublie ma chronique… Mais, parfois, entre la campagne électorale et les évènements familiaux, le temps manque pour retranscrire par écrit ce que je dis à la radio. C’est ainsi mais on va tenter de rattraper le temps perdu même si pour la partie politique les affaires françaises sont loin d’être réglées…

Je vais commencer par revenir sur une célébration importante, celle du massacre d’Oradour-sur-Glane. N’étant né que plus tard, j’avoue que ce crime du 10 juin 1944 n’était qu’une date dans ma mémoire jusqu’au moment où je suis entré dans une famille dont une partie non négligeable – les grands-parents de mon épouse – vivait à Limoges. C’était d’autant plus important que l’autre moitié de la famille de mon épouse venait d’Alsace. Oradour ne pouvait que toucher cette famille et c’est le grand-père de Limoges qui m’a fait visiter les lieux il y a quelques années maintenant…

Je pense qu’il est inutile de résumer les faits et d’insister lourdement sur le drame en lui-même. 643 victimes de ce village moururent ce 10 juin 1944 par la barbarie de la division blindée SS Das Reich. Le village de la Haute-Vienne fut détruit et c’est par le feu que périrent presque tous ses habitants…

Pendant longtemps, les quelques survivants ne purent pas dirent grand-chose, écrasés par des faits tellement hors normes que les mots ne trouvaient pas leur place dans un discours cohérent. Il y eut un procès dont nous reparlerons pour quelques-uns des SS de cette division, des « malgré nous » alsaciens en particulier, et la décision de justice fit couler beaucoup d’encre dans les années cinquante…

Jamais les survivants et les familles n’avaient accepté que cet épisode soit repris dans une fiction, bande dessinée ou cinéma, et il faudra attendre ce quatre-vingtième anniversaire pour voir une bande dessinée sortir, « Oradour, L’innocence assassinée », de Jean-François Miniac pour le scénario et Bruno Marivain pour le dessin, aux éditions Anspach. La particularité de cette bande dessinée réside en quelques points…

D’une part, l’un des survivants, Robert Hébras, va accompagner le projet du début jusqu’à sa mort en février 2023, garantissant l’exactitude des propos de l’ouvrage. On suit cette journée du 10 juin 1944 avec son « personnage » si on peut dire. D’autre part, la contextualisation du drame est très précise pour permettre au lecteur de comprendre les différentes étapes et responsabilités de ce crime odieux, sans pour autant tomber dans un moralisme mièvre…

Mais, chose très importante aussi pour ne pas dire essentielle, nous avons là une véritable bande dessinée qui nous raconte cette journée de façon passionnante, haletante et dramatique. C’est à la fois mémoriel, narratif, humain, historique, prenant et vous pouvez mettre les adjectifs dans l’ordre qui vous convient…

Donc, puisque l’été c’est fait pour lire, n’hésitez pas à lire ce très bel album et, surtout, offrez le à tous ceux qui ont besoin de savoir jusqu’où la bêtise et l’autoritarisme peuvent conduire l’être humain…

Shelton
avatar 11/07/2024 @ 07:56:59
L’été c’est fait pour lire et je me permets de revenir sur ce sujet douloureux d’Oradour-sur-Glane car il y a au aussi dans les parutions liées à cet anniversaire des 80 ans de ce crime, un album très différent mais complémentaire de celui que je vous avais proposé hier. En effet, « Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944 » est un documentaire BD et non une bande dessinée. On ne suit pas un ou plusieurs personnages mais on va s’intéresser à cette journée de façon didactique et pédagogique avec des textes et des parties bédé…

Treize chapitres vont structurer cet ouvrage accessible à un très large public (pas seulement les adolescents !!!). Chaque chapitre est comme une petite bande dessinée sur le thème et il est suivi de deux pages de documentaire très bien construites. On commence par le village, puis la division Das Reich, puis l’arrivée des Allemands… Je ne vais pas vous les citer tous mais c’est cohérent, progressif et on peut pour les plus jeunes lire cela en plusieurs fois…

Ayant parlé hier d’Oradour, je ne vais m’arrêter que sur certains éléments qui complètent et enrichissent la bande dessinée d’hier. Tout d’abord, la présentation de plusieurs survivants : Robert Hébras que nous avions déjà croisé mais aussi Marguerite Rouffanche et Camille Senon. Chacun est devenu un témoin, un militant et un acteur pour que nous n’oublions jamais ce village, cette population sacrifiée et ce crime dont la facture est horrible : 643 victimes, un village martyr !

Autre point important, la présentation du procès de 1953. 21 soldats de la Das Reich, dont 13 Alsaciens « malgré nous », sont jugés à Bordeaux. On commence à comprendre qu’il y a plusieurs niveaux dans l’acte de justice : la culpabilité (individuelle), la responsabilité (le procès de 1983 du criminel de guerre Heinz Barth est de cet ordre-là), la conciliation nationale (comment pardonner à des « malgré nous » sans heurter les familles des victimes ?), enfin, comment faire un tel procès au moment où l’on commence à vouloir réconcilier Français et Allemands ?

Cinq présidents de la République française viendront se recueillir à Oradour-sur-Glane, preuve de l’importance de ce lieu dans notre mémoire collective. La journée du 4 septembre 2013 marquera durablement les esprits avec la présence du président de la République française, François Hollande, et du président de l’Allemagne fédérale, Joachim Gauck. Cela restera comme une de ces images capitales que la France et l’Allemagne ont construite pour réaliser une union durable dans le temps, nonobstant les difficultés économiques, financières ou politiques qui régulièrement viennent brouiller la ligne Berlin-Paris…

Un très bon ouvrage signé Philippe Tomblaine (scénario et aspect documentaire) et Richier, Cerisier et Jouffroy pour les dessins. Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !

