L’appel du large
Ça me fait justement penser à la bédé queje viens de lire, Tout seul de Chabouté.
Coucou,ma Nancette!
Tu vas bien?
(BD :je crois que je vais finir par en re-tenter leur lecture car il y vraiment beaucoup d'auteurs très talentueux )
Ca pourrait aller mieux, but that's life. Pour les bédés, en effet, il y en a pour tous les goûts.
Il est vrai Nance que pour se remonter le moral Chabouté est parfois bien sombre...
À vrai dire, j'ai trouvé que ce Chabouté-là m'a réchauffé le coeur, je l'ai trouvé très beau. Ça va faire un moment que c'est moyen dans ma vie, depuis que ma grand-mère est mourante. Disons que je ne lis pas vraiment ces temps-ci pour me remonter le moral, mais plus pour me changer les idées.
Il est d'étranges soirs ...
Il est d'étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Où dans l'air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d'un soupir
Le coeur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d'étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l'âme a des gaietés d'eaux vives dans les roches,
Où le coeur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l'esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.
Il est de mornes jours, où las de se connaître
Le coeur, vieux de mille ans, s'assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s'agite un minable et vague cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Où l'âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l'infini terrible suspendue,
Sent le vent de l'abîme, et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l'ombre comme un mort.
Albert Samain
Il est d'étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Où dans l'air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d'un soupir
Le coeur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d'étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l'âme a des gaietés d'eaux vives dans les roches,
Où le coeur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l'esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.
Il est de mornes jours, où las de se connaître
Le coeur, vieux de mille ans, s'assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s'agite un minable et vague cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Où l'âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l'infini terrible suspendue,
Sent le vent de l'abîme, et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l'ombre comme un mort.
Albert Samain
Merci , Pierronnelle , de m'avoir remis en mémoire ce beau poème d'Albert Samain !
Violettes
Rien qu'une touffe de violettes pâles, une touffe de ces fleurs faibles et presque fades, et un enfant jouant dans le jardin...
Ce jour-là, en ce février-là, pas si lointain et tout de même perdu comme tous les autres jours de sa vie qu'on ne ressaisira jamais, un bref instant, elles m'auront désencombré la vue.
Fleurs parmi les plus insignifiantes et les plus cachées. Infimes. A la limite de la fadeur. Nées de la terre ameublie par les dernières neiges de l'hiver. Et comment, si frêle, peuvent-elles seulement apparaître, sortir de terre, tenir debout?
Dans la liturgie de l'année, plus constante, un peu plus éternelle que l'autre- qui d'ailleurs se défait-, elles ont leur place comme l'heure de prime dans la journée des reclus. Une heure où l'on ne peut parler haut. Pour les entendre, il faut déplacer de l'ombre. Etre sorti des cauchemars. Défait de ses bandelettes.
Ou n'est-ce pas plutôt que leur vue nous y aide? "Je ne cueillerai pas les fleurs", dit l'Épouse du Cantique spirituel : cela signifie qu'elle se refusera certaines joies brèves pour une autre, réputée plus haute et plus durable. Ce refus n'empêche pas que les fleurs, même incueillies, ont été nommées dans le poème, qu'elles y sont limpidement présentes comme une beauté éparse au-delà de laquelle on ne pourrait sûrement pas aller sans l'avoir d'abord aimée.
Flèches à la tendre pointe, incapables de poison .
(Effacer toutes les erreurs, tous les détours, toutes les espèces de destructions ; pour ne garder que ces légères, ces fragiles flèches-là, décochées d'un coin d'ombre en fin d'hiver.)
L'infime, qui ouvre une voie, qui fraie une voie; mais rien de plus. Comme s'il fallait bien autre chose, qui ne me fut jamais donné, pour aller au-delà.
Frayeuses de chemin, parfumées, mais trop frêles pour qu'il ne soit pas besoin de les relayer dans le noir et dans le froid.
Philippe Jaccottet
Rien qu'une touffe de violettes pâles, une touffe de ces fleurs faibles et presque fades, et un enfant jouant dans le jardin...
Ce jour-là, en ce février-là, pas si lointain et tout de même perdu comme tous les autres jours de sa vie qu'on ne ressaisira jamais, un bref instant, elles m'auront désencombré la vue.
