Ce n'est pas un poème mais plein de poésie :
Les mots dormaient.
Ils s'étaient posés sur les branches des arbres et ne bougeaient plus. Nous marchions doucement sur le sable pour ne pas les réveiller. Bêtement, je tendais l'oreille : j'aurai tant voulu surprendre leurs rêves. J'aimerais tellement savoir ce qui se passe dans la tête des mots. Bien sûr, je n'entendais rien. Rien que le grondement sourd du ressac. Là bas, derrière la colline. Et un vent léger. Peut être seulement le souffle de la planète Terre avançant dans la nuit.
Nous approchions d'un bâtiment qu'éclairait mal une croix rouge tremblotante.
- Voici l'hôpital, murmura Monsieur Henri.
Je frissonnai.
L'hôpital? Un hôpital pour les mots? Je n'arrivais pas à y croire. La honte m'envahit. Quelque chose me disait que, leurs souffrances, nous en étions, nous les humains, responsables.(...)
Il n'y a pas d'accueil ni d'infirmiers dans un hôpital de mots. Les couloirs étaient vides. Seules nous guidaient les lueurs bleues des veilleuses.Malgré nos précautions, nos semelles couinaient sur le sol.
Comme en réponse, un bruit très faible se fit entendre. Par deux fois. Un gémissement très doux. Il passait sous l'une des portes, telle une lettre qu'on glisse discrètement, pour ne pas déranger.(...)
Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue :
JE T'AIME
Trois mots maigres et pâles, si pâles (...)
Il me sembla qu'elle nous souriait, la petite phrase.
Il me sembla qu'elle nous parlait :
-Je suis un peu fatiguée. Il parait que j'ai trop travaillé. Il faut que je me repose (...)
- C'est un peu dur la nuit. Le jour, les autres mots viennent me tenir compagnie.
-Ne parle plus? Repose-toi, tu nous a tant donné, reprends des forces, nous avons trop besoin de toi.
(...)
Je t'aime. Tout le monde dit et répète "je t'aime". Il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s'usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver...
Erik Orsenna extrait de "La grammaire est une chanson douce"
Et pourquoi,chère Piero,ne serait-ce pas de la poésie??.....
La poésie,ce ne sont pas toujours et obligatoirement des rimes,des vers,des pieds,bonté!!!!!!!!!
La poésie,c'est entendre la douceur ou la passion,vibrer au son des oiseaux et de leurs chants,se laisser porter par les murmures d'une rivière qui coule,là,près de toi,lorsque tu lis;c'est s'émouvoir d'un sourire et de ces mots non-dits pensés si fort qu'ils te pénètrent;c'est rêver tout haut avec des mots,des sons,savoir être à l'unisson de ces instants qui nous transportent ailleurs quelques instants,hors des murs de nos douleurs...
C'est tout cela,pour moi,la poésie...et elle est infinie..
Savoir,juste,entendre,écouter,regarder;savoir se laisser pénétrer de sensations,de la sève d'autres émotions que nous ne saurions mettre en mots...
Si la poésie doit être figée par des contraintes écrites,elle est perdue et se perdra à tout jamais....
(Et,en aparté,juste ajouter ceci:le grand tort de certains "esprits " est bien de vouloir soumettre à des normes,des contraintes,des obligations..et,ce,sur quelque plan que tu te places..
Cela m'a,d'ailleurs,conduite,ces derniers jours,à le mettre en mots-pour moi-même!-tant je "fume" de colère!).
Cela m'a,d'ailleurs,conduite,ces derniers jours,à le mettre en mots-pour moi-même!-tant je "fume" de colère!).
Mais c'est de la poésie! c'est pour cette raison que je l'ai posté ici!
La poésie est une maladie.
Une maladie non orpheline puisqu’elle est fille du langage et de l’émotion.
Comme la frénésie, elle se traduit par une exaltation qui met parfois hors de soi,
comme l’hérésie, elle heurte la raison,
comme l’énurésie, elle peut-être inconsciente, et laisser des traces sur le papier,
comme la pleurésie, elle enflamme le thorax,
comme le kinési, elle est mouvement, chaleur, froid, elle sollicite les muscles, les tendons, et comme le revenez-y, elle ne vous lâche pas comme ça !
