Quatre saisons à Mohawk de Richard Russo

Quatre saisons à Mohawk de Richard Russo
( The risk pool)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Aria, le 19 octobre 2005 (Paris, Inscrite le 20 juin 2005, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 692ème position).
Visites : 7 976  (depuis Novembre 2007)

Fils de poivrot

A son retour de la guerre en Europe, Sam Hall, jeune citoyen de Mohawk (ville imaginaire de l’état de New York), n’a qu’une envie : boire avec les copains, jouer aux courses, profiter de la vie. C’est plus que n’en peut supporter sa jeune épouse Jenny, surtout après la naissance de leur fils Ned. Elle demande le divorce, il le refuse et s’en prend au malheureux avocat de Jenny (une scène d’anthologie !).
Mais comme il n’habite plus avec elle, Jenny, mère travailleuse et catholique pratiquante, élève son fils seule.

Le narrateur de l’histoire c’est Ned, dit P’tit Sam en référence à sa vedette de père. Il nous raconte son enfance tranquille puis son adolescence chaotique. Lorsqu’il a 6 ans, son père se souvient qu’il a un fils, le « kidnappe » vingt-quatre heures, puis revient le voir de loin en loin.
Lorsque Ned a 10 ans, sa mère sombre dans une terrible dépression nerveuse et son père décide de le prendre avec lui. Alors commence une vie bien différente qu’il partage entre l’école, les bars où il suit son père, l’appartement, dont le principal meuble est un billard, où il est seul la plupart du temps.
Dès 10 ans, Ned vit sa vie, il fait des petits boulots, il économise. L’été, il le passe seul à la bibliothèque, où il développe une passion pour la lecture. Et puis, il va à Myrtle Park, le parc de Mohawk, d’où il peut voir « la maison de diamant », la plus belle maison de Mohawk. Et il rêve à Tria Ward, la belle jeune fille qui y habite.
Il a aussi quelques copains, mais il fréquente davantage les barmen et les compagnons de beuveries et de jeux de son père.
A vrai dire, son seul héros, c’est son père, même si Sam est peu porté sur les sentiments et lui manifeste son intérêt par des taloches.
Sam est un pilier de bar, certes, mais c’est un homme généreux. A la bonne saison, il travaille dur dans des chantiers et gagne plus d’argent qu’il ne lui en faut. Alors, il prête tout ce qu’il a aux copains et se retrouve fort dépourvu quand l’hiver…(cf. La Fontaine). Mais tous les deux s’en sortent toujours et ce livre est l’histoire d’une grande complicité, sans que père et fils ne s’avouent jamais qu’ils s’aiment.

Ce gros roman est plein de scènes drôles, d’anecdotes savoureuses, de réflexions hilarantes (où il est question de la sexualité des joueurs de billard ; du chronométrage par Ned du temps que son père met à vider sa vessie le matin…)
La description de tous les personnages pittoresques qui en sont les nombreux héros est toujours faite avec humanité : la petite amie de Sam, mère célibataire ; Drew, son fils caractériel ; Wussy, le copain métisse, champion de pêche à la truite…

Richard Russo est vraiment un grand écrivain. Dans ses romans, il décrit à merveille et avec un humour teinté de tendresse la vie des paumés de l’Amérique, ceux qui vivent de petits boulots dans des bleds paumés, oubliés par l’économie américaine. Ceux qui vivent essentiellement dans les bars où ils retrouvent les chaudes amitiés viriles, à coup de tournées de bière et de whisky. J’ai retrouvé l’ambiance de « Un homme presque parfait », paru en poche, qui est une excellente introduction à l’œuvre de Russo.

Quelques longueurs, néanmoins, font que je ne donnerai que quatre étoiles.

