Don_Quichotte
avatar 20/01/2023 @ 15:46:30
Je viens d'achever dans la douleur la lecture de « La Nuit des temps » de Barjavel, livre qui me fut longtemps présenté comme un chef d’œuvre de la science fiction française, un roman fondateur aux multiples qualités. Je viens à vous le cœur ouvert, encore souffrant de cette expérience : j'ai rarement autant détesté un livre. Certes, il ne m'a pas laissé indifférent, mais le gouffre entre mon attente et ce que je vécus fut tel que je ne peux me taire et dois communiquer à une communauté de lecteurs avertis ce qui m’apparaît comme une mauvaise plaisanterie, c'est-à-dire la consécration de ce livre.

Je pense cependant que si j'avais lu ce livre à un âge plus tendre, disons treize ou quatorze ans, entre un Weber et un Paulo Coelho, il m'aurait sans doute plu. Mais qu'un adulte amateur de littérature exigeante puisse trouver une quelconque nourriture intellectuelle, spirituelle ou esthétique à cette prose me laisse pantois.

Je commencerai brièvement par sa qualité. Le premier quart du livre est assez prenant, tout entier consacré au mystère d'une exploration en Antarctique, vers le cœur de la terre.
Mais dès que l’énigme s'éclaire, c'est de pire en pire, l'histoire devenant sans intérêt, convenue, sans originalité.

Maintenant, je passe à ce qui motive mon petit essai, ses défauts : le livre est rempli d'une prose indigente, il foisonne de clichés racistes et misogynes, et ne procure aucune émotion particulière.

Je vais citer deux scènes de sexe qui m'ont fait rire aux larmes tant leur nullité étaient frappantes :

« Païkan leva les bras et se laissa glisser derrière elle. Elle s'appuya à lui, assise, flottante, légère. Il la serra contre son ventre, prit son élan vers le haut et son désir dressé la pénétra. Ils reparurent à la surface comme un seul corps. Il était derrière elle et il était en elle, elle était blottie et appuyée contre lui, il la pressait d'un bras contre sa poitrine, il la coucha avec lui sur le côté et du bras gauche se mit à tirer sur l'eau. Chaque traction le poussait en elle, les poussait tous les deux vers la grève de sable. Eléa était passive comme une épave chaude. Ils arrivèrent au bord et se posèrent, à demi hors de l'eau. Elle sentit son épaule et sa hanche s'enfoncer dans le sable. Elle sentit Païkan au-dedans et au-dehors de son corps. Il la tenait cernée, enfermée, assiégée, il était entré comme le conquérant souhaité devant lequel s'ouvrent la porte extérieure et les portes profondes. […] Il était en elle un arbre lisse, dur, palpitant, doux, un arbre de chair, bien-aimé, toujours là, revenu plus fort, plus doux, plus chaux, soudant brûlant, immense, embrasé, rouge, brûlant dans son ventre entier, toute la chair et les os enflammés jusqu'au ciel. »

« Il glissa sa main sous la bande qui couvrait la poitrine d'Eléa et fit fleurir un sein entre deux boucles. Il posa sur lui sa paume arrondie et le caressa avec un gémissement de bonheur, d'amour, de respect, d'admiration, de tendresse, avec une reconnaissance infinie envers la vie qui avait créé tant de beauté parfaite et la lui avait donnée pour qu'il sût qu'elle était belle. […]
Sa main coula le long des hanches, le le long de cuisses, et toutes les pentes la ramenaient au même point, à la pointe de la courte forêt d'or, à la naissance de la vallée fermée.
Eléa résista au désir de s'ouvrir. C'était la dernière fois. Il fallait éterniser chaque impatience et chaque délivrance. Elle s'entrouvrit juste pour laisser la place à la main de se glisser, de chercher, de trouver, à la pointe de la pointe et de la vallée, au confluent de toutes les pentes, protégé, caché, couvert, ah !.... découvert, le centre brûlant de ses joies.
Elle gémi et posa à son tour ses main sur Païkan. L'horizon gronda. Une lueur verte fit un troupeau vert du troupeau des chevaux blancs, qui dansaient sur place, effrayés.
Eléa ne voyait plus rien. Païkan voyait Eléa, la regardait de ses yeux, de ses mains, de ses lèvres, s'emplissait la tête de sa chair et de sa beauté et de la joie qui la parcourait, la faisait frémir, lui arrachait de soupirs et des cris. Elle cessa de le caresser. Ses mains sans forces tombèrent de lui. Les yeux clos, les bras perdus, elle ne pesait plus, pensait plus, elle était l'herbe et le lac et le ciel, elle était un fleuve et un soleil de joie. Mais ce n'était encore que les vagues avant la vague unique, la grande route lumineuse multiple vers l'unique sommet, le merveilleux chemin qu'elle n'avait jamais si longuement parcouru, qu'il dessinait et redessinait de ses mains et de ses lèvres sur tous les trésors qu'elle lui donnait. Et il regrettait de n'avoir pas plus de mains, plus de lèvres pour lui faire partout plus de joies à la fois. Et il la remerciait dans son cœur d'être si belle et si heureuse.
[….]
Eléa brûlait. Haletante, impatiente, ce n'était plus possible, elle prit dans ses mains la tête de Païkan aux doux cheveux couleur de blé qu'elle ne voyait pas, qu'elle ne pouvait plus voir, la ramena vers elle, sa bouche sur sa bouche, puis ses mains redescendirent et prirent l'arbre aimé, l'arbre proposé, approché et refusé, et le conduisirent vers sa vallée ouverte jusqu'à l'âme. Quand il entra, elle râla mourut, fondit, se répandit sur les bois, sur les lacs, sur la chair de la terre. Mais il était en elle -Païkan-, il la rappelait autour de lui autour de lui, à longs appels puissants qui la ramenaient des bouts du monde, -Païkan-, la rappelaient, l'attiraient, la rassemblaient, la condensaient, la durcissaient, la pressaient jusqu'à ce que le milieu de son ventre percé de flammes -Païkan!- éclatât en une joie prodigieuse, indicible, intolérable, divine, bien-aimée, brûlant, jusqu'à l'extrémité de la moindre parcelle, son corps, qui la dépassait. »