L’individu atteint de poésie, appelé poète pour qu’on ne l’écrase pas à un carrefour, a des troubles de la vision et de la perception, il lui arrive de voir à la place d’une table un bout de mer, un miroir, la tristesse ou même une enclume. Pour le poète, les voyelles ont des couleurs, et le ciel pèse comme un couvercle. Selon qu’il s’appelle Guillaume Apollinaire ou Allain Leprest (avec deux ailes) le poète voit passer sous le Pont Mirabeau nos amours ou des hydrocarbures.
Le poète a fait des études jusqu’à la licence, dite poétique, mais il n’a pas de travail pour autant. Pour subsister il fait la manche, ou l’océan, ou le ruisseau. Il se nourrit à la source et malgré ses dents de lait et ses griffes en coton, mord à même le monde.
Les poètes les plus atteints sont enfermés dans des sortes de prisons dorées qu’on nomme anthologies, mais qui ne sont pas toutes l’œuvre de Georges Pompidou. La promiscuité y est douteuse et le sale type qui monte la garde s’appelle Michard.
La poésie est une maladie incurable. Mais c’est une des rares maladies qui se prolonge après la mort. C’est d’ailleurs souvent après la mort qu’elle devient contagieuse. Et c’est grâce à cette hypothétique promesse de contagion, que beaucoup de gens tristement sains fréquentent les poètes morts, dans l’espoir secret d’attraper leur maladie…
Une maladie non orpheline puisqu’elle est fille du langage et de l’émotion.
Comme la frénésie, elle se traduit par une exaltation qui met parfois hors de soi,
comme l’hérésie, elle heurte la raison,
comme l’énurésie, elle peut-être inconsciente, et laisser des traces sur le papier,
comme la pleurésie, elle enflamme le thorax,
comme le kinési, elle est mouvement, chaleur, froid, elle sollicite les muscles, les tendons, et comme le revenez-y, elle ne vous lâche pas comme ça !
L’individu atteint de poésie, appelé poète pour qu’on ne l’écrase pas à un carrefour, a des troubles de la vision et de la perception, il lui arrive de voir à la place d’une table un bout de mer, un miroir, la tristesse ou même une enclume. Pour le poète, les voyelles ont des couleurs, et le ciel pèse comme un couvercle. Selon qu’il s’appelle Guillaume Apollinaire ou Allain Leprest (avec deux ailes) le poète voit passer sous le Pont Mirabeau nos amours ou des hydrocarbures.
Le poète a fait des études jusqu’à la licence, dite poétique, mais il n’a pas de travail pour autant. Pour subsister il fait la manche, ou l’océan, ou le ruisseau. Il se nourrit à la source et malgré ses dents de lait et ses griffes en coton, mord à même le monde.
Les poètes les plus atteints sont enfermés dans des sortes de prisons dorées qu’on nomme anthologies, mais qui ne sont pas toutes l’œuvre de Georges Pompidou. La promiscuité y est douteuse et le sale type qui monte la garde s’appelle Michard.
La poésie est une maladie incurable. Mais c’est une des rares maladies qui se prolonge après la mort. C’est d’ailleurs souvent après la mort qu’elle devient contagieuse. Et c’est grâce à cette hypothétique promesse de contagion, que beaucoup de gens tristement sains fréquentent les poètes morts, dans l’espoir secret d’attraper leur maladie…
J'ai oublié de signaler que ce texte est de Vincent Rocca
Puisque tout passe...
Puisque tout passe, faisons
la mélodie passagère ;
celle qui nous désaltère,
aura de nous raison.
Chantons ce qui nous quitte
avec amour et art ;
soyons plus vite
que le rapide départ.
Rainer Maria Rilke
Puisque tout passe, faisons
la mélodie passagère ;
celle qui nous désaltère,
aura de nous raison.
Chantons ce qui nous quitte
avec amour et art ;
soyons plus vite
que le rapide départ.
Rainer Maria Rilke
Ah ! c'est un rêve ! non ! nous n'y consentons point
Ah ! c'est un rêve ! non ! nous n'y consentons point.
Dresse-toi, la colère au coeur, l'épée au poing,
France ! prends ton bâton, prends ta fourche, ramasse
Les pierres du chemin, debout, levée en masse !
France ! qu'est-ce que c'est que cette guerre-là ?
