Les Versets Sataniques de Salman Rushdie

Les Versets Sataniques de Salman Rushdie
(The satanic verses)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Bluewitch, le 21 avril 2001 (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 551ème position).
Visites : 11 078  (depuis Novembre 2007)

Un roman qui valut une sentence de mort à son auteur

« Le respect de la liberté d’expression ne peut exiger la tolérance de l’intolérable. Ce sont les idées, quand elles sont néfastes, qu’il faut combattre ».
Au travers de ce roman provocateur et qualifié de « blasphématoire », Salman Rushdie a mis à jour « l’indicible » de la religion musulmane. Tournant en dérisoire la crédibilité du Prophète Mahomet/Muhammad, abolissant les idées dichotomiques de la religion (Bien et Mal se mélangent, Anges et Démons échangent leurs rôles…), attaquant le fondamentalisme islamique, l'auteur a écrit là un concentré de remise en question de la religion musulmane et de ses fondements.
Tous deux passagers du Bostan à destination de Londres, Gibreel Farishta et Saladin Chamcha sont les victimes d'un attentat terroriste. Leur avion explose et les voilà tombant du ciel, chantant et renaissant à leur nouveau rôle : archanges du bien et du mal. Miraculeusement rescapés, ils atterrissent sur une plage anglaise devant la demeure d’une vieille dame qui accepte de les héberger.
Alors que Saladin, l’homme aux Mille Voix, roi du doublage et immigrant anglicisé, se transforme lentement mais inexorablement en une créature mi-homme mi-bouc et est emmené par la police, Gibreel, célèbre acteur indien, comprend très vite son nouveau rôle d’ « Archange de la Récitation ». Il rêve… Comme dans un feuilleton, ses songes se succèdent et reprennent là où ils s'étaient arrêtés. Dans ces rêves, nous découvrons l’histoire du prophète Mahound, homme d’affaire de Jahilia, la cité des sables. S’insurgeant contre ses semblables, il clame l'existence d'un seul et unique Dieu et annonce à tous les versets qui lui sont récités par l'ange Gibreel. Accumulant les fidèles, il prône la véracité des versets qui dictent la conduite des croyants.
Autre rêve… Ayesha, jeune femme envoûtante, exhorte, suivant les consignes de l'archange Gibreel, tout un village à réaliser un pèlerinage vers la Mecque, à pied. Elle leur promet que la mer d’Arabie s'ouvrira devant eux et que les malades seront guéris.
Chacun tentant un retour à son ancienne vie, Gibreel et Saladin vont être les acteurs, les spectateurs d’aventures qui remettront en question les fondements de leur personnalité et de leur vision des choses.
Il serait bien trop long d'entrer davantage dans les détails de ce roman qui accumule les événements choquants, absurdes et les personnages insolites au point de dérouter le lecteur.
Ce qu’il faut retenir de ce roman, c'est bien les idées qu'il prône aux travers de cette comédie burlesque. Comme dit l’auteur lui-même « Les romans ne suppriment pas les règles mais posent des questions ». Et la question qui est le centre de ce livre est « de quel genre d’idée es-tu ? ». Autrement dit, sur quoi se base ta personnalité, tes croyances. Pourquoi fut-il qualifié de blasphématoire ? Les histoires de Mahound et d'Ayesha sont présentées sous forme d'allégories qui s’inspirent clairement d'événements religieux. Mais que penser quand les fables nous disent que Mahound consultait toujours son ange Gibreel, la voix de la vérité, en cas de besoin ? Mahound a plusieurs femmes, une dans chaque village qu’il veut convertir. Est-ce mal ? Il va voir l'archange qui le conforte dans ses actes. Il n'aime pas qu'elles montrent trop de personnalité. qu'à cela ne tienne, Gibreel édicte tout un ensemble de règles sur ce qu'elles doivent ou ne doivent pas faire.
Quand au pèlerinage vers la Mecque, il est symbole d’intolérance et d'aveuglement. Jusqu’où peuvent mener les convictions religieuses ? Jusqu'au crime. Il faut aller jusqu'au bout, sinon, Dieu vous punira, détruira vos récoltes. Il y a des morts ? Peu importe, laissons-les au bord de la route.
Ce livre est une Accusation avec un grand « A ».
La religion n'est qu’un outil de justification. « Les gens recherchaient des satisfactions éthiques dans le plus ancien des grands récits, c’est-à-dire, la foi religieuse ». Autrement dit, l’homme prête facilement des responsabilités à Dieu et à l'Histoire pour justifier ses actes.
On dénonce l'élitisme, la répression des femmes, l'intolérance et la violence. « La foi religieuse, qui exprime les plus hautes aspirations de l'espèce humaine, est aujourd'hui, dans notre pays, la servante des instincts les plus bas et Dieu est la créature du Mal ».
Pour ce livre qui met en évidence les limites confuses entre le Bien et le Mal, Salman Rushdie fut menacé de mort. La « Fatwa », décret religieux de mise à mort, fut lancée à son encontre et une énorme prime promise à celui qui l'assassinerait. « Il doit être tué », affirma l’Ayatollah Khomeini. On l'accusa d’être responsable de la mort de manifestants pakistanais, alors que le livre n’était même pas paru dans ce pays.
Sous protection des services secrets britanniques depuis plus de 10 ans, Rushdie vient enfin de voir la fatwa levée.
Un livre sur lequel il est préférable de se faire sa propre opinion et, bien que le style de Rushdie soit particulièrement déroutant, désorganisé, il est réellement intéressant de s'arrêter sur toutes les subtilités de ce roman qui eut le mérite de dire tout haut ce que la plupart pensent tout bas…