Ouf, mes pauvres neurones....

Sans entrer dans les détails, le monde du passé est présenté comme deux grandes nations qui s'affrontent. Gondawa est une société harmonieuse, puissante, très avancée technologiquement et qui, même si elle n'est pas sans défaut, ressemble à une utopie. Ses habitants sont blancs, de types européens.
En face, Enisoraï est un nation qui prolifère, ses habitants sont de plus en plus nombreux, ils mettent tout en commun (bref, des cocos) et sont présentés comme « avaient tous les cheveux noirs et lisses, les yeux bridés, les pommettes saillantes, le nez busqué du haut et épaté du bas. Ils étaient incontestablement les ancêtres communs des Mayas, Aztèques et autres Indiens d'Amérique, et peut être aussi des Japonais, des Chinois, et de toutes les races mongoloïdes. » Ce sont eux qui attaquent Gondawa.
Rassurez-vous, Barjavel n'a pas oublié les noirs. Ils viennent de Mars. Quelques familles ont été amenés sur Terre par des vaisseaux gondas et énisors. «  Avant cela, il n'existait sur Terre aucun homme de couleur noire »

D'ailleurs, le seul homme noir du livre est Shanga l'Africain. Il ne parlera jamais.
Toute une communauté internationale de scientifiques sont en Antarctique. Ils sont généralement nommés de cette manière : Hoover l'Américain, Léonova la Soviétique, Hoï To (????) le Japonais.
Shanga n'a pas de pays, il a un continent, il est l'Africain. C'est charmant.

Contexte, Hoover ne peut se servir de ses mains :

« Mais Hoover se méfiait. Il leva le genou et tendit sa botte à Shanga avec l'aisance donnée par vingt générations d'esclavagistes.
-Tire ma botte, petit.
Shanga eut un sursaut et recula. Léonova devint furieuse.
-Ce n'est pas le moment de se sentir nègre ! Cria -t-elle. »

Ce livre ne date pas de la fin du XIXeme, mais de 1968.

Il n'y a pas une interaction entre Hoover et Léonora qui ne soit pas misogyne. Le docteur Simon est un horrible pervers qui parle à une jeune femme traumatisée de son désir de la pénétrer. Personnellement, je me moque de la morale en littérature, mais je déteste que l'on fasse passer des comportement malsains comme des marques d'amour, ce que ce livre fait constamment. Voilà pourquoi « Lolita » est un grand livre, Nabokov ausculte puis dissèque une perversion sans apologie ni condamnation, il s'échine sur un problème. Dans « La Nuit des temps », la narration vous pousse à accepter comme normal et positif ce qui ne l'est pas.

Je vais m'arrêter là, j'avais encore une citation sur la médiocrité de la prose, mais je vais m’abstenir pour préserver ma santé. Je ne pouvais me contenter d'une critique, je voulais partager mon dégoût et surtout savoir pourquoi tant de gens avaient apprécié ce livre.

Je retourne à la « Vouivre » de Marcel Aymé, c'est autre chose.

PS : On ne peut pas sélectionner "Forum des livres" dans le choix du forum.

Ludmilla
avatar 20/01/2023 @ 15:59:06
Le forum est rattaché au livre "La nuit des temps".

PS : pour qu'un forum soit attaché à un livre, il faut le créer en bas de la page des critiques du livre:
- cliquer sur "autres discussions..."
- "introduire un nouveau sujet"
(pas évident, je le reconnais)

