Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Cruel ou génial destin ?
Dans ce roman, Simone de Beauvoir reprend un mythe classique en littérature, celui de l’immortalité. Raymond Fosca se voit un jour proposer ce marché, laisser la vie sauve à une pauvre âme contre l’assurance de la vie éternelle. Prince toscan du 13ème siècle, avide de grand œuvre, il n’hésite pas malgré les préventions faites, et boit une bouteille d’un élixir qui lui assure la vie éternelle.
C’est l’histoire de ce flash back de plusieurs siècles qui anime les pages de ce roman. De Charles Quint à Jacques Cartier en passant par le siècle des Lumières et la Révolution de 1848 pour en finir par les années d’après guerre en France, dans un tête à tête entre Fosca et Régine, une actrice, avide de gloire et sûre de son existence…enfin presque.
Au-delà de l’immortalité et de la mort profonde qu’elle provoque chez Fosca qui ne revit que quelques fois grâce à des femmes ou à des causes qui lui donnent l’illusion d’agir et de vivre, tout en étant mort, ce roman est aussi un plaidoyer pour l’homme, pour son action, pour sa folie. L’Homme sait qu’il est mortel, sait que ce qu’il construit ou ce à quoi il aspire ne le satisfera pas, qu’il ne verra sans doute pas le bout et l’achèvement de ses objectifs. L’Homme sait que même une fois atteints ses objectifs seront remplacés par d’autres, parce qu’il est par nature insatisfait et c’est cette insatisfaction, cette recherche de plus ou de différent qui fait de lui un Homme vivant.
Fosca voit, au travers du destin des personnages qu’il nous fait croiser, que c’est toujours la même histoire qui recommence.
Au-delà de l’horreur de la vie éternelle, c’est la beauté de l’action de l’Homme qui l’emporte. Quoi qu’il arrive, en dépit des fautes et des horreurs commises, il cherche à agir, pour améliorer son sort, améliorer aussi celui de l’ensemble, toujours face aux mêmes forces contraires, un éternel recommencement.
Faut-il alors craindre la mort et dire que nos vies ne servent à rien, puisqu’au final, tout ce qui a précédé et tout ce qui suivra ne sera toujours qu’un recommencement et que à peine nés nous sommes déjà morts comme le constate amèrement Fosca ? Faut-il au contraire être impressionné et porté par cette force – éternelle – qui guide nos pas ?
Fosca mesure au fil des pages ces phrases qui lui furent dites et répétées comme un leitmotiv au cours des siècles qu’il a traversés : c’est parce qu’ils meurent que les hommes vivent…
Les éditions
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Tous les hommes sont mortels [Texte imprimé] Simone de Beauvoir
de Beauvoir, Simone de
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070365333 ; 9,70 € ; 25/03/1974 ; 520 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (4)
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Tous les hommes sont mortels
Critique de Thevenger (, Inscrite le 26 mai 2012, 41 ans) - 27 mai 2012
Merveilleux et angoissant
Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 27 octobre 2011
Ce livre est une grande leçon sur l'être humain ! Peut-on continuer à "être" quand, autour de soi, les autres disparaissent ? Après la fringale de connaissance, peut-on continuer à exister quand les amours et les amis se sont évanouis ?
Le héros se réfugie, après quelques siècles, dans un sommeil paradoxal mais si compréhensible...
En lien : Gulliver et ses immortels monstrueux !
Replay : l'angoisse de l'éternel recommencement !
J"adore ce livre : une culture digne de Simone de Beauvoir, une écriture très belle et un regard, surtout, sur notre destin : OUF, LA MORT NOUS ATTEND !
De la finitude...
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 2 janvier 2008
Un livre très amusant à lire, Simone de Beauvoir parcourt avec verve plusieurs siècles d'histoire, une histoire désenchantée et sombre. Elle nous dit que ce qui donne du prix à notre vie c'est son caractère éphémère. Les risques que l'on prend donnent du sens à notre vie, la mort qui nous attend inéluctablement donne un sens à nos actions et même le malheur fait de nous des vivants. La seule chose qui compte c'est d'agir selon sa conscience.
Ame immortelle, âme damnée
Critique de Saint-Germain-des-Prés (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans) - 1 septembre 2005
Au quatorzième siècle, Raymond Fosca, alors prince de Carmona, se voit proposer l’immortalité. Il accepte, voyant là sa chance de faire de grandes choses. De luttes en alliances, le sort de Carmona est entre ses mains. Il veut sa ville puissante, à l’égal de Florence et la mène dans une guerre sans fin pour conquérir un pouvoir illusoire. Et l’illusion va finir par éclater : Fosca voit plus grand, il veut faire le bonheur, non plus d’une ville, mais d’un continent. Bras droit de Charles Quint, il le conseille dans ses manœuvres. Mais toujours, à la clé ses efforts, l’impression de se battre contre des moulins à vents : on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux… Voilà pour la petite histoire.
Mais ce livre n’a rien à voir avec une petite histoire. Fosca se débat dans son immortalité, utilisé par Simone de Beauvoir pour exposer une de ses thèses : « L’immortalité de Fosca équivaut à une damnation pure et simple : aussi étrangère en définitive au monde humain qui l’entoure qu’un météorite chu des espaces sidéraux, elle est condamnée à ne jamais saisir la vérité de ce monde fini : l’absolu de toute conscience éphémère ».
Pauvre Fosca ! Il voit mourir les êtres qu’il aime, les uns après les autres ; il constate que « toute victoire se change un jour en défaite » ; le regard des autres change lorsqu’ils sont mis au courant, le condamnant soit à la solitude soit au mensonge. Cette forme de sagesse qu’il acquiert le transforme en un personnage désabusé qui traîne sa malédiction de siècle en siècle.
Livre noir, dense, formidablement bien écrit qui nous force à nous concentrer sur le présent, à prendre conscience que c’est la finitude qui fait de nous des êtres humains qui sommes capables de nous enthousiasmer ou de souffrir, bref, qui nous donne la possibilité de vivre. Et c’est bien ce qu’elle voulait, Simone, le tour est joué : si nous ne voulons pas devenir les dindons de la farce, soyons les acteurs de notre existence, des acteurs à la conscience éveillée.
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Nondîdju! | 1 | Saint-Germain-des-Prés | 22 août 2005 @ 21:30 |