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Les éditions

  • Quatre saisons à Mohawk [Texte imprimé], roman Richard Russo traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Luc Piningre
    de Russo, Richard Piningre, Jean-Luc (Traducteur)
    Quai Voltaire / Quai Voltaire
    ISBN : 9782710326984 ; 21,85 € ; 22/08/2005 ; 471 p. ; Broché
  • Quatre saisons à Mohawk [Texte imprimé] Richard Russo traduit de l'américain par Jean-Luc Piningre
    de Russo, Richard Piningre, Jean-Luc (Traducteur)
    10-18 / 10-18. Série Domaine étranger
    ISBN : 9782264043801 ; 10,20 € ; 05/12/2006 ; 602 p. ; Poche
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Les livres liés

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Ned et Sam

8 étoiles

Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 77 ans) - 12 décembre 2021

Si « Le déclin de l'empire Whiting » du même auteur fait pour moi partie des romans « à conseiller tout azimut », celui-ci n’est pas vraiment de la même veine mais est tout de même très intéressant et très plaisant. Ses atouts : un humour omniprésent et de bon aloi, des personnages attachants malgré leurs défauts et parfois leur inconsistance, une histoire portant sur une vingtaine d’années suivant le parcours de l’enfance à l’âge adulte du héros Ned, fils de Sam qui aboutit à un récit engagé et exemplaire dans son genre. Ses défauts : une certaine répétition dans les péripéties, quelques longueurs, un manque de rebondissements malgré les retours de Ned de son père à sa mère et inversement. Les scènes de soulographie parfois hilarantes, les différents destins des personnages de cette petite ville -apparemment imaginaire- des Etats-Unis d’Amérique, oubliée du rêve américain » (comme beaucoup d’autres existantes) sont également à mettre au positif du roman. Car, une autre caractéristique de « 4 saisons », c’est l’optimisme et l’humanisme de l’œuvre et celle de leur auteur. A lire tout de même si vous avez déjà lu "Le déclin de l'empire Whiting"... autrement commencez par là.

Superbe

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 28 décembre 2017

Le narrateur, le « P’tit Sam » était le fils d’une curieuse femme qui avait fait tout son possible pour le sauver du probable, mais aussi le fils de l’autre Sam, ce père désinvolte, écumeur de bars invétéré, toujours prêt pour un mauvais coup.
Richard Russo est fidèle à son schéma fétiche : Une ville paumée (ici Mohawk dans l’état de New York), des gens qui tournent comme des derviches dans l’espace qui leur est imparti. Ils s’aiment ou se détestent, se croisent et boivent pour leurrer l’ennui.
Entrer dans l’univers de Russo c’est vivre son roman. Un bon lecteur aura besoin d’une grosse semaine pour absorber la liqueur de celui-ci !

« Alors commença la fin de mon enfance à Mohawk. Plus tard, à l’âge adulte, je devais y retourner à l’occasion. Comme visiteur, jamais comme résident. Je ne résidais nulle part, de toute façon comme une multitude d’américains errants, nombreux à laisser un Mohawk derrière eux. Un Mohawk dont le souvenir nous propulse à peu près n’importe où, pourvu que ça soit loin. Certes nous revenons, mais seulement le temps de recharger nos batteries pour un nouveau départ, plus loin ou plus longtemps, jusqu’à ce que le lien soit assez distendu, et que plus rien ne nous attire chez nous ».

Une merveille une fois encore

Sam Hall

9 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 18 juin 2014

Piégé, oui je me suis fait une fois de plus piégé par Richard Russo. Et pourtant j'étais prévenu. Je savais que cet auteur possède ce petit plus qui font les grands romanciers.
Plongé dans deux romans franchement pas des plus trépidants, des erreurs de casting comme l'on dit, j'ai eu l'inconscience de commencer à feuilleter un roman de cet auteur et une fois ouvert, le piège s'est refermé.
Une page, puis deux et une bonne cinquantaine de pages plus loin sans décrocher on s'aperçoit que le temps s'est très vite écoulé sans que l'on s'en rende compte.
Ce qui fait le charme de Russo et de quatre saisons à Mohawk est cette capacité à rendre l'anodin intéressant. Les personnages sont humains, réalistes. Ce que l'auteur nous raconte est plausible, le quotidien d'un jeune garçon, Ned, dont le père est aux abonnés absents depuis son retour du D-Day. Un drôle de père ce Sam Hall. Petit à petit des liens vont se tisser et l'on suit avec grand plaisir l'évolution de cette histoire. Une petite histoire dans l'immensité de l'Amérique mais une petite histoire narrée avec talent par son auteur.
Certes parfois les dialogues ne volent pas haut mais en aucun cas il ne s'agit d'une histoire d'alcoolos pour reprendre une critique. Le sens du roman a dû lui échapper: la vie, la relation père-fils, fil conducteur du roman, le traumatisme de la seconde guerre mondiale, même si l'auteur en parle peu reste omniscient, le constat d'échec d'une Amérique loin du rêve promis.
Un très bon roman.