Fleurs parmi les plus insignifiantes et les plus cachées. Infimes. A la limite de la fadeur. Nées de la terre ameublie par les dernières neiges de l'hiver. Et comment, si frêle, peuvent-elles seulement apparaître, sortir de terre, tenir debout?
Dans la liturgie de l'année, plus constante, un peu plus éternelle que l'autre- qui d'ailleurs se défait-, elles ont leur place comme l'heure de prime dans la journée des reclus. Une heure où l'on ne peut parler haut. Pour les entendre, il faut déplacer de l'ombre. Etre sorti des cauchemars. Défait de ses bandelettes.
Ou n'est-ce pas plutôt que leur vue nous y aide? "Je ne cueillerai pas les fleurs", dit l'Épouse du Cantique spirituel : cela signifie qu'elle se refusera certaines joies brèves pour une autre, réputée plus haute et plus durable. Ce refus n'empêche pas que les fleurs, même incueillies, ont été nommées dans le poème, qu'elles y sont limpidement présentes comme une beauté éparse au-delà de laquelle on ne pourrait sûrement pas aller sans l'avoir d'abord aimée.
Flèches à la tendre pointe, incapables de poison .
(Effacer toutes les erreurs, tous les détours, toutes les espèces de destructions ; pour ne garder que ces légères, ces fragiles flèches-là, décochées d'un coin d'ombre en fin d'hiver.)
L'infime, qui ouvre une voie, qui fraie une voie; mais rien de plus. Comme s'il fallait bien autre chose, qui ne me fut jamais donné, pour aller au-delà.
Frayeuses de chemin, parfumées, mais trop frêles pour qu'il ne soit pas besoin de les relayer dans le noir et dans le froid.
Philippe Jaccottet
La poésie n'est pas que dans les vers!
"Ce refus n'empêche pas que les fleurs, même incueillies, ont été nommées dans le poème, qu'elles y sont limpidement présentes comme une beauté éparse au-delà de laquelle on ne pourrait sûrement pas aller sans l'avoir d'abord aimée."
Magnifique!
"Ce refus n'empêche pas que les fleurs, même incueillies, ont été nommées dans le poème, qu'elles y sont limpidement présentes comme une beauté éparse au-delà de laquelle on ne pourrait sûrement pas aller sans l'avoir d'abord aimée."
Magnifique!
Je sais maintenant que je ne possède rien...
Je sais maintenant que je ne possède rien
pas même ce bel or qui est feuilles pourries
Encore moins ces jours volant d'hier à demain
à grands coups d'ailes vers une heureuse patrie
Elle fut avec eux, l'émigrante fanée
la beauté faible, avec ses secrets décevants
vêtue de brume. On l'aura sans doute emmenée
ailleurs, par ces forêts pluvieuses. Comme avant
je me retrouve au seuil d'un hiver irréel
où chante le bouvreuil obstiné, seul appel
qui ne cesse pas, comme le lierre. Mais qui peut dire
quel est son sens? Je vois ma santé se réduire
pareille à ce feu bref au-devant du brouillard
qu'un vent glacial avive, efface. Il se fait tard.
Philippe Jaccottet
Je sais maintenant que je ne possède rien
pas même ce bel or qui est feuilles pourries
Encore moins ces jours volant d'hier à demain
à grands coups d'ailes vers une heureuse patrie
Elle fut avec eux, l'émigrante fanée
la beauté faible, avec ses secrets décevants
vêtue de brume. On l'aura sans doute emmenée
ailleurs, par ces forêts pluvieuses. Comme avant
je me retrouve au seuil d'un hiver irréel
où chante le bouvreuil obstiné, seul appel
qui ne cesse pas, comme le lierre. Mais qui peut dire
quel est son sens? Je vois ma santé se réduire
pareille à ce feu bref au-devant du brouillard
qu'un vent glacial avive, efface. Il se fait tard.
Philippe Jaccottet
La poésie n'est pas que dans les vers!
"Ce refus n'empêche pas que les fleurs, même incueillies, ont été nommées dans le poème, qu'elles y sont limpidement présentes comme une beauté éparse au-delà de laquelle on ne pourrait sûrement pas aller sans l'avoir d'abord aimée."