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Les éditions

  • Les versets sataniques [Texte imprimé], roman Salman Rushdie trad. de l'anglais par A. Nasier
    de Rushdie, Salman Nasier, A. (Traducteur)
    Plon / Feux croisés (Paris)
    ISBN : 9782259186667 ; 24,83 € ; 13/01/1999 ; 585 p. ; Broché
  • Les versets sataniques de Rushdie, Salman
    de Rushdie, Salman
    Christian Bourgois
    ISBN : 9782267007251 ; 5,61 € ; 01/07/1989 ; 584 p. ; Broché
  • Les versets sataniques [Texte imprimé] Salman Rushdie traduit de l'anglais par A. Nasier
    de Rushdie, Salman Nasier, A. (Traducteur)
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070437122 ; 10,90 € ; 12/01/2012 ; 752 p. ; Broché
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Scandale de la vérité

7 étoiles

Critique de Radetsky (, Inscrit le 13 août 2009, 81 ans) - 18 février 2018

On connait l'origine historique du principe "vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà". On aurait pu l'appliquer au travail de Salman Rushdie, substituant au terme "Pyrénées" celui d'Orient, ou d'Occident ce qui revient au même.
Dans la forme, c'est un roman picaresque, ou une synthèse entre les Mille-et-Une Nuits, Cervantès, Rabelais, les romans de Diderot ou Voltaire et tutti quanti. L'ironie, le fantastique, le fantasmé, la farce, la raillerie, la faconde ou l'observation fine des us, coutumes, vertus et tares mêlés des uns et des autres.
C'est souvent longuet, pesant dans les démonstrations et les sous-entendus, lassant dans les digressions qu'il faudrait en fait déclamer et mimer afin d'en extraire toute la saveur : il fut se fondre dans la scansion propre aux contes orientaux (sous-entendu écrits pas des orientaux), et les allusions pas toujours claires pour un Européen moyen, s'agissant de l'univers légendaire, religieux et social des musulmans indo-pakistanais.

Mais quoi ?? Pas de quoi fouetter un chat ni en appeler aux poignards !
Une fatwa émise par des imbéciles terrorisés par l'éternel ennemi des cuistres religieux ou non, en tout temps et en tout lieu : LE RIRE[:B].
Umberto Eco et son "Nom de la Rose" en ont décrit l'un des avatars.

Les cons n'ont aucun sens de l'humour, c'est bien connu. La démonstration en est administrée une fois de plus. Mais les cons sont dangereux et mortifères lorsqu'ils gouvernent (ou non)...!

Archange vs Démon Satyre

10 étoiles

Critique de Windigo (Amos, Inscrit le 11 octobre 2012, 42 ans) - 3 décembre 2012

Bon, au départ, j'ai lu ''Les versets sataniques'' parce que j'avais lu dans le journal Le Devoir du 24 et 25 novembre 2012 que l'auteur Salman Rushdie vivait dans la clandestinité pour avoir été mis sur la liste noire de la fatwa. Cela m'a intrigué. Mais, lorsque j'ai lu que c'était à cause de son roman ''Les versets sataniques'', cela m'a encore plus intrigué, à cause du titre de ce roman. Je m'attendais à un livre du genre ''La bible satanique'' d'Anton Lavey... Je me suis trompé dès le départ.

