Thaut 24/12/2020 @ 13:10:57
Merci Shelton pour ces messages fort intéressants, ainsi que pour les mises en perspectives historiographiques que vous proposez. L'évolution au fil des siècles du regard porté sur l'action d'un personnage historique est révélateur de l'évolution de la société, il est passionnant d'essayer de comprendre ce phénomène.

Shelton
avatar 26/12/2020 @ 10:03:18
En 1420, Charles VI, roi de France, et Henri V, roi d’Angleterre, fêtent Noël ensemble à Paris. On est encore dans la guerre de Cent ans et de telles fastueuses fêtes peuvent sembler scandaleuses. Les reines sont là, elles aussi, Isabeau de Bavière, reine de France, et Catherine de France, jeune épouse du roi d’Angleterre et fille d’Isabeau de Bavière et Charles VI… Pourtant, les deux couples sont accueillis avec faste et joie par les habitants de Paris…

La situation est d’autant plus paradoxale que Henri V est bien le roi d’Angleterre qui est en guerre contre le royaume de France, qu’il vient d’obtenir la main de la fille de ce dernier et qu’en cas de décès de Charles VI c’est lui qui deviendrait roi de France…

Comment a-t-on pu en arriver à une telle situation ?

Tenter d’écrire quelque peu la biographie d’Isabeau de Bavière, c’est indiscutablement parler d’une période noire pour le royaume de France. En effet, si on tente de faire bref dans un premier temps, quelques dates suffisent à comprendre la situation :

- le 13 septembre 1380, Charles VI devient roi à 11 ans et 9 mois. Il est le quatrième roi de la dynastie des Valois. L’avenir de cette famille n’est pas pérenne. On est en pleine guerre de Cent ans ;
- le 17 juillet 1385, Charles VI et Isabeau de Bavière se marient à Amiens ;
- le 5 août 1392, Charles VI est définitivement atteint d’une maladie mentale, probablement la schizophrénie ; une régence est mise en place à chaque « absence » du roi avec deux personnages clefs : Jean d’Orléans (frère du roi) et Philippe le Hardi de Bourgogne (oncle du roi) ;
- le 23 novembre 1407, Jean d’Orléans, frère du roi, est assassiné à Paris sur ordre du nouveau duc de Bourgogne son cousin, Jean sans Peur ;
- de 1407 à 1435, guerre civile dite des Armagnacs et Bourguignons ;
- le 25 octobre 1415, défaite cinglante d’Azincourt des Français contre les Anglais, la chevalerie française est mise en déroute et la guerre de Cent ans semble tirer à sa fin au profit du royaume d’Angleterre dont le roi est Henri V ;
- le 10 septembre 1419, le duc de Bourgogne, Jean sans Peur est assassiné lors d’une entrevue de tentative de conciliation entre Bourguignons et le dauphin Charles (futur Charles V) soutenu par les Armagnacs ;
- le 21 mai 1420, signature du traité de Troyes entre Charles VI et Henri V. Henri V devient le successeur de Charles VI. Le dauphin Charles est spolié. Naissance d’un double royaume de France : au nord, celui de Charles VI, au sud, celui du dauphin Charles (le roi de Bourges). La situation va durer jusqu’en 1435…
- le 31 août 1422, mort d’Henri V à Vincennes. Son fils Henri VI, âgé de quelques mois, lui succède…
- le 21 octobre 1422, décès de Charles VI… Henri VI lui succède…

On a beau jeu, après coup, de donner toute la responsabilité de ces évènements à Isabeau de Bavière, la reine étrangère, la reine cupide, la femme dévergondée, la traitresse… Et pourquoi pas la bougresse, la sorcière, la diablesse…

Lorsque l’on prend le temps de lire un certain nombre de textes de l’époque – et non les commentaires de la fin du dix-neuvième siècle marqués par un anti germanisme fort né avec l’occupation de l’Alsace-Lorraine – on constate que la période fut complexe, que la reine Isabeau de Bavière a probablement fait ce qu’elle a pu pour sauver sa propre vie, son couple, sa famille et même d’une certaine façon ce qui pouvait être sauvé du royaume… Quant à la Bourgogne, avec son duc, elle a tenté de mener sa propre aventure pensant que l’occasion était là de s’affranchir du royaume de France…