Shelton
avatar 12/07/2024 @ 08:27:10
L’été c’est fait pour lire et, comme je le dis souvent, j’aime me laisser porter par les rencontres improbables avec les livres… Durant la dernière campagne législative, certains se sont entredéchirés de façons sauvage et fraternelle autour de cette ville de Nice que je ne connais que fort peu… Or, durant cette même période, j’ai trouvé chez un bouquiniste « Quand les grands ducs valsaient à Nice » de Paul Augier. Je ne connaissais pas l’auteur, je ne savais pas que de si grands ducs avaient dansé à Nice, bref, il fallait que je parte immédiatement pour cette ville du Sud-Est, au moins de façon livresque…

L’auteur n’est pas un historien ou un romancier. C’est un Niçois passionné. Ayant épousé la fille de Jean-Baptiste Mesnage qui vient de racheter le Negresco et qui le confie à sa fille Jeanne pour le gérer, Paul Augier va vivre avec cet hôtel dans sa vie… Je ne détaillerai pas tous les éléments de la vie de cet homme d’affaires, juriste, acteur politique et résistant, mais nous garderons en mémoire sa passion pour Nice ! Il est donc normal de le voir nous raconter cela, surtout à partir du moment, au XIX° siècle, où la ville va devenir un lieu de villégiature de luxe…

On parle souvent des étrangers qui viennent prendre le soleil sur la Côte d’Azur mais les plus nombreux furent avant tout des Français, étrangers aussi car Nice n’a été rattachée à la France que le 14 juin 1860, sous Napoléon III. Après, il y eut bien les Anglais (il faut dire que la pluie londonienne peut lasser les plus courageux) et c’est aux Russes que Paul Augier va consacrer la plus grande partie de son ouvrage…

Alors, comment raconter un de peu de cette russification de Nice sans déflorer tout le livre ? Tout d’abord, les Russes se sont intéressés à Nice bien avant l’arrivée des oligarques poutiniens… Nice mais aussi Villefranche-sur-Mer et c’est ce que j’ai trouvé passionnant ! Je vous la fait brève : Les Russes ont toujours eu besoin d’un port dans une mer chaude surtout lors de leurs conflits réguliers avec les Turcs. Le port de Villefranche est devenu dès le XVIII° siècle, une escale de mouillage presque permanente. A partir de 1856 (fin de la guerre de Crimée), le duc de Savoie cède cette rade aux Russes. La noblesse russe découvre le bonheur de la villégiature au soleil… L’annexion de Nice à la France ne change que peu les habitudes russes… On pourra donc bien valser à Nice !

Cet ouvrage n’est pas que l’occasion de nous parler des Russes puis des Russes émigrés chassés par la Révolution… En fait, Paul Augier nous parle de sa ville et de la naissance du grand tourisme, des grands hôtels, de ce qui fera la richesse et la renommée de Nice durant le vingtième siècle… Mon seul problème personnel fut de ne pas pouvoir mettre d’images sur les lieux dont il parle… Peut-être, un jour, irai-je arpenter la promenade des Anglais, qui sait ?

En attendant, j’aurai découvert, par le livre puisque l’été c’est fait pour lire, la présence russe à Nice ! Bonne lecture !

Shelton
avatar 13/07/2024 @ 08:55:14
L’été c’est fait pour lire et je vous ai longuement raconté la naissance de la série Tanguy et Laverdure dans le journal Pilote sans vous parler trop du contenu. Il est donc temps d’ouvrir les albums de cette série…

Tout d’abord, intégrons bien le fait que Jean-Michel Charlier, en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avait créé avec Victor Hubinon, une série dont les héros étaient des pilotes américains de l’aéronavale. A cette époque, il était de bon ton de rendre hommage aux militaires qui avaient lutté vaillamment contre les nazis et les Japonais.

En 1959, au moment de la création de Tanguy et Laverdure dans le journal Pilote, Jean-Michel Charlier souhaite rester dans le champ aéronautique mais avec des Français et probablement un humour plus marqué, du moins au départ. C’est ainsi que naissent nous deux héros, Michel et Ernest.

C’est avant tout une très belle histoire d’amitié entre Michel et Ernest, une amitié totale et sans faille, même quand Ernest se met dans des situations délicates, ce qui ne manque pas… Ce sont deux pilotes de chasse et on va les suivre quasiment du début de la formation jusqu’à la fin de la carrière. Enfin, disons qu’on les verra quitter l’armée dans certaines circonstances mais avec les reprises la carrière va durer plus longtemps que prévu. L’ancienneté, les grades, les bases… tout évoluera même le type d’avions !

Dans certains épisodes on en apprendra plus sur eux comme quand on découvrira le père de Michel car chez eux, dans cette famille, on est presque pilote de père en fils.

« Mon Grand-Père a été pilote de chasse de 1916 à 1918… Mon Père l’a été en 1940, il a fait toute la dernière guerre, deux blessures en service aérien commandé. Croix de guerre quatre palmes. »

Quant aux relations avec la maman, elles arriveront à leur moment, dixit papa, encore en activité : « Ta Mère est folle de peur ! ». Cela paraît normal, en ayant un mari et un fils pilotes dans l’armée française…

Michel est très sérieux, ne construit pas de famille même s’il lui arrive de temps en temps d’être amoureux. Ernest est très souvent amoureux, fiancé et presque marié… même si tout cela ne finit jamais très bien. Il aime aussi beaucoup les voitures, la belle vie, la prise de risque sans trop réfléchir et Michel le sort régulièrement du pétrin !

