Fanou03
avatar 12/11/2020 @ 00:00:24
Dès le premier chapitre on sent que l'histoire ne va pas être très gaie. Le climat est triste, les sentiments du général aussi, emplis d'inquiétudes et de craintes. A lire les premières pages je me dit peut-être que ce sera sans doute plus un roman d'ambiance qu'un récit d'enquête basé sur la recherche des soldats.

Un chose me frappe: les personnages n'ont pas de nom, ni le général, ni le prêtre, ni les albanais, ni les soldats qu'on déterre. Seul le mystérieux "Colonel Z." a la chance de voir l'initiale de son nom qui nous est précisée. Dans quel but Ismaïl Kadaré a fait ce choix ? Dans le but de rendre ce récit plus universel ?

L'Albanie est vu ici par un "étranger" d'un pays anciennement envahisseur. Cela me rappelle que Kadaré a utilisé la même approche dans "Les Tambours de la Pluie" où cette fois-ci le récit est fait par le chroniqueur officiel de l’armée turque ayant envahi l'Albanie au 15ième siècle...

La rudesse du pays et de ces habitants est mis en avant.

Le chapitre 5 est intéressant: il décrit de façon indirecte la complexité de la guerre. D'ailleurs dites-moi si j'ai bien tout compris: dans ce village il y a plusieurs cas de figures:
- un cimetière de soldats italiens "loyalistes" de l'armée régulière
- un cimetière de résistants albanais avec des soldats italiens ayant combattu à leur côté et donc ayant trahi le régime fasciste on peu imaginer
- les hommes du fameux bataillon bleu, un bataillon de "représaille", style "SS" peut-être ?
- des corps des "collabo" albanais






Fanou03
avatar 12/11/2020 @ 00:10:19
Il y a deux ou trois ans j'avais vu un documentaire ("La rose de Tirana" par Frédéric Mitterrand) sur l'éphémère roi d'Albanie Zog 1er et sa femme Géraldine. Je ne suis pas sûr qu'il soit retrouvable et c'est dommage car il y avait de rares images d'époque de l'Albanie des années 1930 et 1940 avec une partie sur l'invasion de l'Albanie par les troupes italiennes.

Septularisen
avatar 12/11/2020 @ 10:38:26

Je ne sais pas si "décider" est le bon mot à employer ici?..
Oui, je comprends bien la question mais certains ont fui vers l'Italie,


Oui. ce sont notamment les noms de famille italiens qui comportent un "x" dans les lettres...
Cette lettre n'existait en effet pas dans l'alphabet italien.

l'Europe centrale, d'autres se sont convertis et on peut penser que l'acte fut quand même plus ou moins volontaire... Je dis cela avec prudence, bien sûr !

Disons pour restituer une vérité historique ici que c'était plutot :

- Tu t'en vas ou bien
- Tu te convertis de force ou bien
- Je te coupe la tête!..

Cyclo
avatar 12/11/2020 @ 11:28:01
Je viens de finir le chapitre 10. L'intrigue reste très simple, ile se passe peu de choses, les rapports avec la population sont limités, chacun reste dans son coin, sans doute à cause de la barrière de la langue; et puis ils furent ennemis pendant la guerre.
Un excellent chapitre (VII); celui sur le bordel de campagne militaire, où un cafetier albanais raconte la mort d'une des prostituées. Autre chapitre excellent : la rencontre avec le lieutenant-général, probablement allemand, qui recherche aussi ses morts. On sent qu'on les retrouvera plus tard.
C'est excellent dans l'ensemble, j'ai pensé un peu à Buzzati (le désert des Tartares).
Je dois me retenir pour ne pas aller trop vite, en ayant quelques lectures parallèles !

Et si j'ai bien compris, la prochaine fois, on s'arrête après le chapitre XVI !

Saint Jean-Baptiste 12/11/2020 @ 11:39:59
Terminé jusqu’au chapitre X toujours aussi enchanté de ma lecture.
L’histoire du cimetière sur le terrain de football est ahurissante, comme surréaliste ; il y a une ironie dans tout ça vraiment surprenante.