Magnifique!
Ça fait plaisir de retrouver Frida Piero...;-)
Et ça fait plaisir de te retrouver sur ce fil Zagreus !:-))
Et un sourire
La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours, puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler, faim à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager.
Paul Eluard ; "Le Phoenix" Derniers poèmes d'amour
La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours, puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il y a toujours un rêve qui veille
Désir à combler, faim à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager.
Paul Eluard ; "Le Phoenix" Derniers poèmes d'amour
La mort, l'amour la vie
J'ai cru pouvoir briser la profondeur de l'immensité
Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
Comme un mort raisonnable qui a su mourir
Un mort non couronné sinon de son néant
Je me suis étendu sur les vagues absurdes
Du poison absorbé par amour de la cendre
La solitude m'a semblé plus vive que le sang
Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon cour au vide et le vide à la vie
Tout effacer qu'il n'y ait rien ni vitre ni buée
Ni rien devant ni rien derrière rien entier
J'avais éliminé le glaçon des mains jointes
J'avais éliminé l'hivernale ossature
Du voeu qui s'annule
Tu es venue le feu s'est alors ranimé
L'ombre a cédé le froid d'en bas s'est étoilé
Et la terre s'est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J'avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J'avançais je gagnais de l'espace et du temps
J'allais vers toi j'allais sans fin vers la lumière
La vie avait un corps l'espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l'aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j'adorais l'amour comme à mes premiers jours.
Les champs sont labourés les usines rayonnent
Et le blé fait son nid dans une houle énorme
La moisson la vendange ont des témoins sans nombre
Rien n'est simple ni singulier
La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit
La forêt donne aux arbres la sécurité
Et les murs des maisons ont une peau commune
Et les routes toujours se croisent.
Les hommes sont faits pour s'entendre
Pour se comprendre pour s'aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.
Paul Eluard ;"Le Phoenix" Derniers poèmes d'amour
J'ai cru pouvoir briser la profondeur de l'immensité
Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
Comme un mort raisonnable qui a su mourir
Un mort non couronné sinon de son néant
Je me suis étendu sur les vagues absurdes
Du poison absorbé par amour de la cendre
La solitude m'a semblé plus vive que le sang
Je voulais désunir la vie
Je voulais partager la mort avec la mort
Rendre mon cour au vide et le vide à la vie
Tout effacer qu'il n'y ait rien ni vitre ni buée
Ni rien devant ni rien derrière rien entier
J'avais éliminé le glaçon des mains jointes
J'avais éliminé l'hivernale ossature
Du voeu qui s'annule
Tu es venue le feu s'est alors ranimé
L'ombre a cédé le froid d'en bas s'est étoilé
Et la terre s'est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J'avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J'avançais je gagnais de l'espace et du temps
J'allais vers toi j'allais sans fin vers la lumière
La vie avait un corps l'espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l'aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j'adorais l'amour comme à mes premiers jours.
Les champs sont labourés les usines rayonnent
Et le blé fait son nid dans une houle énorme
La moisson la vendange ont des témoins sans nombre
Rien n'est simple ni singulier
La mer est dans les yeux du ciel ou de la nuit
La forêt donne aux arbres la sécurité
Et les murs des maisons ont une peau commune
Et les routes toujours se croisent.
Les hommes sont faits pour s'entendre
Pour se comprendre pour s'aimer
Ont des enfants qui deviendront pères des hommes
Ont des enfants sans feu ni lieu
Qui réinventeront les hommes
Et la nature et leur patrie
Celle de tous les hommes
Celle de tous les temps.
Paul Eluard ;"Le Phoenix" Derniers poèmes d'amour
Fruits
Dans les chambres des vergers
ce sont des globes suspendus
que la course du temps colore
des lampes que le temps allume
et dont la lumière est parfum
On respire sous chaque branche
le fouet odorant de la hâte
Ce sont des perles parmi l’herbe
de nacre à mesure plus rose
que les brumes sont moins lointaines
des pendeloques plus pesantes
que moins de linge elles ornent
Comme ils dorment longtemps
sous les mille paupières vertes !