Nous refusons Mandrin, Dieu nous doit Attila.
Toujours, quand il lui plaît d'abattre un grand empire,
Un noble peuple, en qui le genre humain respire,
Rome ou Thèbes, le sort respectueux se sert
De quelque monstre auguste et fauve du désert.
Pourquoi donc cet affront ? c'est trop. Tu t'y résignes,
Toi, France ? non, jamais. Certes, nous étions dignes
D'être dévorés, peuple, et nous sommes mangés !
C'est trop de s'être dit : - Nous serons égorgés
Comme Athène et Memphis, comme Troie et Solime,
Grandement, dans l'éclair d'une lutte sublime ! -
Et de se sentir mordre, en bas, obscurément,
Dans l'ombre, et d'être en proie à ce fourmillement,
Les pillages, les vols, les pestes, les famines
D'espérer les lions, et d'avoir les vermines !
Victor Hugo
Ah ! c'est un rêve ! non ! nous n'y consentons point.
Dresse-toi, la colère au coeur, l'épée au poing,
France ! prends ton bâton, prends ta fourche, ramasse
Les pierres du chemin, debout, levée en masse !
France ! qu'est-ce que c'est que cette guerre-là ?
Nous refusons Mandrin, Dieu nous doit Attila.
Toujours, quand il lui plaît d'abattre un grand empire,
Un noble peuple, en qui le genre humain respire,
Rome ou Thèbes, le sort respectueux se sert
De quelque monstre auguste et fauve du désert.
Pourquoi donc cet affront ? c'est trop. Tu t'y résignes,
Toi, France ? non, jamais. Certes, nous étions dignes
D'être dévorés, peuple, et nous sommes mangés !
C'est trop de s'être dit : - Nous serons égorgés
Comme Athène et Memphis, comme Troie et Solime,
Grandement, dans l'éclair d'une lutte sublime ! -
Et de se sentir mordre, en bas, obscurément,
Dans l'ombre, et d'être en proie à ce fourmillement,
Les pillages, les vols, les pestes, les famines
D'espérer les lions, et d'avoir les vermines !
Victor Hugo
Encore frissonnant
Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.
Jules Supervielle
Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.
Jules Supervielle
UNE VIE DE CHIEN
Je me couche toujours très tôt et fourbu, et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée.
Possible qu'on ne relève rien mais moi, ce qui m'étonne, c'est que je puisse tenir bon jusqu'au soir, et que je ne sois pas obligé d'aller me coucher dès les quatre heures de l'après-midi.
Ce qui me fatigue ainsi, ce sont mes interventions continuelles.
J'ai déjà dit que dans la rue je me battais avec tout le monde; je gifle l'un, je prends les seins aux femmes, et me servant de mon pied comme d'un tentacule, je mets la panique dans les voitures du Métropolitain.
Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l'attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l'auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m'est nécessaire.
Parfois, certains mots restent comme des tours. Je dois m'y prendre à plusieurs reprises et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d'une idée, je revois cette tour. Je ne l'avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison, et je passe ainsi un temps interminable.
Et le livre lu en entier, je me lamente, car je n'ai rien compris... naturellement. N'ai pu me grossir de rien. Je reste maigre et sec.
Je pensais, n'est-ce pas , que quand j'aurais tout détruit, j'aurais de l'équilibre. Possible. Mais cela tarde, cela tarde bien.
Henri Michaux
Je me couche toujours très tôt et fourbu, et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée.
Possible qu'on ne relève rien mais moi, ce qui m'étonne, c'est que je puisse tenir bon jusqu'au soir, et que je ne sois pas obligé d'aller me coucher dès les quatre heures de l'après-midi.
Ce qui me fatigue ainsi, ce sont mes interventions continuelles.
J'ai déjà dit que dans la rue je me battais avec tout le monde; je gifle l'un, je prends les seins aux femmes, et me servant de mon pied comme d'un tentacule, je mets la panique dans les voitures du Métropolitain.
Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l'attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l'auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m'est nécessaire.
Parfois, certains mots restent comme des tours. Je dois m'y prendre à plusieurs reprises et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d'une idée, je revois cette tour. Je ne l'avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison, et je passe ainsi un temps interminable.
Et le livre lu en entier, je me lamente, car je n'ai rien compris... naturellement. N'ai pu me grossir de rien. Je reste maigre et sec.
