La langue d'Anna de Bernard Noël

La langue d'Anna de Bernard Noël

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 26 février 2005 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 7 étoiles
Visites : 4 141  (depuis Novembre 2007)

« Je parle pour que ma langue soit plus rapide que la douleur »

Bernard Noël prête ses mots à la voix d’Anna Magnani, il incarne sa parole pour tenter de dire ce que cette comédienne qui s’est trop emplie des autres ne savait pas exprimer; pour lui faire expulser sous forme de langage ce tout qu’elle sentait vivre au fond d’elle sans pouvoir le rendre avec justesse.
Les figures de grands réalisateurs italiens accompagnent ce monologue inspiré : Rossellini qui fut le mari de Magnani avant sa rencontre avec le « glaçon suédois » et qui imposa son image « néo réaliste » au cinéma, Visconti et Pasolini qui furent des amis chers et Fellini sur lequel « elle » semble plus réservée.
Il ne s’agit pas d’un récit qui prétendrait à la vérité mais plutôt un texte qui prend appui sur la figure de cette grande actrice pour parler du langage et de l’identité.
Particularité de ce récit, toutes ces phrases commencent par « Je », et on peut le lire sans apercevoir (ce fut mon cas).

Néanmoins, comme souvent quand l’écrivain met trop en avant sa virtuosité littéraire et que son texte est bourré de poésie, le plaisir qu’on prend à cette lecture est différent que celui procuré par une écriture qui escamote ses trucs et ficelles et de la sorte s’insinue subrepticement dans notre mémoire pour s’y loger plus durablement.

Quelques phrases...

« Je ne sais pas le texte : je sens chaque soir le filet de sa voix particulière devenir la sonorité de la mienne, et c'est un plaisir sans pareil que cette copulation vocale dont les mouvements sont aussi bien des pulsions de sens que des flux de vie. »

« Je suis responsable, bien sûr de mes retraits, mais comment expliquer à quelqu’un qui contemple votre nudité que vous n’êtes pas vraiment nue? Je ne sais pas si mes impressions radiographiques relevaient du fantasme ou d’un désir d’exhibition lié à ce besoin d’outrepasser la nudité. »

« Je hurlais sous ma peau et ce cri rentré faisait coulisser dans ma gorge un bout de viande que je prenais pour la langue intérieure – la langue de la bête silencieuse qui dévore en moi les épouvantes et les douleurs, puis qui en expulse les restes entre mes cuisses. »

« J’ai beaucoup de corps, c’est-à-dire une viande assez lourde pour supporter le labour du délire.»

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Les éditions

  • La langue d'Anna [Texte imprimé], roman Bernard Noël
    de Noël, Bernard
    P.O.L. / Fiction
    ISBN : 9782867445972 ; 6,33 € ; 12/02/1998 ; 101 p. ; Broché
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