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Voici ce qui correspondrait pour moi à 5 étoiles :
Ce passage concerne les noirs appelés « nègres » dans le livre (on est dans le Sud !) :
« Frony portait une robe de soie bleu vif et un chapeau à fleurs. C’était une femme mince, au visage plat et agréable.
- T’as pour six semaines de travail sur le dos, dit Dilsey. Qu’est-ce que tu feras s’il pleut ?
- J’me mouillerai, probablement dit Frony. J’ai encore jamais pu empêcher de pleuvoir
:-))
- (….)
- C’est le révérend Shedog qui va prêcher aujourd’hui, dit Frony. D’après ce qu’on dit.
- Hum ! dit Disley. Ce qu’il faut , c’est un homme qui mette la crainte de Dieu dans tous ces jeunes vauriens de nègres.
Ils suivaient la rue. Tout le long de la rue paisible, dans le vent plein de cloches, des blancs en groupes lumineux se rendaient aux églises, passant de temps à autre dans les éclaircies de soleil fugitives. Le vent du sud-est était vif, froid et mordant après les journées chaudes. »
Cette évocation du groupe noir et du groupe blanc est belle et extrêmement visuelle et les sensations de froid et de chaud très évocatrices en très peu de mots ainsi que les sons avec « l’appel » des cloches en provenance de l’église où ils se rendent .
On a la situation sociale et le climat du pays en quelques phrases. Frony ose se montrer, elle femme noire, avec de la soie légère (même par temps froid) et une certaine arrogance ce qui choque Dilsey de l’ancienne génération. Cette femme courageuse s’occupe de tous au sein des blancs mais on sent qu’il va y avoir un changement dans les mentalités de la nouvelle génération de la population noire qui veut ressembler à celle des blancs. Je trouve d’ailleurs que ce sont les noirs qui tirent le mieux leur épingle du jeu dans cette société où les blancs s’effondrent de l’intérieur même s’ils essaient de garder encore la face…Par exemple le dialogue suivant est édifiant :
Ils parlent de Ben :
- J’voudrais bien que vous cessiez de l’emmener comme ça à l’église, mammy, dit Frony ; ca fait causer les gens.
- Quels gens ? dit Dilsey
- Je les entends dit Frony .
- Et je sais quel espèce de gens dit Dilsey. De la racaille de blancs. C’est ça qui cause. Ils trouvent qu’il n’est pas assez bon pour les églises de blancs, mais que l’église des noirs n’est pas assez bonne pour lui.
- Ca n’empêche pas qu’ils causent, dit Frony.
- T’as qu’à me les envoyer, dit Dilsey. Et puis, tu peux leur dire qu’au Bon Dieu ça lui est bien égal qu’il soit intelligent ou non. Faut être de la racaille de blancs pour se préoccuper de ça. »
Formidable Dilsey ! Les blancs ont honte de cet homme enfant alors qu’ils devraient avoir honte d’eux-mêmes !
Même en dehors de ce que ressent principalement l’esprit « attardé » de Ben ce livre est pour moi avant tout un livre de sensations (ce qu'on voit, ce qu'on sent, ce qu'on entend) qui en disent long cependant sur ce qu’il se passe en profondeur dans le pays et l’évolution de la société…
Et ce qui correspond pour moi à 1 étoile :
C’est Ben qui raconte :
« Dilsey et Luster ont discuté
- Je t’ai vu dit Dilsey. Oh, je t’ai vu. Elle a tiré Luster de son coin en le secouant. Tu ne lui as rien fait, hein ? Attends un peu que ton papa revienne. Si seulement j’étais jeune comme autrefois j’tarrangerais bien la tête. J’ai bonne envie de t’enfermer dans la cave pour t’empêcher d’aller à ce théâtre, vrai de vrai.
- Oh, mammy, dit Luster. Oh mammy.
J’ai tendu la main vers l’endroit où était le feu.
- Retiens-le, dit Dilsey, retiens-le. »
A mon avis il y a incohérence, pour cet esprit qualifié « d’idiot », il est impossible pour lui de relater ce que disent Dilsey et Luster d’une façon aussi logique.
J’aurais préféré que l’auteur se mette carrément (même si c’est une invention pure !) dans l’esprit de Ben , le lecteur aurait été moins déstabilisé car il aurait su qu’il suivait un esprit « attardé » et il n’aurait pas cherché à comprendre une situation avec son esprit logique, ce qui est un exercice éprouvant et finalement pas efficace . Mais c’est mon ressenti…
Ce passage concerne les noirs appelés « nègres » dans le livre (on est dans le Sud !) :
« Frony portait une robe de soie bleu vif et un chapeau à fleurs. C’était une femme mince, au visage plat et agréable.
- T’as pour six semaines de travail sur le dos, dit Dilsey. Qu’est-ce que tu feras s’il pleut ?
- J’me mouillerai, probablement dit Frony. J’ai encore jamais pu empêcher de pleuvoir
:-))
- (….)
- C’est le révérend Shedog qui va prêcher aujourd’hui, dit Frony. D’après ce qu’on dit.
- Hum ! dit Disley. Ce qu’il faut , c’est un homme qui mette la crainte de Dieu dans tous ces jeunes vauriens de nègres.
Ils suivaient la rue. Tout le long de la rue paisible, dans le vent plein de cloches, des blancs en groupes lumineux se rendaient aux églises, passant de temps à autre dans les éclaircies de soleil fugitives. Le vent du sud-est était vif, froid et mordant après les journées chaudes. »
Cette évocation du groupe noir et du groupe blanc est belle et extrêmement visuelle et les sensations de froid et de chaud très évocatrices en très peu de mots ainsi que les sons avec « l’appel » des cloches en provenance de l’église où ils se rendent .
