Ne cherchez plus mon cœur
Cela qui s'aventure ne porte pas de nom. La langue toute est son domaine. Agenouillé, il fouille avec des branches : un peu de terre dérange le ciel, de minces araignées patinent parmi les reflets.
C'était sur les rives de la Meuse, à peu de pas du déversoir au tumulte incessant, ou bien en altitude, auprès d'un lac silencieux cerné de sapins, serti très haut dans la fraîcheur.
Cela mélange ses eaux. Des paysages se superposent. Quelque source soudain imagine de jaillir, une écorce éclate, le torrent transparent enveloppe de glace les chevilles parmi les pierres.
Il déchiffre en lui-même un murmure indistinct où la clarté d'une voix vient le surprendre. A certaines heures, se souvient-il, la lumière semblait y mieux voir. Ainsi la tiédeur de la cloche que frappe à la vesprée un rayon de soleil oblique.
Sa mémoire s'écoule en poussière Cependant il exulte. Il s'évide mais s'obstine à parler de travers, rebondissant dans la blancheur comme une balle insonore.
Il démêle son désir à peine et remonte avec précaution vers des cimes lointaines où des phrases malhabiles furent griffonnées jadis sur des papiers pliés en quatre. Il poursuit sa propre fable en surplomb, jusqu'au corridor de la naissance éboulée dans l'herbe et le sang. Il froisse une fraîcheur d'église, un après-midi silencieux dans le souvenir de l'Office, quand le Dieu avec son cortège dort sous le bois ciré et que la croix s'égoutte au fond.
Cela s'égare dans son amour. Il se blottit: buste de femme et taille, couchés dans le trèfle, genoux pressés, sueur, linges sur les hanches, toison, échine, cheveux dénoués et bras nus. Il empoigne, caresse, se déplie se relève, puis s'agenouille encore...
Ce sont les gestes lents du soir dont la brûlure exauce un vœu ancien : dès maintenant mourir. Il invente cela pour se perdre et ne pourra cesser d'y croire, comme celui qui aime en détresse et dont l'amour disperse la vie entière.
Jean-Michel Maulpoix
Cela qui s'aventure ne porte pas de nom. La langue toute est son domaine. Agenouillé, il fouille avec des branches : un peu de terre dérange le ciel, de minces araignées patinent parmi les reflets.
C'était sur les rives de la Meuse, à peu de pas du déversoir au tumulte incessant, ou bien en altitude, auprès d'un lac silencieux cerné de sapins, serti très haut dans la fraîcheur.
Cela mélange ses eaux. Des paysages se superposent. Quelque source soudain imagine de jaillir, une écorce éclate, le torrent transparent enveloppe de glace les chevilles parmi les pierres.
Il déchiffre en lui-même un murmure indistinct où la clarté d'une voix vient le surprendre. A certaines heures, se souvient-il, la lumière semblait y mieux voir. Ainsi la tiédeur de la cloche que frappe à la vesprée un rayon de soleil oblique.
Sa mémoire s'écoule en poussière Cependant il exulte. Il s'évide mais s'obstine à parler de travers, rebondissant dans la blancheur comme une balle insonore.
Il démêle son désir à peine et remonte avec précaution vers des cimes lointaines où des phrases malhabiles furent griffonnées jadis sur des papiers pliés en quatre. Il poursuit sa propre fable en surplomb, jusqu'au corridor de la naissance éboulée dans l'herbe et le sang. Il froisse une fraîcheur d'église, un après-midi silencieux dans le souvenir de l'Office, quand le Dieu avec son cortège dort sous le bois ciré et que la croix s'égoutte au fond.
Cela s'égare dans son amour. Il se blottit: buste de femme et taille, couchés dans le trèfle, genoux pressés, sueur, linges sur les hanches, toison, échine, cheveux dénoués et bras nus. Il empoigne, caresse, se déplie se relève, puis s'agenouille encore...
Ce sont les gestes lents du soir dont la brûlure exauce un vœu ancien : dès maintenant mourir. Il invente cela pour se perdre et ne pourra cesser d'y croire, comme celui qui aime en détresse et dont l'amour disperse la vie entière.
Jean-Michel Maulpoix
RENAITRE
Les arbres sont venus ce matin faire une forêt à Blanche-Neige.
Tes paupières étaient des papillons de nuit qui tournaient
Autour de mes yeux.
Bientôt tu te réveilleras
Quand tu auras fini d'escalader ton rêve.
Je ne sais jamais où tu vas
Ainsi, allongée entre deux jours.
Je suis parfois jaloux de cette femme en noir
Qui nous sépare.
Mais les vagues sont nombreuses sur la mer
Autant que les hommes qui roulent sur la vie
Et butent contre toi.
Ton sourire s'échappera de notre tendresse
Parce que la mer s'en va aussi par derrière l'Ile.
Ce pays fabuleux qui crie :
"Emmène-moi au bout du monde"
De l'autre côté de l'enfance.