Pourtant tout avait bien commencé avec un mariage sinon d’amour – un tel concept n’existait absolument pas pour le roi de France et ses héritiers – au moins une rencontre pleine de charme, de désir et de tendresse…

Charles V dit le sage, avant de mourir, avait émis l’idée de trouver à son fils Charles une épouse venant de l’Est pensant que cela pouvait sécuriser le royaume sur son front est. Le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, qui avait noué une double alliance avec la Bavière, va tenter de poursuivre cette union quand Charles V sera décédé et qu’il deviendra lui-même un des régents du royaume. Très rapidement, Charles VI trouve Isabeau attirante sur un portrait transmis et souhaite l’épouser le plus rapidement possible. Les deux jeunes vont s’apprécier très vite, le mariage consommé sans difficulté et Isabeau et Charles commencent une belle vie de couple… Sept ans de bonheur, dix grossesses pour la reine, un dauphin vivant… et un mari royal qui sombre dans la folie…

Contrairement à tout ce qui a pu être dit et jamais étayé par le moindre élément factuel, Isabeau est restée auprès de son mari, chaque période de répit de la maladie a été vécu comme un soulagement et elle n’a pas trahi son amour malgré les difficultés de vivre avec son malade au quotidien. Charles VI avait de grandes absences, plusieurs mois d’affilée…

La reine s’est trouvé prise entre plusieurs clans et elle a d’abord cherché à survivre elle-même, à préserver ses moyens matériels de vivre estimant que l’avenir était incertain. Puis, elle a tenté d’exister politiquement parlant alors qu’elle n’avait pas été préparée à une telle situation. Du coup, elle a parfois été alliée avec le duc d’Orléans et les Armagnacs puis, on lui a reproché, avec le duc de Bourgogne et les Anglais…

Quand son propre fils, le dauphin Charles, fit assassiner le duc de Bourgogne, son allié (1419), il y eut certainement une rupture violente entre elle et son fils. C’est à partir de ce moment-là qu’elle va tout faire pour sa fille Catherine qui devient reine d’Angleterre avec finalement l’espoir de régner sur France et Angleterre…

Attention, il ne faut pas commettre de contre sens historique. Durant la guerre de Cent ans, on a des nobles familles qui s’affrontent pour le pouvoir : gagner un royaume, renforcer un duché, s’enrichir avec la guerre… Mais il n’y a pas, à proprement parler, de nation française qui affronterait une nation anglaise… Le peuple est avant tout victime de cette guerre car le pillage est une calamité, les troupes vivent sur le dos des campagnes, les milices et compagnies appauvrissent la France au quotidien…

Il ne faut donc pas voir Isabeau comme une femme qui trahirait la France, la Bourgogne comme l’infecte région qui poignarderait le royaume dans le dos, ou Jeanne d’Arc (elle rencontre le dauphin Charles à Chinon en 1429 et elle est brûlée à Rouen en mai 1431) comme un leader politique national ou militaire… Il y aurait là du contre sens !

D’ailleurs, dans les unions royales, dans le mariage de Catherine avec Henri, dans la spoliation de Charles le dauphin, dans la signature du traité de Troyes, Isabeau est là comme une femme dans la main du duc de Bourgogne, comme un pion fragile qui n’a aucune autonomie de fait. Certains textes qui parlent de cette période ne la citent même pas… Elle est complètement oubliée…

Sa réputation est d’abord construite par Charles VII et ses proches car cela permet de redorer l’image du roi lui-même qui n’est pas très à l’aise d’avoir abandonné jeanne d’Arc à son triste sort… Puis, il faut attendre le Marquis de Sade pour la voir apparaitre dans un rôle odieux et l’esprit revanchard français de la III° République pour pointer la femme germanique et traitresse ! Un peu léger tout cela… même si pour autant Isabeau ne fut pas une femme brillantissime en politique, diplomatie et gestion du royaume, même si elle a pu sembler indécise en certaines situations…

Par contre elle fut pieuse et cultivée, elle lisait beaucoup et écrivait à son mari quand il partait en campagne, du moins dans les premières années de son mariage quand Charles n’était pas encore le Fol… Certains la considèrent aujourd’hui comme un mécène pour les artistes, une femme qui appréciait ce qui était beau et qui possédait de magnifiques livres… Elle vivra à Paris sous domination anglaise jusqu’à sa mort en 1435 et quittera ce bas-monde quasiment dans l’anonymat total... Son corps a pu rejoindre celui de Charles VI à Saint-Denis…