Mais je n’en dirais pas plus car cette série d’aventures est avant tout à lire, à découvrir sans trop se prendre la tête… Peut-être marquée par le temps qui passe, il n’en demeure pas moins qu’elle a encore ses lecteurs fidèles et que son lectorat s’est renouvelé. Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, pourquoi pas essayer ?

Shelton
avatar 14/07/2024 @ 08:37:30
L’été c’est fait pour lire et avant-dernière escale en compagnie de Patrick Modiano, lauréat du Nobel de littérature en 2014. Nous avons déjà feuilleté quelques livres et en voici un autre mais, rassurez-vous, on ne passera pas tout l’été avec lui et ses textes même si, à mon avis, ce serait un très bel été… Enfin, on parlera encore de deux ou trois livres de Modiano…

Aujourd’hui, je voulais vous présenter le romans « Une jeunesse ». Ce texte a été publié en 1981 et a été adapté au cinéma dès 1983 par Moshé Mizrahi, avec Ariane Lartéguy, Patrick Norbert, Jacques Dutronc, Charles Aznavour, Michael Lonsdale, Henri Tisot…

Cette histoire se déroule en 1965 à Paris. D’ailleurs, constatons que très souvent Paris est un personnage des romans de Modiano, un Paris nocturne, glauque, mal fréquenté mais un Paris incontournable pour lui de toute évidence… Nous sommes en compagnie d’un couple, Odile et Louis. Ils sont insouciants, vont se rencontrer, prendre la même trajectoire, vivre ensemble… A aucun moment du roman Patrick Modiano ne parle d’amour comme si ce sentiment était secondaire et pas indispensable pour vivre ensemble… A moins qu’il pose comme postulat, mais sans l’expliciter, que l’amour entre deux jeunes perdus dans Paris est évident et qu’il est même la seule planche de salut pour survivre !

Odile veut devenir chanteuse (mais on ne mesure pas une passion démentielle chez elle !) et elle a un protecteur qui peut l’aider… Louis, de son côté, cherche un travail et on lui en offre un particulier, bon salaire mais il ne comprend pas exactement quelle est sa mission… A moins que… Allez savoir…

Bien sûr, tout cela ne peut pas se terminer bien, on est quand même chez Modiano, sans pour autant finir en drame puisque l’on est chez Modiano… Bien sûr ! C’est là le paradoxe des personnages de Modiano qui subissent beaucoup sans pour autant sombrer totalement… Même si dans ce cas précis, dans « Une jeunesse », un personnage, Georges Bellune, finit par se suicider !

J’aime beaucoup les romans de Patrick Modiano, je pense que vous l’avez compris, et « Une jeunesse » est un livre que j’ai été très heureux de relire à l’occasion de la préparation de cette chronique estivale. D’ailleurs, chaque année, je relis au moins deux de ses romans pour ne pas oublier le talent de ce romancier. Et j’avoue que le jour où j’ai appris qu’il avait été distingué par le prix Nobel de littérature, ce fut un pur bonheur !

Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, tentez « Une jeunesse » et n’hésitez pas à voir ou revoir le film éponyme… Bonne lecture et à demain !

Shelton
avatar 15/07/2024 @ 17:46:48
L’été c’est fait pour lire et je vous avais bien promis de parler régulièrement des lauréats français du prix Nobel de littérature car la France a bien été souvent mise à l’honneur dans ce domaine… Parlons donc de Sully Prudhomme (1839-1907) puisqu’il a eu le mérite, la chance ou l’opportunité d’être le premier à décrocher cette haute distinction… Et pourtant… on ne le connait plus trop aujourd’hui, on ne le lit plus et ceux qui le connaissent le critiquent beaucoup !

C’est un poète, spécialité aujourd’hui très peu mise en valeur, un Parnassien, mot ayant perdu son sens en dehors du club très fermé des experts de la poésie du dix-neuvième siècle et pour avoir pris le temps de relire certains de ses poèmes, j’avoue avoir souvent souffert sans éprouver d’émotions particulières, fortes encore moins…

Certains, de son vivant l’ont défini comme un romantique sage, un idéaliste inquiet, un spiritualiste sans la foi, un amoureux des mots même quand le sens disparaissait… Pour être parfaitement honnête, j’avoue connaitre une ou deux personnes qui l’aiment et le lisent avec plaisir. Mais les goûts et les couleurs…

A 42 ans, il est reçu à l’Académie française mais on sait bien que bon nombre d’académiciens tout en étant immortels sont totalement oubliés du grand public !

Alors, me direz-vous, pourquoi a-t-il été élu par l’académie suédoise alors qu’il était en course face à Tolstoï, Zola et Mistral ? En fait, les académiciens ont reproché à Zola et Tolstoï d’être trop sombres, trop engagés et pas assez idéalistes. Exit Tolstoï et Zola qui seront les premiers de la liste de ceux qui n’ont pas eu le Nobel alors que… Quant à Frédéric Mistral, ce ne sera que partie remise et en 1904, ce sera à son tour !

Sully Prudhomme utilisera son prix pour créer un prix pour les poètes lors de leur première édition ce qui permettra à son nom de rester dans les mémoires car pour le reste l’oubli est profond. Pas une plaque sur sa maison au 60 avenue Jean Jaurès à Chatenay-Malabry en Haut de Seine. On peut trouver sa tombe au Père Lachaise mais ne vous attendez pas à un super balisage !

