Sauver Ispahan de Jean-Christophe Rufin

Sauver Ispahan de Jean-Christophe Rufin

Catégorie(s) : Littérature => Romans historiques

Critiqué par Darius, le 3 mai 2001 (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 445ème position).
Visites : 9 260  (depuis Novembre 2007)

Hommage à la Perse

J'ai découvert Jean-Christophe Rufin dans la foulée de ma passion pour la Perse.
Bien que le roman se situe en 1721, sa lecture sera un enchantement à chaque page et cette épopée vous tiendra en haleine au fil des événements, sans vous lasser.
Une carte dressée en début de bouquin vous permettra de suivre l'odyssée de Jean-Baptiste Poncet, apothicaire établi à Ispahan
qui s’en va à la recherche de son ami, Juremi, détenu au Turkménistan.
A l’aide de conspirations, trafics d'influence, corruptions, mensonges, il traversera la Perse jusqu'à la mer Noire, pour se diriger vers la mer Caspienne, entrer en Russie, chaperonné par un policier espion du tsar..
Au rythme de l’épopée, vous vivrez des amours, vous découvrirez l'honnêteté et l’amitié, la fourberie, les guerres sanguinaires où on égorge les ennemis, bref, toute la panoplie des caractéristiques humaines seront au rendez-vous pour votre plus grand bonheur..
Ne vous fiez pas aux principes historiques de l’auteur. Il a pris quelques libertés avec la réalité.
Pour un non-initié, il sera bien malaisé de faire la part de vérité dans les méandres des intrigues qui vont se tisser et s’effilocher..
L'auteur n’est pas vierge de tout a priori : on sent son amour pour les Persans "parés de l'incomparable dignité propre à ce peuple", et sa moindre estime pour les Afghans "de rudes esprits point exempts de subtilité mais amoureux des idées bien carrées", de forts guerriers certes mais seulement contre des Persans affaiblis.
Au lendemain de la prise d’Ispahan, les Afghans découvriront le tragique malentendu :
"ils croyaient que la richesse était chez l’autre. Or, tout n’était au-dedans comme au dehors, que pénurie et pauvreté. La prospérité avait quitté le pays dans la valise des étrangers et des riches négociants que la guerre avait fait fuir, et leurs biens avec eux. La ville qui jadis s’était enivrée de superflu avait peine à se procurer désormais le nécessaire".
Idée intéressante en ce sens qu'elle nous donne à réfléchir à ce que nos pays deviendraient sans la richesse des immigrés, nos commerçants turcs, libanais, arabes, nos hommes de main polonais..
J’ai retenu une phrase intéressante pour nous parler du voile des femmes persanes porté par une française par la force des choses. Sous nos latitudes, nous ne voyons qu'une barrière à notre liberté, mais ne pourrions-nous l’imaginer autrement ? "Elle éprouva d'un coup toute une délicieuse sensation de volupté à la pensée que, pour la première fois de sa vie, elle était entièrement cachée aux regards. Elle flâna, tant cette sensation d'être invisible lui procurait du plaisir. Elle qui s'était toujours occupée passionnément de varier son apparence découvrait soudain avec un joyeux étonnement, la jouissance de ne plus en avoir du tout".
L'humour est au rendez-vous lorsque l'auteur nous décrit les accoutrements du policier russe qui chaperonne notre héros pour en faire rapport au Tsar : "il portait une veste matelassée de queues de loutre. Au moindre geste, les appendices se dressaient et donnaient au policier l'air inquiétant d’un mille-pattes".
Conscient du ridicule de son accoutrement, "il se mit à les arracher une par une. Il n’en resta plus que sur le dos. Mais, Dieu sait pourquoi, l’idée de ressembler encore à un porc-épic le choquait moins".
L’auteur connaît bien les méandres de l’âme humaine. Cette petite phrase en dit long, lorsqu'il fustige ses pairs :
"Une méchanceté, fort commune, qui emprunte à la bêtise autant qu'à la jalousie, veut que les mortels soient souvent enclins à dénigrer ce que les autres ont acquis et qu’ils n’auraient pas les moyens d’acquérir eux-mêmes, dès lors qu’on a l'imprudence de montrer des doutes et de solliciter un avis".
Je terminerai par cette apologie du mensonge, dont l’auteur nous fait découvrir qu’il est un grand art : "Créer un beau mensonge, c'est inventer une belle histoire dont l’auditeur est le dupe.
Ce que l’on tire de lui n'est que le salaire mérité de l’artiste qui lui a fait partager son illusion. Et pour qu'une illusion soit partagée, il faut qu’elle soit belle, qu’on la raconte avec talent, que le conteur sache utiliser les mille petits sons qui viennent du vrai et qui sont faux... ".
Un seul regret, celui de refermer le livre, bien qu’il comporte 645 pages (en édition de poche), et une seule envie qui vous taraude, celle de vous attaquer aux deux autres... "l'Abyssin » prix Goncourt 1997 et "les Causes perdues" prix Interalliés 1999.

