A la lumière d'hiver. Leçons. Chants d'en bas. Pensées sous les nuages de Philippe Jaccottet
Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie
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L'ignorant
On ne peut pas dire que Jaccottet donne dans la légèreté. Au cœur de ce recueil se trouve la mort, sinon le deuil. Le recueil regroupe certains poèmes parus antérieurement en plaquettes. Certains ont été remaniés, d’autres sont disparus et d’autres, ajoutés.
Le recueil compte deux livres, comme l’indique le titre. « A la lumière d’hiver » reprend des poèmes publiés entre 1966 et 1976 et « Pensées sous les nuages », des poèmes publiés entre 1976 et 1982. Chacun des livres est subdivisé et l’ensemble forme un tout qui marque l’évolution du poète.
« A la lumière d’hiver » comporte trois suites. « Leçons » et « Chants d’en bas » sont, de l’aveu même de l’auteur, des « livres de deuil ». Ce deuil douloureux l’oblige à questionner son travail poétique et il en tire une leçon d’humilité : « Autrefois, / moi l’effrayé, l’ignorant, vivant à peine, / me couvrant d’images les yeux / j’ai prétendu guider mourants et morts. » Il se demande même s’il ne vaudrait pas mieux tout simplement se taire : « Parler est facile, et tracer les mots sur la page, / en règle générale, est risquer peu de chose ». Pourtant, il en vient, dans la troisième suite, celle qui donne son titre à ce premier livre, à reconnaître qu’il faut continuer de parler, car peut-être est-ce le seul abri qui nous protège contre la mort : « Dis encore cela patiemment, plus patiemment / ou avec fureur, mais dis encore, / en défi aux bourreaux, dis cela, essaie, / sous l’étrivière du temps. »
Le deuxième livre s’intitule « Pensées sous les nuages ». On pourrait dire que se poursuit la tentative de renouer avec la vie, bien que la recherche soit laborieuse et encore aiguillonnée par la mort. La principale suite s’intitule « Le mot joie » ; pourtant, la joie affleure à peine, grâce à la nature qui est promesse de vie. La fragilité humaine, l’impuissance de l’artiste, les temps heureux de l’enfance sont des motifs omniprésents. À la toute fin, apparaît la musique comme moyen d’accéder au monde de l’au-delà. La voix du « poète tardif » qui clôt le recueil témoigne de la nécessité de continuer malgré le doute et la peur : « Il parle encore, néanmoins, / et sa rumeur avance comme le ruisseau en janvier / avec ce froissement de feuilles chaque fois / qu’un oiseau effrayé fuit en criant vers l’éclaircie. »
La poésie de Jaccottet, qui refuse même la poésie pourrait-on dire, est toute de gravité. Ici, nul besoin d’images surfaites, de symboles rares, de recherche rhétorique. Le vers est nu, comme une prose sans recherche, et pourtant il témoigne d’une expérience essentielle, la dernière, celle à laquelle on est tous conviés, malheureusement.
Les éditions
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À la lumière d'hiver [Texte imprimé] Philippe Jaccottet
de Jaccottet, Philippe
Gallimard / Collection Poésie (Paris. 1966).
ISBN : 9782070328222 ; 7,50 € ; 15/02/1994 ; 170 p. ; Poche
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3,5 étoiles!
Critique de Js75 (, Inscrit le 14 septembre 2009, 41 ans) - 10 mai 2012
Parfois une écriture minimaliste
Critique de MOPP (, Inscrit le 20 mars 2005, 87 ans) - 1 août 2006
Je constate que Philippe JACCOTTET use, à bon escient, de l'écriture minimaliste. J'ai découvert dans ses textes des passages très proches du haïku.
Page 28, l'extrait :
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Derrière la fenêtre,
au fond du jour,
des images quand même passent.
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La césure forte étant placée après le mot "jour", il y a cette opposition entre ce "je" intérieur et l'extérieur. L'auteur reste détaché dans son approche de la scène, il utilise donc correctement "l'esprit haïku".
Page 105, l'extrait :
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On voit les écoliers courir à grands cris
dans l'herbe épaisse du préau.
¤
Cette phrase n'est pas un haïku, c'est une phrase déployée, mais sa brièveté dans la description "photographique" d'un instant, lui confère une portée proche du haïku : il suffirait d'écourter un brin, d'enlever les deux verbes de la première ligne pour obtenir
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les écoliers à grands cris
- dans l'herbe épaisse du préau
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qui serait alors un haïku-senryû.
Dernier extrait, page 144 :
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La lyre de cuivre des frênes
a longtemps brillé dans la neige
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Remarquez l'image magnifique ; une fois encore, il suffirait d'un rien, que l'instant soit vécu au présent, dans un instantané plus bref...
Bonne lecture à tous. M.P.
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