Reste sa place en librairie où sortie de quelques ouvrages collectifs et anthologies, vous ne trouverez pas grand-chose. Personnellement, c’est dans le marché d’occasion que j’ai pu trouver quelques ouvrages comme « Les solitudes » ou « Stances et poèmes »… Mais tout cela ne m’a pas convaincu !

Comme l’été c’est fait pour lire, je vous conseille donc de vous plonger dans une belle anthologie de la poésie et une fois découvert le talent de Sully Prudhomme, vous aurez tout le plaisir de vous baigner abondement dans la poésie…

Bonne lecture !

Shelton
avatar 17/07/2024 @ 20:18:22
L’été c’est fait pour lire ! D’accord, diront certains, mais lisons en été des livres d’été ! Précisons qu’un roman d’été n’est pas toujours une romance mièvre et sans saveur… La preuve ? Ouvrez le dernier roman de Laurie Heyme et vous allez comprendre… Le titre porte déjà en lui une certaine saveur particulière, « La douceur du piment rouge ». Attention, on n’a pas dit « poivron rouge » mais bien « piment rouge » ! Oui, ce roman est le roman des contraires et des incompatibles… Pourtant, c’est le roman de l’amitié, du respect de l’autre, de la parole donnée qui est tenue… En même temps, entre nous, pour être amis, il ne faut pas être identiques ! Il faut au moins une certaine complémentarité, une alliance des différences, une forte attraction magnétique pôle positif/pôle négatif… Et c’est bien ce que va illustrer Laurie Heyme dans son histoire avec l’amitié entre Lorène et Giulia.

Parfois, on pourrait croire que la romancière force la dose… Pensez donc, Lorène perd ses parents dans un accident de voiture, elle se retrouve chez sa tante pour qui elle n’éprouve pas grand-chose et est incapable de verser une larme à l’enterrement de ces parents qu’elle n’appréciait guère… D’ailleurs, elle s’interroge sur elle-même et sa capacité à ressentir… Surtout que côté cœur elle n’est pas trop submergée ! Cette adolescente est donc un peu atypique et son seul point fort semble être une réelle passion pour l’art… Elle veut en faire son métier, sa vie !

Quant à Giulia, elle est plutôt ouverte à l’amour, au voyage, au tourisme, curieuse de tout ou presque. D’ailleurs, elle veut travailler dans le tourisme !

Ces deux jeunes femmes vont passer le bac, le réussir, et commencer, chacune de son côté, leurs vies d’adultes. Mais elles vont rester amies ou, plus exactement, le devenir de plus en plus. L’amitié n’est pas un arbre mort planté au fond du jardin, c’est une plante vivante, qui grandit, forcit, s’étend et devient invulnérable. C’est ce que l’on voit au fil du roman, une amitié si forte qu’elle résiste aux éloignements de la vie, aux expériences diverses, à la maladie, même à la mort…

Ce roman est touchant car il est écrit en donnant l’illusion de la superficialité tout en plongeant le lecteur (enfin, la lectrice aussi, je suppose !) dans la réalité profonde de l’humanité ! Et si, finalement, l’amitié était le sentiment fort sans lequel la vie serait d’une fadeur sans pareil ! Je crois que ce roman est avant tout un hymne à la vie, à l’amour, au soleil, à l’amitié et, ce, même quand il parle de la mort, du deuil, de la tristesse, du doute, de l’absence…

Un excellent roman estival (mais pas seulement !) qui fait réfléchir sans plomber nos vies, qui donne de l’espérance, qui réconforte, qui montre qu’autour du piquant du piment rouge, il y a toujours de la place pour la douceur de l’amitié !

Très bonne lecture à toutes et à tous !

Shelton
avatar 20/07/2024 @ 08:06:46
L’été c’est fait pour lire et, parfois, les lectures peuvent se révéler riches d’informations, de savoirs nouveaux, de connaissances que l’on ne soupçonnait pas, même si bien souvent on peut qualifier ses informations de pertinentes mais partiellement utiles…

Par exemple, quand je me suis retrouvé avec « La garçonnière de la République » en mains, un ouvrage d’Emilie Lanez, j’ai douté : je lis ou je ne lis pas ? Je n’étais pas très partant croyant avoir affaire à un simple livre de révélations sans aucun intérêt… Mais, comme il s’agissait de dire ce qu’était le pavillon de la Lanterne dont j’avais entendu parler, je me suis dis que cela valait probablement une petite lecture…

J’ai eu raison car en fait de garçonnière cette petite demeure cachée dans le parc de Versailles qui fut depuis quelques décennies le logement secondaire et de repos de Malraux, des premiers ministres puis de plusieurs présidents de la République est un lieu qui mérite notre attention…

Certes, vous ne pourrez pas aller la visiter durant la journée du Patrimoine, vous ne trouverez que très peu de témoignages sur ce qui s’y est passé mais, même si la journaliste Emilie Lanez a rencontré quelques difficultés pour recueillir tous les éléments de son livre, ce livre vous dira l’essentiel en rendant visite aux différents locataires des lieux, quasiment de sa construction à nos jours (l’ouvrage a été publié en 2017 et donc ne concerne pas Emmanuel Macron !). Pas de révélation choc ou scabreuse mais des portraits humains de ceux qui ont gouverné la République et quelques bribes intimes qui confirment leur caractère, leurs envies, leurs grands choix… Très souvent la vie privée révèle les grandes motivations des actes publics… On y voit, entre autres, quelques acharnés de travail ! Oui, ceux qui pensent que les premiers ministres sont payés à ne rien faire peuvent passer leur chemin !