L’histoire de la fille du bordel est vraiment très spéciale aussi. En fait, elle ne vient rien faire dans l’histoire et elle est, en soi, plutôt banale. Mais elle occupe tout un chapitre et on la lit avidement, sans perdre un mot, sans lever la tête… J’imagine Tistou à son petit déjeuné qui lit ce chapitre avec sa tasse de café en l’air, sans quitter son livre des yeux…

Par contre ce chapitre, mieux que toute description, définit parfaitement la mentalité des populations.
C’est comme le chapitre des chants guerriers la nuit qui empêchent le général de dormir. On imagine bien la mentalité du peuple albanais, à la fois romantique et sauvage.
Et alors, l’histoire du vieux paysan qui ramène le cercueil du déserteur est un vrai régal de lecture, plus vrai que nature.

L’auteur a l’art de créer une atmosphère de plus en plus oppressante et pourtant le récit comporte une certaine ironie cruelle, comme une allégresse un peu désespérante… C’est difficile à expliquer tellement c’est étrange.

Dans un roman je m’attache toujours beaucoup aux personnages et ici, les rapports entre le général et le prêtre définissent parfaitement leur personnalité, on a l’impression de les connaître et de les voir à l’action. Le passage où le général se souvient de la belle veuve du colonel Z est fantastique.
Et puis les descriptions des paysages et des rudes conditions climatiques ajoutent une touche à la rudesse de l’histoire.
Vraiment, jusqu’à présent, je suis comblé par cette lecture et je suis impatient de lire vos impressions.

Fanou03
avatar 12/11/2020 @ 12:07:31
J
C'est excellent dans l'ensemble, j'ai pensé un peu à Buzzati (le désert des Tartares).


Oui je me suis fait un peu la même réflexion...Je ne sais pas de quoi cela peut venir...un sentiment d'attente absurde, ou le fait qu'il se passe peu de chose ?

Marvic

avatar 12/11/2020 @ 12:15:02
Terminé aussi les 10 premiers chapitres. Je pensais alterner avec une autre lecture, mais je suis trop intéressée par celle-ci.
Le récit se fait moins linéaire, les témoignages, les retours en arrière rendent plus dynamique la lecture.
Et toujours cet anonymat des personnages principaux alors que d'autres secondaires sont nommés. Comme Ramiz Kurti, l'homme tombé amoureux d'une prostituée de la maison close.
Même vivant, le déserteur quand il habitait au moulin n'était appelé que "Soldat".
D'accord avec SJB, descriptions et ambiances très efficaces et superbement écrites.

SpaceCadet
avatar 12/11/2020 @ 13:40:17
Bonjour. Je viens de recevoir mon exemplaire. Je tâcherai de vous rejoindre dès que possible.

QUESTION:

La page wikipédia dédiée à l'auteur (tout comme celle dédiée au roman) indique que le roman aurait été publié pour la première fois en Albanie en 1963.

https://fr.wikipedia.org/wiki/…

Nicole Chardaire qui signe l'introduction dans l'Edition Livre de Poche, affirme que Kadaré a écrit ce roman en 1960. Or à la dernière page du livre, la note que j'imagine être de l'auteur et signe en quelque sorte le roman, 'Tirana 1962-1966', semble indiquer que le roman aurait été écrit entre 1962 et 1966.

Comment expliquer toutes dates?

Cyclo
avatar 12/11/2020 @ 16:39:58
Je pense qu'une première mouture a dû paraître en 1963, et que Kadaré l'a complétée, par la suite pouir la version définitive, ce qui explique le retard de la traduction fraçaise parue seulement fn 1970?
Encore qu'il y a une contradiction dans l'article de wikipedia : "En 1963, la parution de son premier roman Le Général de l'armée morte lui apporte la renommée, d'abord en Albanie" et plus loin, dans la liste des œuvres : "Le Général de l'armée morte (1966)"
1963 est bien la date figurant dans l'article "Le général de l'armée morte", où l'on apprend que le, roman figure dans la liste des "cent livres du siècle" !

Cyclo
avatar 12/11/2020 @ 16:48:25
La traduction anglaise date de 1971, l'allemande semble dater de 1973. Donc, c'est bien Jusuf Vrioni qui a fait connaître l'auteur au mon entier !