Et moi qui avais besoin de Blanche-Neige pour m'endormir
Je resterai assis sur la jetée
Et mes larmes rempliront la mer jusqu'au raz de marée
Qui m'amènera au bout de la vie.
Yvon Le Men
Les arbres sont venus ce matin faire une forêt à Blanche-Neige.
Tes paupières étaient des papillons de nuit qui tournaient
Autour de mes yeux.
Bientôt tu te réveilleras
Quand tu auras fini d'escalader ton rêve.
Je ne sais jamais où tu vas
Ainsi, allongée entre deux jours.
Je suis parfois jaloux de cette femme en noir
Qui nous sépare.
Mais les vagues sont nombreuses sur la mer
Autant que les hommes qui roulent sur la vie
Et butent contre toi.
Ton sourire s'échappera de notre tendresse
Parce que la mer s'en va aussi par derrière l'Ile.
Ce pays fabuleux qui crie :
"Emmène-moi au bout du monde"
De l'autre côté de l'enfance.
Et moi qui avais besoin de Blanche-Neige pour m'endormir
Je resterai assis sur la jetée
Et mes larmes rempliront la mer jusqu'au raz de marée
Qui m'amènera au bout de la vie.
Yvon Le Men
La marche à l'amour
Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as
tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme les saisons
je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misères et à bout de démesures
je veux te faire aimer la vie notre vie
t'aimer fou de racines à feuilles et grave
de jour en jour à travers nuits et gués
de moellons nos vertus silencieuses
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ô mon amour que tu existes
je corrige notre vie
nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde
constelle-moi de ton corps de voie lactée
même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
une sorte de marais, une espèce de rage noire
si je fus cabotin, concasseur de désespoir
j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
ma danse carrée des quatre coins d'horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
mon murmure de jours à mes cils d'abeille
mon eau bleue de fenêtre
dans les hauts vols de buildings
mon amour
de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
tu es ma chance ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin toujours vert
et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
tu es belle de tout l'avenir épargné
d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
orignal, quand tu brames orignal
coule-moi dans ta plainte osseuse
fais-moi passer tout cabré tout empanaché
dans ton appel et ta détermination
Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi
la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
de pas voletant par les lacs de portage
mes absolus poings
ah violence de délices et d'aval
j'aime
que j'aime
que tu t'avances
ma ravie
frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
par ce temps profus d'épilobes en beauté
sur ces grèves où l'été
pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
je roule en toi
tous les saguenays d'eau noire de ma vie
je fais naître en toi
les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta gorge
terre meuble de l'amour ton corps
se soulève en tiges pêle-mêle
je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses
mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons
le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit
qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
mon amour ô ma plainte
de merle-chat dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidée
morte
dans le froid des plus lointaines flammes
puis les années m'emportent sens dessus dessous
je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
des voix murmurent les récits de ton domaine
à part moi je me parle
que vais-je devenir dans ma force fracassée
ma force noire du bout de mes montagnes
pour te voir à jamais je déporte mon regard
je me tiens aux écoutes des sirènes
dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques
et parmi ces bouts de temps qui halètent
me voici de nouveau campé dans ta légende
tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
les chevaux de bois de tes rires
tes yeux de paille et d'or
seront toujours au fond de mon coeur
et ils traverseront les siècles
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n'ai plus de visage pour l'amour
je n'ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m'assois par pitié de moi
j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n'attends pas à demain je t'attends
je n'attends pas la fin du monde je t'attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie
Gaston Miron
Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as
tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme les saisons
je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misères et à bout de démesures
je veux te faire aimer la vie notre vie
t'aimer fou de racines à feuilles et grave
de jour en jour à travers nuits et gués
de moellons nos vertus silencieuses
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ô mon amour que tu existes
je corrige notre vie
nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde
constelle-moi de ton corps de voie lactée
même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
une sorte de marais, une espèce de rage noire
si je fus cabotin, concasseur de désespoir
j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
ma danse carrée des quatre coins d'horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
mon murmure de jours à mes cils d'abeille
mon eau bleue de fenêtre
dans les hauts vols de buildings
mon amour
de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
tu es ma chance ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin toujours vert
et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
tu es belle de tout l'avenir épargné
d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
orignal, quand tu brames orignal
coule-moi dans ta plainte osseuse
fais-moi passer tout cabré tout empanaché
dans ton appel et ta détermination
Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi
la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
de pas voletant par les lacs de portage
mes absolus poings
ah violence de délices et d'aval
j'aime
que j'aime
que tu t'avances
ma ravie
frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
par ce temps profus d'épilobes en beauté
sur ces grèves où l'été
pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
je roule en toi
tous les saguenays d'eau noire de ma vie
je fais naître en toi
les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta gorge
terre meuble de l'amour ton corps
se soulève en tiges pêle-mêle
je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses
mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons
le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit
qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
mon amour ô ma plainte
de merle-chat dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidée
morte
dans le froid des plus lointaines flammes
puis les années m'emportent sens dessus dessous
je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
des voix murmurent les récits de ton domaine
à part moi je me parle
que vais-je devenir dans ma force fracassée
ma force noire du bout de mes montagnes
pour te voir à jamais je déporte mon regard
je me tiens aux écoutes des sirènes
dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques
et parmi ces bouts de temps qui halètent
me voici de nouveau campé dans ta légende
tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
les chevaux de bois de tes rires
tes yeux de paille et d'or
seront toujours au fond de mon coeur
et ils traverseront les siècles
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n'ai plus de visage pour l'amour
je n'ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m'assois par pitié de moi
j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n'attends pas à demain je t'attends
je n'attends pas la fin du monde je t'attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie
Gaston Miron
Le dernier texte de Clamence, côté "Vos écrits", me fait penser aux derniers vers d'Ulysse de Tennyson. Mais je n'ai pas retrouvé de traduction française, alors je vous le mets en VO
Come, my friends,
'Tis not too late to seek a newer world.