Une phrase de Malraux révèle deux points forts de cet ouvrage : « Ici, vous êtes le colocataire de Louis XIV, de Dieu et du soleil. » Pour Dieu, il n’en est pas réellement question mais pour Louis XIV c’est une évidence ! Quant au soleil, quand il se couche dans votre vie politique, il faut quitter la Lanterne en quatrième vitesse et certaines familles ont dû faire les bagages dans la précipitation n’ayant découvert que le jour même la nomination d’un nouveau premier ministre…

A travers les comportements de certaines personnalités politiques avec le personnel de la Lanterne, on comprend mieux la personnalité d’acteurs politiques. La distance ou la proximité, l’autorité sèche ou la bienveillance, le sens des réalités ou le fait de vivre hors sol comme on dit aujourd’hui, on retrouve tout cela et, à ce titre, l’ouvrage est très révélateur de certaines de ces personnalités ou de leurs proches… Et cela n’est pas lié au fait d’être de gauche ou de droite !

C’est donc un petit livre que j’ai apprécié lire dans une période où la politique est omniprésente dans nos vies…

Shelton
avatar 20/07/2024 @ 08:08:17
L’été c’est fait pour lire et c’est souvent durant cette période estivale que je prends le temps de revisiter certains grands mythes de l’humanité. Je suis persuadé que c’est en s’appropriant ces grandes histoires humaines que les auteurs deviennent grands et incontournables ! Beaucoup d’écrivains ont ainsi traité des amours impossibles et William Shakespeare en a fait son chef d’œuvre incroyable de Roméo et Juliette… Mais cette histoire a été revisitée de très nombreuses fois, de façon plus ou moins libre, et cela reste pour moi une grande histoire !

Ma grand-mère qui était persuadée que les trois moteurs du monde étaient essentiellement le pouvoir, l’argent et l’amour (version élégante des choses), avait certainement capté que ce mythe était porteur de l’essentiel ! Certaines versions libres de cet amour impossible sont à mettre à l’honneur comme West Side Story même s’il s’agit d’une comédie musicale et non d’un livre pour l’été… Mais j’ai choisi une version moins connue et, pourtant fascinante, celle dessinée par Lorenzo Mattotti !

Lorenzo Mattotti ne propose pas ici de réécrire un texte, il suppose que chacune ou chacun connait bien l’histoire et peut entrer sans difficulté dans une version graphique, seulement graphique. Deuxième élément important de cette version, il faut la comprendre comme un ballet, c’est-à-dire une série d’images fixes qui retransmettent du mouvement, de la vie, de la dynamique… Enfin, troisième précision, il s’agit de dessins en noir et blanc car pour cette histoire, lui l’homme qui sait si bien jouer avec les couleurs, ne les utilise pas du tout !

Cette version de Roméo et Juliette, pleine d’humanité, riche pour celui qui prend le temps de pénétrer chaque image avant de tourner la page (ceci-dit en passant, l’ouvrage à l’italienne est un très bel objet que l’on prend plaisir à tenir et à feuilleter !), est aussi une étude technique de Lorenzo Mattotti. D’ailleurs, comment ne pas le citer : « Je me suis rendu compte que pour arriver à donner l’idée de mouvement dans une image arrêtée, il fallait parvenir à enlever ce qui est superflu pour ne conserver que la tension extrême du trait et de la forme. » Vous n’avez donc, ici, quasiment que rendez-vous avec Juliette et Roméo… Et c’est beau, fort et majestueux !

Alors, je sais bien que certains seront perturbés par le manque de paroles, de texte, mais je vous promets que vous allez découvrir une histoire, une véritable histoire, la version de Roméo et Juliette de Lorenzo Mattotti, une version forte qui n’est pas « simplement » une illustration de William Shakespeare !

Alors, très bonne lecture car comme le dit très bien un de mes petits-fils, un dessin cela se lit aussi !!!

Shelton
avatar 23/07/2024 @ 06:42:58
L’été c’est fait pour lire et depuis mon adolescence, plus exactement ma grosse fracture du bras quand j’étais en classe de quatrième, les romans d’Agatha Christie sont entrés dans ma vie. Je peux affirmer que je les ai rapidement tous lus, avant vingt ans presque tous relus au moins une fois ! Il y a, bien sûr, mes petits préférés comme « Un meurtre sera commis le… » ou « Meurtre en Mésopotamie » mais dans les relectures, au moins deux ou trois romans par an, je fais en sorte de réguler et varier, un Poirot, un Miss Marple, un sans les deux héros majeurs… Même si certaines histoires me touchent moins, il n’y a pas de titre que je déteste, exception faite des romances que je ne connais que très peu. Enfin, pour terminer avec les généralités, disons que les romans d’Agatha Christie que certains considèrent comme « trop classiques » sont très proches des cosy mysteries… En effet, Hercule Poirot et Miss Marple sont bien des enquêteurs hors de la police, entièrement libres de leurs actes et prenant leur liberté sans craindre les conséquences…

Cet été, j’ai commencé par relire Pension Vanilos, un roman que j’avais un peu oublié et qui appartient aux enquêtes d’Hercule Poirot. Tout commence le jour où la fameuse Miss Lemon, secrétaire d’Hercule Poirot, propose à la signature du génie une lettre avec une faute d’orthographe. Or, contrairement à beaucoup d’entre nous, Miss Lemon ne fait jamais de faute d’orthographe ! Poirot, qui n’aime pas les mystères sans explication ne peut donc que chercher à comprendre pourquoi cette faute !

