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Don_Quichotte
avatar 25/01/2023 @ 17:45:16
A quoi servent les petites notes de bas de page ou celles que nous trouvons à la fin d'un livre ?

Dans la plupart des cas, elles apportent des savoirs qui aident à la compréhension d'un passage, ou fournissent des informations contextuelles qui pourraient manquer au lecteur. Parfois, l'ambition pousse plus loin le savant à qui a été confié cette sérieuse besogne ; il se permet d'éclairer le sens du texte, d'apporter des axes de réflexion ou des perspectives sur les intentions de l'auteur. Par contre il s'égare quand il dévoile des éléments clefs de l'histoire, faisant fi du plaisir de lecture. Je ne sais s'il part du principe que tout le monde connaît les récits classiques avant même de les avoir lus, ou si les ressorts dramatiques sont la partie honteuse de la littérature que l'on se doit de dédaigner, mais il m'est souvent arrivé de découvrir le dénouement dans une petite note, me trouvant fort désappointé.

Mais ce qui triomphe en fait d'appareil critique, est l'argutie absconse du pédant.

Je suis en train de lire « L'Enfant » de Jules Vallès, suite de tableaux grinçants ou charmants, sans grand souci d'exactitude ou de fidélité au réel. Le narrateur se voit confier par son père la mission d’apporter à une connaissance influente une pierre rare. Le garçon s'acquitte de sa tâche avec diligence, et se voit récompenser par le géologue d'une pièce de 20 sous. A la fois émerveillé et rongé par le remord de posséder cet argent, il finit par le rendre par l'intermédiaire d'une dame.

J'en arrive au sujet de mon message. Voici la note de bas de page que nous a pondue la professeur de Lettres : «  A quoi tient l'infortune d'une vie, la débandade d'un nom, le misérable fiasco d'une génération ? A presque rien : un mot, un morceau, un dépôt d'infamie. La concrétion pierreuse d'un caillou. Un de ceux qui font trébucher le pas du récit et fige, l'instant bref d'un vocable, la raison narrative. Fragment « couleur de feu » qui saille au coin de la scène, l'éclat d'ordure qui trouve la langue, éclabousse le nom de sa souillure et vous reste dans la gorge, comme pour rappeler le corps à l'abjection de toute nomination. Taire un moment la matité sonore de la rognure, refouler l'ignominie du déchet, c'est, à n'en pas douter, ce qui se doit à la pudeur d'une femme. De peur que ce bout de rien n'avoue sa part au regard du désir, que la pierre de mort ne vous pétrifie, ne vous révèle que c'est elle qui travaille à la dessangle d'une malle, contaminant depuis toujours toute scène d'ouverture. Car la chose s'avère rétive à l'enfermement, serait plutôt de ces pierres qui ne consentent à se mettre en terre qu'à sécréter l'érection minérale d'une stèle. »

(Je m'arrête là mais n'en suis qu'à la moitié de la note) 


Mais qu'est ce que c'est que ce machin ? Et en plus il n'y a pas plus de cinq notes dans tout le livre, alors qu'un lexique parfois désuet est souvent employé par Vallès ! Il y avait matière à se montrer pertinent et utile pour le lecteur, mais non, on lui balance ça dans la tête. C'est même plus que de l'élitisme selon moi, c'est du vide prétentieux, on n'est pas juste technique et complexe, on est brouillon et confus. J'imagine le lecteur lambda qui s'amuse du livre de Vallès, puis comprend à la lecture de cette note qu'il est vraiment trop con et qu'il ferait mieux de laisser les adultes réfléchir sur des œuvres.

Est-ce trop insignifiant pour s'en agacer ? Peut-être, mais je trouve déplorable que dans la collection grand publique « Le Livre de Poche », « classique de poche », on se permette ce genre de bouffonnerie.

Ah et cerise sur la gâteau, dans une autre petite note, alors qu'il y en a très peu je le répète, elle révèle un élément dramatique central du récit ! Saleté !

Cyclo
avatar 28/01/2023 @ 13:48:24
Nul n'est obligé de lire les notes de bas de page ou en fin de livre, ni les préfaces et introductions.
Mais, parfois c'est bien utile pour identifier un personnage ayant réellement existé, et qui est cité dans le roman : par exemple, comment lire "La princesse de Clèves" sans connaître les nombreux personnages qui ont existé : rois et reines de France, grands personnages de l'époque, qui coexistent dans le livre avec les personnages imaginaires ?
Et aussi pour connaître l'autrice ou l'auteur, l'époque de la première édition...