Et comme la chaleur
par la hâte avivée
leur fait le regard avide !
Philippe Jaccottet
Dans les chambres des vergers
ce sont des globes suspendus
que la course du temps colore
des lampes que le temps allume
et dont la lumière est parfum
On respire sous chaque branche
le fouet odorant de la hâte
Ce sont des perles parmi l’herbe
de nacre à mesure plus rose
que les brumes sont moins lointaines
des pendeloques plus pesantes
que moins de linge elles ornent
Comme ils dorment longtemps
sous les mille paupières vertes !
Et comme la chaleur
par la hâte avivée
leur fait le regard avide !
Philippe Jaccottet
La nuit est une grande cité endormie...
La nuit est une grande cité endormie
où le vent souffle... Il est venu de loin jusqu’à
l’asile de ce lit. C’est la minuit de juin.
Tu dors, on m’a mené sur ces bords infinis,
le vent secoue le noisetier. Vient cet appel
qui se rapproche et se retire, on jurerait
une lueur fuyant à travers bois, ou bien
les ombres qui tournoient, dit-on, dans les enfers.
(Cet appel dans la nuit d’été, combien de choses
j’en pourrais dire, et de tes yeux... ) Mais ce n’est que
l’oiseau nommé l’effraie, qui nous appelle au fond
de ces bois de banlieue. Et déjà notre odeur
est celle de la pourriture au petit jour,
déjà sous notre peau si chaude perce l’os,
tandis que sombrent les étoiles au coin des rues.
Philippe Jaccottet
La nuit est une grande cité endormie
où le vent souffle... Il est venu de loin jusqu’à
l’asile de ce lit. C’est la minuit de juin.
Tu dors, on m’a mené sur ces bords infinis,
le vent secoue le noisetier. Vient cet appel
qui se rapproche et se retire, on jurerait
une lueur fuyant à travers bois, ou bien
les ombres qui tournoient, dit-on, dans les enfers.
(Cet appel dans la nuit d’été, combien de choses
j’en pourrais dire, et de tes yeux... ) Mais ce n’est que
l’oiseau nommé l’effraie, qui nous appelle au fond
de ces bois de banlieue. Et déjà notre odeur
est celle de la pourriture au petit jour,
déjà sous notre peau si chaude perce l’os,
tandis que sombrent les étoiles au coin des rues.
Philippe Jaccottet
Humanité
Ce soir
je n’ai jamais été aussi heureux
je n’ai jamais été aussi ému
Un sang nouveau circule en moi
et tous les visages rencontrés me semblent plus clairs
Ce soir
je suis descendu dans les rues de la grande ville
Ce soir
il y a un tel amour il y a un si merveilleux espoir
dans ma poitrine
que je sens mon cœur près d’éclater !
Ce soir
j’ai eu l’intuition d’une grande chose
j’ai compris qu’il y avait entre tous ces hommes et toutes ces femmes
qui marchaient dans la rue
entre tous les hommes et toutes les femmes
dans le monde
par-delà les frontières historiques des Etats
par-delà les cieux et les océans
par-delà les montagnes et les fleuves
par-delà les siècles d’histoire révolus
par-delà les siècles d’histoire à venir
par-delà la Science et les Religions
par-delà le Droit le Devoir le Bien et le Mal
par-delà l’Espace et le Temps
un lien de continuité matérielle
un germe immuablement transmis de génération en génération
de siècle en siècle
qui faisait leur unité profonde totale
leur équilibre tangible définitif
leur réalité éternelle
et que nous avions tous un peu de la substance des hommes
des siècles passés
et que nous avions tous un peu de la substance
de chacun parmi nous
et que nous n’étions nous autres
habitants de ce globe
vraiment qu’une seule race
qu’un seul grand peuple
le peuple des hommes !
et que le plus humble d’entre les hommes
était une image complète du monde !
Marcel Lecomte ; « Poésies complètes »
Ce soir
je n’ai jamais été aussi heureux
je n’ai jamais été aussi ému
Un sang nouveau circule en moi
et tous les visages rencontrés me semblent plus clairs
Ce soir
je suis descendu dans les rues de la grande ville
Ce soir
il y a un tel amour il y a un si merveilleux espoir
dans ma poitrine
que je sens mon cœur près d’éclater !
