A la lumière d'hiver. Leçons. Chants d'en bas. Pensées sous les nuages de Philippe Jaccottet

A la lumière d'hiver. Leçons. Chants d'en bas. Pensées sous les nuages de Philippe Jaccottet

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Vigno, le 4 septembre 2005 (Inscrit le 30 mai 2001, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 892ème position).
Visites : 10 913  (depuis Novembre 2007)

L'ignorant

On ne peut pas dire que Jaccottet donne dans la légèreté. Au cœur de ce recueil se trouve la mort, sinon le deuil. Le recueil regroupe certains poèmes parus antérieurement en plaquettes. Certains ont été remaniés, d’autres sont disparus et d’autres, ajoutés.

Le recueil compte deux livres, comme l’indique le titre. « A la lumière d’hiver » reprend des poèmes publiés entre 1966 et 1976 et « Pensées sous les nuages », des poèmes publiés entre 1976 et 1982. Chacun des livres est subdivisé et l’ensemble forme un tout qui marque l’évolution du poète.

« A la lumière d’hiver » comporte trois suites. « Leçons » et « Chants d’en bas » sont, de l’aveu même de l’auteur, des « livres de deuil ». Ce deuil douloureux l’oblige à questionner son travail poétique et il en tire une leçon d’humilité : « Autrefois, / moi l’effrayé, l’ignorant, vivant à peine, / me couvrant d’images les yeux / j’ai prétendu guider mourants et morts. » Il se demande même s’il ne vaudrait pas mieux tout simplement se taire : « Parler est facile, et tracer les mots sur la page, / en règle générale, est risquer peu de chose ». Pourtant, il en vient, dans la troisième suite, celle qui donne son titre à ce premier livre, à reconnaître qu’il faut continuer de parler, car peut-être est-ce le seul abri qui nous protège contre la mort : « Dis encore cela patiemment, plus patiemment / ou avec fureur, mais dis encore, / en défi aux bourreaux, dis cela, essaie, / sous l’étrivière du temps. »

Le deuxième livre s’intitule « Pensées sous les nuages ». On pourrait dire que se poursuit la tentative de renouer avec la vie, bien que la recherche soit laborieuse et encore aiguillonnée par la mort. La principale suite s’intitule « Le mot joie » ; pourtant, la joie affleure à peine, grâce à la nature qui est promesse de vie. La fragilité humaine, l’impuissance de l’artiste, les temps heureux de l’enfance sont des motifs omniprésents. À la toute fin, apparaît la musique comme moyen d’accéder au monde de l’au-delà. La voix du « poète tardif » qui clôt le recueil témoigne de la nécessité de continuer malgré le doute et la peur : « Il parle encore, néanmoins, / et sa rumeur avance comme le ruisseau en janvier / avec ce froissement de feuilles chaque fois / qu’un oiseau effrayé fuit en criant vers l’éclaircie. »

La poésie de Jaccottet, qui refuse même la poésie pourrait-on dire, est toute de gravité. Ici, nul besoin d’images surfaites, de symboles rares, de recherche rhétorique. Le vers est nu, comme une prose sans recherche, et pourtant il témoigne d’une expérience essentielle, la dernière, celle à laquelle on est tous conviés, malheureusement.

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Les éditions

  • À la lumière d'hiver [Texte imprimé] Philippe Jaccottet
    de Jaccottet, Philippe
    Gallimard / Collection Poésie (Paris. 1966).
    ISBN : 9782070328222 ; 7,50 € ; 15/02/1994 ; 170 p. ; Poche
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3,5 étoiles!

7 étoiles

Critique de Js75 (, Inscrit le 14 septembre 2009, 41 ans) - 10 mai 2012

A la lumière d'hiver est un recueil de poésies écrit par Philippe Jaccottet qui regroupe les textes A la lumière d'hiver, Leçons, Chants d'en bas et Pensées sous les nuages. Jaccottet est l'un des poètes les plus brillants de sa génération avec Yves Bonnefoy. D'ailleurs les deux poètes se ressemblent un peu dans le style et surtout dans les thèmes abordés: la mort, la nostalgie, le deuil, l'enfance. Des thèmes traités ici avec gravité sans aucune légèreté. Autre thème primordial dans cette oeuvre riche en interprétations la nature et son éloge qu'en fait le poète. De nombreuses envolées lyriques sur la nature sont faites et constituent les plus beaux passages de ce recueil qui est pour moi à peu prés du même acabit que Les Planches Courbes de Bonnefoy. Le style de l'auteur, d'un bon voire parfois d'un très bon niveau, est concis (Jaccottet le dit lui-même il veut s'exprimer clairement avec le moins de mots possibles), souvent minimaliste mais malgré cette épuration l'ensemble ne manque pas de souffle ni de richesse au niveau du vocabulaire. Bien sûr on pourra noter que les poèmes ne sont pas tous au même niveau certains étant à peine corrects alors que d'autres pourraient presque être qualifiés d'excellent. Malgré aucun poème ne se détache vraiment et on reste assez loin de la constance géniale des Fleurs du Mal. Mais ce livre est donc un bon recueil à lire, énigmatique (certains poèmes sont cryptiques, durs à déchiffrer), à la fois métaphysique et philosophique (réflexions profondes sur la mort, sur l'homme en général), riche et dépouillé. A recommander à ceux qui aiment la poésie de l'épure et de la mesure.

Parfois une écriture minimaliste

8 étoiles

Critique de MOPP (, Inscrit le 20 mars 2005, 88 ans) - 1 août 2006

Ces remarques complémentaires à la critique première :

Je constate que Philippe JACCOTTET use, à bon escient, de l'écriture minimaliste. J'ai découvert dans ses textes des passages très proches du haïku.

Page 28, l'extrait :

¤

Derrière la fenêtre,
au fond du jour,
des images quand même passent.

¤

La césure forte étant placée après le mot "jour", il y a cette opposition entre ce "je" intérieur et l'extérieur. L'auteur reste détaché dans son approche de la scène, il utilise donc correctement "l'esprit haïku".

Page 105, l'extrait :

¤

On voit les écoliers courir à grands cris
dans l'herbe épaisse du préau.

¤

Cette phrase n'est pas un haïku, c'est une phrase déployée, mais sa brièveté dans la description "photographique" d'un instant, lui confère une portée proche du haïku : il suffirait d'écourter un brin, d'enlever les deux verbes de la première ligne pour obtenir

¤¤

les écoliers à grands cris
- dans l'herbe épaisse du préau

¤¤

qui serait alors un haïku-senryû.

Dernier extrait, page 144 :

¤¤

La lyre de cuivre des frênes
a longtemps brillé dans la neige

¤

Remarquez l'image magnifique ; une fois encore, il suffirait d'un rien, que l'instant soit vécu au présent, dans un instantané plus bref...

Bonne lecture à tous. M.P.

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