On a la situation sociale et le climat du pays en quelques phrases. Frony ose se montrer, elle femme noire, avec de la soie légère (même par temps froid) et une certaine arrogance ce qui choque Dilsey de l’ancienne génération. Cette femme courageuse s’occupe de tous au sein des blancs mais on sent qu’il va y avoir un changement dans les mentalités de la nouvelle génération de la population noire qui veut ressembler à celle des blancs. Je trouve d’ailleurs que ce sont les noirs qui tirent le mieux leur épingle du jeu dans cette société où les blancs s’effondrent de l’intérieur même s’ils essaient de garder encore la face…Par exemple le dialogue suivant est édifiant :
Ils parlent de Ben :
- J’voudrais bien que vous cessiez de l’emmener comme ça à l’église, mammy, dit Frony ; ca fait causer les gens.
- Quels gens ? dit Dilsey
- Je les entends dit Frony .
- Et je sais quel espèce de gens dit Dilsey. De la racaille de blancs. C’est ça qui cause. Ils trouvent qu’il n’est pas assez bon pour les églises de blancs, mais que l’église des noirs n’est pas assez bonne pour lui.
- Ca n’empêche pas qu’ils causent, dit Frony.
- T’as qu’à me les envoyer, dit Dilsey. Et puis, tu peux leur dire qu’au Bon Dieu ça lui est bien égal qu’il soit intelligent ou non. Faut être de la racaille de blancs pour se préoccuper de ça. »
Formidable Dilsey ! Les blancs ont honte de cet homme enfant alors qu’ils devraient avoir honte d’eux-mêmes !
Même en dehors de ce que ressent principalement l’esprit « attardé » de Ben ce livre est pour moi avant tout un livre de sensations (ce qu'on voit, ce qu'on sent, ce qu'on entend) qui en disent long cependant sur ce qu’il se passe en profondeur dans le pays et l’évolution de la société…
Et ce qui correspond pour moi à 1 étoile :
C’est Ben qui raconte :
« Dilsey et Luster ont discuté
- Je t’ai vu dit Dilsey. Oh, je t’ai vu. Elle a tiré Luster de son coin en le secouant. Tu ne lui as rien fait, hein ? Attends un peu que ton papa revienne. Si seulement j’étais jeune comme autrefois j’tarrangerais bien la tête. J’ai bonne envie de t’enfermer dans la cave pour t’empêcher d’aller à ce théâtre, vrai de vrai.
- Oh, mammy, dit Luster. Oh mammy.
J’ai tendu la main vers l’endroit où était le feu.
- Retiens-le, dit Dilsey, retiens-le. »
A mon avis il y a incohérence, pour cet esprit qualifié « d’idiot », il est impossible pour lui de relater ce que disent Dilsey et Luster d’une façon aussi logique.
J’aurais préféré que l’auteur se mette carrément (même si c’est une invention pure !) dans l’esprit de Ben , le lecteur aurait été moins déstabilisé car il aurait su qu’il suivait un esprit « attardé » et il n’aurait pas cherché à comprendre une situation avec son esprit logique, ce qui est un exercice éprouvant et finalement pas efficace . Mais c’est mon ressenti…
Et bien avant de rendre le livre "le bruit et la fureur" à la Biblio, j'ai eu un doute et...je l'ai gardé pour le relire. Et je l'ai relu à ma façon (après tout il n'y a pas que Faulkner qui peut faire les choses à sa façon :-)) ; et mon impression est différente dans le sens où j'ai cherché à comprendre les personnages après avoir été dans leurs pensées, je suis allée vers eux pas forcément dans la logique d'une histoire mais plutôt pour me plonger au coeur de leurs drames personnels. Il en ressort pour moi un livre à la puissance incroyable,malgré les "manoeuvres" pour y parvenir ; cette forme utilisée était-elle essentielle ? En tout cas il semble que cette histoire aurait été bien légère sans cette forme et aurait été un ènième roman sur une famille du Sud des Etats Unis.
Pieronnelle, tu me donnes envie de lire le livre !
Je n'ai pas fait le tour de Faulkner ....La preuve.
Donc LAL, Merci à toi !
Je n'ai pas fait le tour de Faulkner ....La preuve.
Donc LAL, Merci à toi !
Il me semble que les extraits ci-dessus ne rendent pas vraiment compte de la déconstruction du livre, il est bon d'en être conscient avant de se lancer dans une telle lecture.
Absolument Grégoire, mais je pense avoir bien dit que le livre était "en désordre". j'ai simplement voulu montrer ce qui pour moi "valait" (mais c'est très subjectif et on peut contester bien sûr le rôle des étoiles) les 5 étoiles; il ressort de mon premier extrait la forme plus "classique" de l'écriture, celle de la toute dernière partie ; il y a d'autres extraits beaucoup plus beaux encore et aussi très déstabilisants ; c'est juste pour dire que les formes utilisées comme celles concernant Benjy, le simple d'esprit, et le monologue de Quentin, sont vraiment intentionnelles ; on peut bien sûr contester l'efficacité de ces formes, en être même irrités ; personnellement après irritation je me suis complètement immergée dans ce processus en oubliant la logique.
C'est une lecture difficile et je ne me permettrai pas de porter un jugement de valeur sur l'auteur. Mais ce n'est pas parce qu'on n'aura pas été emporté par cette aventure qu'on sera un idiot qui n'a rien compris...:-)
C'est une lecture difficile et je ne me permettrai pas de porter un jugement de valeur sur l'auteur. Mais ce n'est pas parce qu'on n'aura pas été emporté par cette aventure qu'on sera un idiot qui n'a rien compris...:-)
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