Même si ce ne fut pas la plus grande reine française, j’ai été très heureux de découvrir une femme qui mérite beaucoup mieux que ce que certaines époques ont dit d’elle…

Pour aller plus loin :

Charles VI de Françoise Autrand
Philippe le Hardi et Jean sans Peur de Serge Grafteaux
Isabeau de Bavière de Marie-Véronique Clin
Isabeau de Bavière de jean Verdon
La guerre de Cent ans de Jean Favier
La guerre de Cent ans de Georges Minois


Shelton
avatar 26/12/2020 @ 10:54:33
On va donc considérer que j'ai parlé de Jean II le Bon, d'Isabeau de Bavière et donc par voie de conséquences de Charles VI... Le prochain sur ma planche de travail sera donc Charles VI, le fils de Charles VI et Isabeau de Bavière dont nous avons déjà parlé un peu...

Shelton
avatar 26/12/2020 @ 11:08:08
Le prochain sera Charles VII bien sûr et non Charles VI...

Saint Jean-Baptiste 26/12/2020 @ 11:41:08

... le dauphin Charles (futur Charles V)
le dauphin Charles, futur Charles VII, non ?

Shelton
avatar 26/12/2020 @ 11:46:19
Heureusement certains suivent... :)

Minoritaire

avatar 26/12/2020 @ 12:54:29
Heureusement certains suivent... :)
Ou, selon la formule consacrée : "le lecteur intelligent aura rectifié de lui-même".

Shelton
avatar 26/12/2020 @ 13:47:59
Merci Minoritaire !

Saint Jean-Baptiste 26/12/2020 @ 16:44:22
Heureusement certains suivent... :)

"le lecteur intelligent aura rectifié de lui-même".
Grrrrrr ! Pour une fois que j’ai l’air du bon élève de la classe…;-))

Pieronnelle

avatar 26/12/2020 @ 19:57:16
J'ai trouvé chez un bouquiniste il y a quelques temps (en Flandre flamande ! ) un livre de Bertrand Schnerb "Les Armagnacs et les Bourguignons, La maudite guerre " que je n'ai pas encore lu...mais je n'ai pu m'empêcher grâce à Shelton d'aller voir le passage se rapportant à Isabeau de Bavière et Jean sans Peur . L'auteur considère effectivement Isabeau plus comme une victime qu'une intriguante et les faits sont trés bien relatés historiquement. Neanmoins cette balance entre les deux camps montre bien à quel point la réputation d'Isabeau en a pris un bon coup selon la tendance de certains historiens à "soutenir " tel ou tel côté...On peut comprendre le désarroi de cette reine au coeur de ce chaos politique mais cette capacité à faire appel à l'autre camp dès qu'un problème, certes grave , arrive (et les trahisons sont fréquentes ) est surprenante ; j'ai un peu de mal avec ça surtout quand elle s'allie avec les anglais...mais il semble clair qu'elle n'a pas eu finalement beaucoup d'influence sur les évènements et le plus grave, je trouve, a été la trahison de son fils envers elle. Ces anglais décidément !: -) Dans notre Histoire ce sont eux qui ont été nos plus grands ennemis...

Shelton
avatar 26/12/2020 @ 20:26:27
J'ai lu il y a quelques années le livre de Bertrand Schnerb mais je n'ai pas eu le temps de le relire cette fois... J'en garde un bon souvenir !

Shelton
avatar 10/01/2021 @ 17:24:00
Je n'oublie pas ce pauvre Charles VII, je suis en pleine lecture...

Shelton
avatar 16/01/2021 @ 11:13:16
Si j’ai souhaité, après Jean II le Bon, Charles VI et Isabeau de Bavière, présenter le roi Charles VII c’est parce que mes souvenirs concernant ce monarque étaient très mauvais. Non pas que j’aie tout oublié concernant le roi de Bourges mais plutôt que son image était tellement noire que je me suis dit qu’il était temps de reconstruire une image plus réaliste et probablement plus conforme à la réalité même si l’art de la biographie n’est en aucun cas une science exacte !

Alors, avant de présenter le roi Charles VII, je souhaite parler de la trace qui était inscrite dans ma mémoire… Certes, ces souvenirs n’ont aucune valeur historique à proprement parler mais cela montre comment était considéré ce roi de France dans une partie de la mémoire collective nationale…

Je suis né dans une famille catholique et donc l’histoire de cette période est essentiellement construite autour de celle de Jeanne d’Arc ! C’est bien Jeanne qui attire toute la lumière et laisse Charles dans l’ombre… et c’est d’autant plus fort que mon père est Lorrain !