Dans ce roman, avant d’en arriver à l’aspect policier, précisons que Poirot va découvrir le prénom de sa secrétaire, Felicity, et fera la connaissance de sa sœur, Mme Hubbard. Oui, la personne qui tient son secrétariat et le classement de ses dossiers, est une femme qui a une vie, une famille, une identité…

La pension Vanilos (le nom a été donné lors de la traduction en français !) est une pension pour étudiants et nous y allons car Mme Hubbard travaille là pour le bien de ceux-ci. Or, dans ce lieu de vie, il se produit de nombreuses petites choses inexplicables : disparition d’objets avec même réapparition, actes de vandalisme, petits larcins… Felicity s’inquiète car sa sœur est perturbée par la situation. Les relations avec sa patronne et propriétaire de la pension Vanilos, sont tendues, son emploi est précarisé et, même si cela ne semble pas du niveau de Poirot, comme il veut rendre service à sa secrétaire perturbée, il parait prêt à tout !

Heureusement pour Hercule et ses petites cellules grises, un meurtre arrive et le grand génie va trouver une explication à tout ces bouleversements et, finalement, permettra à la police d’appréhender le coupable. Je ne vous en dis pas plus ! En effet, dans les romans whodunit, un mot de trop est le mécanisme est cassé… Il vous faudra donc lire le roman et ça tombe bien puisque l’été c’est fait pour lire !

Très bonne lecture à toutes et tous !

Shelton
avatar 23/07/2024 @ 06:43:37
L’été c’est fait pour lire et nous allons continuer à feuilleter cette série bédé « Tanguy et Laverdure » dont le magnifique album « L’escadrille des cigognes » est sorti il y a soixante ans. Je ne suis pas obsédé par les dates anniversaires mais elles me servent opportunément pour choisir mes lectures…

Alors, bien sûr, je ne suis pas objectif en parlant de cette histoire car j’ai lu cet album aux alentours de mes huit ans. C’est dit et donc à moitié pardonné mais, heureusement, je l’ai souvent relu ! Circonstances aggravantes, reconnaissons-le, cet album se déroule sur une base aérienne française et j’ai porté l’uniforme militaire, j’ai servi sur une base aérienne durant quatre ans en dirigeant l’équipe qui faisait les pleins des avions de chasse. Seules différences je n’étais pas à Longvic et l’avion était le jaguar et non le Mirage…

Cet album qui reste mon préféré peut se lire de plusieurs façons car il propose de très nombreux niveaux de lecture. Il y a, tout d’abord, l’histoire des pilotes et de toute la communauté d’une base aérienne française, un lieu de solidarité, d’amitié mais aussi de grande conscience professionnelle car avec l’avion, une seule erreur et c’est la chute, le bisou avec la planète, la mort…

C’est aussi (et même surtout !) une histoire d’espionnage, certes assez simple, mais qui tient la route. Deux espions pénètrent sur la base, en se faisant passer pour des pilotes Australiens. Ils veulent voler un avion et toute la documentation… Y arriveront-ils ? That’s the question !

Mais si les aventures de Michel Tanguy et Ernest Laverdure se limitaient à ces histoires bien propres, bien lisses… elles n’auraient pas eu le succès qu’elles ont connu lors de leurs parutions dans le journal Pilote. Il fallait un petit quelque chose de plus… L’humour et la bonne humeur… et, là, vous serez servis !

Ernest Laverdure est le clown de service. Il commet toutes les bêtises possibles. C’est un peu tarte à la crème, mais ça fonctionne aussi bien que du champagne sur l’uniforme du colonel de la base, mettre le pied dans un pot de peinture, les fesses dans un bac d’huile de vidange… Et quand il n’y est pour rien, la catastrophe est provoquée par un autre, mais il en est la victime… Un pauvre plat de bœuf bourguignon qui se retourne sur lui… Jean-Michel Charlier avait déjà testé ce type d’humour avec le personnage de Tuckson dans les aventures de Buck Danny… Mais, il n’était jamais allé si loin !

Vous ne serez pas aussi touchés que moi, c’est bien probable, mais souvenez-vous qu’à huit ans on aime beaucoup la tarte à la crème, les amitiés éternelles et la punition des méchants… Je ne peux donc, une fois encore, que vous inviter à tenter la lecture de cet album puisque l’été c’est fait pour lire !

Shelton
avatar 24/07/2024 @ 07:47:40
L’été c’est fait pour lire et souvent je vous annonce un programme, je vous donne mes intentions et… je pars dans une autre direction, je bifurque, je prends le chemin des écoliers. Oh, je ne voulais pas vous piéger, vous mentir, vous manipuler ! C’est juste que le lecteur estival que je suis attrape un livre qui en appelle un autre, lis quelques pages qui donnent envie de redécouvrir un texte, suscitent d’autres lectures… Bref, je ne voulais pas passer en revue tous les romans de Patrick Modiano et, pourtant, en voici encore un autre et ce n’est pas le dernier !

L’avantage, c’est qu’ainsi vous ne pourrez pas vous plaindre que partant d’un roman je vous affirme que tout Modiano est bon puisque nous aurons passé en revue plus d’une dizaine de ses livres sur les plus de trente qu’il a écrits ! Aujourd’hui, ce sera donc « Un cirque passe », publié en 1992.

