Le radis de cristal de Mo Yan

Le radis de cristal de Mo Yan
( Toumingde hongluobo)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Léonce_laplanche, le 3 mars 2005 (Périgueux, Inscrit le 22 octobre 2004, 87 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 358ème position).
Visites : 5 238  (depuis Novembre 2007)

Les gens l'appelaient Noiraud !

L'auteur est né en Chine en 1956.
Avant d'écrire, il a connu une longue période de misère pendant "Le grand bond en avant" de la révolution culturelle chinoise.
Ce petit livre de l'excellente collection Picquier-poche propose deux récits, d'importance et de longueur inégales :

Le déluge : 35 pages, il ne m'a pas intéressé car trop d'invraisemblances s'accumulent.

Le radis de cristal : 137 pages, celui-ci je l'ai beaucoup aimé car il présente un personnage d'enfant magnifique, énigmatique et inoubliable.
Nous sommes dans la campagne chinoise, et dans les années soixante.
On suit une petite tranche de la vie de Noiraud, un très jeune garçon qui n'a jamais connu qu'une extrême misère, et à qui on demande cependant d'apporter sa contribution à l'entretien de la commune. Il finira par être responsable du feu auprès d'un très vieux forgeron et de son assistant, garçon déjà fortement dérangé par la perte d'un œil.
Quant à Noiraud, l'excès de malheur lui a ôté l'usage de la parole, mais ses autres sens se sont développés en proportion inverse, et il a un contact privilégié avec la nature.
Ce que pense le jeune enfant, ce qu'il endure et ce qu'il souffre... on ne le saura jamais !
Ecriture simple, pas de spéculation intellectuelle, des faits, des détails, mais aussi beaucoup de non-dit !
Le lecteur est maintenu en équilibre entre un monde très réaliste et un autre monde plutôt fantastique et cauchemardesque.

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Prémices de l'oeuvre

6 étoiles

Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 74 ans) - 29 avril 2018

Ces deux textes respectivement écrits en 1984 et 1985 font partie des premières productions littéraires publiées de Mo Yan. Ils présentent néanmoins un intérêt tout particulier dans le contexte général d'une œuvre aujourd'hui abondante, en ce qu'ils la contiennent déjà en germe.

"Le radis de cristal" s'apparente , par son inspiration, à nombre de nouvelles dont certaines ont été regroupées à ce jour dans l'anthologie intitulée "L'enfant de fer" (*) sur le thème de l'enfance vécue dans le contexte terrible de l'époque maoïste marquée par la Grande Famine et le Grand Bond en avant et plus tard la Révolution culturelle.
Plus qu'à une histoire à proprement parler, c'est à un personnage et à un contexte qui entretiennent des liens étroits avec son propre vécu que l'auteur s'attache ici.
Le personnage central Noiraud, un petit gosse d'une dizaine d'années, chétif, laissé à l'abandon et maltraité par sa belle-mère, devenu insensible à la souffrance, s'est replié dans le silence et dans son monde à lui, cette nature qu'il observe, peuplée de ses petits habitants et dont le moindre bruissement parvient à ses sens exacerbés au-delà du normal.
Noiraud ne parle pas ou plutôt ne parle plus et pourtant on nous dit qu'il fut bavard. Rappelons que Mo Yan est un nom de plume qui signifie "celui qui ne parle pas" en référence aux consignes données par les parents dans une époque où la parole des enfants pouvait risquer de les faire suspecter de dérives contre-révolutionnaires. Lui aussi, dans sa petite enfance a souffert de la famine. Quelques années plus tard, mis au ban de l'école pendant la révolution culturelle, contraint de retourner aux champs garder le bétail, il connaîtra la solitude et développera ce contact privilégié avec la nature et les animaux qui irrigue toute son œuvre. Cet enfant auquel il prête quelques-unes de ses expériences ( le travail à la forge, le vol dans le champ et sa sanction) ici transfigurées, c'est un peu, beaucoup, de lui-même, d'où sa tendresse particulière pour ce personnage. Il dira dans son discours de réception du Nobel: " je considère que c'est là la plus symbolique de mes œuvres, la plus lourde de sens. Cet enfant à la peau toute noire, qui possède une résistance surhumaine à la douleur, ainsi que des facultés sensorielles hors normes est l'âme de ma création romanesque tout entière (...) aucun n'est si proche que lui de mon âme. " Une telle déclaration valait bien une lecture.
Par ailleurs, beaucoup d'éléments plus ou moins explicites, parfois associés à des critiques plus ou moins timides, font référence au contexte de l'époque, et déjà, comme souligné précédemment, est présente la dimension magique, merveilleuse (le radis de cristal) qui transcende la réalité.

"Déluge" qui complète ce recueil s'apparente à une autre veine, celle des histoires légendaires transmises de génération en génération et reliées au passé de la famille. Son intérêt majeur réside, à mon sens, en ce qu'il fonde l'origine historique du canton de Gaomi, ce lieu natal mythifié dans lequel Mo Yan a choisi d'enraciner son œuvre, une région décrite au départ comme marécageuse, inhospitalière. Dans ce lieu insalubre et inhabité mais idéal pour servir de refuge à des individus en rupture avec la loi, il installe le couple des aïeux du narrateur, venus là pour fuir leur acte criminel et protéger leur amour défendu, couple pionnier, fondateur. Ce n'est que par la suite que " brigands et racaille afflueront par milliers, construisant villages et hameaux et créant un monde bien à part - mais c'est une autre histoire."
L'épisode relate les circonstances de l'accouchement de l'aïeule dans le contexte angoissant d'une crue catastrophique suscitant alternance de phases d'optimisme et de désespoir (dans son fameux discours Mo Yan parle d'un texte intitulé "Crue d'automne" dont je n'ai trouvé trace nulle part; s'agirait-il du même texte ?).
J'ai trouvé la première partie de la narration bien construite sur une progression maîtrisée qui entretient le suspense. La suite s'avère en effet moins centrée et plus rocambolesque...

S'ils présentent donc un intérêt certain dans la perspective générale de l'œuvre, j'avouerai que ces récits ne m'ont pas plus emballée que cela. Peut-être pâtissent-ils encore d'une certaine faiblesse de charpente et de fins (ou d'absence de fins) assez frustrantes en ce qui me concerne. Il est probable aussi que mon appréhension aurait été différente si je n'avais pas déjà lu près d'une dizaine d'ouvrages de l'auteur dont nécessairement de plus aboutis.

(*)http://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/35785

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