Je pensais, n'est-ce pas , que quand j'aurais tout détruit, j'aurais de l'équilibre. Possible. Mais cela tarde, cela tarde bien.
Henri Michaux
CHOEUR D'ENFANTS
Tout ça qui a commencé
il faut bien que ça finisse
la maison zon sous l'orage
le bateau dans le naufrage
le voyageur chez les sauvages.
Ce qui s'est manifesté
il faut que ça disparaisse
feuilles vertes de l'été
espoir jeunesse et beauté
anciennes vérités.
Moralité:
Si vous ne voulez rien finir
évitez de rien commencer.
Si vous ne voulez pas mourir,
quelques mois avant dé naître
faites-vous décommander.
Jean Tardieu
Tout ça qui a commencé
il faut bien que ça finisse
la maison zon sous l'orage
le bateau dans le naufrage
le voyageur chez les sauvages.
Ce qui s'est manifesté
il faut que ça disparaisse
feuilles vertes de l'été
espoir jeunesse et beauté
anciennes vérités.
Moralité:
Si vous ne voulez rien finir
évitez de rien commencer.
Si vous ne voulez pas mourir,
quelques mois avant dé naître
faites-vous décommander.
Jean Tardieu
Encore frissonnant
Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.
Jules Supervielle
Beaucoup aimé,Zagreus..Les 3,d'ailleurs..
GRIFOUILLIS
dans le fouillis gris
La douleur
des fois c'est à vomir, trop à voir, à ressentir,
mon cœur a mal à la tête et ma tête a
des haut-le-cœur.
Mais les amibes de nos amis sont nos amibes, et
quand ceux que j'aime s'abîment et tombent
dans leurs petits abîmes, avec eux je tombe
et j'ai peur de les perdre,
c'est toujours pareil, un beau jour de
calendrier, il y a eu quelque chose
de cassé,
aucune vitre ne me reste tellement elle
a été brisée, qui, la vitre,
quelle vitre, quelle huître,
le vitrier est un ouvrier,
l'huîtrier est un oiseau,
et les huîtriers du Congo tombent
de vertige des roseaux,
rien à faire quoi qu'on dise,
se taire,
je ne suis pas le aujourd'hui, je suis
le hier, et demain je
le refuse des deux mains.
Dès demain, j'essaierai
mais qu'est-ce que j'essaierai...
Jacques Prévert
dans le fouillis gris
La douleur
des fois c'est à vomir, trop à voir, à ressentir,
mon cœur a mal à la tête et ma tête a
des haut-le-cœur.
Mais les amibes de nos amis sont nos amibes, et
quand ceux que j'aime s'abîment et tombent
dans leurs petits abîmes, avec eux je tombe
et j'ai peur de les perdre,
c'est toujours pareil, un beau jour de
calendrier, il y a eu quelque chose
de cassé,
aucune vitre ne me reste tellement elle
a été brisée, qui, la vitre,
quelle vitre, quelle huître,
le vitrier est un ouvrier,
l'huîtrier est un oiseau,
et les huîtriers du Congo tombent
de vertige des roseaux,
rien à faire quoi qu'on dise,
se taire,
je ne suis pas le aujourd'hui, je suis
le hier, et demain je
le refuse des deux mains.
Dès demain, j'essaierai
mais qu'est-ce que j'essaierai...
Jacques Prévert
Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne
Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle !
Charles Baudelaire
Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
Ô vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle !
Charles Baudelaire
Mon âme, en une rose
Mon âme, en une rose,
Est morte de douleur :
C'est l'histoire morose
Du rêve et de la fleur.
Je n'irai pas la dire
Sur les routes du roi ;
Je crois, Dame et Messire,
Que vous ririez de moi.
Voici le vent d'automne
Sur mon âme et les fleurs ;
Et pourtant je m'étonne
De tout ce ciel en pleurs.
O rose de mon rêve,
Fleuriras-tu jamais ?
Naîtras-tu de sa sève,
Stuart Merrill
Mon âme, en une rose,
Est morte de douleur :
C'est l'histoire morose
Du rêve et de la fleur.
Je n'irai pas la dire
Sur les routes du roi ;
Je crois, Dame et Messire,
Que vous ririez de moi.