Patman
avatar 20/01/2023 @ 19:19:45
Bien sûr, sur beaucoup d'aspects, Barjavel ça vieilli mal. Pas que pour la Nuit des Temps d'ailleurs, je suis sûr que si je relisais demain "Ravage" que j'avais adoré ado, je trouverais ça bien ringard.
1968, ça paraît proche, mais c'est en réalité très lointain, beaucoup plus que tu ne pourrais le penser cher Don Quichotte. L'évolution des mentalités et de la société avance à une telle vitesse ces dernières décennies. Je me trompe peut-être mais j'ai le sentiment que les changements s'accélèrent beaucoup plus rapidement. Là où il fallait autrefois un siècle ou deux pour faire évoluer les choses, c'est maintenant en l'espace d'une décennie que ça se passe... Quand j'avais 40 ans, je ne reconnaissais plus le monde de mon enfance, j'en ai maintenant 60 et je suis déjà largué par rapport au monde d'il y a vingt ans... Je me suis pris 2 évolutions dans la tronche.
En 1968, la ségrégation raciale était une réalité dans beaucoup de pays même dit développés, la sexualité était un sujet tabou et l'homosexualité était un délit (dans le meilleur des cas une maladie), l'avortement était illégal et la pilule n'est autorisée que depuis 1 an en France, les femmes n'avaient pas accès à de nombreux métiers ou à de hautes fonctions, En France, il n'y avait que deux chaînes de télé et pas en continu, on travaillait jusqu'à 65 ans et 40 heures semaine, Pas d'ordinateurs, de téléphones portables, ni de tous ces gadgets électroniques d'aujourd'hui. En 1968, la misogynie, c'est un peu la norme. Dans l'imagerie populaire à l'époque, papa travaille, maman est à la maison et s'occupe du ménage, et dans l'idéal, ils ont 2 enfants (un garçon qui a un ballon ou un costume de cow-boy et une fille avec sa poupée). En 1968,on rit sans gêne des blagues racistes ou sexiste, plus les clichés sont gros, plus ça marche. Le Monde est coupé en deux blocs, l'Est et l'Ouest. Le Communisme et le Capitalisme. La décolonisation n'est pas encore complètement terminée et on a pas encore marché sur la Lune (sauf Tintin !). L'environnement et l'immigration ne sont pas encore des sujets brûlants, Et je pourrais en énumérer encore pendant des heures....

Martin1

avatar 20/01/2023 @ 20:18:21
Eh bien, oui, il fut une époque où un jeune découvrait sa première "description de scène de sexe" dans un bouquin de Barjavel, avec des mots simples qui ne valent peut-être pas le grand prix de l'érotisme, mais très honnêtement, ça vaut mieux que foncer à douze ans sur du porno. Les passages recopiés ne sont pas si indignes, il me semble, qu'est-ce qui vous fait bondir ?

L'homosexualité n'est pas un délit en 1968 en France ! La dépénalisation a eu lieu en pleine révolution française, en 1791. Les changements législatifs à ce sujet au XXe siècle concernaient l'âge de la majorité nécessaire pour des relations homosexuelles. En Angleterre, en revanche la dépénalisation a lieu en 1967, donc à peu près au même moment que l'écriture du livre.

Le racisme (et la misogynie? mettre des cruches à la place des femmes dans une histoire, est-ce de la misogynie ou plutôt un défaut du romancier?) du bouquin ont l'air assez grossiers, mais je n'en avais gardé AUCUN souvenir...

Windigo

avatar 21/01/2023 @ 02:55:29
Ouf... Ça a l'air lourd comme sujets dans ce roman.

L'homosexualité n'est pas un délit en 1968 en France ! La dépénalisation a eu lieu en pleine révolution française, en 1791. Les changements législatifs à ce sujet au XXe siècle concernaient l'âge de la majorité nécessaire pour des relations homosexuelles. En Angleterre, en revanche la dépénalisation a lieu en 1967, donc à peu près au même moment que l'écriture du livre.


Mais, il y avait surement de l'homophobie à cette époque, comme aujourd'hui d'ailleurs. Peut-être pas dans les grandes villes, mais dans les régions reculées. Ici, en Abitibi (une région administrative du Québec), vers la fin des années 90, il y avait encore une mentalité conservatrice, bien que les choses tendent à changer lentement. Si t'étais marginal, les gens te jugeais méchamment.

Don_Quichotte
avatar 21/01/2023 @ 07:43:49
Patman : Je ne pense pas que l'époque puisse justifier la médiocrité de Barjavel dans son traitement des femmes ou des noirs. Je rappelle qu'il les fait venir de Mars, son livre établit une généalogie de l'humanité qui surprendrait jusqu'à Gobineau. J'ai lu récemment « Les Poneys sauvages »de Michel Déon, qui sans être un grand livre se lit avec plaisir. C'est un récit dont la misogynie est évidente, mais contrairement à Barjavel il ne se contente pas de recopier des blagues de comptoir et développe ses personnages, dont la pensée est le fruit d'une époque et ne se contente pas d'être une accumulation de bêtises. J'attends d'un livre présenté comme une grand œuvre autre chose que ce je peux entendre dans la rue ou un repas de famille. «  Comment vous, une femme, vous n'avez pas reconnu ça... mais c'est de l'or.... »
Quand on sait qu'en 1969 Ursula Le Guin publie "The Left Hand of Darkness", il est difficile de ne pas être consterné par "Le Nuit des Temps", qui manque d'intelligence et de nuance.


Martin 1 : Comme je l'ai dit dans mon premier message, je pense qu'à l'époque de mon adolescence le livre m'aurait plu. Mais oui, je considère les passages cités comme exécrables, ce n'est qu'une suite de clichés et d'horribles métaphores ("désir dressé"," arbre de chair", "épave chaude", "le conquérant", les énumérations suffocantes, " au même point, à la pointe de la courte forêt d'or, à la naissance de la vallée fermée." "à la pointe de la pointe et de la vallée" " Mais ce n'était encore que les vagues avant la vague unique, la grande route lumineuse multiple vers l'unique sommet, le merveilleux chemin qu'elle n'avait jamais si longuement parcouru" " puis ses mains redescendirent et prirent l'arbre aimé, l'arbre proposé, approché et refusé, et le conduisirent vers sa vallée ouverte jusqu'à l'âme.").
Je trouve ça complètement nul. Je me permets de citer un autre passage :
« Il était temps, il était temps, temps, temps de fermer l'abri. Païkan lui frappa sur le bras et se dégagea. Il leva sa main droite à hauteur de poitrine, et du pouce, fit basculer le chaton de sa bague. La clé. La clé pouvait s'ouvrir. La pyramide pivotait autour d'un de ses côtés. Dans la tête de Simon, il y eut un gros plan, un immense plan de la bague ouverte... »
Non, ce n'est pas moi qui recopie mal, c'est l'auteur qui tressaute.