Tout commence par un double interrogatoire par la police d’un jeune homme de dix-huit ans, Jean. Ce garçon est étudiant en littérature, il vit d’expédient avec un petit rôle d’intermédiaire pour des bouquinistes. On ne sait pas trop pourquoi il est dans les locaux de la police si ce n’est que son nom figurait sur l’agenda de quelqu’un, là encore, un personnage mystérieux…

Il sort en même temps qu’une jeune femme, Gisèle (on verra en cours de roman qu’elle s’appelle, en fait, Suzanne) dont il sera assez complexe de comprendre qui elle est exactement, d’où elle vient et ce qu’elle veut réellement…

Partant de cette rencontre improbable de deux personnages atypiques, un peu perdus et sans grandes ambitions dans la vie, Patrick Modiano écrit un roman que j’ai trouvé passionnant, avec de nombreux personnages tous plus surprenants les uns que les autres (Grabley, Jacques de Bavière, Pierre Ansart, Dell’Aversano, Guélin, Gaul…). On découvre par bribes des éléments de la vie de chacun des deux personnages qui finissent par former une sorte de couple (on ne parle pas ici d’amour, de coup de foudre, de passion…) balloté par la vie, qui subit plus qu’il ne décide et qui cherche juste à survivre en accomplissant des « missions » aux limites de la loi… Jean passe ainsi son début de vie d’adulte sans trop diriger sa vie… Plus tard, il deviendra peut-être quelqu’un… C’est le côté fataliste de Patrick Modiano que l’on voit très bien en action dans cet ouvrage si, toutefois, subir est une forme d’action !

J’aime énormément ces romans de Patrick Modiano et je ne peux que vous conseiller d’en lire quelques-uns cet été, puisque l’été c’est fait pour lire ! Pourquoi ne pas commencer par « Un cirque passe » ?

Très bonne lecture à toutes et à tous !

Shelton
avatar 24/07/2024 @ 07:49:28
L’été c’est fait pour lire et comme nous sommes en France (attention pas de nationalisme stupide ici, juste un constat !) on peut aussi consacrer notre temps estival à la cuisine, à l’alimentation, aux temps conviviaux que nous aimons tant, de l’apéritif au café, du brunch au diner entre amis ! Ce peut donc être aussi une lecture spécifique liée à notre alimentation, sujet qui fait souvent le contenu de nos belles discussions à table ! De quoi parlent les Français à table ? Mais, de nourriture bien sûr ! Souvenez-vous, ce bon camembert que nous avions découvert sur un petit marché en Normandie… Et cette fricassée aux échalotes dans cette auberge dans le sud-ouest de la France… Oui, nous avons tous vécu cela !

Alors, en mettant de côté les livres de recettes et les beaux livres artistiques, en terme d’ouvrages sur l’alimentation, j’ai trouvé au moins deux livres spécifiquement consacrés à la question.

Le premier est une somme universitaire volumineuse et pas toujours très facile d’accès mais, pour autant, une référence absolue pour moi. En effet, dans « Histoire de l’alimentation », ouvrage collectif publié sous la direction de Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari, on trouve tout sur l’alimentation du début de l’humanité à aujourd’hui, de la quête difficile du repas durant la Préhistoire à la mondialisation et ses grands distributeurs aujourd’hui ! Pour cela, plus de 800 pages qui sont passionnantes mais exigeantes !

Si vous voulez un peu plus simple, un peu plus accessible, avec néanmoins un livre complet, vous avez aussi « Histoire pittoresque de notre alimentation » de Georges et Germaine Blond, rééditée en 1976 sous le titre de « Festins de tous les temps ». Oublions donc le Georges Blond proche de Vichy, laissons de côté ses livres historiques sur la marine ou la Seconde Guerre mondiale, et profitons de cet ouvrage écrit avec son épouse qui nous fait voyager de table en table, d’époque en époque, de pays en pays… C’est un livre entre comportements alimentaires et culture, illustré par quelques recettes de cuisine même si ce n’est pas un livre de cuisine à proprement parler !

J’espère que certains d’entre vous ont pu, pour rester dans le même sujet, visiter l’exposition remarquable « A la table des trois mousquetaires » qui s’est tenue jusqu’au 10 juillet dernier au Château de Vincennes, dans la Sainte-chapelle… C’était une façon encore plus simple d’accéder à la cuisine et l’alimentation, d’abord chez Dumas lui-même puis à la table du roi Louis XIII, sans oublier l’auberge gasconne…

Si vous êtes en Bourgogne, n’oublier pas de passer à la Cité gastronomique où l’on peut profiter de plusieurs expositions liées à ce sujet de l’alimentation… Et ; comme l’été c’est fait pour lire, on y trouve aussi une excellente librairie gastronomique !

Donc, très bonne lecture et bon appétit !

Shelton
avatar 25/07/2024 @ 07:14:02
L’été c’est fait pour lire et comme il semblerait que nous soyons quasiment à la veille des Jeux Olympiques de Paris, il me paraitrait judicieux de parler de cet homme que personne ne semble connaitre mais dont tout le monde prononce le nom, Pierre de Coubertin ! J’aurais pu le faire avec un ouvrage savant comme celui de Daniel Bermond, très conséquente biographie, mais j’ai choisi une bande dessinée pour que ce soit accessible à tous… Après tout, on nous dit que les J.O. doivent être une fête populaire, allons au bout du concept !

Une première chose est à dire, c’est factuel même si ce n’est pas agréable à lire, mais les Jeux Olympiques de Pierre de Coubertin n’étaient pas destinés à être universels et festifs. Il s’agissait d’une compétition pour les hommes blancs plutôt de milieu aisé. On pourrait presque dire une compétition pour hommes blancs et nobles même si l’expression est légèrement exagérée.