Voici le vent d'automne
Sur mon âme et les fleurs ;
Et pourtant je m'étonne
De tout ce ciel en pleurs.
O rose de mon rêve,
Fleuriras-tu jamais ?
Naîtras-tu de sa sève,
Stuart Merrill
Mon âme, en une rose
Mon âme, en une rose,
Est morte de douleur :
C'est l'histoire morose
Du rêve et de la fleur.
Je n'irai pas la dire
Sur les routes du roi ;
Je crois, Dame et Messire,
Que vous ririez de moi.
Voici le vent d'automne
Sur mon âme et les fleurs ;
Et pourtant je m'étonne
De tout ce ciel en pleurs.
O rose de mon rêve,
Fleuriras-tu jamais ?
Naîtras-tu de sa sève,
Amour,aux futurs Mais?...
Stuart Merrill
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie,
Car je n'en vois nulle autre réciproque ;
Plus je me tais et plus je suis marrie,
Car ma mémoire, en pensant, me révoque
Tous mes ennuis, dont souvent je me moque
Devant chacun, pour montrer mon bon sens ;
A mon malheur moi-même me consens,
En le célant, par quoi donc je conclus
Que, pour ôter la douleur que je sens,
Je parlerai mais je n'aimerai plus.
Marguerite de Navarre
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie,
Car je n'en vois nulle autre réciproque ;
Plus je me tais et plus je suis marrie,
Car ma mémoire, en pensant, me révoque
Tous mes ennuis, dont souvent je me moque
Devant chacun, pour montrer mon bon sens ;
A mon malheur moi-même me consens,
En le célant, par quoi donc je conclus
Que, pour ôter la douleur que je sens,
Je parlerai mais je n'aimerai plus.
Marguerite de Navarre
La blessure
1
Les feuilles qui dorment sous le vent
sont navire pour la blessure
Le temps périssable est gloire de la blessure
et les arbres qui grimpent sous nos cils
sont lac pour la blessure
La blessure est dans les passerelles
quand la tombe s'allonge
quand la patience se prolonge
entre les rives de notre amour,de notre mort
Et la blessure est signe-
elle est dans les traversées
3
Je t'ai nommée nuage
ô blessure,tourterelle du départ
Je t'ai nommée plume et livre
et me voici entamant un dialogue
avec la langue engloutie
dans les îles en partance
dans l'archipel de la chute ancienne
Me voici enseignant le dialogue
au vent et aux palmiers
ô blessure,tourterelle du départ
4
Si m'appartenaient au pays des rêves et des miroirs
les espaces portuaires
si j'avais un navire
si j'avais les ruines d'une cité
si j'avais une cité dans la patrie des enfants
et des pleurs
j'aurais fusionné tout cela pour la blessure
en un chant qui telle une lance transpercerait
les arbres,les pierres et le ciel
chant velouté comme l'eau
rétif et atterré comme la victoire
5
Répands-toi en pluie sur nos déserts
ô monde paré du rêve et de la nostalgie
Répands-toi mais agite nous
nous,palmiers de la blessure
et casse pour nous deux branches
d'arbres amoureux du silence de la blessure
d'arbres qui veillent sur la blessure
cils et mains recourbés
O monde paré du rêve et de la nostalgie
monde qui t'échoues sur mon front
dessiné comme la blessure
ne t'approche pas-plus proche que toi est la blessure
ne me tente pas-plus belle que toi est la blessure
Et cette magie projetée par tes yeux
sur les royaumes ultimes
la blessure l'a distancée
Elle est passée
ne laissant derrière elle
ni île ni voile tentatrice
Adonis-Le charmeur de poussière
1
Les feuilles qui dorment sous le vent
sont navire pour la blessure
Le temps périssable est gloire de la blessure
et les arbres qui grimpent sous nos cils
sont lac pour la blessure
La blessure est dans les passerelles
quand la tombe s'allonge
quand la patience se prolonge
entre les rives de notre amour,de notre mort
Et la blessure est signe-
elle est dans les traversées
3
Je t'ai nommée nuage
ô blessure,tourterelle du départ
Je t'ai nommée plume et livre
et me voici entamant un dialogue
avec la langue engloutie
dans les îles en partance
dans l'archipel de la chute ancienne
Me voici enseignant le dialogue
au vent et aux palmiers
ô blessure,tourterelle du départ
4
Si m'appartenaient au pays des rêves et des miroirs
les espaces portuaires
si j'avais un navire
si j'avais les ruines d'une cité
si j'avais une cité dans la patrie des enfants
et des pleurs
j'aurais fusionné tout cela pour la blessure
en un chant qui telle une lance transpercerait
les arbres,les pierres et le ciel
chant velouté comme l'eau
rétif et atterré comme la victoire
5
Répands-toi en pluie sur nos déserts
ô monde paré du rêve et de la nostalgie
Répands-toi mais agite nous
nous,palmiers de la blessure
et casse pour nous deux branches
d'arbres amoureux du silence de la blessure
d'arbres qui veillent sur la blessure
cils et mains recourbés
O monde paré du rêve et de la nostalgie
monde qui t'échoues sur mon front
dessiné comme la blessure
ne t'approche pas-plus proche que toi est la blessure
ne me tente pas-plus belle que toi est la blessure
Et cette magie projetée par tes yeux
sur les royaumes ultimes
la blessure l'a distancée
Elle est passée
ne laissant derrière elle
ni île ni voile tentatrice
Adonis-Le charmeur de poussière
L'appel
Crier les mots prisonniers
En oiseaux d'une cage libérés.
