Une vue splendide de Fang Fang

Une vue splendide de Fang Fang
( Fengjing)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Ulrich, le 20 août 2005 (avignon, Inscrit le 29 septembre 2004, 49 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 306ème position).
Visites : 4 211  (depuis Novembre 2007)

une découverte !

Depuis un cercueil. Le 8ème enfant d’une famille de 9 enfants, mort à 15 jours, est enterré devant la fenêtre de la cabane où vit sa famille. Il raconte avec candeur, sans préjugé l’histoire de ses 8 frères et sœurs et de ses parents. Tableau cru d’une famille chinoise pauvre, très pauvre qui lutte pour s’en sortir, traversant la révolution culturelle et la route vers la libéralisation. Tableau des plus durs, des plus crus, sans aucune concessions sur les souffrances, les conditions de vie terribles de millions de chinois. Cette écriture « simple » presque « naïve » fait contraste et souligne avec encore plus de force ce tableau terrible. Ce livre est étonnant. Court, de lecture facile, il se termine vite en laissant une sensation douce, agréable, celle d’avoir passé un bon moment. Mais il agit. Je n’ai pas, contrairement à d’habitude, écrit la critique dans la foulée. Je ne sais pas pourquoi, je ne la sentais pas. Il continuait d’agir sans me le dire. Le plaisir, l’intérêt n’ont depuis cessé de grandir. La distanciation faite par ce petit enfant de 15 jours est vraiment géniale. La description de la vie d’une famille d’ouvrier chinois n'en est alors que plus brillante. La réalité décrite est encore plus forte. Ce livre est étonnant. Une découverte.

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misère et méchanceté comme pain quotidien

7 étoiles

Critique de Bertrand-môgendre (ici et là, Inscrit le 9 mars 2006, 69 ans) - 26 février 2014

L’idée de départ est originale. Un bébé, le dixième enfant de la famille est enterré devant la fenêtre de la maison. Maison est un grand mot pour qualifier cette cabane de 13 m² qui semble vouloir se disloquer à chaque passage de train. Ce nourrisson prend la place de l’observateur, joue le rôle de journaliste, rapporteur des faits, rien que les faits, sans s’impliquer jamais dans les histoires entre parents et enfants, sans intervenir et on comprend pourquoi, dans les conflits avec le voisinage.

Passer outre cet état de fait, l'auteure n'a d'autres ressources que de raconter les mésaventures d'une pauvre tribu. Bien évidement les sentiments des personnages, les uns envers les autres, les humanisent un peu mieux qu’une peinture ne saurait le faire. Pourtant, je trouve l’exercice quelque peu limité. Heureusement, la seconde partie du petit roman est plus intéressante.

La profonde noirceur de l’atmosphère ne manque pas de souligner la faim, la brutalité des rapports entre les individus qui ne manquent pas de traiter le septième frère comme un chien. Misère.et misère dans une économie collectiviste affamante. Je peux comprendre pourquoi Teng Hsiao-Ping a instauré la politique de l’enfant unique, en 1979, sans doute pour enrayer la famine, le mal logement. C’était passer d’un extrême à l’autre, mais ce mal semblait nécessaire pour redresser le pays.

Au fil des pages, quelques anecdotes tirent de temps en temps le récit vers le haut alors que le début du roman stagne.

Une vue splendide est à classer, à mon avis, dans la catégorie des témoignages d’une époque révolue. Un témoignage poignant, tristement cruel, d’un réalisme cru.

Court et marquant

7 étoiles

Critique de Aliénor (, Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans) - 9 juin 2010

Petit huitième est né dans une famille chinoise très pauvre, qui vit dans une cabane de 13 mètres carrés secouée toutes les sept minutes par le passage d’un train. Onze personnes sont entassées dans cette cabane et survivent difficilement. Mais petit huitième, lui, n’a pas survécu à cette misère et est mort au bout de seize malheureux jours de vie. Certains le considèrent d’ailleurs comme le plus chanceux de la fratrie. Et c’est depuis son cercueil enterré juste à côté de ce lieu de vie sordide qu’il nous raconte l’histoire de ses parents et de ses frères et sœurs.

Loin d’être morbide, c’est ce choix de l’auteur qui donne toute sa force à ce roman très court. Car cet enfant - ce bébé - raconte avec ses mots, sans jugement ni tabou. Le tableau de cette famille est très noir, mais il est brossé de manière simple et crue. Un père alcoolique et violent, une mère aguicheuse qui accepte et finalement apprécie que son mari la batte. Un septième frère qui est le bouc émissaire du père et qui dort sous le lit parental faute de place. Le frère aîné qui travaille de nuit pour pouvoir dormir le jour, faute de place également. Certains membres de cette famille sont largement plus évoqués que d’autres, et à chaque fois le portrait est brut et terrible, mais dressé avec distanciation par ce petit ange narrateur. Cette famille est bien loin d’être idéale, mais c’est la sienne. Il ne peut en avoir honte, n’ayant pas eu le temps de connaître ce sentiment.

Au travers de l’histoire terrible de cette famille, ce livre est une très lourde charge contre la révolution culturelle, que Fang Fang a subi de plein fouet puisqu’elle a, durant cette période, été empêchée de poursuivre des études. D’abord ouvrière à Wuhan, elle entra à l’université en 1978, à l’âge de 23 ans, et en ressortit diplômée en littérature chinoise. A la lecture de ce livre, je n’ai pu m’empêcher de penser au roman « Le rêve du village des Ding », de Yan Lianke, dont le narrateur est également un enfant décédé. Yan Lianke, auteur censuré dans son pays, est de la même génération que Fang Fang. Deux écrivains dont la vie et l’œuvre sont profondément marquées par la même page de l’histoire de la Chine.

« Une vue splendide » est une belle découverte pour moi, car ce livre, même si la distanciation du récit entraîne une distanciation lors de sa lecture, n’est certainement pas du genre à se laisser oublier. Et m’a donné envie de découvrir plus avant cette auteure.

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