Push off, and sitting well in order smite
The sounding furrows; for my purpose holds
To sail beyond the sunset, and the baths
Of all the western stars, until I die.
It may be that the gulfs will wash us down:
It may be we shall touch the Happy Isles,
And see the great Achilles, whom we knew.
Tho' much is taken, much abides; and tho'
We are not now that strength which in old days
Moved earth and heaven; that which we are, we are;
One equal temper of heroic hearts,
Made weak by time and fate, but strong in will
To strive, to seek, to find, and not to yield.
Come, my friends,
'Tis not too late to seek a newer world.
Push off, and sitting well in order smite
The sounding furrows; for my purpose holds
To sail beyond the sunset, and the baths
Of all the western stars, until I die.
It may be that the gulfs will wash us down:
It may be we shall touch the Happy Isles,
And see the great Achilles, whom we knew.
Tho' much is taken, much abides; and tho'
We are not now that strength which in old days
Moved earth and heaven; that which we are, we are;
One equal temper of heroic hearts,
Made weak by time and fate, but strong in will
To strive, to seek, to find, and not to yield.
Guigomas, ce n'est pas du jeu !
Je reviens à notre langue avec une poétesse mise en avant par Zagreus (merci).
Les séparés
N'écris pas - Je suis triste, et je voudrais m'éteindre
Les beaux été sans toi, c'est la nuit sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau
N'écris pas !
N'écris pas - N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais
N'écris pas !
N'écris pas - Je te crains; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant
N'écris pas !
N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur;
Et que je les voix brûler à travers ton sourire;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur
N'écris pas !
Marceline Desbordes-Valmore
Je reviens à notre langue avec une poétesse mise en avant par Zagreus (merci).
Les séparés
N'écris pas - Je suis triste, et je voudrais m'éteindre
Les beaux été sans toi, c'est la nuit sans flambeau
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau
N'écris pas !
N'écris pas - N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes
Ne demande qu'à Dieu ... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais
N'écris pas !
N'écris pas - Je te crains; j'ai peur de ma mémoire;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire
Une chère écriture est un portrait vivant
N'écris pas !
N'écris pas ces mots doux que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur;
Et que je les voix brûler à travers ton sourire;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur
N'écris pas !
Marceline Desbordes-Valmore
Le dernier texte de Clamence, côté "Vos écrits", me fait penser aux derniers vers d'Ulysse de Tennyson. Mais je n'ai pas retrouvé de traduction française, alors je vous le mets en VO
Come, my friends,
'Tis not too late to seek a newer world.
Push off, and sitting well in order smite
The sounding furrows; for my purpose holds
To sail beyond the sunset, and the baths
Of all the western stars, until I die.
It may be that the gulfs will wash us down:
It may be we shall touch the Happy Isles,
And see the great Achilles, whom we knew.
Tho' much is taken, much abides; and tho'
We are not now that strength which in old days
Moved earth and heaven; that which we are, we are;
One equal temper of heroic hearts,
Made weak by time and fate, but strong in will
To strive, to seek, to find, and not to yield.
Guigomas, ce n'est pas du jeu !
Petite traduction maison :
Venez, mes amis,
Il n’est pas trop tard pour partir à la recherche d’un monde nouveau.
Levez l’ancre, et dans un bel ensemble frappez de vos rames
Les ondes bruissantes ; car mon dessein reste
De voguer par-delà le couchant, et là où se baignent
Toutes les étoiles du Ponant, jusqu’à ma mort.
Il se peut que les golfes nous abiment
Il se peut que nous atteignions les Iles Bienheureuses
Et retrouvions le grand Achille, que nous avons connu.
Si beaucoup nous a été pris, beaucoup demeure ;
Et si nous ne sommes plus aujourd’hui cette force qui par le passé
A déplacé la terre et le ciel ; ce que nous sommes, nous le sommes ;
Un caractère égal de cœurs héroïques,
Affaibli par le temps et le destin, mais avec la volonté forte
D’essayer, de chercher, de trouver, et de ne pas céder.
Et le poème de Marceline, cette ch'ti trop méconnue, est superbe !