Mais, ''Les versets sataniques'' est un roman que je considère comme écrit intelligemment. Les quelques passages qui ont pu choquer autant la droite politique de l'Inde que la gauche de la Grande-Bretagne, je les ai adorés. L'auteur connait bien, justement, la politique de ces deux pays, pour y avoir résidé pendant plusieurs années. D'ailleurs, ce roman ce veut la critique virulente des croyances musulmanes du Moyen-Orient et de la politique de certains pays du monde.

Un accident d'avion tue tous les passagers, sauf deux personnages, qui sont les personnages principaux du romans. L'un des deux se transforme en archange, tandis que l'autre devient un démon. L'archange qui vit dans un pays du Moyen-Orient, se voit dans l'obligation d'entrainer tout les habitants d'un village dans un pèlerinage vers un lieu saint, tandis que le démon, vivant à Londres, doit tenter tout le monde à réfléchir par eux-mêmes. Une longue bataille s'ensuit entre le bien et le mal.

D'ailleurs, tous les éléments sont là pour scandaliser les fanatiques du Coran, sexe, violence, etc, etc... Par contre, il n'y a aucun élément de terreur, de fantastique ou d'horreur, tel que le décrirait Stephen King, Anne Rice, H.P. Lovecraft ou encore Robert Bloch, à l'exception de la description du personnage démoniaque, qui ressemble étrangement à un satyre ou encore au Dieu Pan.

Un excellent roman, qui est un peu dur et lourd à lire par endroit, mais excellent à mon avis, car il nous fait voyager d'un endroit à l'autre, et nous fait découvrir les horreurs de la secte Musulman qui se rapproche étrangement du satanisme, d’où le titre du livre ''Les versets sataniques''.

Illisible.

2 étoiles

Critique de Rouchka1344 (, Inscrite le 31 août 2009, 34 ans) - 19 mars 2010

J'ai peut-être dépassé les 200 pages mais il m'a été impossible de continuer tellement je m'ennuyais. Peut être est ce une erreur, mais quand on sait tous les livres qui restent à lire, les millions de livres, pourquoi perdre son temps?
Voila ce que j'ai ressenti avec Les versets Sataniques. C'est complètement incohérent, on parle de deux personnages pour ensuite parler de prophètes ou je ne sais quoi. Bref, je me suis perdue, je me suis complètement noyée. Il est sans doute important vu l'ampleur qu'il y a eu après sa parution mais pas pour moi!
A vous de voir, moi franchement ça ne m'a pas emballée!

Un monument de magie et d'humour

10 étoiles

Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 29 août 2008

J’ai longuement hésité avant de prendre mon clavier pour rédiger la critique d’un tel monument !
Commençons par faire place nette en évacuant la polémique avec les islamistes chiites et la fatwa : Rushdie entrelace plusieurs trames narratives dont le point commun est la personne de l’archange Gabriel qui a révélé à Mahomet le Coran. Il revisite à sa manière, avec ironie et irrespect, cette révélation et les débuts de l’Islam, la réussite de Mahomet qu’il appelle familièrement « l’homme d’affaire », il évoque l’épisode des versets « sataniques » (dans lesquels Mahomet reconnaissait l’existence des divinités de Médine, en violation du principe d’unicité de dieu), il présente un disciple dubitatif devant les révélations et qui joue à les modifier lors de la retranscription (en violation du respect de l’écriture et du dogme selon lequel le Coran est incréé et inimitable). De quoi exaspérer les fondamentalistes, mais il n’y a pas là pire que les critiques ou parodies auxquelles on a pu se livrer sur d’autres religions, à commencer par la religion chrétienne. Et quitte à être critiqué et parodié, autant que ce soit avec intelligence et humour par un Salman Rushdie (à moins que ce ne soit là que le bât blesse ?). Il est en tous cas recommandé, avant de débuter la lecture des aventures de Gilbreel et Chamcha, de se documenter sur Mahomet, l’Islam et le Coran mais aussi sur l’Angleterre sous Thatcher qui a droit elle aussi à une critique en règle avec ses inégalités, son traitement des immigrés et ses violences policières.
Deuxième propos préliminaire : il ne s’agit pas de « La lutte éternelle du bien contre le mal », comme a cru bon de le sous-titrer l’édition Pocket. C’est marginal et réducteur par rapport au bouillonnement du récit qui aborde bien d’autres questions : le doute et la foi, la révélation, la rédemption, la quête de l’identité, comment (re)devenir soi-même, comment grandir et devenir adulte ?