Crier le feu de l'abcès
En poche volcanique évidée.
Crier la misère camouflée,
Derrière les murailles lézardées,
Dans la boue oubliée.
Crier l'injustice acharnée
Dans les basiliques marchandées
Crier les foules des muets muselés
Des affamés chercheurs du manger
Dans les poubelles de la rue.
Criez la misère et la peine!
Décriez la rage et la haine!
Youssef Ait Lemkadem
Crier les mots prisonniers
En oiseaux d'une cage libérés.
Crier le feu de l'abcès
En poche volcanique évidée.
Crier la misère camouflée,
Derrière les murailles lézardées,
Dans la boue oubliée.
Crier l'injustice acharnée
Dans les basiliques marchandées
Crier les foules des muets muselés
Des affamés chercheurs du manger
Dans les poubelles de la rue.
Criez la misère et la peine!
Décriez la rage et la haine!
Youssef Ait Lemkadem
Brumes et pluies
Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
Charles Baudelaire
Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
Charles Baudelaire
Bon conseil aux amants
L'amour fut de tout temps un bien rude Ananké.
Si l'on ne veut pas être à la porte flanqué,
Dès qu'on aime une belle, on s'observe, on se scrute ;
On met le naturel de côté ; bête brute,
On se fait ange ; on est le nain Micromégas ;
Surtout on ne fait point chez elle de dégâts ;
On se tait, on attend, jamais on ne s'ennuie,
On trouve bon le givre et la bise et la pluie,
On n'a ni faim, ni soif, on est de droit transi ;
Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci :
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut :
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
C'est très simple. Pourtant c'est aller un peu vite,
Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe.
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme.
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé.
Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère
Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin.
Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ;
Adorez votre belle, et soyez plein d'astuce ;
N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe,
Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien.
Victor HUGO
L'amour fut de tout temps un bien rude Ananké.
Si l'on ne veut pas être à la porte flanqué,
Dès qu'on aime une belle, on s'observe, on se scrute ;
On met le naturel de côté ; bête brute,
On se fait ange ; on est le nain Micromégas ;
Surtout on ne fait point chez elle de dégâts ;
On se tait, on attend, jamais on ne s'ennuie,
On trouve bon le givre et la bise et la pluie,
On n'a ni faim, ni soif, on est de droit transi ;
Un coup de dent de trop vous perd. Oyez ceci :
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Etait fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre coeur tout brut :
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
C'est très simple. Pourtant c'est aller un peu vite,
Même lorsqu'on est ogre et qu'on est moscovite,
Que de gober ainsi les mioches du prochain.
Le bâillement d'un ogre est frère de la faim.
Quand la dame rentra, plus d'enfant. On s'informe.
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme.
As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé.
Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère
Furieuse qu'il eût soupé de son dauphin.
Que l'exemple vous serve ; aimez, mais soyez fin ;
Adorez votre belle, et soyez plein d'astuce ;
N'allez pas lui manger, comme cet ogre russe,
Son enfant, ou marcher sur la patte à son chien.
Victor HUGO
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