Oui cette Marceline Desbordes est superbe mais on trébuche sur l’antépénultième :
Que je les vois brûler à travers ton sourire
Que je les vois brûler à travers ton sourire
La chanson du rayon de lune
Sais-tu qui je suis?
Le rayon de lune.
Sais-tu d'où je viens?
Regarde la-haut.
Ma mère est brillante,
Et la nuit est brune;
Je rampe sur l'arbre
Et glisse sous l'eau;
Je m'étends sur l'herbe
Et cours sur la dune;
Je grimpe au mur noir,
Au tronc du bouleau,
Comme un maraudeur
Qui cherche fortune;
Je n'ai jamais froid,
Je n'ai jamais chaud.
Maupassant
Sais-tu qui je suis?
Le rayon de lune.
Sais-tu d'où je viens?
Regarde la-haut.
Ma mère est brillante,
Et la nuit est brune;
Je rampe sur l'arbre
Et glisse sous l'eau;
Je m'étends sur l'herbe
Et cours sur la dune;
Je grimpe au mur noir,
Au tronc du bouleau,
Comme un maraudeur
Qui cherche fortune;
Je n'ai jamais froid,
Je n'ai jamais chaud.
Maupassant
Tout à fait, SJB, tu as l'oreille ; elle n'a pas écrit "Et que je les voix brûler à travers ton sourire" mais simplement "Que je les vois brûler à travers ton sourire".
ELSA AU MIROIR
C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
C'était au beau milieu de notre tragédie
Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l'incendie
Sans dire ce qu'une autre à sa place aurait dit
Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C'était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire
C'était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi
Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit
Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs
Et ses cheveux dorés quand elle vient s'asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie
Louis Aragon
C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
C'était au beau milieu de notre tragédie
Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l'incendie
Sans dire ce qu'une autre à sa place aurait dit
Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C'était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire
C'était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi
Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit
Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs
Et ses cheveux dorés quand elle vient s'asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie
Louis Aragon
Une femme est l'amour
Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance ;
Aux enfants qu'elle guide, à l'homme consolé,
Elle élève le coeur et calme la souffrance,
Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.
Courbé par le travail ou par la destinée,
L'homme à sa voix s'élève et son front s'éclaircit ;
Toujours impatient dans sa course bornée,
Un sourire le dompte et son coeur s'adoucit.
Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine :
Bien longtemps à l'attendre il faut se résigner.
Mais qui n'aimerait pas, dans sa grâce sereine,
La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?
Gérard de NERVAL
Une femme est l'amour, la gloire et l'espérance ;
Aux enfants qu'elle guide, à l'homme consolé,
Elle élève le coeur et calme la souffrance,
Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.
Courbé par le travail ou par la destinée,
L'homme à sa voix s'élève et son front s'éclaircit ;
Toujours impatient dans sa course bornée,
Un sourire le dompte et son coeur s'adoucit.
Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine :
Bien longtemps à l'attendre il faut se résigner.
Mais qui n'aimerait pas, dans sa grâce sereine,
La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?
Gérard de NERVAL
Lever d'aube
Drapée en sa cape de veuve,
S'efface à pas discrets la nuit
Voici poindre la clarté neuve
De l'aube qui s'épanouit.
Elle promène sur les choses
Son beau regard silencieux
Et la mer se jonche de roses
Sous la caresse de ses yeux.
Pour son adorable venue
Le désert du ciel s'est paré...
Salut, déesse chaste et nue,
Fille de l'Orient sacré !
Et soudain tout vit. Les nuages
Tendent leurs voiles au vent frais ;
L'allègre chanson des voyages
Se réveille dans leurs agrès.
Et la pensée au coeur de flamme,
Soeur pure de l'aube qui luit,
Erige, comme elle, dans l'âme
Son front clair, vainqueur de la nuit.
Anatole Le Braz
Drapée en sa cape de veuve,
S'efface à pas discrets la nuit
Voici poindre la clarté neuve
De l'aube qui s'épanouit.
Elle promène sur les choses
Son beau regard silencieux
Et la mer se jonche de roses
Sous la caresse de ses yeux.
Pour son adorable venue
Le désert du ciel s'est paré...
Salut, déesse chaste et nue,
Fille de l'Orient sacré !
Et soudain tout vit. Les nuages
Tendent leurs voiles au vent frais ;
L'allègre chanson des voyages
Se réveille dans leurs agrès.
Et la pensée au coeur de flamme,
Soeur pure de l'aube qui luit,
Erige, comme elle, dans l'âme
Son front clair, vainqueur de la nuit.
Anatole Le Braz
Le chemin de l'amour
Amour, mon cher Amour, je te sais près de moi
Avec ton beau visage.
Si tu changes de nom, d'accent, de coeur et d'âge,
Ton visage du moins ne me trompera pas.
Les yeux de ton visage, Amour, ont près de moi
La clarté patiente des étoiles.
De la nuit, de la mer, des îles sans escales,
Je ne crains rien si tu m'as reconnue.