Ce soir
j’ai eu l’intuition d’une grande chose
j’ai compris qu’il y avait entre tous ces hommes et toutes ces femmes
qui marchaient dans la rue
entre tous les hommes et toutes les femmes
dans le monde
par-delà les frontières historiques des Etats
par-delà les cieux et les océans
par-delà les montagnes et les fleuves
par-delà les siècles d’histoire révolus
par-delà les siècles d’histoire à venir
par-delà la Science et les Religions
par-delà le Droit le Devoir le Bien et le Mal
par-delà l’Espace et le Temps
un lien de continuité matérielle
un germe immuablement transmis de génération en génération
de siècle en siècle
qui faisait leur unité profonde totale
leur équilibre tangible définitif
leur réalité éternelle
et que nous avions tous un peu de la substance des hommes
des siècles passés
et que nous avions tous un peu de la substance
de chacun parmi nous
et que nous n’étions nous autres
habitants de ce globe
vraiment qu’une seule race
qu’un seul grand peuple
le peuple des hommes !
et que le plus humble d’entre les hommes
était une image complète du monde !
Marcel Lecomte ; « Poésies complètes »
Un grand sabre serait d'utilité publique...
Un grand sabre serait d'utilité publique.
Est-ce qu'il n'est pas temps d'exterminer la clique
Des songeurs, des rêveurs, des penseurs, des savants,
Et de tous ces semeurs jetant leur graine aux vents,
Et de mettre au pavois celui qui nous fait taire,
Et de souffler sur l'aube, et d'éteindre Voltaire !
Qu'attendez-vous ? Oh ! comme il serait beau de voir
Quelque bon vieux tyran faire enfin son devoir,
Couper, tailler, trancher et mettre à vos Molières,
A vos Dantes, à vos Miltons, des muselières !
Nous en avons assez de tous ces bavards-là.
Le mal des hommes vient du premier qui parla.
On va criant : Progrès ! Fraternité ! Courage !
Quel besoin avons-nous de tous ces mots d'orage ?
Jadis tout allait bien pourvu qu'on se tînt coi.
On veut être à présent libre et maître. Pourquoi ?
Liberté, c'est tempête. Il faut qu'un bon pilote
Ramène au port la barque et le peuple à l'ilote.
Il faut qu'un belluaire ou qu'un homme d'état
Bride ce peuple osant commettre l'attentat
De naître, et s'égarant jusqu'à la convoitise
Que montre au lys l'abeille et la chèvre au cytise.
Les révolutions continueront, le bruit
Et le vacarme iront grossissant dans la nuit,
Tant que nous n'aurons pas trouvé ce politique.
Reprenons l'ancien temple et l'ancienne boutique ;
Revivre le passé nous suffit. Que veut-on ?
A quoi sert Diderot ? à quoi rime Danton ?
Pourquoi Garibaldi trouble-t-il la Sicile ?
Votre progrès n'est rien que fatigue imbécile !
Quelle rage avez-vous de marcher en avant ?
Trop de tumulte sort de l'homme trop vivant.
L'esprit humain, longtemps calme et sombre, s'agite :
Ne serait-il pas bon qu'on fît rentrer au gîte
Et qu'on remît sous clef et qu'on paralysât
Ce monstre secouant sa chaîne de forçat ?
Quoi ! la mouche, autrefois loyale et résignée,
Manque au respect qu'on doit aux toiles d'araignée !
Elle tente d'y faire un trou pour s'échapper !
La plèbe ose exister, gouverner, usurper !
Quoi ! la vérité sort ! la raison l'accompagne !
Vite, rejetons l'une au puits et l'autre au bagne !
Pour quiconque ose aller, venir, briser l'écrou,
L'enfer est un cachot avec Dieu pour verrou.
Qu'on y rentre. Ô révolte affreuse ! Quel désordre
Que tous ces ouragans lâchés, tâchant de mordre,
Se ruant sur l'autel, sur la loi, sur le roi !
Oh ! quel déplacement tragique de l'effroi !
L'inexorable pleure et les terribles tremblent ;
Les vautours effarés aux passereaux ressemblent.