Je ne lis seulement les préfaces qu'après avoir lu le livre, surtout s'il ma plu, et pour qu'éventuellement j'y trouve de quoi lire d'autres livres de l'auteur/autrice, ou sur la même thématique.

Windigo
avatar 28/01/2023 @ 13:58:32
En 2029, j'avais parti un sujet de forum sur le sujet des notes dans les livres. https://critiqueslibres.com/i.php/forum/…

Je ne sais pas si ça peux t'éclairer un peu, mais bon.

Windigo
avatar 28/01/2023 @ 13:59:51
Oups... Je voulais dire en 2019. J'ai écris trop vite et les doigts m'ont fourchu.

Saule

avatar 29/01/2023 @ 02:21:54
La note en bas de page donnée par Don Quichotte a en effet de quoi surprendre...

Les notes des traducteurs sont parfois très intéressantes, par exemple celles de Markowitz dans ses traductions de Dostoievski. Mais le sommet c'est dans la traduction par Proust du livre de Ruskin "La cathédrale d'Amiens" ; c'est incroyable, Proust restitue chaque citation biblique et relie chaque passage du livre de Ruskin à l'oeuvre entière de Ruskin. Dans ce livre, l'appareil critique apporté par Proust prend autant d'importance que le texte original. Et il y a en plus des notes d'un prof de la Sorbonne, spécialiste de Proust. C'est formidable.

Donc, des notes en bas de page, mais qu'elles soient pertinentes. Et pour les traductions, quand le traducteur fait des choix, ils devraient le dire, pour nous montrer en quoi c'est un art compliqué que de traduire

Saint Jean-Baptiste 30/01/2023 @ 12:15:39
Souvent dans les livres d’art, une note indique, par exemple, le musée où se trouve la pièce traitée ; dans les livres d’Histoire on a des notes qui indiquent la source d’une citation ou d’une information. Ça n’intéresse pas tout le monde. Mais dans certains livres les notes sont nécessaires ; dans Le Maître et Marguerite, par exemple, je pense que les notes explicatives sont indispensables sinon on passe à côté. Je lis dans une critique :
« L’édition de poche est très bien annotée et c’est utile car l’écrivain utilise énormément de symboles, jusque dans les noms de chaque personnage, les dates, et de plus les références historiques et culturelles abondent » (dixit Saule).
J’ai lu ce livre encensé par tous les critiqueurs et je suis passé à côté, probablement faute d’avoir des notes explicatives dans mon édition ; à moins que ce ne soit moi qui… 

Minoritaire

avatar 30/01/2023 @ 17:01:43
J’ai lu ce livre encensé par tous les critiqueurs et je suis passé à côté, probablement faute d’avoir des notes explicatives dans mon édition ; à moins que ce ne soit moi qui… 
Mon expérience du même roman diffère un peu.
Dans mon édition Laffont Pocket, les notes abondent, et même surabondent. La traduction est de Claude Ligny et l'introduction (elle-même truffée de notes de bas de page) est de Marianne Gourg. Et je n'ai trouvé nulle part mention explicite de qui était l'auteur•e de ces notes.

J'ai eu deux lectures. La première a été gênée par ces notes, car si je suis curieux, je suis également vite distrait... Donc, j'avais tendance à perdre le fil, ce qui est contraire à ma "philosophie de lecture". Ces notes m'ont-elles été utiles ? Sans doute certaines, mais quand elles prennent la moitié de la page et que le procédé est systématique, ça me rend la lecture rédhibitoire.
J'ai relu le roman plusieurs années après, ne fût-ce que pour faire honneur à la personne qui me l'avait offert, et je l'ai beaucoup mieux apprécié.
(En passant, je ne sais plus si c'est lors de la 1ère ou de la 2ème lecture que j'ai fait le lien avec le "Sympathie for the Devil" des Stones :-) )

Il m'est arrivé de lire des ouvrages où les notes étaient rassemblées en fin de chapitre ou de livre. Je lisais le bazar, et puis, j'allais lire les notes indépendamment (puisque je suis curieux :-) ). Si cela faisait écho à ma lecture, je retournais éventuellement en arrière afin de vérifier si j'avais bien compris. J'aurais préféré ce genre d'annotation dans "le Maître et Marguerite". Franchement, ça ne me tracasse pas beaucoup de savoir si tel paragraphe du roman a fait l'objet de remaniements ou pas, s'il fait partie de la 1ère ou de la Xème édition, ou si Boulgakov se trouvait justement à l'endroit qu'il décrit dans ce chapitre précis.

Saint Jean-Baptiste 31/01/2023 @ 18:49:27

Mon expérience du même roman diffère un peu.

"le Maître et Marguerite".

A quand ta critique ? ;-))

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