Le tunnel de Ernesto Sábato
( El túnel)
Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine
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Une belle histoire d'obsession et solitude
Ce roman est déjà un classique en Espagne. Moyennant des petits chapitres et un style agile et trépidant, Sábato nous parle d´un peintre emprisonné pour l'assassinat de sa fiancée. Sábato parle de l'amour destructif, solitude et obsessions, il parle du tunnel dans lequel nous marchons et habitons tous, le noir tunnel que la vie est quelquefois. Aussi de ses conséquences moyennant le narrateur, l'assassin, désagréable mais humain.
Este libro es ya un clásico en España. A través de breves capítulos y un lenguaje ágil y trepidante, Sábato nos habla de un pintor encarcelado tras asesinar a su novia. Sábato habla del amor destructivo, celos, soledad y obsesiones, habla del túnel por el que cada uno caminamos en solitario nuestra vida. También de las consecuencias que eso conlleva mediante un narrador, el propio asesino, tan detestable como humano.
Les éditions
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Le tunnel [Texte imprimé], roman Ernesto Sábato trad. de l'espagnol (Argentine) par Michel Bibard [présentation par Jean-Marie Saint-Lu]
de Sábato, Ernesto Saint-Lu, Jean-Marie (Préfacier) Bibard, Michel (Traducteur)
Seuil / Points (Paris).
ISBN : 9782020239288 ; 6,20 € ; 15/03/1995 ; 139 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (6)
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Comme un oiseau en cage
Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 23 janvier 2013
Je suis un homme malade. Je suis un homme méchant. Je suis un homme déplaisant.
Car Juan Pablo Castel semble aussi seul dans son tunnel que Dostoïevski dans son sous-sol. Comme lui, il est animé d’un mépris sans bornes pour le monde qui l’entoure et dans lequel il évolue, à commencer par les critiques qui ne comprennent rien à son art. Car contrairement à Dostoïevski dans son sous-sol, Juan Pablo Castel est peintre ; et il nous apprend rapidement qu’il a tué sa maîtresse, Maria.
Ce récit est donc une confession dans laquelle l’assassin et surtout l’homme se livre. Cela commence comme commencent les aveux : avec des détours, comme si on voulait noyer le poisson, comme si on hésitait à se lancer comme un Empédocle au sommet de l’Etna. Parce qu’avouer, c’est se confronter à soi-même, à sa faute ; c’est un peu comme accepter la mort du soi tel qu’on voudrait qu’il soit. Dans ces premières pages, Castel n’en est pas encore au stade de l’acceptation. C’est plutôt la colère qui domine : il est agressif, imbu de lui-même, méprisant au point d’en devenir lui-même méprisable. Puis, les masques tombent lorsque paraît Maria, et Castel nous dit son amour fou, démesuré et immédiat pour cette femme qui fut la seule à comprendre son oeuvre et la seule à le comprendre lui. Et commence alors le récit d’une relation qu’on sait d’avance condamnée, qu’on aurait su condamnée même si on n’avait pas su Maria morte, même si on n’avait pas su Maria mariée ; qu’on aurait su condamnée parce que Castel est un homme malade, et que cela l’a transformé en un homme méchant et un homme déplaisant.
Castel nous dresse donc le tableau d’une relation sordide, malsaine, une relation où la langueur et le partage ne sont que le prélude à la jalousie, de plus en plus intense, à des disputes, de plus en plus violentes. Lecteur, on ne sait qui haïr (le mot n’est pas trop fort et c’est une grande force de ce livre de nous faire ressentir de tels sentiments, fussent-ils négatifs). On hait Castel pour sa jalousie, pour sa suspicion, pour l’exclusivité qu’il exige d’une femme qu’il sait mariée et qui ne lui a rien demandé. On hait Maria pour ses réponses équivoques, pour la froide distance avec laquelle elle traite son amant, pour ses silences, son absence et son égoïsme.
On en est à peu près là quand vient l’explication du titre, Le tunnel, et c’est un passage magnifique. Et alors, on comprend que l’on ne peut haïr personne. On comprend que ce roman est l’histoire d’un oiseau en cage qui, à travers ses barreaux, rêvait de vivre avec cette oiselle qui voletait librement de branches en branches en chantant de toute la force de ses petits poumons d’oiselle. Mais l’oiseau dans sa cage ne pouvait pas être libre. Alors il a rêvé de mettre l'oiselle en cage, quitte à ce qu’elle cesse de voler, quitte à ce qu’elle cesse de chanter, et peut-être même pour qu’elle cesse de chanter.
