La fuite sans fin de Joseph Roth

La fuite sans fin de Joseph Roth
( Die Flucht ohne Ende)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Sibylline, le 10 août 2005 (Normandie, Inscrite le 31 mai 2004, 74 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 5 325  (depuis Novembre 2007)

Personne d’aussi superflu au monde?

Ce n’est pas le meilleur livre de Joseph Roth, ni le plus célèbre, mais c’est celui que je viens de lire et c’est donc de celui-ci que je vous parlerai aujourd’hui.
Joseph Roth (ne pas confondre avec Philip Roth) est un écrivain autrichien, né en 1894, dans une famille juive. Au moment de la guerre de 1914/1918, il devient correspondant de guerre sur le front. Il poursuivra ensuite le métier de journaliste en France et en Russie pour le Frankfurter Zeitung. Au moment où Hitler gagnera le pouvoir, il choisira de s’exiler en France où il mourra, assez jeune (45 ans) d’alcoolisme et de misère.
Il a publié plusieurs romans et essais à partir de 1923, qui n’ont pas été tout de suite traduits en français. «La fuite sans fin» a été écrit en 1927. Il y utilise ce que ses voyages, ses séjours en Russie et en France ont pu lui apprendre.
Ce roman nous conte l’histoire d’un personnage assez particulier : Franz Tunda, qui partit pour le front en tant que lieutenant autrichien et vécut finalement sous une autre identité dans la désertique Sibérie. Il prendra une part active à la Révolution Russe, mais pas à son succès, et traînera jusqu’à ce qu’à nouveau, le désir le prenne de renouer avec sa vie antérieure, autrichienne.
Cet homme n’a ni but, ni destin. Il erre. Non pas seulement géographiquement, mais aussi, par sa vie, au gré des courants qui le portent ou l’emportent… ou non. Il est libre, mais trop. Sans sens, sans direction. Vacant et c’est sur ces phrases :
«Il n’avait pas de profession, pas d’amour, pas d’envie, pas d’espoir, pas d’ambition et même pas d’égoïsme. Il n’y avait personne d’aussi superflu au monde.»
que se termine le livre.
C’est la première fois que je donne la fin d’un roman, mais c’est qu’ici, l’intérêt n’est pas dans la chute, pas dans le but atteint, mais dans le cheminement. Les questions sont posées : De quoi est faite la vie d’un homme ? Qu’est la vie d’un homme ? Et de celui-ci ?
La forme est assez étonnante : Des changements imprévus de perspective, de narrateur, l’introduction par moments de l’auteur réel comme personnage. On y trouve également des portraits fouillés, très justes et humains, dans lesquels d’ailleurs j’ai noté une recherche de la bonté, qui montre que le fait qu’un homme soit, ou non, bon, était une des préoccupations de Roth. Ce qui me touche.
J’ai aussi particulièrement apprécié une description du mode de vie et des mentalités dans la société soviétique, telles que les découvrira et ne saura les accepter, le combattant des Soviets qu’était devenu le lieutenant du Kaiser.
Tout cela ne va pas d’ailleurs sans une touche d’humour, très fine et pertinente.
Un excellent livre.

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Un bonheur de lecture

8 étoiles

Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 81 ans) - 30 août 2005

Sybilline, qui fait une excellente critique, dit vrai quand elle indique que ce n'est pas le meilleur Roth, ("La marche de Radetzky" étant un chef d'oeuvre.
Je recommande cependant la lecture de "La fuite sans fin" qui est plein de bonheurs d'écriture (et donc de traduction) avec des notations acerbes sur le monde de l'entre deux guerres et toujours d'actualité ("Une idée sociale est un luxe que les riches peuvent se permettre"), des perceptions d'une très grande finesse ("sa noblesse se changea en peur, sa retenue en sévérité, sa prudence en maussaderie"), des descriptions magnifiques comme celle d'une ville sur le Rhin ou Paris un matin ("Paris le matin est dessiné avec un crayon mou") et de sublimes portraits de femmes.
Oui décidément un bonheur de lecture. Enfin, c'est simplement mon avis.

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