Shelton
avatar 12/11/2020 @ 16:55:33
Il faut juste préciser pour compléter les éléments précédents apportés par Cyclo que Kadaré aime, et il l'a fait toute sa vie, corriger ses romans... D'où quelques variantes pour ceux qui aiment lire et relire...

D'autre part, il faut rappeler que l'Albanie vivait une dictature très forte et que pour publier une œuvre Kadaré parfois changeait certains éléments pour être plus discret en quelque sorte...

Sous cette dictature, un peu comme en Union soviétique, il fallait déjà passer le cap d'une revue et donc de son comité de lecture. Puis, après Kadaré a repris son texte pour passer d'une nouvelle consistante à un roman... D'où une écriture plutôt entre 1959 et 1961, une parution en revue puis une première édition en roman en 1963...

SpaceCadet
avatar 12/11/2020 @ 17:39:18


Sous cette dictature, un peu comme en Union soviétique, il fallait déjà passer le cap d'une revue et donc de son comité de lecture. Puis, après Kadaré a repris son texte pour passer d'une nouvelle consistante à un roman... D'où une écriture plutôt entre 1959 et 1961, une parution en revue puis une première édition en roman en 1963...


Cela explique les dates inscrites à la fin du roman. De surcroît, on peut en déduire que la traduction française serait basée sur l'une des versions 'revues et corrigées', possiblement celle qui aurait été disponible en/après 1966.

Merci à vous deux!

Je m'empresse de lire et lire et lire... en principe je devrais lancer mes premières impressions demain.

Saule

avatar 13/11/2020 @ 08:21:57
Je suis arrivé au chapitre dix, même un peu plus loin. J'aime beaucoup, surtout depuis que l'auteur varie le récit en introduisant des petites histoires parallèles. Je n'ai pas très bien compris qui était le colonel Z (le chef de la brigade bleue qui a fait beaucoup de morts et qui était détestée ?). Mais j'aime beaucoup les passages ou le général pense à la veuve du colonel, notamment le séjour à la mer. L'histoire du soldat valet de ferme est très bien aussi. Le personnage du prêtre est assez énigmatique, vu que tout est raconté du point de vue du général on ne sait rien de ce qu'il ressent, il parait un peu irréel.

Bref je lis avec beaucoup d'amusement malgré l'atmosphère déprimante (la pluie, le vent, la boue,...) et je lis avec beaucoup de curiosité, je me demande ce que nous réserve l'auteur.

Shelton
avatar 13/11/2020 @ 09:08:03
Je continue ma relecture du roman de Kadaré, "Le général de l'armée morte"...

Notre général et notre prêtre sont toujours à la recherche de leurs combattants morts au combat pour pouvoir rapatrier leurs corps au pays. Il s’agit de leur mission, la mission d’une vie…

Il est intéressant de voir comment le prêtre est obnubilé par le fait de retrouver le corps du Colonel Z. Il faut dire qu’il a promis à sa veuve de le retrouver pour qu’il puisse rejoindre le tombeau qui est prêt mais encore vide…

Ce qui est drôle, car malgré le côté mélancolique et triste du roman, il y a bien des moments plus légers, c’est quand le général imagine quel fut le rapport entre ce prêtre et la veuve du Colonel Z… Oh, ce n’est pas de la suggestion ou de la description érotique, non, ici, tout est dans le non dit, dans l’évocation distraite et presque invisible… J’adore cette façon d’écrire…

Une autre particularité de cette écriture de Kadaré réside dans le fait de ne pas nommer ses personnages : le général, le prêtre, l’expert, le gardien, le paysan, le villageois, le cafetier, la prostituée… Une forme d’anonymat qui fait toucher à l’universel…

Koudoux

avatar 13/11/2020 @ 09:19:37
Terminé chapitre X
Ambiance toujours froide, pluvieuse. Le général ne semble pas aller bien, il boit beaucoup, fait des cauchemars, nuits difficiles. Il est loin du grand général arrivé au début du livre.
J'ai beaucoup aimé les petites histoires qui nous expliquent la vie pendant la guerre: les prostituées,
le soldat déserteur chez le meunier...
J'ai hâte d'avancer dans ma lecture.

Tistou 13/11/2020 @ 10:07:27
Bonjour. Je viens de recevoir mon exemplaire. Je tâcherai de vous rejoindre dès que possible.