Mon Amour, de bien loin, pour toi, je suis venue
Peut-être. Et nous irons Dieu sait où maintenant ?
Depuis quand cherchais-tu mon ombre évanouie ?
Quand t'avais-je perdu ? Dans quelle vie ?
Et qu'oserait le ciel contre nous maintenant ?
Sabine Sicaud
Amour, mon cher Amour, je te sais près de moi
Avec ton beau visage.
Si tu changes de nom, d'accent, de coeur et d'âge,
Ton visage du moins ne me trompera pas.
Les yeux de ton visage, Amour, ont près de moi
La clarté patiente des étoiles.
De la nuit, de la mer, des îles sans escales,
Je ne crains rien si tu m'as reconnue.
Mon Amour, de bien loin, pour toi, je suis venue
Peut-être. Et nous irons Dieu sait où maintenant ?
Depuis quand cherchais-tu mon ombre évanouie ?
Quand t'avais-je perdu ? Dans quelle vie ?
Et qu'oserait le ciel contre nous maintenant ?
Sabine Sicaud
Un champ d'îles
Savoir ce qui dans vos yeux berce
Une baie de ciel un oiseau
La mer, une caresse dévolue
Le soleil ici revenu
Beauté de l'espace ou otage
De l'avenir tentaculaire
Toute parole s'y confond
Avec le silence des Eaux
Beauté des temps pour un mirage
Le temps qui demeure est d'attente
Le temps qui vole est un cyclone
Où c'est la route éparpillée
L'après-midi s'est voilé
De lianes d'emphase et fureur
Glacée, de volcans amenés
Par la main à côté des sables
Le soir à son tour germera
Dans le pays de la douleur
Une main qui fuse le Soir
À son tour doucement tombera
Beauté d'attente Beauté des vagues
L'attente est presque un beaupré
Enlacé d'ailes et de vents
Comme un fouillis sur la berge
Chaque mot vient sans qu'on fasse
À peine bouger l'horizon
Le paysage est un tamis soudain
De mots poussés sous la lune
Savoir ce qui sur vos cheveux
Hagard étrenne ses attelages
Et le sel vient-il de la mer
Ou de cette voix qui circule
Abandonnés les tournoiements
D'aventure sur les tambours
L'assaut du sang dans les plaines
Son écume sur les Hauts
Abandonné le puits de souffrance
La souffrance au large du ciel emporte
Dans la foule des fromagers
Sa meute de mots et sa proie
Abandonnée tarie la mesure
Démesure des coutelas
Cette musique est au coeur
Comme un hameau de lassitude
Beauté plus rare que dans l'île
Ton grand chemin des hébétudes
Va-t-il enfouir son regard
Dans la terre, humide douce
Les hommes sortent de la terre
Avec leurs visages trop forts
Et l'appétit de leurs regards
Sur la voilure des clairières
Les femmes marchent devant eux
L'île toute est bientôt femme
Apitoyée sur elle-même mais crispant
Son désespoir dans son coeur nu
Et parmi les chants de midi
Ravinés de sueurs triomphales
Sur un cheval vient à passer
La morte demain la Pitié
L'île entière est une pitié
Qui sur soi-même se suicide
Dans cet amas d'argiles ruées
Ô la terre avance ses vierges
Apitoyée cette île et pitoyable
Elle vit de mots dérivés
Comme un halo de naufragés
À la rencontre des rochers
Elle a besoin de mots qui durent
Et font le ciel et l'horizon
Plus brouillés que les yeux de femmes
Plus nets que regards d'homme seul
Ce sont les mots de la Mesure
Et le tambour à peine tu
Au tréfonds désormais remue
Son attente d'autres rivages
L'après-midi le Soir les masures
Le poing calé dans le bois dur
La main qui fleurit la douleur
La main qui leva l'horizon
Sur vos chemins quelle chanson
A pu défendre la clarté
Sur vos yeux que l'amour brûla
Quelle terre s'est déposée
Outre mer est la chasteté
Des incendiaires dans les livres
Mais le feu dans le réel et le jour
C'est ce courage des vivants
Ils font l'oiseau ils font l'écume
Et la maison des laves parfois
Ils font la richesse des douves
Et la récolte du passé
Ils obéissent à leurs mains
Fabriquant des échos sans nombre
Et le ciel et sa pureté fuient
Cette pureté de rocailles
Ils font les terres qui les font
Les avenirs qui les épargnent
Ô les filaos les grandissent
Sur les crêtes du souvenir
Mulets serpents et mangoustes
Font ces hommes violents et doux
Et la lumière les aveugle
La nuit au bord des routes coloniales
Toute parole est une terre
Il est de fouiller son sous-sol
Où un espace meuble est gardé
Brûlant, pour ce que l'arbre dit
C'est là que dorment les tam-tams
Dormant ils rêvent de flambeaux
Leur rêve bruit en marée
Dans le sous-sol des mots mesurés
Leur rêve berce dans vos yeux
Des paniques des maelströms
Plus agités que la brousse profonde
Lorsque passe le clair disant
