Mémoires de la véranda de Danièle Saint-Bois

Mémoires de la véranda de Danièle Saint-Bois

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 19 novembre 2025 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 78 ans)
La note : 8 étoiles
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Une vie à la campagne

Dans un texte qui charrie les mots comme les gaves pyrénéens charrient leurs flots, avec une écriture alerte, vive, débridée, colorée, emplie de formules fulgurantes, riche de mots et d’images fort expressifs dessinant sa campagne natale dans un texte haut en couleur où elle n’hésite pas à vilipender, parfois violemment, tous les autocrates autoritaires qui encombrent le planète et la mettent en danger, une grand-mère - l’auteure peut-être ? – dans sa véranda, balançant sur son vieux fauteuil à bascule, au son de son cric-crac, se remémore la vie qu’elle a vécue depuis son enfance et celle qu’elle connue à travers les autres femmes de sa vie : grands-mères, mères, filles, petites-filles, tantes, grands-tantes et même des aïeules de la littérature qu’elle affectionne particulièrement comme la nouvelle de Flannery O’Connor « Les braves gens ne courent pas les rues ». Elle attend, comme toute sa vie elle a attendu, de moins en moins patiemment que les gamins qu’elle a missionnés lui rapportent le CBD et la limonade qu’elle leur a demandé d’aller chercher au bourg.

A travers ses souvenirs toujours clairs même si les personnage qui ne sont jamais nommés, sont parfois un peu difficiles à identifier, elle fait revivre les femmes, la femme, telle qu’elles étaient dans des villages, restés très ruraux, perdus au fond des campagnes de la France du sud-ouest tout au long du siècle dernier. Elle raconte les femmes mariées sans avoir donné leur avis, délaissées, abandonnées, ne pouvant pas avouer leurs éventuels penchants sexuels, ayant la famille à charge tant à la maison que dans les champs ou ailleurs encore… Des femmes héroïques, comme la grand-mère qui reprend le mari qui l’a abandonnée quand il revient totalement ruiné, des mères qui doivent garder la tête haute et nourrir les enfants quand tout manque, gérer le peu et même parfois la misère sans jamais quémander.

Des femmes qui ont été aussi des enfants mal nourris, des enfants qui doivent avant tout compter sur eux-mêmes même pour assurer leur instruction, des enfants harceler par des membres de leur propre famille. La fillette, elle a appris à lire et a découvert le monde dans les livres du père, les magazines des salles d’attente et les revues des plus grands avant de le voir en image à la télévision et au cinéma. Un monde qu’elle voudrait arpenter et qu’elle semble connaître comme la Mongolie qu’elle aimerait visiter. La Fillette, elle était douce, calme, gentille, studieuse et douée, elle a appris dans les livres, elle n’a suivi aucune étude, elle est une parfaite autodidacte, elle a découvert les belles histoires et, en même temps, l’envie d’en écrire. Et, elle en a écrit, des pages et des pages qu’un jour elle a voulu publier mais tout ça c’est une autre histoire, une autre aventure, une suite d’épreuves, un parcours du combattant qu’elle a affronté avec toute son énergie. Elle n’a eu besoin que de sa plume, elle n’a pas eu recours au Smith & Wesson caché par le grand-père avant de disparaître, l’arme qui pourrait être utile pour mettre fin à une existence qui deviendrait trop pénible à vivre, l’arme qu’elle conserve comme un totem. Elle a fréquenté les milieux littéraires parisiens où elle a fait de belles rencontres et connus de grands déboires et parfois des envies de meurtre…

Ce livre c’est peut-être son dernier mais elle a une bonne dizaine de manuscrits dans ses tiroirs, ce livre c’est aussi un texte testamentaire, il contient un peu de tous les précédents, la vie de la grand-mère, son enfance, ses ancêtres, ses amours saphiques déçus, son mariage raté, ses déboires littéraires et tous les événements qui ont marqué le siècle dernier : les guerres avec ses morts et ses amochés, ... C’est encore la littérature assujettie au dictat de ceux qui imposent les règles qui leur conviennent… Dans son texte, la grand-mère interpelle le lecteur pour lui mettre sous le nez tout ce qu’il n’a pas vu, ou peut-être pas su ou pas voulu voir, de la vie des femmes des campagnes du Sud-Ouest au siècle dernier. Un livre qui se mérite, le lecteur ne sait pas toujours qu’elle est la mère, la grand-mère ou la fille qui parle mais l’essentiel consiste dans ce que ses femmes ont vécu et comment elles l’ont vécu.

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