Quête de filiation

Les Québécois connaissent bien les pluies diluviennes qui inondent chaque année des villages situés aux abords des cours d'eau. L'auteure applique ce filon à la thématique de la filiation. Les chemins emportés par l'eau et l'électricité en panne rompent les liens avec le reste de la communauté. Il faut rétablir les ponts pour que la vie continue. Ainsi en est-il pour les humains s'ils ne veulent pas être des îles coupées du monde.

Le roman véhicule ce message à travers la métaphore de l'eau vue sous son angle destructeur. La pluie détache du continent un village construit sur une lande de terre qui s'avance profondément dans le fleuve St-Laurent. Tout laisse croire que c'est près de Pointe-au-Père, en aval de Rimouski. La veille de la tempête, une jeune femme de 21 ans vient s'installer dans une maison abandonnée depuis trente ans. Intriguée par cette nouvelle venue, la population cherche à connaître son identité. Le temps pluvieux ne facilite pas les communications. Mais l'adversité resserre les liens, surtout avec ceux qui semblent les plus menacés par les trombes d'eau.

Grâce au médecin du village, l'héroïne prénommée Rose retrace ses racines, dont bénéficiera surtout son "petit bateau" prévu pour l'automne. En attendant son mari, un ingénieur forestier qui travaille à la sauvegarde des arbres atteints par un sale insecte, elle s'intéresse aux villageois et, en particulier, à Emmanuel, un garçon de dix ans, orphelin comme elle à cause de la mer qui a ravi le socle sur lequel ils auraient pu témoigner de leur singularité. L'auteure s'applique à rassembler les éléments qui les rattachent les uns aux autres, comme le piano de la grand'mère de Rose. Le dénouement rappelle finalement le Credo de ses oeuvres : la communion des humains et la résurrection des liens qui les unissent au-delà de la mort. (Cf. L'Homme des silences, déjà commenté sur ce site.)

Cette histoire de filiation suit un sillage pélagique, qui confère au roman une atmosphère quelque peu fantastique. L'auteure ordonne avec succès tous ces aspects pour offrir un bref roman, mais très relevé et empreint de poésie. L'écriture, à mille lieues du minimalisme, traduit en filigrane l'amour de la vie et l'amour tout court.

Christiane Duchesne entre dans la litanie des meilleurs auteurs féminins du Québec avec Gabrielle Roy, Anne Hébert, Germaine Guèvremont, Marie-Claire Blais, Francine Noël, Monique Proulx, Andrée-A Michaud, Suzanne Jacob, Christiane Frenette, Esther Croft, Monique LaRue, Diane-Monique Daviau, Hélène Le Beau, France Daigle (Acadie)...

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  L'île au piano [Texte imprimé] Christiane Duchesne

  de Duchesne, Christiane
  Boréal
  ISBN : 9782764602454 ; 14,00 € ; 27/11/2003 ; 173 p. ; Broché

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