La guerre est finie, vive la vie !

7 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 13 mai 2012

C'est ainsi que, après s'être fait tirer dessus pendant trois ans dans le pacifique, Sam entend fêter son retour au pays. Une fête qui perdurera le restant de sa vie. Sa femme le quitte afin de préserver leur fils Ned, mais la solitude et le harcèlement permanent de Sam ont raison de sa santé mentale. Envoyée dans un centre de soins pour soigner sa dépression, c'est Sam qui se charge de Ned.

Durant plusieurs années, Ned va apprendre à connaître les différents traits de caractère de son père. Tour à tour menteur, roublard (quoi que se faisant régulièrement rouler lui-même), généreux, ivrogne et instable. Mais ce qui le caractérise le plus c'est cette propension à traverser la vie en dehors des passages cloutés.

Brinquebalé de gauche à droite, Ned va très vite apprendre à se débrouiller seul. Son père l’entraîne dans les bars où foisonnent des personnages hauts en couleur, alors qu’il ne cesse d'être fasciné par la jeune Tria Ward qui habite la grande maison blanche située sur les hauteurs da la ville. Pour Ned, cette longue errance extatique sous l'influence d'un père dépourvu de toute notion de responsabilité est une période où il devient à son tour menteur et voleur.

Sa mère parvient à récupérer et bien qu'encore fragile, elle reprend son fils sous son aile protectrice. Petit à petit, Ned redécouvre les menus plaisirs d'un doux foyer et de l'amour maternel. Si à son père, le roi de la taloche, il lui était impossible de parler ouvertement afin de s'en préserver, à sa mère il ne peut que lui mentir sur ce qu'il ressent afin de la préserver.

L'auteur reprend les thèmes de ses précédents romans qui ont fait son succès. La maison blanche étincelante qui domine la ville de Mohawk incarne la réussite, alors que plus bas les habitants de cette petite communauté subissent les affres de la désindustrialisation. Le centre névralgique du Mohawk Grill où se retrouve tous les personnages pour s'épandre sur les vicissitudes de leur existence devenue inepte et en même temps source d'espoir en un avenir meilleur. Une forme d'hypothèque sur un passé calamiteux dont ils espèrent tirer profit un jour, sans trop y croire pour autant. L'illusion de la réussite que représente la maison blanche devient au fil du récit l'illustration même de la déchéance d'une société basée sur les apparences. Derrière le vernis de l'idéal américain, dont rêvent encore les laissés pour compte, apparaissent les failles d'une structure sociale soumise au coup de boutoir d'une économie délocalisée. L'errance de Ned symbolise cette notion que l'existence n'est en rien une partie de plaisir. Seules les résistances opiniâtres, accompagnées d'un sens de l’humour à toute épreuve, sont susceptibles de pouvoir contrer l'adversité qui surgit la plupart du temps de décisions prises hors de portée de ceux qui les subissent.

génial

10 étoiles

Critique de Clementine (, Inscrite le 3 décembre 2004, 56 ans) - 26 août 2007

contrairement aux deux personnes précédentes j'ai adoré ce livre, c'est mon premier Russo et franchement il m'a captivé de la première à la dernière page.
Un livre riche en émotion, on suit Ned enfant ado puis adulte aux côtés d'un père porté sur la boisson mais tellement attachant sous ses airs bourrus et d'une mère psychologiquement fragile.
Un parcours hors du commun pour ce petit bonhomme qui découvre la vie dans les bars; c'est souvent drôle, parfois poignant mais une chose est sûre c'est qu'on ne s'ennuie pas une seconde!!
je le conseille chaleureusement!!

4 saisons de trop

3 étoiles

Critique de Bidoulet (, Inscrit le 18 octobre 2005, 56 ans) - 13 mars 2007

Richard Russo a écrit avec le "Déclin de l'empire Withing" un roman foisonnant, passionnant, émouvant et inventif qui a mérité son succès. Ce qui est intriguant c'est que le miracle ne puisse être renouvelé, ni même approché, avec ces "Quatre saisons à Mowahk", une succession de pâles conversations de comptoirs que l'auteur aurait aussi bien pu torcher en 100 pages plutôt qu'en 470. Cette collection de portraits d’alcoolos sent tout autant le fond de tiroir que la bibine.

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