Après ces deux longs propos préliminaires… je n’ai plus grand chose à rajouter car tenter de résumer ou présenter l’intrigue ne pourrait être qu’une piètre caricature. Tous ces personnages possédés et parfois métamorphosés à la façon d’Ovide nous entraînent dans un tourbillon entre le rêve et le délire, l’hallucination et le miracle, dans un univers fantastique peuplé de symboles. C’est magique, déroutant, plein d’humour et parfois bouleversant. C’est certes difficile à lire à la fois en raison du style et de la structure narrative mais il faut se lancer, puis se laisser porter par le flot de l’histoire… et le relire quand on a fini car on en a laissé échapper !

PS : en insérant ma critique, je découvre celle de Bluewitch. Je pense que sa lecture anti-religieuse des Versets sataniques est assez outrancière et réductrice : même si S. Rushdie est athée et laisse parfois transparaître ses sentiments, son but n’était pas d'après moi (et d'après lui...) de faire un brûlot anti-islamiste ou une accusation avec un grand A. « Dieu merci » l’ouvrage est bien plus riche et soulève bien d’autres questions ! Par contre, pour ceux qui veulent connaître l’analyse de S. Rushdie sur l’islamisme et sa lutte contre la fatwa, je recommande la lecture de « Franchissez la ligne… » dont j’ai fait la critique.

Flamboyant...

8 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 4 novembre 2007

Salman Rushdie est un conteur merveileux et ce livre fourmille de ces histoires parfois merveilleuses, parfois très terre à terre, toujours très originales et l'on oublie le sort de ses héros principaux, auxquels il nous ramènera quelques pages plus loin.

Pour ma part je retiendrai le récit du détournement de l'avion par des terroristes exaltés mais très "humains" ; mais aussi le pélerinage désespéré de miséreux exaltés qui pensent parvenir à La Mecque en traversant la mer à pieds secs. Le plus émouvant, de mon point de vue est le récit de la mort du père de l'un des héros.

Une lecture exigeante qu'on ne regrette pas.

Certes...

9 étoiles

Critique de Lézard (Genval, Inscrit le 29 janvier 2004, 40 ans) - 21 juin 2006

...ce n'est pas facile à lire, c'est du burlesque, un florilège, dirais-je : Bollywoodien.

Typiquement Bollywoodien.

Mais cette écriture orgiaque est bien plus que ce qu'elle paraît : structure complexe et solide, intertextualités, références, anecdotes croustillantes, digressions philosophiques, chronologies renversées, réalisme et onirisme sens dessus dessous, etc.

On aurait tort de n'en parler que pour ce qu'il a provoqué. Et si "Le monde" dit : "un livre sur lequel il semble bon de se faire sa propre opinion", ce serait avant tout pour la qualité du livre et non pour se faire soi-même juge de la (non)-respectabilité des idées qui y sont transmises.

L.


Un livre unique!

1 étoiles

Critique de Rcapdeco (Paris, Inscrit le 19 mai 2005, 46 ans) - 19 mai 2005

C'est magnifique... Je veux bien sûr parler du courage de notre amie Bluewitch. Il en faut pour être allé jusqu'au bout de ce "livre".

Eh oui, en effet, c'est le seul livre au bout duquel je n'ai jamais réussi à aller (je vous rassure, ce n'est pas le seul que j'aie lu!). Vous savez, de temps en temps, ce livre qui reste sur votre table de chevet, des mois, vous lisez 150 pages, vous vous arrêtez parce que vous trouvez ça nul (et ça l'est!), vous reprenez 50 pages 2 mois plus tard (c'est toujours aussi nul, Bergson avait tort, sur toute la ligne!). Et puis vous vous arrêtez (vous comprenez que ça restera nul, c'est pavlovien. Ce qui différencie l'homme de l'animal, en toute chose, c'est la patience, rien de plus).
Peut-être avez vous aussi commencé un jour un livre de 700 pages, attendu 50, 80, 150, 200, 250 pages, que ça commence enfin. Eh bien non, CA NE COMMENCE PAS! Donc, ne lisez pas ces 250 premières pages (vous serez prévenus!).

Tiens, je vais m'arrêter là pour aller voir le dernier Starwars. Je sais, ça fait moins intellectuel qu'avoir "Les Versets sataniques" comme livre de chevet (et pendant des mois, quel intellectuel!) (en fait, je crois bien qu'il a fini par passer sous mon lit). Donc, Star Wars, ça fait moins intellectuel que ce "truc".

Mais au moins on sait quand ça commence...

(Sans rire, lisez plutôt du Céline, du Bazin, du Mauriac, du Harlequin même)

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