L'éthique de Baruch Spinoza
( Ethica)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie
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L'Ethique fait partie de ces ouvrages constamment à portée de main, que je relis souvent, à petites doses ou à grandes gorgées. Question d'humeurs et d'interrogations, besoin de pistes à suivre pour comprendre.
Une de mes premières lectures philosophiques, une confrontation brutale avec la liberté de penser prêtée à l'Homme, avec cette liberté qu'il possède de trouver des réponses si il creuse au plus profond de lui-même. Démarche poussée à l'extrême pendant les heures de souffrance, réponses pas toujours satisfaisantes mais découverte d'un mode de pensée radical qui offre enfin à la réflexion le développement de ses points de vue, offre à l'inconscient une passerelle de dialogue avec le conscient.
Etonnant d'ailleurs de constater que ce récit, qui affiche un âge vénérable, demeure d'une actualité criante. La liberté de penser ; le droit de penser ce que l'on veut et comme on veut sans avoir à craindre de se conformer avec obligation au monde réel. C'est rêver en quelque sorte, c'est l'imaginaire, c'est son univers propre, c'est la liberté, oui, pas d'autre mot. Peut-on aliéner la pensée ? Certainement, mais pas aussi facilement qu'on le croit et celui qui arrive à rendre inconsistantes les catégories morales ne peut qu'y gagner en potentiel de développement de ses propres idées.
Un autre principe important de la théorie spinozienne est de ne pas séparer l'émotion de la raison, à condition de pouvoir distinguer l'un et l'autre et d'arriver à les gérer ensemble et séparément à la fois. Exercice ardu !
En particulier lorsque Spinoza explique sans détour que l'homme s'entoure de faux besoins et accorde aux objets qui lui sont chers une vanité qui ne peut être que contraignante. Dans une telle situation, il semble impossible d'accéder, un jour ou l'autre, à la satisfaction suprême, or celle-ci doit bien exister quelque part, le tout est de la trouver, de suivre des principes éthiques qui permettront, en creusant un peu, d'enfin dénicher le bonheur ou la joie, ces notions étant relatives et dépendantes des personnes qui les pratiquent.
Réflexion à mener régulièrement, histoire de remettre les pendules de sa petite tête à l'heure de la sérénité.
Un petit extrait (Ethique - Livre III)
"J'en conviens, les affaires humaines iraient beaucoup mieux s'il était également au pouvoir de l'homme de se taire ou de parler. Mais l'expérience montre assez, et au-delà, que les hommes n'ont rien moins en leur pouvoir que leur langue, et qu'ils ne peuvent rien moins que de régler leurs désirs; d'où vient que la plupart croient que nous n'agissons librement qu'à l'égard des choses que nous désirons modérément, parce que le désir de ces choses peut être facilement contrarié par le souvenir d'une autre chose dont nous nous souvenons souvent ; mais que nous ne sommes pas du tout libres à l'égard des choses que nous désirons vivement et qui ne peut être apaisé par le souvenir d'une autre chose. Mais, en vérité, s'ils ne savaient par expérience que nous accomplissons plus d'un acte dont nous nous repentons ensuite, et que souvent, par exemple, quand nous sommes partagés entre des sentiments contraires, nous voyons le meilleur et suivons le pire, rien ne les empêcherait de croire que nous agissons toujours librement."
Les éditions
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L'éthique [Texte imprimé] Spinoza trad. et introd. de Roland Caillois
de Spinoza, Baruch Caillois, Roland (Traducteur)
Gallimard / Folio. Essais.
ISBN : 9782070328291 ; EUR 9,40 ; 13/01/1994 ; 398 p. ; Poche -
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De Dieu à la liberté
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 3 février 2021
Cet ouvrage est inscrit dans la lignée du Traité théologico-politique et constitue un testament personnel, par sa rédaction à la fin de l'existence de l'auteur. En plus de cela, il représente une étape incontournable de l'apprentissage de la philosophie, d'autant plus qu'il invite à la réflexion personnelle. Il est donc "à méditer".