Beauté sanguine des golfes
Ô c'est une plaie une plaie
Où danse le ciel, grave et lent
De voir des hommes nus et tels
Et l'île toute enfin repose
Dans le chaud des maturités
Mûr est le silence sur la ville
Mûre l'étoile dans la faim
Ce qui berce dans vos yeux son chant
Est la parure des troupeaux
L'herbe à taureaux pour les misaines
Le dur reflet des sels au sud
Rien ne distrait d'ordre les vies
Les hommes marchent les enfants rient
Voici la terre bâtée, consentante
De courants d'eau, de voilures
Quelle pensée raide parcourt
Les fibres les sèves les muscles
De la douleur a-t-on fait un mot
Un mot nouveau qui multiplie
Celui qui parmi les neiges enfante
Un paysage une ville des soifs
Celui qui range ses tambours ses étoffes
Dans la sablure des paroles
Guettant le saut des Eaux immenses
Le grand éclat des vagues Midi
Plus ardent que la morsure des givres
Plus retenu que votre impatience d'épine
Celui que prolonge l'attente
Et toutes les mains dans sa tête
Et toutes splendeurs dans sa nuit
Pour que la terre s'émerveille
Il accepte le bruit des mots
Plus égal que l'effroi des sources
Plus uni que la chair des plaines
Déchirée ensemencée
Sa clarté est dans l'océan
Dans la patience que traîne
Vers où nul oeil ne se distend
La flore d'îles du Levant
Ce qui berce en vos yeux son chant
Pour atteindre le matin ô connue
Inconnue c'est la chaleur fauve
Du Chaos où l'oeil enfin touche
Île ces requins vos fumures
Le charroi de votre sang l'homme
Et sa colline la femme et les cases
L'avenue dans ces miroirs les Mains
Est-ce oiseau, une racine qui gicle
Est-ce moisson, l'amitié grandie de la terre
La même couleur éclabousse, caresse
La souffrance est de ne pas voir
Beauté de ce peuple d'aimants
Dans la limaille végétale et vous
Je vous cerne comme la mer
Avec ses fumures d'épaves
Beauté des routes multicolores
Dans la savane que rumine
L'autan plein de mots à éclore
Je vous mène à votre seuil
Écoutant ruisseler mes tambours
Attendant l'éclat brusque des lames
L'éveil sur l'eau des danseurs
Et des chiens qui entre les jambes regardent
Dans ce bruit de fraternité
La pierre et son lichen ma parole
Juste mais vive demain pour vous
Telle fureur dans la douceur marine,
Je me fais mer où l'enfant va rêver.
Édouard Glissant
Savoir ce qui dans vos yeux berce
Une baie de ciel un oiseau
La mer, une caresse dévolue
Le soleil ici revenu
Beauté de l'espace ou otage
De l'avenir tentaculaire
Toute parole s'y confond
Avec le silence des Eaux
Beauté des temps pour un mirage
Le temps qui demeure est d'attente
Le temps qui vole est un cyclone
Où c'est la route éparpillée
L'après-midi s'est voilé
De lianes d'emphase et fureur
Glacée, de volcans amenés
Par la main à côté des sables
Le soir à son tour germera
Dans le pays de la douleur
Une main qui fuse le Soir
À son tour doucement tombera
Beauté d'attente Beauté des vagues
L'attente est presque un beaupré
Enlacé d'ailes et de vents
Comme un fouillis sur la berge
Chaque mot vient sans qu'on fasse
À peine bouger l'horizon
Le paysage est un tamis soudain
De mots poussés sous la lune
Savoir ce qui sur vos cheveux
Hagard étrenne ses attelages
Et le sel vient-il de la mer
Ou de cette voix qui circule
Abandonnés les tournoiements
D'aventure sur les tambours
L'assaut du sang dans les plaines
Son écume sur les Hauts
Abandonné le puits de souffrance
La souffrance au large du ciel emporte
Dans la foule des fromagers
Sa meute de mots et sa proie
Abandonnée tarie la mesure
Démesure des coutelas
Cette musique est au coeur
Comme un hameau de lassitude
Beauté plus rare que dans l'île
Ton grand chemin des hébétudes
Va-t-il enfouir son regard
Dans la terre, humide douce
Les hommes sortent de la terre
Avec leurs visages trop forts
Et l'appétit de leurs regards
Sur la voilure des clairières
Les femmes marchent devant eux
L'île toute est bientôt femme
Apitoyée sur elle-même mais crispant
Son désespoir dans son coeur nu
Et parmi les chants de midi
Ravinés de sueurs triomphales
Sur un cheval vient à passer
La morte demain la Pitié
L'île entière est une pitié
Qui sur soi-même se suicide
Dans cet amas d'argiles ruées
Ô la terre avance ses vierges
Apitoyée cette île et pitoyable
Elle vit de mots dérivés
Comme un halo de naufragés
À la rencontre des rochers
Elle a besoin de mots qui durent