Martin1

avatar 21/01/2023 @ 08:22:21
à Don Quichotte :
Peut-être... je n'ai pas trouvé plus que ça, mais admettons. Le coup des noirs qui viennent de Mars est, il est vrai, complètement idiot...

Concernant la misogynie, tu dis qu'elle est évidente.
A vrai dire, la misogynie est rarement évidente car sous ce nom les gens désignent deux types de comportement distincts, qu'ils se plaisent à confondre : 1) d'une part, la détestation des femmes, que le misogyne estime uniquement bonnes à corriger, ou à abuser. 2) d'autre part, une certaine façon de désirer les femmes, en plaquant sur elles un ensemble de qualités (beauté, bonté, douceur, peu d'intellect, beaucoup d'instinct maternel, psychologie) qui sont considérés par la société actuelle comme stéréotypés.

Or, s'il s'avère que certaines de ces images préconçues collent effectivement à la majorité des femmes, que le stéréotype soit apparu dans les esprits par occurrence naturelle, alors il se pourrait, que depuis quelques décennies, l'on taxe de misogynie des personnes qui aiment simplement les femmes, et de féminisme des personnes qui éprouvent une sorte de dégoût envers leur "féminité", ou envers l'existence d'un certain type de perfection féminine.
C'est pourquoi j'ai tendance à réserver le nom de "misogynie" à la première catégorie, et je ne suis pas sûr d'y placer Barjavel.

Don_Quichotte
avatar 21/01/2023 @ 09:06:40
La misogynie est le mépris des femmes. Leur réduction à des stéréotypes est une forme de mépris.
Je n'ai aucun problème avec un homme qui serait attiré par un idéal féminin stéréotypé.
Cependant, dans "La Nuit des temps", le traitement des personnages féminin n'est rien d'autre qu'une suite de clichés.
Il y en a deux : Léonova, l'anthropologue soviétique, et Eléa, la créature qui sort de l'oeuf, Eve du fond des âges.
La première est décrite comme la plus belle des femmes présentes sur les lieux de l'excavation, elle ne servira à rien. Elle n'est là que pour permettre à Hoover l'Américain de faire des blagues. La deuxième est décrite comme sublime, une perfection physique incroyable. Elle a apparemment d'autres qualités, mais sa beauté occupe 99% de l'espace littéraire consacré à sa personne.
C'est une chose que de dire que j'aime les femmes belles, douces, aux cheveux longs et qui cuisinent bien, et une autre que de ne les montrer que sous ce prisme, comme si une femme ne pouvait pas être autre chose. Si le roman est l'art de la nuance, de l'ambigu et de la subtilité, c'est raté.

Saule

avatar 21/01/2023 @ 10:17:46
Le livre avait une forte charge érotique sur les adolescents qu'on était á l'époque ou ce livre faisait partie des lectures proposées à l'école. A l'époque on n'avait pas accès aux contenu explicite comme maintenant. Mais à part ca je n'avais pas accroché. C'est un livre qui avait trouvé son public, des adolescents qui découvraient la lecture via une lecture scolaire.

Depuis 68 énormément de choses ont changées, comme le dit Patman. Dans les lectures imposées aux ado, je me demande bien ce qui a tenu la distance, peut-etre des classiques comme la comédie humaine de Balzac ou Salinger. Des livres comme Barjavel pas.

J'ai fait la meme erreur que Don Quichotte et j'ai relu récemment Un signe de piste, une série qui me comblait quand j'avais douze ans, et j'ai trouvé ca affligleant. Barjavel s'addressait à un public un peu plus agé que le Signe de Piste, mais pas à un adulte et surtout pas Don Quichotte qui a tant lu et qui est exigeant !

Eric Eliès
avatar 21/01/2023 @ 11:22:39
@Don_Quichotte :
Comme Saule et d'autres, j'ai lu "La nuit des temps" à mon adolescence, en lecture scolaire "obligée", en 3ème. Nous avions 14-15 ans et c'est vrai que les passages sexuels nous faisaient parler... On se demandait d'ailleurs (et le prof aussi je crois) pourquoi on nous avait imposé cette lecture. Je n'en garde pas un très grand souvenir (contrairement à Ravage, que j'avais lu à 17-18 ans et m'avait beaucoup plus marqué par son atmosphère apocalyptique) mais je ne crois pas qu'on puisse, à moins que l'Education nationale ait été, en 1988 (année de ma 3ème), truffée d'idiots pour avoir placé ce livre dans les livres recommandés, taxer Barjavel de raciste et de misogyne. En tout cas, les filles de ma classe n'avaient - de mémoire - pas eu de réaction hostile et je note d'ailleurs, dans la liste des critiques sur le site, que le livre est très bien noté et beaucoup apprécié de lectrices de tout âge.