Depuis tout petit on nous raconte que Jeanne d’Arc a eu des voix, qu’elle venue sauver la France, qu’elle a été obligée de contraindre le roi qui était faible et mal entouré… C’est Jeanne qui a été obligée de faire couronner le roi car il ne voulait même pas y aller (à Reims bien sûr !)… Après avoir ainsi sauvé la France (en fait le travail n’est pas réellement terminé et la Guerre de 100 ans va continuer…) Jeanne est arrêtée par les Anglais qui vont la condamner à mourir sur le bûcher… La Sainte est partie dans l’indifférence de tous, du roi en particulier ce qui illustre bien sa faiblesse et son entourage méprisable !

Voilà, il ne s’agit pas du tout de mon avis mais de ce que j’ai entendu tout petit. Jamais, dans cette histoire de Jeanne, on ne me parlait de la Guerre des Armagnacs et des Bourguignons, de la folie de Charles VI le père de Charles VII, des assassinats des princes de sang, de l’alliance entre Bourguignons et Anglais…

Voilà, c’était mon état d’esprit avant d’entamer une grande série de lectures sur le sujet et donc très prochainement je tenterai de vous donner une synthèse plus solide pour comprendre qui fut Charles VII, un des rois au plus long règne, un roi qui réussit à mettre fin à la Guerre de 100 ans…

Saint Jean-Baptiste 16/01/2021 @ 16:54:34
Sans vouloir te contredire, Shelton, et seulement pour l’intérêt de l’Histoire, je m’en réfère à Philippe Erlanger pour qui le principal reproche qu’on puisse faire à Isabeau n’est pas d’avoir été bavaroise ; au contraire, ce mariage avait pour but, selon lui, d’éloigner la Bavière de l’escarcelle des Bourgogne. Il lui trouve aussi certaines excuses – mais pas beaucoup – la principale étant que son mari avait des crises de folie.

Le reproche principal qui lui est adressé est d’avoir toujours nié que Charles VII était bien son fils et que, par conséquent, il n’avait pas droit à la couronne.
Elle le prétendait né du duc d’Orléans, frère du Roi avec qui elle avait vécu ouvertement en concubinage. Et ça en dépit des évidences, selon Philippe Erlanger, puisque ses relations avec ce duc avaient cessé plus d’un an avant la naissance de Charles VII – ce qui est toujours difficile à certifier, évidemment, étant donné que leur fréquentations communes les réunissaient souvent dans un même salon… et peut-être aussi un peu plus loin. Philippe Erlanger n’était pas là pour tenir la bougie…
L’Histoire nous dit qu’il a fallu Jeanne d’Arc pour rétablir la vérité.

Ceci dit, j’attends la suite avec impatience…;-))

Shelton
avatar 17/01/2021 @ 02:34:07
Charles VII vu par Ammann et Coutant, Histoire de France du brevet élémentaire, 1919 :

« Les Anglais l’appelaient par dérision le roi de Bourges. C’était un prince indolent, qui ne songeait qu’aux fêtes ; entouré d’indignes favoris, Lecamus de Beaulieu, le sire de Giac, etc… Il dissipait dans de folles orgies le peu d’argent qu’il avait et perdait gaiement son royaume. Résigné d’avance à la catastrophe qu’il jugeait inévitable, il parlait de se retirer en Italie. Ses soldats, peu nombreux, très mal payés, vivaient de pillage, et leurs capitaines les conduisaient à leur guise… »

Shelton
avatar 17/01/2021 @ 09:04:05
Cher Saint Jean-Baptiste je ne vais pas polémiquer avec toi mais simplement dire que la biographie de Philippe Erlanger n'a pas une grande valeur historique et qu'elle est surtout un ouvrage bien écrit, agréable à lire et contenant sur Charles VII qu'un discours assez vague, peu précis et sans trop de sources confirmées... Ce n'est pas qu'un avis personnel car c'est aussi ce qu'en disent des historiens contemporains comme Georges Minois dont le Charles VII, pour le coup, est un ouvrage solide et majeur. Malheureusement, ses huit cents pages sont beaucoup moins accessibles au lecteur...