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Les nouvelles aventures de Jean-Baptiste Poncet

6 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 6 mai 2024

Suite de l'Abyssin mettant en scène les aventures d'un apothicaire bourlingueur, M. Jean-Baptiste Poncet, Sauver Ispahan prend le parti de copier la recette du précédent tome en y apportant quelques nouveautés, un fils adoptif taciturne notamment, un personnage tellement marquant qu’un mois après la fin de cette lecture son nom fait déjà office d’histoire ancienne…

Cette lecture sent le réchauffé et s'en retrouve parfois indigeste tant le côté naïf et édulcoré des personnages agace. J’ai trouvé les personnages dans leur ensemble beaucoup trop manichéens.
Pour donner un ordre d’idée au lecteur de cette critique éclair, à de nombreuses reprises je me suis fait la réflexion d’avoir lu un Astérix en version roman. Sauver Ispahan aurait fait un très bon Astérix chez les Perses, quoiqu’un peu longuet…

Trêve de plaisanterie j'attendais plus de cette lecture sympathique et récréative qui n’en reste pas moins une lecture de détente plutôt plaisante et distractive.

Je suis un peu essoufflé…

8 étoiles

Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 15 janvier 2003

Parce que je reviens de Perse et que j’ai visité la Turquie, la Sainte Russie, l’Afghanistan, à pied, à cheval, en voiture, à dos d'éléphant, en tant que Prince, marchand, guerrier et esclave. J’aime bien Rufin, parce qu’il me fait rire et qu’il me dépayse. Tout ça est plaisant, parsemé d'agréables découvertes lexicales. D’où vient que j'ai malgré tout une impression de longueur, presque de perte de temps ? Rufin reste un peu à la surface de son sujet et se complaît dans l'aventure. Mais avec talent. On y trouve par exemple un joli commentaire sur le sang : celui des hommes perçu comme glorieux lorsqu’il s'écoule d’une blessure et celui des femmes tiré « de leur chair par de mystérieuses luttes auxquelles les dieux prennent sans doute une part (.) », un sang qui est alors source de répulsion, mais une répulsion « faite moins de dégoût que de peur sacrée ». On aurait envie que des notes de ce genre soient développées.
Mais non, l'aventure nous attend. Alors, pouf, pouf, pouf, on court après parce que les horizons sont lointains et que le souffle reste court. La fiction, c’est parfois sportif, n'est-ce pas. Il nous en dit de belles choses lorsqu’il nous parle des vertus du mensonge d'ailleurs. Mais ça aussi, ça passe un peu vite.
Pouf, pouf, pouf. Cravachez ! Je ne suis pas sûr que j’irai à ce rythme au Brésil.

Toute la magie de l'Orient

10 étoiles

Critique de Esperluette (*, Inscrite le 19 juin 2002, 52 ans) - 20 août 2002

Après "L’Abyssin", "Sauver Ispahan" est le deuxième épisode de la vie de Jean-Baptiste Poncet, médecin et apothicaire français. Selon moi, il n'est pas nécessaire d’avoir lu le volume précédent. En revanche, on y retrouve les ingrédients qui ont fait son succès : Amour, aventure, suspense, exotisme et rebondissements.
Une fois de plus, Jean-Claude Rufin nous entraîne, à la suite de son héros, dans un périple échevelé. "Sauver Ispahan" possède ce même pouvoir d'envoûtement que "L’Abyssin". C’est un livre que j'ai dévoré et refermé avec regret.

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