Et font le ciel et l'horizon
Plus brouillés que les yeux de femmes
Plus nets que regards d'homme seul
Ce sont les mots de la Mesure
Et le tambour à peine tu
Au tréfonds désormais remue
Son attente d'autres rivages
L'après-midi le Soir les masures
Le poing calé dans le bois dur
La main qui fleurit la douleur
La main qui leva l'horizon
Sur vos chemins quelle chanson
A pu défendre la clarté
Sur vos yeux que l'amour brûla
Quelle terre s'est déposée
Outre mer est la chasteté
Des incendiaires dans les livres
Mais le feu dans le réel et le jour
C'est ce courage des vivants
Ils font l'oiseau ils font l'écume
Et la maison des laves parfois
Ils font la richesse des douves
Et la récolte du passé
Ils obéissent à leurs mains
Fabriquant des échos sans nombre
Et le ciel et sa pureté fuient
Cette pureté de rocailles
Ils font les terres qui les font
Les avenirs qui les épargnent
Ô les filaos les grandissent
Sur les crêtes du souvenir
Mulets serpents et mangoustes
Font ces hommes violents et doux
Et la lumière les aveugle
La nuit au bord des routes coloniales
Toute parole est une terre
Il est de fouiller son sous-sol
Où un espace meuble est gardé
Brûlant, pour ce que l'arbre dit
C'est là que dorment les tam-tams
Dormant ils rêvent de flambeaux
Leur rêve bruit en marée
Dans le sous-sol des mots mesurés
Leur rêve berce dans vos yeux
Des paniques des maelströms
Plus agités que la brousse profonde
Lorsque passe le clair disant
Beauté sanguine des golfes
Ô c'est une plaie une plaie
Où danse le ciel, grave et lent
De voir des hommes nus et tels
Et l'île toute enfin repose
Dans le chaud des maturités
Mûr est le silence sur la ville
Mûre l'étoile dans la faim
Ce qui berce dans vos yeux son chant
Est la parure des troupeaux
L'herbe à taureaux pour les misaines
Le dur reflet des sels au sud
Rien ne distrait d'ordre les vies
Les hommes marchent les enfants rient
Voici la terre bâtée, consentante
De courants d'eau, de voilures
Quelle pensée raide parcourt
Les fibres les sèves les muscles
De la douleur a-t-on fait un mot
Un mot nouveau qui multiplie
Celui qui parmi les neiges enfante
Un paysage une ville des soifs
Celui qui range ses tambours ses étoffes
Dans la sablure des paroles
Guettant le saut des Eaux immenses
Le grand éclat des vagues Midi
Plus ardent que la morsure des givres
Plus retenu que votre impatience d'épine
Celui que prolonge l'attente
Et toutes les mains dans sa tête
Et toutes splendeurs dans sa nuit
Pour que la terre s'émerveille
Il accepte le bruit des mots
Plus égal que l'effroi des sources
Plus uni que la chair des plaines
Déchirée ensemencée
Sa clarté est dans l'océan
Dans la patience que traîne
Vers où nul oeil ne se distend
La flore d'îles du Levant
Ce qui berce en vos yeux son chant
Pour atteindre le matin ô connue
Inconnue c'est la chaleur fauve
Du Chaos où l'oeil enfin touche
Île ces requins vos fumures
Le charroi de votre sang l'homme
Et sa colline la femme et les cases
L'avenue dans ces miroirs les Mains
Est-ce oiseau, une racine qui gicle
Est-ce moisson, l'amitié grandie de la terre
La même couleur éclabousse, caresse
La souffrance est de ne pas voir
Beauté de ce peuple d'aimants
Dans la limaille végétale et vous
Je vous cerne comme la mer
Avec ses fumures d'épaves
Beauté des routes multicolores
Dans la savane que rumine
L'autan plein de mots à éclore
Je vous mène à votre seuil
Écoutant ruisseler mes tambours
Attendant l'éclat brusque des lames
L'éveil sur l'eau des danseurs
Et des chiens qui entre les jambes regardent
Dans ce bruit de fraternité
La pierre et son lichen ma parole
Juste mais vive demain pour vous
Telle fureur dans la douceur marine,
Je me fais mer où l'enfant va rêver.
Édouard Glissant
Lever d'aube
Drapée en sa cape de veuve,
S'efface à pas discrets la nuit
Voici poindre la clarté neuve
De l'aube qui s'épanouit.
Elle promène sur les choses
Son beau regard silencieux
Et la mer se jonche de roses
Sous la caresse de ses yeux.
Pour son adorable venue
Le désert du ciel s'est paré...
Salut, déesse chaste et nue,
Fille de l'Orient sacré !
Et soudain tout vit. Les nuages
Tendent leurs voiles au vent frais ;
L'allègre chanson des voyages
Se réveille dans leurs agrès.
Et la pensée au coeur de flamme,
Soeur pure de l'aube qui luit,
Erige, comme elle, dans l'âme
Son front clair, vainqueur de la nuit.
