Shelton
avatar 26/03/2023 @ 10:48:04
Depuis que j’ai cessé de suivre des programmes que je subissais sans les avoir écrits et décidés, c'est-à-dire depuis que je ne travaille plus dans un cadre formel et institutionnel (école de formation et IUT), je suis beaucoup plus libre dans mon travail de recherche, de pédagogie, d’action culturelle et de réalisation médiatique… Après tout, je fais des conférences et des émissions de radio avec beaucoup de liberté… Je n’ai juste qu’à convaincre certains commanditaires et organisateurs que ce que je leur propose est pertinent (et ce n’est pas toujours si simple quand même !).

Après avoir travaillé presque deux ans sur la littérature française du XVII° siècle, il me semblait judicieux de changer un peu d’horizon !

Après quelques réflexions, discussions, échanges, rencontres et lectures, j’ai décidé de partir dans un champ que je n’avais, pour le moment, que très peu exploré, à savoir l’écriture autobiographique.

L’un de mes commanditaires réguliers m’offre un cycle de quatre conférences pour voyager dans cet univers spécifique et, à l’heure actuelle, je ne sais pas encore exactement comment je vais construire cette quadruple intervention mais j’ai décidé de venir régulièrement indiquer le chemin parcouru car je sais par expérience que les remarques faites ici peuvent aider à tenir la direction…

J’ai aussi demandé à une amie, lectrice-conteuse-actrice, de m’accompagner pour donner de la vie à certains textes, rompre la monotonie des lectures et, surtout, permettre à des textes de femmes d’être lus par une belle voix féminine…

Pour concrétiser tout cela, j’ai commencé par lire, relire et parfois entièrement découvrir certaines œuvres. C’est ainsi que j’ai en cours quelques livres que j’alterne pour ne pas saturer entièrement : Saint-Augustin, Montaigne, Madame de Sévigné, Saint-Simon, Rousseau, Chateaubriand, Lamartine, Sand, Léon Daudet, Gide, Frédéric Mistral, Colette, Alain, Annie Ernaux ou Paul Auster… J’ose même, avouons-le, glisser dans mes premières lectures quelques romans graphiques autobiographiques comme Fun home, Blankets ou S’il suffisait qu’on s’aime…

Je ne me suis pas donné de limites pour le moment et je n’exclus ni le travail épistolaire, ni le journal intime, ni certains réseaux sociaux… Progressivement, je vais resserrer le domaine et lui trouver de la transversalité, lui donner du sens pour que l’on puisse voyager en ma compagnie et avoir, surtout, envie de découvrir de nouveaux auteurs, de nouvelles œuvres…

Car l’important est bien d’aller lire par soi-même…

Bonne lecture à toutes et tous !

Saule

avatar 26/03/2023 @ 11:04:55
Tiens à te lire, il me vient à l'esprit que je ne lis jamais d'ouvrages autobiographiques. Le seul que j'ai en tete c'est celle de Jung "Ma vie", par ailleurs un ouvrage remarquable et qui m'avait énormément apporté. En écrivant ceci je pense aussi à Thérèse de Lisieux mais c'est différent

A part Ernaux et Auster, tout ceux que tu cites sont d'une époque passée, est-ce qu'on peut dire que c'est un genre qui est passé de mode ?

Voila un sujet de recherche qui me parait prometteur, je trouve que c'est génial de faire de la recherche dans son temps libre (vivement la retraite !)

Shelton
avatar 26/03/2023 @ 11:06:38
Et en te lisant, je réalise que j'avais un peu oublié certaines autobiographies religieuses...

Minoritaire

avatar 26/03/2023 @ 12:10:09
En lisant ton texte, le premier ouvrage autobiographique qui m'est venu à l'esprit est celui de Simone Signoret "La nostalgie n'est plus ce qu'elle était". Après, j'ai pensé à Cavanna, qui raconte sa vie dans " Ritals", Les Russkoffs" et la suite.
Je me rends compte que ce qui est intéressant dans ces œuvres, ce n'est pas ce que les auteurs disent d'eux-mêmes, mais ce qui transparait de l'époque où ils ont vécu.

Windigo
avatar 26/03/2023 @ 13:53:13
Je ne sais pas si cela peu aider, mais voici quand même quelques titres autobiographiques que j'ai lu au cours des trois ou quatre dernières années.

