Nous étions les Mulvaney de Joyce Carol Oates
( We were the Mulvaneys : Dutton)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Derrière les apparences de la famille idéale....
Les Mulvaney, c'est la famille idéale, qui vit dans une petite ville de l'état de New York, dans une ferme de rêve, un peu bohème, peuplée d'animaux, et animée par le joyeux désordre de la troupe qui y habite.
Il y a le père, Michael John, qui malgré son origine modeste a su, à force de travail, monter sa propre entreprise et s'intégrer socialement dans les hautes sphères de la petite communauté. Sa femme, Corinne, rouquine fantasque, drôle, animée d'une foi à toute épreuve, règne en reine aimante de son petit univers. Elle a investi la grange voisine pour en faire un magasin d'antiquités, mais surtout pour avoir une soupape de décompression, pour échapper à ses quatre enfants, bruyants et envahissants.
L'aîné, Mike, fut champion sportif de son lycée, très apprécié de la communauté, il travaille maintenant dans l'entreprise de son père. Patrick, le second, petit génie caustique et surdoué en sciences. Puis il y a Marianne, belle, douce et très populaire, toujours au centre d'un groupe d'amies. Le petit dernier Judd, qui est l'instigateur du récit qu nous est livré, deviendra plus tard journaliste....
La Saint-Valentin 1976 qui s'annonçait une douce soirée pour Marianne, sonnera le glas de leur vie familiale idyllique, à cause du drame dont elle sera la victime.
La réussite de la famille semble avoir fait des envieux, et peu de personnes semblent leur prouver leur compassion ou leur être d'un appui quelconque. C'est donc une chute sociale, puis morale qui va ébranler le clan des Mulvaney.
On va suivre cette famille brisée, puis éclatée, sur une trentaine d'année.
Un irrémédiable gâchis, c'est ce qui me vient à l'esprit en voyant comment cette famille idéale est incapable de faire face au drame. Les liens qui auraient dû les souder encore plus, vont lentement se détendre...
Joyce Carol Oates a le talent pour créer des personnages vivants, auxquels je me suis attachée immédiatement. J'ai vraiment eu de la peine en suivant leurs errances, impuissante à les voir se détacher les uns des autres, alors que le décor planté était au départ si idyllique.
C'est vraiment un coup de massue, la manière dont ils gèrent la culpabilité suite à ce drame, mais j'ai eu de la compassion pour chacun, dans leurs différentes manières de se comporter face à à la situation. L'auteur sait revêtir ses personnages d'une dimension psychologique très travaillée, comme les différentes pièces du puzzle compliqué qu'est la nature humaine.
Un grand coup de coeur!
Les éditions
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Nous étions les Mulvaney [Texte imprimé], roman Joyce Carol Oates trad. de l'anglais, États-Unis, par Claude Seban
de Oates, Joyce Carol Seban, Claude (Traducteur)
Stock / La Cosmopolite (Paris).
ISBN : 9782234051843 ; 7,48 € ; 01/12/1999 ; 739 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (3)
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Impressions mitigées
Critique de Gabri (, Inscrite le 28 juillet 2006, 38 ans) - 27 mars 2016
Je me suis plongée dans ce roman sans attentes particulières. J'ai rapidement lu la première moitié malgré les nombreuses descriptions qui ralentissaient le rythme de l'histoire, parce que j'avais hâte de connaître la fameuse chute annoncée dans la quatrième de couverture. Il faut dire aussi que Joyce Carol Oates a le talent des ambiances, et qu'il est agréable de se plonger dans ses univers, comme celui-ci qui tourne autour d'une ferme de campagne américaine des années 1970. Bref. Une fois le fameux événement arrivé, j'ai continué à lire parce que je voulais connaître la suite. Et puis tranquillement, j'ai perdu de mon intérêt pour ce roman. Un peu par manque d'action dans l'histoire, et un peu aussi par exaspération pour les personnages. Pour cette pauvre Marianne, traitée comme une lépreuse, mise à part par sa propre famille et qui ne semble pas même s'en rendre compte. Pour cette mère qui ne réagit pas, pour ce père qui se laisse sombrer sans ne rien faire. J'aurais eu envie de leur dire, à tous; réveillez-vous!
La deuxième partie de ma lecture a donc été plus laborieuse, mais quand j'ai refermé le livre et contemplé la couverture, j'ai trouvé que le titre était si bien choisi! J'ai trouvé qu'au bout du compte, le sort de cette famille parfaite était si injuste et si triste, et que c'était beau de voir que la vie continue malgré tout. Je suis donc partagée entre mon impression finale et mon appréciation en général, mais aujourd'hui je coupe la poire en deux. Voilà!
