Hazara Blues : Téhéran - Kaboul - Paris. de Reza Sahibdad (Scénario), Yann Damezin (Dessin)
Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers
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Mille et une nuits de cauchemar
D’origine afghane, Reza Sahibdad vit aujourd’hui en France où il s’est marié. Sous l’oreille attentive et empathique de Yann Damezin, il raconte son histoire, depuis l’Iran de son enfance où sa famille s’était réfugiée pour fuir un Afghanistan rongé par la guerre et les divisions. Mais tout n’était pas tout rose non plus en Iran, où ses compatriotes subissent des discriminations. Désormais, c’est en homme libre qu’il parle de son déracinement et de la douleur de vivre loin de ses proches.
Yann Damezin, que l’on avait découvert il y a six ans avec « Concerto pour main gauche » et qui nous avait littéralement éblouis avec « Majnoun et Leïli » trois ans plus tard, nous revient ici dans un registre différent. « Hazara Blues » est né de la rencontre avec Réza, cet Afghan qui, avec sa famille, avait dû fuir son pays, notamment en raison de l’emprise croissante des Talibans et des attaques contre la minorité ethnique hazara à laquelle il appartient. Dans ce témoignage particulièrement dense, l’homme évoque son rêve de devenir cinéaste dans un contexte très peu favorable, pas plus en Afghanistan qu’en Iran, où les réfugiés afghans sont rarement accueillis à bras ouverts… Discriminé dans son propre pays, Réza avait en outre le « tort » d’être afghan dans la république islamique.
Yann Damezin a ainsi mis en images l’histoire de ce jeune homme. Après sa flamboyante adaptation du conte oriental précité, véritable chef d’œuvre graphique, c’est peu dire que cet auteur était attendu au tournant. Tout comme la Boîte à bulles l’avait fait pour « Majnoun et Leïli », les éditions Sarbacane ont particulièrement soigné la qualité éditoriale, comme à leur habitude. En grand format, le livre bénéficie d’une superbe couverture agrémentée d’un vernis sélectif vert étincelant, qui suscite immédiatement l’envie de se plonger dans sa lecture. Malheureusement, après quelques dizaines de pages, il sera très difficile de masquer une certaine déception…
Bien sûr, l’initiative de Damezin d’évoquer la vie d’un réfugié reste tout à fait méritoire. Et on doit lui être reconnaissant de mettre en lumière une personne qui a appartenu à cette cohorte anonyme de ceux qu’on appelle pudiquement « migrants », en échange du qualificatif trop connoté d’« immigrés ». Dans la ligne de Fabien Toulmé avec « L’Odyssée d’Hakim », de Lucas Vallerie avec « Traversées », ou d’Antonio Altarriba et Sergio Garcia Sanchez avec « Le Ciel dans la tête », Yann Damezin vient documenter le parcours de ces hommes et femmes tout en leur donnant un visage, en leur rendant leur statut d’être humain digne de respect, à rebours de la xénophobie croissante qui se propage un peu partout à la faveur d’un système en déliquescence, consumé par le capitalisme, et ce à l’échelle internationale.
Là où on pourra avoir quelques réserves à l’endroit d’« Hazara Blues », et c’est mon cas, c’est avant tout sur le plan de la narration, qui souffre de longueurs et semble avoir été conçue dans l’improvisation. Et ce qui domine, c’est une impression simultanée de dispersion et de monotonie, avec une partie textuelle un peu redondante, des détails pas toujours très passionnants, même si on sent la volonté de l’auteur d’être respectueux dans sa démarche et de ne négliger aucun détail du parcours de Réza. Je suis obligé de l’admettre et cela me fait de la peine parce que j’attendais beaucoup de ce récit : je me suis ennuyé pendant cette lecture, et ma déception étant à la hauteur de mes attentes. De même, on ne retrouve pas l’émerveillement que l’on avait ressenti avec le graphisme sublime de « Majnoun et Leïli », ici très simplifié et par moments minimaliste à l’extrême. Comme si Damezin se contentait de reproduire à l’infini les gimmicks visuels de son univers, si unique soit-il. Les personnages, trop nombreux peut-être, sont ici représentés de façon assez sommaire, un peu froide et figée, et on a parfois des difficultés à identifier les visages. Quant à la mise en couleurs, l’auteur a opté pour une monochromie où domine le vert, avec des tonalités différentes selon les passages. On est loin du feu d’artifice de son conte oriental…
Objectivement, « Hazara Blues » n’est bien sûr pas à jeter aux orties. Certes, Yann Damezin avait mis la barre très très haute avec son précédent opus, mais celui-ci tient difficilement la comparaison, quand bien même il pourra toucher la frange du public la plus sensible au sort des personnes dans cette situation.
Les éditions
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Hazara blues [Texte imprimé], Téhéran, Kaboul, Paris Reza Sahibdad, Yann Damezin
de Sahibdad, Reza Damezin, Yann (Illustrateur)
Sarbacane
ISBN : 9782377319855 ; 29,50 € ; 20/08/2025 ; 240 p. Relié
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