Deuil ! horreur ! regarder surgir de tous côtés
Un tas de vérités et de réalités,
Voir leur flamme, et songer que peut-être chacune
Apporte on ne sait quelle effrayante rancune
Et, rayonnante, vient au monde reprocher
Le sceptre, l'échafaud, le glaive et le bûcher !
Oh ! tant qu'on n'aura pas mis hors d'état de nuire
Tout ce qui veut créer, chauffer, féconder, luire,
Tant que le vieux bon ordre encourra le péril
De voir brusquement naître un formidable avril,
Tant qu'il sera permis aux folles plumes ivres
De porter les oiseaux et d'écrire les livres,
Tant qu'un homme qui dit : j'ai faim ! pâle, priant,
Pensif, fera blanchir vaguement l'orient,
Tant que le ciel complice aura la transparence
Qui laisse distinguer aux pauvres l'espérance,
Tant que le va-nu-pieds se croira citoyen,
Je suis de votre avis, bourgeois, aucun moyen
De dormir en repos, et nul coin de navire
Où l'on puisse être seul sauvé quand tout chavire.
Ô terreur ! tout s'éclaire ! il est temps d'en finir.
Qui sauvera le monde en péril d'avenir ?
Caïn pleure, Judas gémit, Phalaris souffre.
Oh ! qu'il serait urgent d'arrêter net le gouffre
En pleine éruption de lumière, et la paix,
Le progrès s'évadant des nuages épais,
La science, et, montant là-haut vers le solstice,
L'âme, et cette blancheur céleste, la justice !
Et comme on ferait bien de mettre à la raison
Les astres se levant en foule à l'horizon !
Victor HUGO(1873)
Un grand sabre serait d'utilité publique.
Est-ce qu'il n'est pas temps d'exterminer la clique
Des songeurs, des rêveurs, des penseurs, des savants,
Et de tous ces semeurs jetant leur graine aux vents,
Et de mettre au pavois celui qui nous fait taire,
Et de souffler sur l'aube, et d'éteindre Voltaire !
Qu'attendez-vous ? Oh ! comme il serait beau de voir
Quelque bon vieux tyran faire enfin son devoir,
Couper, tailler, trancher et mettre à vos Molières,
A vos Dantes, à vos Miltons, des muselières !
Nous en avons assez de tous ces bavards-là.
Le mal des hommes vient du premier qui parla.
On va criant : Progrès ! Fraternité ! Courage !
Quel besoin avons-nous de tous ces mots d'orage ?
Jadis tout allait bien pourvu qu'on se tînt coi.
On veut être à présent libre et maître. Pourquoi ?
Liberté, c'est tempête. Il faut qu'un bon pilote
Ramène au port la barque et le peuple à l'ilote.
Il faut qu'un belluaire ou qu'un homme d'état
Bride ce peuple osant commettre l'attentat
De naître, et s'égarant jusqu'à la convoitise
Que montre au lys l'abeille et la chèvre au cytise.
Les révolutions continueront, le bruit
Et le vacarme iront grossissant dans la nuit,
Tant que nous n'aurons pas trouvé ce politique.
Reprenons l'ancien temple et l'ancienne boutique ;
Revivre le passé nous suffit. Que veut-on ?
A quoi sert Diderot ? à quoi rime Danton ?
Pourquoi Garibaldi trouble-t-il la Sicile ?
Votre progrès n'est rien que fatigue imbécile !
Quelle rage avez-vous de marcher en avant ?
Trop de tumulte sort de l'homme trop vivant.
L'esprit humain, longtemps calme et sombre, s'agite :
Ne serait-il pas bon qu'on fît rentrer au gîte
Et qu'on remît sous clef et qu'on paralysât
Ce monstre secouant sa chaîne de forçat ?
Quoi ! la mouche, autrefois loyale et résignée,
Manque au respect qu'on doit aux toiles d'araignée !
Elle tente d'y faire un trou pour s'échapper !
La plèbe ose exister, gouverner, usurper !
Quoi ! la vérité sort ! la raison l'accompagne !
Vite, rejetons l'une au puits et l'autre au bagne !