On peut d'ailleurs noter que Philippe Erlanger n'était pas historien de métier, de formation ou de passion. Ils aimaient raconter les vies de personnages dans de belles biographies et il a eu beaucoup de succès auprès des lecteurs...

Shelton
avatar 18/01/2021 @ 10:44:26
Depuis quelques semaines, vous n’avez pas pu y échapper, je me passionne, au moins temporairement, sur les règnes de Charles VI et Charles VII. Or, si les ouvrages historiques m’ont bien occupé, j’ai aussi pris le temps de lire et relire des bandes dessinées qui abordaient de près ou de loin cette période de la Guerre de cent ans et de Jeanne d’Arc… C’est ainsi qu’il est grand temps pour moi de mettre la série Le trône d’argile en lumière… S’il en était besoin car le dessinateur Théo s’en charge très bien !

Cette série, Le trône d’argile, est un travail de qualité qui nous assure une plongée, une immersion profonde dans l’histoire de la France et la Guerre de Cent ans en particulier. C’est pour cela que je vous demande de faire l’effort, pour commencer, de faire un petit retour sur cette guerre de Cent ans cet événement que tout le monde connaît, mais seulement de nom… Certes, on se souvient que tout prendra fin après le coup de fouet donné par Jeanne d’Arc à un certain Dauphin faible et fragile (du moins si on en croit certains historiens)… et nous allons retrouver ce Dauphin et cette Jeanne dans la bande dessinée…

Contexte historique : Les fils de Philippe le Bel n’ont pas eu de garçon et c’est là que le problème commence car Isabelle, fille de ce roi capétien, elle, a eu des fils mais avec son époux, roi d’Angleterre… La Guerre de Cent ans commence donc par une famille française qui tente de trouver une solution dans la succession et une famille d’Angleterre qui fait valoir ses droits dans cette même succession… La noblesse française qui croit encore à la valeur des chevaliers et qui n’a pas modernisé ses forces commence par se faire étriper sévèrement… Les Valois qui ont réussi à devenir la famille royale avec Philippe VI ont du mal à garder la France entière et unie (même s’il est difficile de parler de France à cette époque…). Après Jean II le Bon et Charles V le Sage arrive Charles VI…

Charles VI est roi de France à partir de 1380 mais il a alors seulement 12 ans. Il va donc commencer par subir l’influence des ses oncles… Puis, un problème de santé va venir obscurcir la France… En effet, il va rester dans l’histoire sous le sobriquet de Charles VI le fol (fou). C’est à partir de 1392 qu’il donne des signes de pertes de raison, mais comme le phénomène est intermittent, on ne peut pas mettre en place une régence. Aujourd’hui on pense qu’il fut atteint de schizophrénie avec des phases de dépression très fortes…

La France, elle, déjà secouée par ce que l’on connaît sous le nom de Guerre de cent ans [1337-1453] va, alors, connaître une grande période de troubles avec les différents partis qui tentent de prendre le pouvoir, y compris en cherchant des alliances contre nature avec le roi d’Angleterre, Henri V. On trouve Jean sans peur à la tête de la Bourgogne qui joue ouvertement contre la France, les Armagnacs qui semblent vouloir aider le Dauphin, le futur Charles VII, à défaut de pouvoir venir en aide au roi défaillant… Il va jusqu’à faire assassiner les fils aînés du roi, puis, le duc d’Orléans, chef des Armagnacs et soupçonné d’être l’amant de la reine Isabeau de Bavière. La France est alors en guerre civile… Attention, quand on parle des amants de la reine Isabeau il faut être très prudent car beaucoup de choses lui ont été attribué par ses ennemis et il y a très peu de documents pour prouver tout cela…

Le roi d’Angleterre va profiter de cette situation confuse pour remporter la grande bataille d’Azincourt, en 1415, contre les Français, enfin surtout les Armagnacs. Cette bataille va être une rupture tragique pour la noblesse et la chevalerie françaises qui vont réaliser qu’une armée inférieure en nombre peut l’emporter grâces aux armes à distance…

Nous allons nous retrouver, nous les lecteurs du Trône d’argile, en 1418…

La série : Comme chaque fois que l’on écrit une bande dessinée ayant pour cadre la grande histoire, celle avec un H, nous allons croiser des personnages réels et des personnages de fiction. La grande force des scénaristes, Nicolas Jarry et France Richemond, est d’avoir rendu les acteurs réels encore plus touchants et prenants que des personnages de fiction et ceux de fiction encore plus crédibles que les historiques.