La blessure
Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 1 mars 2015
Une famille formidable dont il me faut vous présenter tous les membres. Michael, le père qui, à force de ténacité, a su faire prospérer son entreprise de couverture, il aspire à devenir un membre imminent de la communauté en intégrant le club très sélect des notables de Mont-Ephraim. Corinne, la mère, partage son temps entre le bien-être qu'elle prodigue à sa famille, le soin des animaux de la ferme et sa passion pour les antiquités qu'elle glane au travers du pays et remet en état. Mike, le joueur de football aux multiples trophées, véritable héros de son université. Patrick, l'intellectuel ténébreux, peu épris d'amour pour son prochain, mais profondément attaché aux valeurs familiales. Marianne, jeune fille douce et attentive à tout ce qui l'entoure, qui évolue dans un univers protecteur loin des tourments extérieurs. Judd est le petit dernier de la fratrie, il observe tout ce petit monde gonflé de vie et bonheur. Sans oublier tous les animaux domestiques qui peuplent la ferme, véritable membres à part entière de la famille Mulvaney.
La vie s'écoule paisiblement, chacun vaque à ses occupations, bâtit ses projets présents et futurs. Les dissensions sont rares et quand elles se présentent, elles sont très vite désamorcées grâce à cette synergie mystérieuse qui semble tous les porter vers un horizon commun. Et pourtant tout n'est pas aussi simple qu'il y paraît, au sein de cette famille qui a mis en place un système codifié très élaboré qui permet à chacun de se situer par rapport aux autres et de comprendre au moindre signe où se situe le possible et l'impossible. Pas facile non plus entre une mère très croyante qui voue une grande admiration au très chrétien Jimmy Carter et un père ultra-libéral, anticommuniste et qui soutient la guerre menée au Vietnam.
Mais la blessure, l'humiliation faite à Marianne brise d'un seul coup la trajectoire des Mulvaney. Le père se révolte contre cet outrage fait à son unique fille, son trésor souillé. La réplique de la petite communauté bien-pensante, gardienne des valeurs sacrées de Mont-Ephraim ne se fait pas attendre. Le clan des Mulvaney se retrouve banni, honni de tous. L'assaut de l'intolérance et des préjugés venus de l'extérieur fissure la cohésion de la famille Mulvaney. A partir de ce jour dramatique, le venin distillé par les gardiens de la moralité va faire imploser la maison Mulvaney de l'intérieur.
Une chape de silence s'abat, laissant place aux non-dits, empêchant toute tentative de faire face à la vérité des faits. Un mur de culpabilité et de honte se dresse entre eux, les rendant incapable d'exprimer ce que chacun croit savoir de lui-même et sur les autres. De ce vide vont naître les mensonges destructeurs qu'ils tisseront au fil des années.
La puissance de l'écriture de l'auteure est époustouflante, elle parvient à disséquer et à analyser avec une justesse millimétrée, les sentiments et la déréliction qui assaillent chacun des personnages. Rien ne nous est épargné, on passe par toutes les variations de la météorologie de l'âme, de la plus claire à la plus sombre, dans lesquelles les individus sont plongés tout au long de leur existence. La joie, le bonheur, la haine et l'hypocrisie se côtoient tout au long de ce récit qui rappelle à quel point que tout ce que l'on croit acquis est fragile, dès lors que l'on est soumis au frottement du sable abrasif d'une société impitoyable. L'auteure réussit à nous émerveiller au contact de cette famille qui incarne l'idéal Américain, pour mieux nous faire basculer dans l’abîme des rêves broyés. Le fruit doux et amer qu'elle livre à la fin ne fait que renforcer tout son talent pour nous bouleverser et bringuebaler nos sentiments. L'humanité exsude dans chaque page de ce magnifique roman dont on sort avec des bleus à l'âme.
Eclatement familial
Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 15 juillet 2006
Magistrale Joyce Carol Oates qui démontre de manière sensible et détaillée comment une famille s'autodétruit, comment ce qui était autrefois amour passionnel peut virer au désatre, parfois en dépit de tout bon sens.
J'ai particulièrement apprécié l'intense humanité avec laquelle elle dépeint chacun des personnages, animaux y compris (et il y en a dans ce récit!). Cette proximité instaurée par et grâce à l'auteur permet au lecteur de s'attacher à chacun et de vivre profondément tous les événements qui marque le destin des Mulvaney. Impossible de rester extérieur ou insensible, l'immersion est totale et c'est ce qui permet de ressentir de telles colères ou de tels moments d'apitoiement devant ces gens qui vivent, qui souffrent, qui rient et qui pleurent comme chacun d'entre nous.
La fin, en apparence heureuse, démontre à quel point l'éclatement a été fracassant et l'amertume n'en est que plus grande. Joyce Carol Oates livre ici un roman d'une très grande qualité!
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