Est-ce que je te dérange ? de Anne Hébert

Est-ce que je te dérange ? de Anne Hébert

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Réaliste-romantique, le 10 mars 2005 (Inscrit le 10 mars 2005, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 719ème position).
Visites : 5 501  (depuis Novembre 2007)

Une atmosphère envoûtante

Ce court récit d'Anne Hébert se laisse dévorer. La construction du récit ressemble à celle des Fous de Bassan et de L'enfant chargé de songe : il débute par la fin et les clés de l'intrigue se cueillent tout au long du livre. La prose d'Anne Hébert recèle toujours beaucoup de poésie et on se laisse bercer par le rythme et la beauté de ses phrases. De plus, les repères temporels, tout comme les descriptions des lieux, sont rares et permettent aux personnages de bénéficier de toute notre attention.

Mais, souvent, lorsque je termine un livre court, j'ai l'impression que je retiens moins de ma lecture que dans le cas de livres sur lesquels j'ai dû "dormir" plusieurs nuits. Est-ce que je te dérange ? m'a confirmé cela, car les détails se sont déjà envolés de mon esprit. Néanmoins, l'impression crée par l'évolution des personnages dans leur monde éthéré ne m'a étrangement pas quittée. Ce n'est donc pas tellement les détails de ce livre qui importent, mais l'état d'âme qu'il sucite... et c'est pourquoi je vous le recommande!

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Les éditions

  • Est-ce que je te dérange ? [Texte imprimé], récit Anne Hébert
    de Hébert, Anne
    Seuil
    ISBN : 9782020323109 ; 9,13 € ; 06/02/1998 ; 137 p. ; Broché
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La Pouvoir de la parole

8 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 11 mars 2005

Avant de mourir d'un cancer, Anne Hébert, après avoir vécu 30 ans en France, a écrit deux romans ayant Paris comme toile de fond. Était-ce son adieu à une ville qu'elle a habitée et aimée? Ces deux oeuvres sont Un habit de lumière et Est-ce que je te dérange. Dans cette oeuvre, le narrateur, Édouard Morel, ressemble, la joie de vivre en moins, au héros de Philippe Delerm dans Il avait plu tout le dimanche.

C'est un homme désabusé qui rédige des textes pour un catalogue de vente par correspondance. Il vit emmuré dans son studio parisien, mais voilà qu'il trouve Delphine morte dans son lit. Il l'avait rencontrée, un jour, place Saint-Sulpice avec son ami Stéphane. La trouvant désemparée, ils lui avaient offert leur aide en échange de quoi la jeune femme se permit d'investir leur vie. Le roman trace le portrait de cette aînée d'une famille québécoise de quatorze enfants. Ne se reconnaissant que dans sa grand'mère, elle errait depuis sa mort à la recherche de l'âme compatissante. Elle la découvre dans la personne de Patrick Chemin qu'elle poursuit, croyant qu'il quittera sa femme. Finalement, l'héroïne en vient à former un triangle amoureux avec Édouard et Stéphane. Délaissant les mains moites de ce dernier, elle se rabat sur son ami, exaspéré de sa présence envahissante, mais trop faible pour contenir les assauts du désir. Si les deux compères acceptent sa présence, c'est qu'il voit que Delphine est une femme fragile accrochée à son enfance, ce cimetière de rêves où le Julien de L'Enfant chargé de songes s'attardait aussi.

Édouard voudrait bien se débarrasser de ce casse-pieds du Québec, mais il est séduit par la parole de cette femme qui profite de son écoute attentive pour se délester du poids de ses hantises. Anne Hébert accorde une importance capitale au pouvoir du discours, un instrument capable de réincarnation. Des propos anodins de Delphine surgit soudain une image claire de son destin pitoyable. Édouard se sent interpellé par cette parole dont il devine la force libératrice. Au contact de cette femme, il commence à s'interroger sur ce qu'il aurait enfoui lui aussi dans son jardin secret. En somme, contrairement au proverbe qui affirme que la parole est d'argent et que le silence est d'or, ce roman indique que la faiblesse origine de nos silences. Comme toujours, l'écriture d'Anne Hébert est envoûtante, mais, pour la première fois, l'auteur se permet de donner à son roman un ton familier, plus rassembleur du lectorat.

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