J’ai une petite tendresse pour le sieur Tanneguy de Chatel qui offre au roi, à son fils le Dauphin, un bras armé prêt à tout, y compris à perdre la vie pour la France. La fidélité totale comme en voit seulement dans les romans de Dumas ou de Walter Scott…

Ce pauvre Dauphin Charles est lui, aussi, assez touchant. Il voudrait tout laisser tomber. Pas par peur comme souvent cela se disait dans les hagiographies de Jeanne d’Arc. Plus par conscience de ses lacunes et de son incapacité à diriger la France dans une telle situation. J’entends déjà les plus traditionnels d’entre vous en train de crier que le roi n’a pas besoin d’avoir de compétences, il doit simplement avoir confiance en Dieu. C’est ça le droit divin ! Mais, le Dauphin semble beaucoup plus dubitatif que vous… Il doute… Il est amoureux… Il voudrait vivre en paix… Et, Jeanne d’Arc n’est pas encore venue le débusquer dans sa cour mais elle ne va pas tarder car cette série est bien construite pour parler de cette fameuse Jeanne d’Arc…

Le premier tome se déroule principalement à Paris qui est sous la menace des Bourguignons et aussi des Anglais qui sont en train d’assiéger Rouen… J’ai beaucoup aimé ce début de série car dès le départ on oublie le côté historique pour plonger dans une bande dessinée d’aventure. La narration graphique est rapide, enjouée, dynamique, les combats en ville très crédibles, les discussions politiques encore plus…

Bref, de l’excellent travail que je conseille à tout le monde, les amateurs de bédé, les fans d’histoire, ceux qui aiment la France, l’Angleterre, la Bourgogne (tiens, ça c’est moi !)…

Quant aux biographies sur ce thème elles vont venir très vite...

Saint Jean-Baptiste 18/01/2021 @ 12:15:02
Cher Saint Jean-Baptiste je ne vais pas polémiquer avec toi
Moi, polémiquer ? Mais voyons, Shelton, ce n’est pas mon style…
;-)) ;-)) ;-))


Saint Jean-Baptiste 18/01/2021 @ 12:18:53
... la biographie de Philippe Erlanger n'a pas une grande valeur historique

... Ce n'est pas qu'un avis personnel car c'est aussi ce qu'en disent des historiens contemporains

On peut d'ailleurs noter que Philippe Erlanger n'était pas historien de métier, de formation ou de passion. Ils aimaient raconter les vies de personnages dans de belles biographies et il a eu beaucoup de succès auprès des lecteurs...
Ce que tu dis de Philippe Erlanger est très intéressant. J’ignorais que les historiens contemporains le snobaient ; mais je crois qu’il y a chez les historiens, comme partout ailleurs, des écoles qui se jalousent un peu – ce qui, par ailleurs alimentent des controverses intéressantes.

Si tu as l’occasion d’interwouver ces historiens, dis leur quand-même que l’Académie française a couronné l’ensemble de son œuvre et qu’il a reçu le Grand Prix Gobert, le Grand Prix Rayonnement français, le Grand Prix Conseil Général de la Seine, le Prix du Cercle de l’Union, le Prix des Ambassadeurs… etc, etc. Excusez du peu, mais je ne sais pas si ça veut dire grand chose...

Le fait est qu’il est amusant à lire pour les « amateurs » parce qu’il « raconte » l’Histoire.
Grâce à toi, je me suis re-plongé dans son « Charles VII et son Mystère » où il raconte l’histoire de cet hallucinant XVème siècle mieux qu’aucun romancier n’aurait pu le faire…

Ceci dit, je me réjouis de lire l’épisode suivant de ta série parce que c’est une tranche d’Histoire fascinante s’il en est.

Shelton
avatar 19/01/2021 @ 08:38:05
Pour ceux qui sont à la fois passionnés par l'Histoire de la Bourgogne mais aussi par la France durant la fameuse Guerre de cent ans, je ne peux que vous conseiller, même si la lecture en est parfois exigeante, L’État bourguignon, 1363-1477, de Bertrand Schnerb. L'ouvrage existe en version poche mais on le trouve aussi facilement d'occasion dans sa première version grand format (pour ceux qui aiment lire autrement qu'avec une loupe en main)...

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