Début banal, deuxième partie surprenante

Taylin Tarcin est une jeune allemande de 19 ans d’origine turque qui se fait appeler Greta. Les parents de Greta retournent avec leurs enfants en Turquie, dans le village de Konak, après vingt ans d’exil. Mustafa, le père, veut marier sa fille au fils du maire du village. Taylin/Greta refuse cette vie et elle fuira avec Mohammed, un yéménite de 47 ans chassé d’Arabie Saoudite suite à l’envahissement du Koweït par Saddam Hussein, afin de découvrir la liberté.

Je serais tombé un jour ou l’autre sur ce livre, ne serait-ce que par l’extrait que l’on m’avait fait découvrir dans je ne sais plus quelle émission de télévision. L’interviewer (trouvez-moi un mot français pour ça svp. Et ne me dites pas « animateur ») parlait de ces étudiants roumains qui, le soir, étudient dans la rue, sous les lampadaires, par habitude du rationnement de l’électricité sous l’ancien dictateur Ceausescu. On comparait à une sorte de bal le déplacement des étudiants d’un lampadaire à un autre. On les appelait « lucioles ». Ça m’avait fasciné.

Le livre s’ouvre avec les histoires de Greta et de Mohammed séparées. À chaque chapitre, on change de personnage jusqu’à leur rencontre au tiers du livre. Ensuite, c’est la fuite vers Istanbul, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Allemagne. Là, Mohammed se fait un ami, Jesus Cordoban. Suite à un incident, Greta et Jesus fuiront vers le Brésil (dans leurs têtes), le Canada (la réalité) et les Etats-Unis. Finalement, Greta sera déportée en Turquie.

J’avoue que la première moitié m’a déçue. J’y ai découvert un livre écrit en langue correcte, avec une structure assez banale (deux personnages aux écrits séparés qui se retrouvent par la suite) sans aucune originalité (une fois passée la légère surprise de voir un arabe de 47 ans et une allemande de 19 ans former un couple, le reste est banal). J’ai trouvé la crise de déracinement de Greta, au début du livre, mal écrite. Cependant, alors que je ne l’attendais plus, l’intérêt est ravivé dans la deuxième moitié du livre et ne cesse d’augmenter par la suite. Ce qui semblait être une histoire plate du genre « mes-parents-me-font-chier-et-je-crisse-mon-camps-pour-vivre-heureuse-
hors-des-normes-sociales-qu’on-m’a-imposées » prend une toute autre tournure avec l’arrivée du couple Greta-Mohammed en Allemagne. La rencontre de Jesus, sa trahison de Mohammed, la passion réveillée de Greta, la poursuite de Mustafa et la fuite de Jesus et Greta au Canada. La description de Montréal à travers les yeux d’une turque naturalisée allemande : la succession des événements s’accélère pour le plus grand bien de l’intérêt. Mais c’est surtout le cheminement de Greta qui frappe. Son exploration de la liberté, son désillusionnement, son vieillissement accéléré.

Une phrase dite par Greta résume bien les réflexions que j’ai ces temps-ci concernant la capacité à être heureux(1). Il y a la passion à une extrémité, la sécurité à l’autre. La liberté est le chemin séparant les deux. On peut généraliser cette vision à presque tous les phénomènes de la vie. Nous sommes, ne serait-ce que par notre nature biologique, constamment en déséquilibre entre un besoin et l’autre, entre un pôle et l’autre. La capacité d’être heureux, d’être libre, est la capacité de saisir le tout petit moment entre deux déséquilibres où on est bien. Ce petit moment où les chaînes de nos besoins sont le moins tendues. C’est ce que je comprends aujourd’hui du Carpe Diem.

(1)« Ça doit être ça la liberté : une longue avenue chaude où l’on retrouve la passion à une extrémité et la sécurité de l’autre. »

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  Taxi pour la liberté de Gilles Gougeon

  de Gougeon, Gilles
  Stanké
  ISBN : 9782760409330 ; 17,00 € ; 09/10/2003 ; 280 p. ; Broché

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