La joie de l’esprit gouverné par la Raison
Critique de Colen8 (, Inscrite le 9 décembre 2014, 83 ans) - 15 février 2018
La forme qui se veut celle d’un traité de géométrie est ardue d’autant qu’il n’existe à l’époque aucun des outils conceptuels modernes issus de la théorie des graphes ou de la logique booléenne. Axiomes, définitions, postulats se succèdent donnant lieu à des séries de propositions suivies de démonstrations imbriquées les unes dans les autres quand ce ne sont pas que de simples paraphrases, souvent complétées de corollaires, lemmes et scolies(1). Le vocabulaire est abstrait lui aussi, fondé sur la substance, son étendue, son infinité, ses attributs, ses affections ou modes, son rapport à Dieu.
L’objectif du traité n’est autre que d’apporter des éléments sur la droite manière de vivre. Pour rendre néanmoins sa pensée plus accessible Spinoza introduit chaque partie d’une préface, la concluant d’un appendice. Dans cette édition Folio le traducteur a travaillé dans le même esprit en donnant en guise d’introduction une synthèse de sa philosophie et en postface une notice biographique du grand penseur de son siècle(2) décédé prématurément à 44 ans.
(1) Notes explicatives assimilées à des commentaires
(2) Avec Descartes, Pascal, Newton, Leibniz …
Notre âme au scanner
Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 26 mars 2014
Mais au fil de ses définitions, de ses explications, de ses axiomes, propositions, démonstrations, corollaires ou autres scolies, on finit par comprendre où il veut en venir.
Passé ce cap, on se rend compte que Spinoza arrive à disséquer les sentiments, les caractères; parvient à démontrer ce qui fait la grandeur ou la petitesse de l'âme.
Et au bout du compte on peut assez facilement confronter ses observations à nos propres observations du fonctionnement de l'être d'aujourd'hui, étant entendu que les démonstrations du philosophe sont intemporelles.
Par exemple, il parle à merveille du matérialisme quand il décrit l'importance surdimensionnée que donnent ses semblables aux objets, aux avoirs au détriment de l'être.
Frappant aussi, le nombre de fois qu'il évoque Dieu; mais à y regarder de plus près, ce n'est pas d'un dieu créateur dont il parle mais plutôt de la nature qui serait la vraie créatrice de toutes choses…..un concept qui n'était évidemment pas du goût des théologiens de son siècle.
Malgré ses 3 siècles et demi, voici un ouvrage qui n'a pas fini de nous en apprendre sur l'âme humaine….
Itinéraire vers la béatitude
Critique de Ngc111 (, Inscrit le 9 mai 2008, 38 ans) - 3 septembre 2011
Malheureusement votre interlocuteur ignorant tout de cette œuvre risque (fort logiquement) de se méprendre, et ce pour deux raisons :
- La première est que "itinéraire vers la béatitude" sonne comme un livre contemporain sur l'atteinte du bien-être, du genre de ceux qui vous conseillent les micro siestes au travail (pendant les pauses quand même !), une alimentation saine et variée et une activité physique régulière (comme prendre les escaliers et non plus l'ascenseur).
De ce fait la notion de philosophie se réduit comme peau de chagrin et votre interlocuteur risque de vous en vouloir après avoir acheté ce livre et s'être rendu compte de la "supercherie" qu'il s'est lui-même monté.
- La seconde est que le mot "béatitude" a une forte connotation religieuse et que votre interlocuteur fuira peut-être le livre s'il n'est pas croyant... ou croyant mais non pratiquant... juste baptisé et chrétien (par exemple) mais "sans plus".
L’Éthique est pourtant bien un guide en quelque sorte, mais un guide complexe et difficile d'accès qui s'attache non pas à redéfinir les notions de liberté, de passion, de désir... mais plutôt à rappeler leur sens véritable, à redonner à ces termes leur essence.