-Mémoires, de Brian Mulroney (C'est l'ancien premier ministre canadien)

-François Gendron: 42 ans de passion pour le Québec et ses régions, de Samuel Larochelle (Francois Gendron est un ancien député de l'Abitibi)

-I am morbid de Joel Mciver et David Vincent (David Vincent est l'ancien chanteur du groupe Morbid Angel)

-Michel Courtemanche: Face à faces de Jean-Yves Girard (Michel Courtemanche est un humoriste et acteur québécois)

-Le suppléant du Prince Harry (l'un des fils du roi Charles III et de Diana Spencer)

Sinon, as-tu songé à l'autofiction ? Y en a un que je compte lire d'ici peu, celui d'Yvan Godbout intitulé Auteur maudit, maudit auteur.

Shelton
avatar 26/03/2023 @ 17:00:08
Windigo tu ouvres aussi la porte des autobiographies politiques qui souvent tentent d'apporter des sortes de justifications à une action politique, diplomatique, militaire... A ne pas oublier !

Shelton
avatar 27/03/2023 @ 08:56:12
Pour prolonger la réflexion de Saule sur le fait que beaucoup d'autobiographie semblent venir du passé, il faut aussi constater que les réseaux sociaux permettent une nouvelle forme d'autobiographie, une nouvelle écriture de journal intime (qui du coup n'est plus si intime que cela...). Est-ce que cette nouvelle exposition de la personne doit être intégrée ou pas à la réflexion autobiographique, la question existe bien...

Martin1

avatar 27/03/2023 @ 11:06:23
Pourquoi ne pas jeter un coup d'oeil sur Choses Vues de Victor Hugo ? ça m'y fait penser d'un coup.

Avez-vous déjà tenté de coucher des petites parcelles, innocentes ou non, de votre vie? ça m'est arrivé, ici même.

Mais une autobiographie... je pense qu'une autobiographie est difficile à réussir. Il faut non seulement du liant (car notre tête est souvent pleine de souvenirs disjoints et dont la sélection est irrationnelle), mais aussi un vrai souci de la forme, et si possible, un sens profond à transmettre, et du recul sur soi. A quoi bon la raconter si ce n'est pas pour lui donner un certain sens, une intuition, une idée ? Quitte à se moquer ensuite, de cette même intuition, d'en montrer les limites.

D'ailleurs, tout le monde n'a pas une vie digne d'être contée.
Et tout le monde n'est pas capable de prendre un recul sur soi. Les Confessions de Rousseau sont un peu agaçantes, justement, par ce manque de recul. Formellement, c'est une réussite incontestable, mais foncièrement...


Saule

avatar 27/03/2023 @ 11:59:59
Me viens à l'esprit celle de Bruce Springsteen bien critiquée par Septu: https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/54464

En effet, tes petites parcelles racontées faisaient mouche Martin, il y en a eu d'autre aussi. C'est un bel exercice.

Shelton
avatar 27/03/2023 @ 14:51:18
Sinon, as-tu songé à l'autofiction ? Y en a un que je compte lire d'ici peu, celui d'Yvan Godbout intitulé Auteur maudit, maudit auteur.


Là, je suis plus prudent. S'il s'agit de l'autobiographie romancée, ça entre bien dans ma réflexion initiale, s'il s'agit comme dans certains cas d'une fiction totale où seul le personnage central ressemble à celui de l'auteur, pour moi, dans le cadre de ma recherche, ce sera hors champ !

Patman
avatar 27/03/2023 @ 15:58:37
Moi j'ai beaucoup aimé celle-ci : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/24848

Hiram33

avatar 27/03/2023 @ 16:23:20
Saluton kamaradoj,

J'ai beaucoup aimé "Histoire de ma vie" de Charlie Chaplin. Il y raconte des anecdotes qui n'ont pas de prix comme la découverte de la théorie de la relativité par Einstein, un soir où le scientifique avait trouvé l'inspiration en jouant du piano

https://google.fr/books/edition/…

Shelton
avatar 27/03/2023 @ 16:50:59
Avant de vous expliquer mon cheminement et la façon dont je compte catégoriser les œuvres que je vais classer dans le travail autobiographique, je vais prendre le temps de vous expliquer comment cela est généralement classé de façon universitaire même si je compte bien prendre mes libertés chaque fois que je l’estimerai nécessaire, utile ou pertinent !