Quant au racisme, l'extrait que tu en donnes me semble un évident second degré :

"Mais Hoover se méfiait. Il leva le genou et tendit sa botte à Shanga avec l'aisance donnée par vingt générations d'esclavagistes.
-Tire ma botte, petit.
Shanga eut un sursaut et recula. Léonova devint furieuse.
-Ce n'est pas le moment de se sentir nègre ! Cria -t-elle."

Ca ressemble beaucoup plus à une dénonciation du racisme qu'à une manifestation de racisme !

Malic 21/01/2023 @ 11:55:07
Aujourd’hui cette scène érotique semble ridicule et alambiquée, digne des « Bad Sex in Fiction Award », qui récompensent ironiquement les pires scènes de sexe.
Les noirs qui viennent de Mars, curieux, serait-ce un hommage aux « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury (1950)dans lesquelles les noirs américains partent pour Mars ?
Ado, j’avais lu « Ravage », qui m’avait beaucoup impressionné, en particulier la scène de l’homme qui se prend pour le Christ et vit l’agonie de celui-ci.
Dans les années 50/60, le public cultivé disait « Barjavel c’est de la science-fiction, mais attention, de la science-fiction bien écrite, pas comme celle des américains. » D’ailleurs pour le même public cultivé l’expression « science-fiction » était quasi obscène.


Don_Quichotte
avatar 21/01/2023 @ 12:53:56
@ Eric Elies : Il m'est difficile de lire cette scène comme du second degré en raison du contexte que j'ai déjà mentionné dans mes précédents messages. Les noirs ne sont pas des terriens, Shanga n'a pas le droit à la parole, il est le seul à ne pas avoir du pays, et l'unique scène où il a une réaction est celle où il doit retirer la chaussure d'un blanc et où il est qualifié de nègre. Je ne vais pas jouer la naïveté en refusant de voir ce qui est clairement sous mes yeux. ce qui est raciste n'est pas tant la scène que l'utilisation qui est faite du personnage dans cette scène.

« mais je ne crois pas qu'on puisse, à moins que l'Education nationale ait été, en 1988 (année de ma 3ème), truffée d'idiots pour avoir placé ce livre dans les livres recommandés, taxer Barjavel de raciste et de misogyne. En tout cas, les filles de ma classe n'avaient - de mémoire - pas eu de réaction hostile et je note d'ailleurs, dans la liste des critiques sur le site, que le livre est très bien noté et beaucoup apprécié de lectrices de tout âge.  »

Beaucoup de choses à dire :

-Pas besoin de beaucoup d'idiots, il suffit de quelques personnes inattentives ou incompétentes. Etant du sérail, je peux t'assurer qu'elle sont légion. Petite anecdote pour laquelle vous n'aurez que ma parole, un CA avait refusé de nommer un lycée Marguerite Yourcenar parce qu'elle était lesbienne.
-Je ne taxe Barjavel de rien du tout, je dis que ce roman est ceci et cela, en tentant de le démontrer à travers des exemples et des citations. Le faisceau d'évidences ne conduit pas à une conclusion indiscutable, mais les éléments sont suffisamment nombreux pour me permettre d'étayer avec conviction mon propos.
-Que des filles de 14-15 ans ne perçoivent pas de misogynie et que ce livre soit très apprécié ne prouve absolument rien.

Ceci dit je constate que face à des preuves tangibles la réputation peut encore l'emporter.

Eric Eliès
avatar 21/01/2023 @ 17:29:45
@Malic :
Je n'avais jamais songé à faire un parallère avec Chroniques martiennes... mais c'est une idée qui aurait mérité une question à Barjavel ! Cela dit, les noirs qui viennent de Mars est une idée déjà présente dans son premier roman, Ravages, publié en 1943 et je crois que l'oeuvre de Ray Bradbury est postérieure.

@Don_Quichotte :
Je ne suis pas sûr de bien comprendre ta dernière phrase "Ceci dit je constate que face à des preuves tangibles la réputation peut encore l'emporter." car, au contraire, la réputation de Barjavel donne crédit à tes reproches. Je ne sais pas si tu as lu "Ravages" mais, si tu as été gêné par "La nuit des temps", tu le serais encore plus par "Ravages", publié en 1943, et qui contient, en filigrane de sa dénonciation de la civlisation industrielle, un message presque fervent de retour à la terre pas très loin des valeurs de "travail-famille-patrie". D'ailleurs, je crois que Barjavel a eu des problèmes à la Libération. Néanmoins, je ne pense pas que son oeuvre soit foncièrement raciste ou misogyne (cela dit, je n'ai lu de lui que 2 livres, quand j'étais adolescent, à 14 ans pour "La nuit des temps" et à 17 ans pour "Ravages") mais, quand bien même le serait-elle, cela la condamnerait-elle ? Personnellement, j'avais été impressionné par l'atmosphère cataclysmique et le pessimisme de "Ravages", et j'aime beaucoup Lovecraft, même si son oeuvre est pleine de relents malsains, racistes et misogynes.

Martin1

avatar 21/01/2023 @ 20:12:21
un message presque fervent de retour à la terre

Oui, tout à fait, et pour être honnête, cela a joué sur le charme du livre. La dernière scène, où le vieillard détruit une machine construite par l'un de ses descendants, a quelque chose de poignant il me semble.
Tu fais une allusion à la devise travail-famille-patrie. Il faut bien préciser que dans un monde à reconstruire (et c'est le cas du monde après Ravage), tout recommence avec du travail, une famille, et une terre (la Provence dans le livre je crois). La pensée de Barjavel n'était pas dure à suivre et avait beaucoup de bon sens.