QUESTION:

La page wikipédia dédiée à l'auteur (tout comme celle dédiée au roman) indique que le roman aurait été publié pour la première fois en Albanie en 1963.

https://fr.wikipedia.org/wiki/…

Nicole Chardaire qui signe l'introduction dans l'Edition Livre de Poche, affirme que Kadaré a écrit ce roman en 1960. Or à la dernière page du livre, la note que j'imagine être de l'auteur et signe en quelque sorte le roman, 'Tirana 1962-1966', semble indiquer que le roman aurait été écrit entre 1962 et 1966.

Comment expliquer toutes dates?

Je ne me souviens plus où je l'ai lu mais il était dit qu'Ismaïl Kadaré avait l'habitude de reprendre régulièrement ses écrits et que celui qui avait subi le plus de modifications dans le temps était bien son premier, Le général de l'armée morte.

Koudoux

avatar 13/11/2020 @ 10:35:25
Fin 1ère partie:
L'état du général ne s'améliore pas, il boit souvent et se pose des questions:
Doit-il vraiment rendre les cendres aux familles?
Les morts préfèrent peut être rester près leurs frères d'arme?
Le prêtre lui est convaincu que leur mission est la solution.
Le décor "change ", la côte morne et déserte.
Encore des petites histoires : lecture du carnet du Soldat, explication du cas Nik Martini.
Elles nous poussent à avancer dans la lecture.
Vivement le printemps!

Tistou 13/11/2020 @ 10:45:44
Second petit-déjeuner Kadaré (avec du thé et pas du café SJB !), qu'est-ce que ça se lit facilement 5 chapitres !
On reste dans la tonalité installée par l'auteur : tristesse et presque dégoût de la tâche à accomplir pour lr Général et l'Aumônier, décor lugubre en une saison inhospitalière, on pressent que les choses ne vont pas s'arranger pour les deux protagonistes et qu'ils vont s'avancer toujours plus dans une sorte de dépression et de mal-être : une situation qui deviendra plutôt récurrente dans les romans à suivre d'Ismaïl Kadaré. Il faut dire que vivre dans Albanie totalement isolée du monde, repliée sur elle-même et soumise au culte obligatoire d'Enver Hojda ne devait pas porter à la joie de vivre !
De petites aventures incidentes au fil des chapitres et certainement ce qui va être un fil rouge : la recherche de la "carcasse" du Colonel Z., fâcheux responsable d'un escadron type "de la mort" qui a répandu la terreur. Obsession pour cette carcasse particulière qui tient son origine à la fréquentation de la (jeune, et belle) veuve dudit Colonel, sur une plage italienne avant de partir pour l'Albanie. Le Général s'en est manifestement amouraché et il est perturbé en permanence par la potentielle liaison qu'il imagine avoir eu lieu entre l'homme d'église qu'est l'Aumônier et cette fameuse veuve.
Le tout servi par un excellent équilibre dans le récit entre le fond et la forme ; pas de flamboyance, une écriture plutôt sèche, au service d'une histoire, plutôt sobre. C'est un plaisir à lire.
Vivement un prochain petit-déjeuner ! (au thé je le répète)

Septularisen
avatar 13/11/2020 @ 12:55:36

Un peu en retard dans la lecture, je viens juste de commencer.

Très belle introduction, on est tout de suite mis dans le bain par l'atmosphère imaginée par l'écrivai.
En quelques pages, on sait tout de suite que cela ne sera pas un roman joyeux, mais très noir.
Malgré cela, c'est excellent et très facile à ire.

Septularisen
avatar 13/11/2020 @ 13:02:03

Une autre particularité de cette écriture de Kadaré réside dans le fait de ne pas nommer ses personnages : le général, le prêtre, l’expert, le gardien, le paysan, le villageois, le cafetier, la prostituée… Une forme d’anonymat qui fait toucher à l’universel…


Oui cela m'a interpellé aussi.

C'est très bizarre comme technique d'écriture, un peu comme si Kadaré ne voulait pas que l'on s'attache (s'approhce?) trop à ses personnages, comme s'il voulait que nous regardions le tout en spéctateurs, avec une certaine distanciation (distance)?

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