Parce que l’oiseau en cage était seul. Et prisonnier de cette solitude, il lui fallait détruire cette liberté dont il ne pouvait se saisir et qui le rendait malade, et méchant, et déplaisant.
C’est cette solitude que nous raconte Sabato. Il nous conte l’enfermement auquel conduit cette solitude et à quel point elle rend insupportable la liberté. Et nous, lecteurs, on se surprend à les plaindre ces personnages qu’on avait haïs, et même à s’en vouloir de les avoir haïs. On plaint Maria qui baigne dans son sang. On plaint Castel qui nous écrit de derrière sa cage, les ailes brisées.
La voix secrète de la passion
Critique de Leloupbleu (, Inscrit le 5 février 2012, 50 ans) - 5 février 2012
C’est là le tour de force de ce roman magnifique, d’entendre le héros se parler à lui-même comme nous nous parlons au plus profond de nos secrets. La force du livre est de nous voir immergés dans ce dramatique amour avec la force et la gravité de notre concorde d’amant, nous sentons que tout peut toujours s’arrêter tout près du bonheur, mais que de notre seule faiblesse nait cette complicité de pousse au crime qui va acculer le héros au pire, au fond de cette glissade interminable entre deux parois de verre, vers l’abîme du désespoir et de la honte.
Il y a dans ce livre l’intensité d’une tragédie Wagnérienne, une lente montée en puissance des cordes vers le hurlement solitaire de la violence au cœur de l’amour le plus absolu. Sabato écrit une partition sur l’amour avec l’acuité de celui qui sait. Des êtres se croisent et s’aiment mais ne se retrouvent jamais, il ne reste que ces voix entêtantes, celle du héros et la nôtre, qui se confondent comme deux ondes sœurs et qui nous laissent éblouis et meurtris.
Voilà un livre limpide, accessible, mais dont la force vous prend par quelque magie du texte et vous laisse pantois de désespoir et de plaisir mêlés. Sa rapide lecture vous laisse penser que vous avez gravi l’Everest des livres le temps d’un escalier, comme si vous aviez traversé des dimensions ignorées de votre univers habituel. Un très Grand petit livre, typique de la tradition littéraire sud-américaine, où le fantastique a l’odeur familière du quotidien.
Le tunnel
Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 29 juillet 2011
Avec ‘Le tunnel’, l’auteur se distingue de ses contemporains en adoptant une approche psychologique du personnage, de même qu’un développement thématique fortement teinté d’existentialisme, délaissant ainsi le réalisme magique qui marque l’œuvre de nombreux écrivains sud-américains.
L’histoire est celle de Juan Pablo Castel, artiste peintre vivant à Buenos Aires, qui, depuis la prison où il purge sa peine, dévoile comment il en est venu à tuer la seule personne qu’il ait aimée.
Au long des trente-neuf chapitres courts composant ce roman, le narrateur se livre et nous entraîne peu à peu dans l’univers cloisonné d’un homme immensément seul, prisonnier d’une solitude existentielle avec laquelle il négocie en oscillant entre sarcasme, humour noir et mépris. Puis, traversé par un éventail d’émotions, Juan Pablo trace avec précision l’évolution de sa relation avec Maria, depuis le premier regard jusqu’à son ultime soupir.
Entre confession et autoportrait, ce récit propose une réflexion sur le thème de la condition humaine et de la solitude existentielle, tandis qu’il expose, par le biais d’une relation amoureuse, l’incommunicabilité entre les êtres.
Sans toutefois être lourd et au gré de phrases habilement tournées, le récit progresse à un rythme constant, tandis que la tension psychologique augmente graduellement jusqu’à la fin.
L’écriture est agile mais sans superflus. La métaphore est bien tournée et les descriptions comportent de belles images. Les dialogues sont habilement intégrés au récit. Les personnages secondaires, décrits à grands traits par le narrateur, affichent un certain flou, un procédé qui contribue à la perspective monolithique.
Bref, partant d’un heureux mariage entre la forme et le fond, Ernesto Sábato a su concocter un roman dense, intense et puissant.