Saint Jean-Baptiste 22/01/2023 @ 14:34:39
J’apprécie au plus haut point l’initiative de Don Quichotte de parler d’un livre. Au début du site les forums avaient été ouverts pour parler de nos lectures et c’étaient les premiers débats.

J’avais « La Nuit des Temps » depuis des éternités dans ma pile de livres à lire et je le remercie de nous donner des extraits bien choisis ; je ne lirai jamais ce livre, ni d’ailleurs aucun Barjavel. Je déteste la science fiction et ce style ampoulé, plein de métaphores ridicules, pour décrire l’acte sexuel me donne la nausée.

Je suis très surpris qu’on propose cette lecture aux ados de 14/15 ans. Je trouve ça absolument contre éducatif. Ça ne parle que du plaisir sexuel sans jamais parler d’amour. Ça n’a rien d’érotique. Mais je suis un vieux paletot. Je devrais savoir qu’aujourd’hui c’est ringard de parler d’amour. C’est le sexe qui compte et les déviations sexuelles sont mises à l’honneur.

Pour en revenir au livre, je me demande ce que des jeunes de 14/15 ans, dans les années 60 /70, pouvaient comprendre de ces métaphores alambiquées. Je pense qu’ils devaient les lire sans trop comprendre et sans trop s’attarder ; ça m’étonne de lire ici qu’ils en parlaient entre eux. A cette époque les cours d’éducation (?) sexuelle n’existaient pas (on ferait mieux de parler d'initiation) et je crois que les jeunes ne s’en portaient que mieux. Aujourd’hui ces cours sont donnés dès l’âge de 12 ans, avec travaux pratiques (non, les travaux pratiques c’est pas encore… ). Je pense qu’on gâche leurs belles années d’adolescence avec des préoccupations qui ne sont pas de leur âge.

Quant au racisme flagrant de « La Nuit des Temps », c’est simplement répugnant et contre éducatif : les « Nègres » juste bons à tirer les bottes des Blancs… !

Mais je me demande quels livres on peut proposer aux jeunes adolescents. Les classiques, il n’en faut pas trop et je crois que les Jules Verne et les Alexandre Dumas ne sont plus à la mode ; alors, à part les Harry Poter, je me demande ce qu’ils lisent.

Eric Eliès
avatar 22/01/2023 @ 17:37:57

Pour en revenir au livre, je me demande ce que des jeunes de 14/15 ans, dans les années 60 /70, pouvaient comprendre de ces métaphores alambiquées. Je pense qu’ils devaient les lire sans trop comprendre et sans trop s’attarder ; ça m’étonne de lire ici qu’ils en parlaient entre eux. A cette époque les cours d’éducation (?) sexuelle n’existaient pas (on ferait mieux de parler d'initiation) et je crois que les jeunes ne s’en portaient que mieux.


@SJB : c'est en 1988, et pas dans les années 60/70, que j'ai lu ce livre au collège, en 3ème, en lecture scolaire imposée. Je crois me souvenir que le prof n'était pas super emballé par le livre mais il n'avait pas eu le choix en raison du stock des livres disponibles (c'était le collège qui nous prêtait les livres pour qu'on n'ait pas à les acheter). On avait bien eu quelques heures d'éducation sexuelle en 4ème (plutôt bienvenues je trouve car elles ont l'intérêt de démystifier certaines choses !) mais ça n'empêchait pas qu'on en parle entre nous...

Minoritaire

avatar 22/01/2023 @ 18:22:15
Je rappelle que ce que d'aucuns nomment "Education sexuelle" se nomme en Belgique "Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle" (EVRAS http://enseignement.be/index.php/…), qu'il s'agit de modules dispensés au rythme de 2 fois deux heures durant le cycle primaire et autant durant le cycle secondaire. Tant par l'intitulé que sur le nombre d'heures, on est loin d'une incitation à la débauche. :-)
Pour en revenir au fil, je me souviens d'avoir été passionné par la mise en ondes de ce roman à la RTB. Début des années 70, je devais avoir 12-13 ans. Il est bien possible que l'adaptation ait zappé les passages trop crus, à moins que j'aie raté l'épisode, ou tout simplement que le sens m'en soit passé au dessus de la tête. :-)
J'ai lu ce roman bien des années plus tard sans y trouver le moindre charme.


Saint Jean-Baptiste 23/01/2023 @ 12:26:18
Dans les années 50 ça ne se passait pas bien. La question « sexe » était encore tabou. C’était souvent le fils d’un médecin qui avait consulté le dictionnaire médical de son père qui, à grands coups de plaisanteries grivoises, informait ses petits camarades. Alors l’idée d’informer les jeunes à l’école était bonne. Je n’ai jamais assisté à ces cours, évidemment, mais j’ai l’impression que ça ne se passe pas bien. J’ai vu autour de moi des fillettes de 11/12 ans qui, en sortant de ces cours, rentraient chez elles en pleurant. Et quand je raconte ça autour de moi, on me dit que ça se passe toujours comme ça. Alors il faut en conclure que ces cours sont mal donnés, ou donnés trop tôt. Je n’en sais rien mais je reste persuadé qu’on met dans la tête des jeunes des préoccupations qui ne sont pas de leur âge et que ça leur gâche les belles années de leur adolescence.