Une deuxième chose factuelle concerne sa vision de l’Olympisme et du nazisme. Les auteurs de la bande dessinée abordent cette question sans la masquer mais au moment où un grand nombre appel à l’universalisme, à la paix, à la trêve olympique, avouons que Coubertin voit d’un bon œil l’investissement sportif d’Hitler et il est heureux en 1936 de voir les J.O. à Berlin, de voir les hommes aryens triompher, enfin, quand ils triomphent !

Oui, Xavier Bétaucourt, scénariste de la bande dessinée, ne nous offre pas ici un chant à la gloire de Pierre de Coubertin sans pour autant détruire entièrement son image populaire. En fait, il veut nous montrer les différentes facettes de celui qui a créé les J.O. modernes d’où ce sous-titre « Entre ombre et lumière ».

Le récit est très bien construit avec un personnage journaliste qui fait le lien entre Coubertin et les J.O., entre les différentes éditions des jeux, avec des escales particulières comme celle des J.O. de Saint-Louis en 1904…

Cette édition de 1904 est d’autant plus importante que va se dérouler dans le cadre de ces jeux, des journées anthropologiques ayant pour objectif de démontrer que les races dites inférieures étaient moins bonnes que la race blanche américaine. La chose est abjecte et en plus fortement faussée même d’un point de vue strictement sportif car on fait faire à des sportifs de différents pays (Sioux, Pygmées, Zoulous, Syriens…) des activités sportives qu’ils ne connaissent pas du tout et dont les règles leur sont totalement étrangères… Mais les organisateurs américains n’avaient peur de rien pour prouver qu’il ne fallait pas mélanger les « races » ! Pierre de Coubertin qui n’avait pas voulu ces journées est maitrisé et il ne s’insurge pas…

Voilà, les J.O. arrivent chez nous, une fois de plus, mais ne faisons pas de cette grande fête sportive un hommage spécial à Pierre de Coubertin ni un rassemblement nationaliste où il faudrait à tout prix que la France soit la meilleure, la plus forte… Ce n’est que du sport, après tout !

En tous cas, une très bonne bande dessinée à lire et je précise que c’est Didier Pagot qui l’a dessinée !

Bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 25/07/2024 @ 07:15:23
L’été c’est fait pour lire et il y a des auteurs que j’aime relire ou pour lesquels j’apprécie découvrir de nouveaux titres, textes ou livres. Par exemple, je vous ai par le passé parlé de Jean-Louis Fournier dont j’avais lu les ouvrages « Où on va Papa ? » et « Il n’a jamais tué mon Papa ». Je vais donc poursuivre cette année avec « Mon dernier cheveu noir » et « Histoires pour distraire ma psy ». Ces deux textes ont été rassemblés par les éditions Anne Carrière dans le même volume et c’est une très bonne chose pour le lecteur !

Qui est Jean-Louis Fournier ? Comme il s’agit d’un personnage aux multiples facettes (certains diraient talents sans trop se tromper), il est très difficile de répondre à cette simple question. Je dirais qu’il semble être avant tout un philosophe pragmatique de la vie et un rêveur poétique humaniste. Voilà d’ailleurs pourquoi je parle de textes et non de romans ou d’essais. Il est trop axé sur la vraie vie pour écrire un roman, trop pragmatique pour pondre un essai. Il faut donc prendre ce qu’il écrit pour ce que c’est soit une autofiction, pleine d’autocritique et parfois d’autosatisfaction, avec une pointe d’humour et une touche de réflexion… Oui, en tous cas, inimitable et délicieux !

Par exemple, Jean-Louis Fournier (aujourd’hui plus de 85 ans) souffre de vieillir, se demande pourquoi il est encore là, s’interroge sur son rôle dans un monde qu’il ne comprend pas… Mais, au lieu d’être simplement triste ou désespéré, il offre un mélange de fatalisme et accepte de jouer avec les mots, les concepts, les idées…

« J’ai toujours au poignet la montre de ma Communion, c’était une montre moderne, maintenant c’est une montre ancienne ».

Le temps passe, c’est une certitude, mais cela montre (c’est le cas de le dire) que toutes ces « nouvelles » technologies passent encore plus vite que nous… enfin, presque !

« Avant, je brûlais ma vie à feu vif. Maintenant, je laisse mijoter à feu doux ».

Oui, page après page, je jubile en tant que lecteur… Jean-Louis Fournier ne porte pas un fardeau de regrets, de douleurs, d’inquiétudes… Il subit comme le stoïcien, paisiblement en contemplant le monde qui s’éloigne de lui… Tout au long de cette attente de la fin (la fin de quoi d’ailleurs ?), il dépose sur les chemins du monde ce qui l’encombre sous forme de mots, de phrases, de pensées… et c’est délicat, fin, humain !

Alors, que reste-t-il en fin de lecture ? L’envie de relire immédiatement l’ouvrage, d’en trouver d’autres de ce même auteur qui fut assez prolixe. On est aussi pris par l’envie de devenir fourniériste comme d’autres sont aristotéliciens ou augustinistes, épicuriens ou stoïciens… Les fouriéristes ne seraient-ils pas aussi fréquentables si ce n’est plus ? Même si je ne sais pas répondre, en lisant ses ouvrages vous arriverez surement à vous faire votre propre idée sur la question. Alors bonne lecture à toutes et à tous !

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