Pour quiconque ose aller, venir, briser l'écrou,
L'enfer est un cachot avec Dieu pour verrou.
Qu'on y rentre. Ô révolte affreuse ! Quel désordre
Que tous ces ouragans lâchés, tâchant de mordre,
Se ruant sur l'autel, sur la loi, sur le roi !
Oh ! quel déplacement tragique de l'effroi !
L'inexorable pleure et les terribles tremblent ;
Les vautours effarés aux passereaux ressemblent.
Deuil ! horreur ! regarder surgir de tous côtés
Un tas de vérités et de réalités,
Voir leur flamme, et songer que peut-être chacune
Apporte on ne sait quelle effrayante rancune
Et, rayonnante, vient au monde reprocher
Le sceptre, l'échafaud, le glaive et le bûcher !
Oh ! tant qu'on n'aura pas mis hors d'état de nuire
Tout ce qui veut créer, chauffer, féconder, luire,
Tant que le vieux bon ordre encourra le péril
De voir brusquement naître un formidable avril,
Tant qu'il sera permis aux folles plumes ivres
De porter les oiseaux et d'écrire les livres,
Tant qu'un homme qui dit : j'ai faim ! pâle, priant,
Pensif, fera blanchir vaguement l'orient,
Tant que le ciel complice aura la transparence
Qui laisse distinguer aux pauvres l'espérance,
Tant que le va-nu-pieds se croira citoyen,
Je suis de votre avis, bourgeois, aucun moyen
De dormir en repos, et nul coin de navire
Où l'on puisse être seul sauvé quand tout chavire.
Ô terreur ! tout s'éclaire ! il est temps d'en finir.
Qui sauvera le monde en péril d'avenir ?
Caïn pleure, Judas gémit, Phalaris souffre.
Oh ! qu'il serait urgent d'arrêter net le gouffre
En pleine éruption de lumière, et la paix,
Le progrès s'évadant des nuages épais,
La science, et, montant là-haut vers le solstice,
L'âme, et cette blancheur céleste, la justice !
Et comme on ferait bien de mettre à la raison
Les astres se levant en foule à l'horizon !
Victor HUGO(1873)
N'est-ce pas, mon amour, que la nuit est bien lente...
N'est-ce pas, mon amour, que la nuit est bien lente
Quand on est au lit seule et qu'on ne peut dormir ?
On entend palpiter la pendule tremblante,
Et dehors les clochers d'heure en heure gémir.
L'esprit flotte éveillé dans les rêves sans nombre.
On n'a pas, dans cette ombre où manque tout soleil,
Le sommeil pour vous faire oublier la nuit sombre,
Ni l'amour pour vous faire oublier le sommeil.
Victor HUGO( Toute la lyre)
N'est-ce pas, mon amour, que la nuit est bien lente
Quand on est au lit seule et qu'on ne peut dormir ?
On entend palpiter la pendule tremblante,
Et dehors les clochers d'heure en heure gémir.
L'esprit flotte éveillé dans les rêves sans nombre.
On n'a pas, dans cette ombre où manque tout soleil,
Le sommeil pour vous faire oublier la nuit sombre,
Ni l'amour pour vous faire oublier le sommeil.
Victor HUGO( Toute la lyre)
Le sacre de la femme - Ineffable lever...
(II)
Ineffable lever du premier rayon d'or,
Du jour éclairant tout sans rien savoir encor!
O matin des matins ! amour ! joie effrénée
De commencer le temps, l'heure, le mois, l'année !
Ouverture du monde ! instant prodigieux !
La nuit se dissolvait dans les énormes cieux
Où rien ne tremble, où rien ne pleure, où rien ne souffre ;
Autant que le chaos la lumière était gouffre ;
Dieu se manifestait dans sa calme grandeur,
Certitude pour l'âme et pour les yeux splendeur ;
De faîte en faîte, au ciel et sur terre, et dans toutes
Les épaisseurs de l'être aux innombrables voûtes,
On voyait l'évidence adorable éclater. [...]