En tout cas, pour en revenir au livre, et aux extraits donnés pour Don Quichotte, ce n’est certainement pas des lectures à recommander aux jeunes en guise d’initiation sexuelle et je me demande ce qu’ils peuvent en retirer de bon.

Patman
avatar 23/01/2023 @ 17:08:55
E

L'homosexualité n'est pas un délit en 1968 en France ! La dépénalisation a eu lieu en pleine révolution française, en 1791. Les changements législatifs à ce sujet au XXe siècle concernaient l'âge de la majorité nécessaire pour des relations homosexuelles. En Angleterre, en revanche la dépénalisation a lieu en 1967, donc à peu près au même moment que l'écriture du livre.



Pour ton info Martin, la vraie dépénalisation de l’homosexualité en France, c'est la loi Forni en 1982. Entre 1791 et 1982, il y a eu beaucoup de gens qui ont fini en prison à cause de leurs penchants particuliers, c'était d'ailleurs considéré comme une maladie mentale jusqu'en 1981.
Quant au Royaume-Uni, la loi de 1967 n'est pas une dépénalisation, juste une dépénalisation partielle dans un cadre défini (et très étroit) et seulement en Angleterre et au Pays de Galles, l’Écosse et l'Irlande du Nord ne l'adopteront qu'en 1981.

Feint

avatar 23/01/2023 @ 20:53:32
Je viens d'achever dans la douleur la lecture de « La Nuit des temps » de Barjavel, livre qui me fut longtemps présenté comme un chef d’œuvre de la science fiction française, un roman fondateur aux multiples qualités. Je viens à vous le cœur ouvert, encore souffrant de cette expérience : j'ai rarement autant détesté un livre. Certes, il ne m'a pas laissé indifférent, mais le gouffre entre mon attente et ce que je vécus fut tel que je ne peux me taire et dois communiquer à une communauté de lecteurs avertis ce qui m’apparaît comme une mauvaise plaisanterie, c'est-à-dire la consécration de ce livre.

Je pense cependant que si j'avais lu ce livre à un âge plus tendre, disons treize ou quatorze ans, entre un Weber et un Paulo Coelho, il m'aurait sans doute plu. Mais qu'un adulte amateur de littérature exigeante puisse trouver une quelconque nourriture intellectuelle, spirituelle ou esthétique à cette prose me laisse pantois.

Je commencerai brièvement par sa qualité. Le premier quart du livre est assez prenant, tout entier consacré au mystère d'une exploration en Antarctique, vers le cœur de la terre.
Mais dès que l’énigme s'éclaire, c'est de pire en pire, l'histoire devenant sans intérêt, convenue, sans originalité.

Maintenant, je passe à ce qui motive mon petit essai, ses défauts : le livre est rempli d'une prose indigente, il foisonne de clichés racistes et misogynes, et ne procure aucune émotion particulière.

Je vais citer deux scènes de sexe qui m'ont fait rire aux larmes tant leur nullité étaient frappantes :

« Païkan leva les bras et se laissa glisser derrière elle. Elle s'appuya à lui, assise, flottante, légère. Il la serra contre son ventre, prit son élan vers le haut et son désir dressé la pénétra. Ils reparurent à la surface comme un seul corps. Il était derrière elle et il était en elle, elle était blottie et appuyée contre lui, il la pressait d'un bras contre sa poitrine, il la coucha avec lui sur le côté et du bras gauche se mit à tirer sur l'eau. Chaque traction le poussait en elle, les poussait tous les deux vers la grève de sable. Eléa était passive comme une épave chaude. Ils arrivèrent au bord et se posèrent, à demi hors de l'eau. Elle sentit son épaule et sa hanche s'enfoncer dans le sable. Elle sentit Païkan au-dedans et au-dehors de son corps. Il la tenait cernée, enfermée, assiégée, il était entré comme le conquérant souhaité devant lequel s'ouvrent la porte extérieure et les portes profondes. […] Il était en elle un arbre lisse, dur, palpitant, doux, un arbre de chair, bien-aimé, toujours là, revenu plus fort, plus doux, plus chaux, soudant brûlant, immense, embrasé, rouge, brûlant dans son ventre entier, toute la chair et les os enflammés jusqu'au ciel. »