Anatole Le Braz
Ah !
J'y suis.
Merci Zagreus
Le Rien
J’ai traversé le Rien
Aux jours de mon enfance
Déchiffrant la mort
En nos corps d’argile
Et de brièveté
J’ai récusé l’orgueil
Disloqué les triomphes
Dévoilé notre escale
Et sa précarité
Cependant j’y ai cru
A nos petites existences
A ses saveurs d’orage
Aux foudres du bonheur
A ses éveils ses percées
Ses troubles ou ses silences
A ses fougues du présent
A ses forces d’espérance
Au contenu des heures
J’y ai cru tellement cru
Aux couleurs éphémères
Aux bienfaits de l’aube
Aux largesses des nuits
Oubliant que plus loin
Vers les courbures du temps
L’explosion fugace
Ne laissera aucune trace
De nos vies consumées
Et qu’un jour notre Planète
A bout de souffle
Se détruirait
Andrée Chédid
J’ai traversé le Rien
Aux jours de mon enfance
Déchiffrant la mort
En nos corps d’argile
Et de brièveté
J’ai récusé l’orgueil
Disloqué les triomphes
Dévoilé notre escale
Et sa précarité
Cependant j’y ai cru
A nos petites existences
A ses saveurs d’orage
Aux foudres du bonheur
A ses éveils ses percées
Ses troubles ou ses silences
A ses fougues du présent
A ses forces d’espérance
Au contenu des heures
J’y ai cru tellement cru
Aux couleurs éphémères
Aux bienfaits de l’aube
Aux largesses des nuits
Oubliant que plus loin
Vers les courbures du temps
L’explosion fugace
Ne laissera aucune trace
De nos vies consumées
Et qu’un jour notre Planète
A bout de souffle
Se détruirait
Andrée Chédid
De cet amour ardent je reste émerveillée
Je reste émerveillée
Du clapotis de l'eau
Des oiseaux gazouilleurs
Ces bonheurs de la terre
Je reste émerveilée
D'un amour
Invincible
Toujours présent
Je reste émerveillée
De cet amour
Ardent
Qui ne craint
Ni le torrent du temps
Ni l'hécatombe
Des jours accumulés
Dans mon miroir
Défraîchi
Je me souris encore
Je reste émerveillée
Rien n'y fait
L'amour s"est implanté
Une fois
Pour toutes.
De cet amour ardent je reste émerveillée.
Andrée Chédid (morte dimanche à 90 ans)
Je reste émerveillée
Du clapotis de l'eau
Des oiseaux gazouilleurs
Ces bonheurs de la terre
Je reste émerveilée
D'un amour
Invincible
Toujours présent
Je reste émerveillée
De cet amour
Ardent
Qui ne craint
Ni le torrent du temps
Ni l'hécatombe
Des jours accumulés
Dans mon miroir
Défraîchi
Je me souris encore
Je reste émerveillée
Rien n'y fait
L'amour s"est implanté
Une fois
Pour toutes.
De cet amour ardent je reste émerveillée.
Andrée Chédid (morte dimanche à 90 ans)
Saison des hommes
Sachant qu’elle nous sera ôtée,
Je m’émerveille de croire en notre saison,
Et que nos cœurs chaque fois
Refusent l’ultime naufrage.
Que demain puisse compter,
Quand tout est abandon ;
Que nous soyons ensemble
Égarés et lucides,
Ardents et quotidiens,
Et que l’amour demeure après le discrédit.
Je m’émerveille du rêve qui sonde l’avenir,
Des soifs que rien ne désaltère.
Que nous soyons chasseurs et gibiers à la fois,
Gladiateurs d’infini et captifs d’un mirage.
Les dés étant formels et la mort souveraine,
Je m’émerveille de croire en notre saison.
Andrée Chédid
Sachant qu’elle nous sera ôtée,
Je m’émerveille de croire en notre saison,
Et que nos cœurs chaque fois
Refusent l’ultime naufrage.
Que demain puisse compter,
Quand tout est abandon ;
Que nous soyons ensemble
Égarés et lucides,
Ardents et quotidiens,
Et que l’amour demeure après le discrédit.
Je m’émerveille du rêve qui sonde l’avenir,
Des soifs que rien ne désaltère.
Que nous soyons chasseurs et gibiers à la fois,
Gladiateurs d’infini et captifs d’un mirage.
Les dés étant formels et la mort souveraine,
Je m’émerveille de croire en notre saison.
Andrée Chédid
LA VIE EST BELLE, de Jacques Prévert
Oranges des orangers
Citrons des citronniers
Olives des oliviers
Ronces des ronceraies
Mystères fastueux et journaliers :
La Vie est belle
Je me tue à vous le dire
Dit la fleur
Et elle meurt.
Oranges des orangers
Citrons des citronniers
Olives des oliviers
Ronces des ronceraies
Mystères fastueux et journaliers :
La Vie est belle
Je me tue à vous le dire
Dit la fleur
Et elle meurt.
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