Et ce chemin vers la béatitude, s'il passe par la compréhension et la connaissance de Dieu, n'est pas un rituel religieux. Tout simplement car Dieu n'est, dans l’œuvre de l'auteur hollandais, en aucune façon un être anthropomorphique qui a crée le monde de sa volonté propre, mais plutôt la Nature au sens large du terme, qui existe par elle-même et crée de par son existence, et non par un acte volontaire. Et Spinoza de s'opposer à travers cette conception de Dieu aux théologies traditionnelles, à la vénération intéressée envers les créateurs prenant quelconque apparence, à la rétribution ou aux châtiments post mortem, à la gnoséologie habituelle... Tout ce qui a valu à Spinoza d'être traité d'athée !
D'ailleurs la béatitude de Spinoza n'a là encore rien à voir avec la béatitude religieuse, elle est la perfection même, la joie suprême, on ne l’obtient pas en guise de récompense, elle est la perfection. Une sorte de stade ultime à la joie que l'on peut atteindre, tous, et non pas une rétribution pour s'être comporté en accord avec des règles prédéfinies.
L'on touche là un point central du texte du philosophe, cette perfection est en nous et tout un chacun peut y prétendre, il n'est pas ici question d'élu, tout le monde peut potentiellement accéder à cette béatitude. La clef est la connaissance du troisième type, la connaissance de soi, de Dieu et l'amour intellectuel envers ce dernier.
Mais on l'a dit, et ce malgré l’universalité de cette notion de perfection, le chemin est difficile, ardu car il demande une connaissance nouvelle et inhabituelle.
Dans la forme, ce guide n'est pas non plus un parcours de santé avec sa construction géométrique, ces démonstrations rigoureuses et son cheminement relativement lent.
Au fond autant mathématique que philosophique, le traité de Spinoza enchaîne les axiomes, les corollaires et les scolies sans pitié pour son lectorat qui se demande alors combien de lectures il lui faudra pour appréhender toutes les idées du génial auteur.
Et l'on nous parle d'un itinéraire vers le bonheur ! A croire que cela se mérite... et que Spinoza avait tort en réfutant la notion de rétribution...
Indépendance à tout prix
Critique de Neithan (, Inscrit le 19 juin 2005, 37 ans) - 30 novembre 2005
Quoi de mieux pour (re)commencer mon périple sur C.L, que de vous parler d'un philosophe que j'estime énormément: Baruch de Spinoza. Philosophe difficile d'accès, il me fallut du temps pour le saisir, pour parvenir à penser avec lui et le cerner... Mais une fois cette difficile tâche accomplie, une fois la réflexion poussée à son maximum, force est de constater que sa philosophie n'est qu'un bijou, une perle rare...
La grande thèse de Spinoza est qu'il n'y a qu'une seule substance, infinie et unique, Dieu, qui se confond avec le monde, l'univers lui-même. (Dieu, c'est-à-dire la Nature). Mais qu'entendait-il par là? Que Dieu est éternel, et donc, surtout, intemporel: Les hommes qui vivaient il y a des milliers d'années, au bord des lacs et des montagnes, appartiennent à la même substance que nous tous...
Dès lors, la vraie nécessité chez Spinoza, c'est de reconnaitre au plus profond cette unique substance... L'homme a pour tâche de faire sienne la nécessité divine, afin de ne plus être l'esclave du désir humain: ici, Liberté et Nécessité ne font qu'un.
Quand nous imaginons que la contrainte de ce qui vient de Dieu est une nécessité allant à l'encontre de notre liberté, nous pouvons être sûrs que nous nous trompons. Il ne peut y avoir de liberté contre Dieu, puisque Dieu est tout, y compris nous-mêmes. L'indépendance se fait au sein de la nécessité.
Spinoza se situe ainsi à des années lumières d'un Dieu créateur et moralisateur; ce qui lui valut d'énormes problèmes de la part des différentes communautés religieuses de l'époque. Pas aussi puissant que Kant, pas aussi fort que Nietzsche, (selon moi), la philosophie de Spinoza est néanmoins une merveille de beauté qui se déploie dans ce livre, L'éthique, prônant l'amour intellectuel de Dieu:
Intellectuel parce qu'il s'agit de cerner la nécessité divine, amour car il s'agit de se reconnaitre et de coïncider en elle...
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