Un "étranger" argentin
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 85 ans) - 6 avril 2011
Je voudrais prendre cet ouvrage sous un angle un peu différent et le rapprocher de "L'étranger" de Camus qui, paraît-il, admirait beaucoup de livre. Si le héros misanthrope du "Tunnel" l'est parce que la société est pour lui incompréhensible, peuplée de sauvages et d'idiots, sa vie est minée par cette incapacité à communiquer avec ce monde trop vil pour lui. Il va donc chercher dans l'amour d'une femme qui paraît comprendre un de ses tableaux une réponse à ses obssessions et être tellement déçu par la réponse mitigée, insatisfaisante qu'il reçoit que cela va le conduire au meurtre. La parenté avec l'ouvrage de Camus est forte. Mais le héros de Sàbato se situe à la limite de la folie, envahi par ce que l'on peut décrire comme des délires paranoïaques et cela, à mon sens, diminue fortement la portée de l'exemple. Meursault, chez Camus, ne présente pas ces traits de caractère; c'est en quelque sorte un homme normal. Ainsi son sentiment d'étrangeté par rapport à la société porte une signification beaucoup plus intéressante que celle que Sàbato tente d'exposer.
Inéluctable tristesse
Critique de Jlc (, Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans) - 26 janvier 2010
A l’inverse du roman qui suivra, « Le tunnel » a une structure linéaire très simple : un peintre a tué la femme qu’il aime par jalousie et il se raconte car la littérature, comme la peinture, peuvent seules « consoler l’homme de l’imperfection du monde ». Mais il s’agit peut-être moins d’un roman sur la jalousie que d’une réflexion sur la solitude et l’angoisse dont la jalousie ne serait que l’illustration taraudante et perverse. Juan Pablo n’aime pas Maria pour elle mais pour lui, il ne la conçoit que par rapport à son narcissisme.
Ce thème de la jalousie sera aussi prégnant dans « Héros et tombes », jalousie exacerbée, parfois à son insu, par le personnage féminin. Maria, imprévisible et instable, ressemble par son mystère à l’excessive Alejandra et ses silences de "Héros et tombes". Alors que le jaloux veut des réponses aux conjectures qu’il a échafaudées, Maria répond : « Pourquoi y aurait-il des réponses à tout ? » et Alejandra « Dire la vérité à quelqu’un c’est dire la vérité d’un moment. » Elles sont très jeunes, l’une souveraine, l’autre « avec en elle quelque chose qui suggérait l’expérience ». Toutes deux se défendent en prévenant ici Juan Pablo, là Martin : « Je fais du mal à ceux qui m’approchent ». Vénéneuses comme des fleurs trop odorantes et trop belles qui créent, un moment, un désordre absolu et sensuel. Et c’est ici que la jalousie le cède à l’angoisse d’un monde absurde et d’une vie qui n’est qu’une « inutile comédie ».
On retrouve aussi le thème du bonheur qui n’est jamais absolu comme le croit l’enfance mais fugace, fragile et toujours « encerclé de douleurs ». On sait que dans ses romans Sabato donne aux aveugles, lui qui n’écrit plus depuis qu’il a perdu la vue, un rôle néfaste ou ambigu. Dans « Héros et tombes », il détaille le rapport sur un pseudo gang des aveugles. Dans « Le tunnel », titre significatif, il a fait du mari de Maria un aveugle, rôle tout aussi signifiant. En rapprochant ces deux livres, on voit se construire une œuvre dans sa cohérence, ses thèmes récurrents, son désespoir devant un monde qui court à sa ruine et dans lequel l’homme ne « serait qu’une suite de cris anonymes dans un désert d’astres indifférents ».
C’est un livre dur tant il décrit une cruauté qui devient paranoïaque dans sa forme de logique. Celui qui écrit est un malade d’angoisse, de solitude qui a peint une fenêtre au coin d’un tableau qui n’ouvre que sur le vide, que seule une femme a remarqué et qui en mourra pour n’avoir pas éclairé la fenêtre de sa chambre, rendant fou de jalousie et de haine ce peintre qui croyait l’aimer. C’est un livre noir car ne débouchant sur aucun avenir autre que l’inéluctable tristesse à laquelle nous condamne notre indicible solitude.
Un chef-d'oeuvre!
Critique de Eric-8 (, Inscrit le 27 janvier 2006, 65 ans) - 27 janvier 2006
Une écriture profonde et maîtrisée qui nous touche profondément et nous laisse en proie à une frayeur d'aimer un jour autant...
Une oeuvre de désir, de passion dont les personnages sont plus vrais que vrais.
Une histoire que vous n'oublierez pas de sitôt.
Eric-8
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