En France, le mot est identifié à partir de 1830 même si l’autobiographie existe depuis beaucoup plus longtemps. De façon formelle et classique, on peut dire qu’une autobiographie est ce qu’une personne raconte d’elle-même. Le récit de sa vie peut être écrit de façon chronologique ou pas, à la première personne ou pas, de façon totale ou partielle… La personne, actrice et objet de cette autobiographie, pouvant être écrivain ou pas.

On mesure donc que cette autobiographie peut être romancée ou pas, en prose ou en vers, même en roman graphique…

Il n’en reste pas moins qu’une autobiographie, écrite avec une aide extérieure comme c’est souvent le cas pour des personnalités, pourra être considérée par certains comme autobiographie tandis que d’autres la nommerons plutôt « document »…

Enfin, le journal, les mémoires et les recueils épistolaires ne sont pas à proprement parler des autobiographies, et, pourtant, je ne les exclue pas de mon champ de réflexion… C’est mon choix !

Enfin, les différents éléments autobiographiques que les personnes peuvent mettre sur Internet, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, sont parfois difficiles à classer car dans certains cas ce sera très proche du journal, dans d’autres des mémoires ou de l’autobiographie parcellaire…

On comprendra bien que tout cela est complexe et qu’il va falloir que je précise bien mon cheminement et les limites que je serai amené à poser…

Enfin, pour clore ce petit point, pensons à Proust dont l’œuvre navigue évidement entre romanesque et roman autobiographique… Une œuvre de fiction peut être écrite à la première personne et inclure des éléments autobiographiques sans être pour autant une autobiographie au sens classique… Que de pièges !

Saint Jean-Baptiste 29/03/2023 @ 19:27:17
Eh bien, je t’admire Shelton, de te lancer dans un tel projet. Il faut avoir un projet quand on prend sa pension. Je pense que tu vas lire des beaux livres avec un autre regard et c’est une belle étude à faire.

Mais même en cherchant bien, je ne souviens pas d’avoir lu une autobiographie.
Il y a, bien sûr beaucoup de fausses autobiographies où l’auteur raconte sa vie à travers un personnage qui porte un autre nom. Ça lui donne alors toutes les libertés. Mais le plus souvent ce sont des tranche de vie ou le récit d’événements vécus, comme par exemple, « La Peur » de Gabriel Chevallier.

J’ai l’impression que dans une autobiographie l’auteur aura envie de raconter sa vie telle qu’il aurait voulu qu’elle se passe. Ou alors il aura tendance à se glorifier ou à se faire plus malheureux qu’il n’a été en réalité. Ça doit être difficile de se juger soi-même !

De toutes façons, on ne peut écrire une véritable autobiographie que si on a vécu une vie exceptionnelle. Sinon on écrit une succession d’événements dont on se souvient et ça donne des gnangnantises sans grand intérêt comme « Les Années » de Annie Arneaux.

Par contre, j’aime énormément les biographies. J’essaye toujours d’avoir sous la main une biographie et un roman.
Je viens de terminer « Les Grands Ducs de Bourgogne » de Joseph Calmette. C’est formidable ! Ce sont des personnages comme peu de romanciers pourraient les imaginer. Et je connais peu de romans qui soient aussi passionnants à lire.

Allez, bonne chance Shelton ! Et tu révéleras peut-être des autobiographies intéressantes…

Shelton
avatar 30/03/2023 @ 08:24:09
J’ai l’impression que dans une autobiographie l’auteur aura envie de raconter sa vie telle qu’il aurait voulu qu’elle se passe. Ou alors il aura tendance à se glorifier ou à se faire plus malheureux qu’il n’a été en réalité. Ça doit être difficile de se juger soi-même !


Très heureux de te lire cher Saint-Jean-Baptiste et ces remarques sur la véracité des autobiographies et la difficulté de se juger soi-même sont essentielles.

Je pense qu'il faut justement manier avec précaution ces autobiographies mais je pense que beaucoup sont sincères ce qui ne signifie pas véridiques. Une biographie écrite par une personne extérieure, si elle est bien faite, a pour mission de dire la "vérité". Et nous savons tous les deux, pour en avoir lues beaucoup que ce n'est pas toujours le cas, soit par mauvaise foi, soi par erreur historique, soit par manque de documents...