Jours inouïs ! le bien, le beau, le vrai, le juste
Coulaient dans le torrent, frissonnaient dans l'arbuste ;
L'aquilon louait Dieu de sagesse vêtu ;
L'arbre était bon ; la fleur était une vertu ;
C'est trop peu d'être blanc, le lys était candide ;
Rien n'avait de souillure et rien n'avait de ride ;
Jours purs ! rien ne saignait sous l'ongle et sous la dent ;
La bête heureuse était l'innocence rôdant ;
Le mal n'avait encor rien mis de son mystère
Dans le serpent, dans l'aigle altier, dans la panthère ;
Le précipice ouvert dans l'animal sacré
N'avait pas d'ombre, étant jusqu'au fond éclairé ;
La montagne était jeune et la vague était vierge ;
Le globe, hors des mers dont le flot le submerge,
Sortait beau, magnifique, aimant, fier, triomphant,
Et rien n'était petit quoique tout fût enfant ;
La terre avait, parmi ses hymnes d'innocence,
Un étourdissement de sève et de croissance ;
L'instinct fécond faisait rêver l'instinct vivant ;
Et, répandu partout, sur les eaux, dans le vent,
L'amour épars flottait comme un parfum s'exhale ;
La nature riait, naïve et colossale ;
L'espace vagissait ainsi qu'un nouveau-né.
L'aube était le regard du soleil étonné.
Victor HUGO(La légende des siècles)
(II)
Ineffable lever du premier rayon d'or,
Du jour éclairant tout sans rien savoir encor!
O matin des matins ! amour ! joie effrénée
De commencer le temps, l'heure, le mois, l'année !
Ouverture du monde ! instant prodigieux !
La nuit se dissolvait dans les énormes cieux
Où rien ne tremble, où rien ne pleure, où rien ne souffre ;
Autant que le chaos la lumière était gouffre ;
Dieu se manifestait dans sa calme grandeur,
Certitude pour l'âme et pour les yeux splendeur ;
De faîte en faîte, au ciel et sur terre, et dans toutes
Les épaisseurs de l'être aux innombrables voûtes,
On voyait l'évidence adorable éclater. [...]
Jours inouïs ! le bien, le beau, le vrai, le juste
Coulaient dans le torrent, frissonnaient dans l'arbuste ;
L'aquilon louait Dieu de sagesse vêtu ;
L'arbre était bon ; la fleur était une vertu ;
C'est trop peu d'être blanc, le lys était candide ;
Rien n'avait de souillure et rien n'avait de ride ;
Jours purs ! rien ne saignait sous l'ongle et sous la dent ;
La bête heureuse était l'innocence rôdant ;
Le mal n'avait encor rien mis de son mystère
Dans le serpent, dans l'aigle altier, dans la panthère ;
Le précipice ouvert dans l'animal sacré
N'avait pas d'ombre, étant jusqu'au fond éclairé ;
La montagne était jeune et la vague était vierge ;
Le globe, hors des mers dont le flot le submerge,
Sortait beau, magnifique, aimant, fier, triomphant,
Et rien n'était petit quoique tout fût enfant ;
La terre avait, parmi ses hymnes d'innocence,
Un étourdissement de sève et de croissance ;
L'instinct fécond faisait rêver l'instinct vivant ;
Et, répandu partout, sur les eaux, dans le vent,
L'amour épars flottait comme un parfum s'exhale ;
La nature riait, naïve et colossale ;
L'espace vagissait ainsi qu'un nouveau-né.
L'aube était le regard du soleil étonné.
Victor HUGO(La légende des siècles)
Le rêve de la lune
Si la lune brille
Quand tu dors ,
C'est pour planter
Des milliers de soleils pour demain.
Si tout devient silence
Quand tu dors ,
C'est pour préparer
Le chant des milliers d'oiseaux
Et dorer les ailes des libellules.
Si la lune tombe dans tes bras
Quand tu dors ,
C'est pour rêver avec toi
Des milliers d'étoiles.
Marie BOTTURI
Si la lune brille
Quand tu dors ,
C'est pour planter
Des milliers de soleils pour demain.
Si tout devient silence
Quand tu dors ,
C'est pour préparer
Le chant des milliers d'oiseaux
Et dorer les ailes des libellules.
Si la lune tombe dans tes bras
Quand tu dors ,
C'est pour rêver avec toi
Des milliers d'étoiles.
Marie BOTTURI
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