« Il glissa sa main sous la bande qui couvrait la poitrine d'Eléa et fit fleurir un sein entre deux boucles. Il posa sur lui sa paume arrondie et le caressa avec un gémissement de bonheur, d'amour, de respect, d'admiration, de tendresse, avec une reconnaissance infinie envers la vie qui avait créé tant de beauté parfaite et la lui avait donnée pour qu'il sût qu'elle était belle. […]
Sa main coula le long des hanches, le le long de cuisses, et toutes les pentes la ramenaient au même point, à la pointe de la courte forêt d'or, à la naissance de la vallée fermée.
Eléa résista au désir de s'ouvrir. C'était la dernière fois. Il fallait éterniser chaque impatience et chaque délivrance. Elle s'entrouvrit juste pour laisser la place à la main de se glisser, de chercher, de trouver, à la pointe de la pointe et de la vallée, au confluent de toutes les pentes, protégé, caché, couvert, ah !.... découvert, le centre brûlant de ses joies.
Elle gémi et posa à son tour ses main sur Païkan. L'horizon gronda. Une lueur verte fit un troupeau vert du troupeau des chevaux blancs, qui dansaient sur place, effrayés.
Eléa ne voyait plus rien. Païkan voyait Eléa, la regardait de ses yeux, de ses mains, de ses lèvres, s'emplissait la tête de sa chair et de sa beauté et de la joie qui la parcourait, la faisait frémir, lui arrachait de soupirs et des cris. Elle cessa de le caresser. Ses mains sans forces tombèrent de lui. Les yeux clos, les bras perdus, elle ne pesait plus, pensait plus, elle était l'herbe et le lac et le ciel, elle était un fleuve et un soleil de joie. Mais ce n'était encore que les vagues avant la vague unique, la grande route lumineuse multiple vers l'unique sommet, le merveilleux chemin qu'elle n'avait jamais si longuement parcouru, qu'il dessinait et redessinait de ses mains et de ses lèvres sur tous les trésors qu'elle lui donnait. Et il regrettait de n'avoir pas plus de mains, plus de lèvres pour lui faire partout plus de joies à la fois. Et il la remerciait dans son cœur d'être si belle et si heureuse.
[….]
Eléa brûlait. Haletante, impatiente, ce n'était plus possible, elle prit dans ses mains la tête de Païkan aux doux cheveux couleur de blé qu'elle ne voyait pas, qu'elle ne pouvait plus voir, la ramena vers elle, sa bouche sur sa bouche, puis ses mains redescendirent et prirent l'arbre aimé, l'arbre proposé, approché et refusé, et le conduisirent vers sa vallée ouverte jusqu'à l'âme. Quand il entra, elle râla mourut, fondit, se répandit sur les bois, sur les lacs, sur la chair de la terre. Mais il était en elle -Païkan-, il la rappelait autour de lui autour de lui, à longs appels puissants qui la ramenaient des bouts du monde, -Païkan-, la rappelaient, l'attiraient, la rassemblaient, la condensaient, la durcissaient, la pressaient jusqu'à ce que le milieu de son ventre percé de flammes -Païkan!- éclatât en une joie prodigieuse, indicible, intolérable, divine, bien-aimée, brûlant, jusqu'à l'extrémité de la moindre parcelle, son corps, qui la dépassait. »

Ouf, mes pauvres neurones....

Sans entrer dans les détails, le monde du passé est présenté comme deux grandes nations qui s'affrontent. Gondawa est une société harmonieuse, puissante, très avancée technologiquement et qui, même si elle n'est pas sans défaut, ressemble à une utopie. Ses habitants sont blancs, de types européens.
En face, Enisoraï est un nation qui prolifère, ses habitants sont de plus en plus nombreux, ils mettent tout en commun (bref, des cocos) et sont présentés comme « avaient tous les cheveux noirs et lisses, les yeux bridés, les pommettes saillantes, le nez busqué du haut et épaté du bas. Ils étaient incontestablement les ancêtres communs des Mayas, Aztèques et autres Indiens d'Amérique, et peut être aussi des Japonais, des Chinois, et de toutes les races mongoloïdes. » Ce sont eux qui attaquent Gondawa.
Rassurez-vous, Barjavel n'a pas oublié les noirs. Ils viennent de Mars. Quelques familles ont été amenés sur Terre par des vaisseaux gondas et énisors. «  Avant cela, il n'existait sur Terre aucun homme de couleur noire »

D'ailleurs, le seul homme noir du livre est Shanga l'Africain. Il ne parlera jamais.
Toute une communauté internationale de scientifiques sont en Antarctique. Ils sont généralement nommés de cette manière : Hoover l'Américain, Léonova la Soviétique, Hoï To (????) le Japonais.
Shanga n'a pas de pays, il a un continent, il est l'Africain. C'est charmant.

Contexte, Hoover ne peut se servir de ses mains :

« Mais Hoover se méfiait. Il leva le genou et tendit sa botte à Shanga avec l'aisance donnée par vingt générations d'esclavagistes.
-Tire ma botte, petit.
Shanga eut un sursaut et recula. Léonova devint furieuse.
-Ce n'est pas le moment de se sentir nègre ! Cria -t-elle. »

Ce livre ne date pas de la fin du XIXeme, mais de 1968.

Il n'y a pas une interaction entre Hoover et Léonora qui ne soit pas misogyne. Le docteur Simon est un horrible pervers qui parle à une jeune femme traumatisée de son désir de la pénétrer. Personnellement, je me moque de la morale en littérature, mais je déteste que l'on fasse passer des comportement malsains comme des marques d'amour, ce que ce livre fait constamment. Voilà pourquoi « Lolita » est un grand livre, Nabokov ausculte puis dissèque une perversion sans apologie ni condamnation, il s'échine sur un problème. Dans « La Nuit des temps », la narration vous pousse à accepter comme normal et positif ce qui ne l'est pas.

Je vais m'arrêter là, j'avais encore une citation sur la médiocrité de la prose, mais je vais m’abstenir pour préserver ma santé. Je ne pouvais me contenter d'une critique, je voulais partager mon dégoût et surtout savoir pourquoi tant de gens avaient apprécié ce livre.

Je retourne à la « Vouivre » de Marcel Aymé, c'est autre chose.

PS : On ne peut pas sélectionner "Forum des livres" dans le choix du forum.
C'est surtout d'une mièvrerie abyssale. Ça donne bien envie de ne pas le lire, en tout cas.

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