Dans l'autobiographie, la personne, si elle est bien de bonne foi, nous livre son point de vue, ses intentions, ses actions... Il ne faut donc pas prendre tout pour argent comptant mais cela donne quand même un sacré éclairage sur la personne...

Certaines biographies sont même très pointues, très précises, très éclairantes pour le lecteur. Je pense par exemple pour illustrer mon propos à l'Autobiographie spirituelle de Simone Weil, Histoire d'une âme de Thérèse de Lisieux ou Confessions de Paul Verlaine...

Donc vaste sujet et sujet délicat...

Shelton
avatar 30/03/2023 @ 09:06:03
De toutes façons, on ne peut écrire une véritable autobiographie que si on a vécu une vie exceptionnelle. Sinon on écrit une succession d’événements dont on se souvient et ça donne des gnangnantises sans grand intérêt comme «Les Années» de Annie Ernaux.


Là, je mettrais un bémol avec une question lancinante : qu'est-ce qu'une vie exceptionnelle ?

J'enseignais à mes étudiants ce principe : chaque fois que tu vas interviewer une personne, pars du principe qu'elle est exceptionnelle, c'est-à-dire unique ! Une mère célibataire qui élève seule ses enfants et travaille en plus car elle ne peut pas s'en sortir autrement, est exceptionnelle et elle pourrait bien écrire une remarquable autobiographie ! Comme des parents qui perdent un enfant ! Comme un couple qui adopte un enfant ! Comme un pèlerin qui va à Saint-Jacques de Compostelle ! Et je ne vais pas étendre plus longtemps cet inventaire à la Prévert...

Par contre, tous les sujets ne me toucheront pas, là c'est bien une certitude !

Mais pour moi, chaque vie est unique, exceptionnelle et mérite dans l'absolu d'être racontée... Je n'ai pas dit éditée, vendue, mise en avant... Là c'est un tout autre problème !

Je n'ai pas dit non plus que certaines traces autobiographiques n'étaient pas plus fortes et intenses que d'autres... mais c'est quand même teinté de subjectivisme...

Feint

avatar 31/03/2023 @ 14:37:39
En contrepoint à l'autobiographie telle qu'elle est couramment pratiquée, je te recommande la lecture de Monotobio d'Eric Chevillard. Mon alter-ego l'avait évoqué lors de sa parution (en plein confinement hélas) : http://hublots2.blogspot.com/2020/03/…

Shelton
avatar 31/03/2023 @ 15:01:33
Merci Feint, je prends bien note !

Saint Jean-Baptiste 31/03/2023 @ 19:06:08
http://hublots2.blogspot.com/2020/03/…
@Feint
Effectivement, en lisant ce lien, on se rend compte que l’auteur d’une autobiographie choisit de sélectionner une série d’épisodes de sa vie dans le but de se faire valoir ou de se victimiser ou, simplement, d’amuser le lecteur.
Mais plus j’y pense, plus je me dis qu’il doit être bien difficile de raconter sa vie objectivement. Une bonne autobiographie ne doit pas être une vantardise ni non plus une confession.

Saint Jean-Baptiste 31/03/2023 @ 19:13:45


Mais pour moi, chaque vie est unique, exceptionnelle et mérite dans l'absolu d'être racontée... Je n'ai pas dit éditée, vendue, mise en avant... Là c'est un tout autre problème !

Quand tu dis, Shelton, que toute vie simple mérite d’être racontée mais pas nécessairement éditée, je suis bien d’accord. Parce que une vie simple, même très courageuse, a rarement beaucoup d’intérêt pour le public. Mais, pour les proches et pour la postérité, ça devrait avoir beaucoup d’intérêt : savoir comment vivaient nos ancêtres et d’où on vient…

Par contre, si tu dis qu’une autobiographie peut se concevoir « d’une façon totale ou partielle », alors là, il y a des masses d’autobiographies les plus intéressantes les unes que les autres : tous les récits de guerre, tous les récits des navigateurs et des explorateurs et, en général, tous les récits d’expériences exceptionnelles. Ce sont, entre parenthèses, mes lectures préférées.

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